En introduction, vous pouvez vous reporter à l’article Wikipédia sur le programme nucléaire militaire israélien, initié en 1956 par une coopération avec la France.
Source : Land Destroyer, le 31/03/2015
31 mars 2015 (Vladimir Platov – NEO) – Début février, le Pentagone a déclassifié des rapports concernant le programme nucléaire militaire mené par Israël jusqu’en 1987. Selon ces documents, les scientifiques israéliens étaient capables à cette date de produire une bombe à hydrogène. Bien que cette publication ait été largement ignorée par les médias occidentaux, certains analystes ont remarqué que la déclassification de ces rapports secrets coïncide avec la récente et rapide détérioration des relations entre les USA et Israël. Alors que Tel Aviv lançait une campagne massive de critiques envers l’administration Obama, à la fois dans les médias occidentaux et partout dans le monde, les révélations du Pentagone suivirent rapidement. Il est aussi intéressant de noter que seuls les éléments concernant le programme nucléaire israélien ont été déclassifiés, alors que les informations concernant d’autres programmes du même type de pays alliés membres de l’OTAN (en particulier, la France, l’Italie, la RFA) sont restées sous le sceau du secret.
Le rapport de 386 pages intitulé « Сritical technology assessment in Israel and Nato nations » [Evaluation des technologies critiques en Israël et dans les pays de l’OTAN] a été produit en 1987 par l’Institut pour les Analyses de Défense (IDA) et s’intéressait aux moyens dont Israël disposait déjà à cette époque nécessaires à la fabrication d’armes nucléaires. L’étude souligne particulièrement le fait que les laboratoires secrets d’Israël, engagés dans le développement d’une bombe atomique, étaient au même niveau que les principaux centres de recherche sur les armes nucléaires des USA : Los Alamos, Lawrence Livermore et Oak Ridge National Laboratory.
Selon ce rapport, les experts israéliens étaient parvenus au milieu des années 80 au même stade de recherche et de développement en matière d’armes nucléaires, en particulier de la bombe à hydrogène, que les scientifiques américains entre 1955 et 1960. Les experts d’IDA étaient assez courageux pour reconnaître que, dans certains domaines, les israéliens avaient même surpassé leurs collègues américains de l’époque, surtout ceux travaillant dans le centre de recherche israélien secret « Raphaël », qui avaient trouvé de nouvelles méthodes de réaliser la fission nucléaire leur permettant de créer leur propre version de la bombe à hydrogène.
A la lumière de ces faits, il serait intéressant de revenir sur l’article du Sunday Times du 5 octobre 1986 publié sous le titre « Revealed: The Secrets of Israel’s Nuclear Arsenal » [Révélations : les secrets de l’arsenal nucléaire israélien]. Cet article se fondait sur les révélations d’un savant atomique israélien – Mordechai Vanunu – qui a divulgué les secrets du programme nucléaire israélien.
En 1986, cet expert en armes nucléaires israélien, âgé de 31 ans, travaillait déjà depuis 10 ans au centre atomique secret Machon 2, enfoui sous terre dans le désert de Néguev et fabriquant des armes nucléaires dès le milieu des années 60. Les experts internationaux auxquels Mordechai a alors présenté les preuves et les images ont été totalement pris par surprise. Ils ont dû reconnaître qu’au milieu des années 80 Israël était devenu la sixième puissance nucléaire après les États-Unis, l’Union soviétique, la Grande-Bretagne, la France et la Chine, même s’il a tout fait pour dissimuler cette information. Même à cette époque, le potentiel nucléaire israélien était déjà beaucoup plus important que celui de l’Inde, du Pakistan et de l’Afrique du Sud, soupçonnés eux aussi de développer des armes nucléaires.
Selon ce scientifique lanceur d’alerte israélien, dès le milieu des années 80, l’état juif possédait des installations cachées de production de plutonium depuis plus de 20 ans, capables d’atteindre, à la longue, une capacité de production annuelle de 40 kilogrammes, suffisante pour produire 10 bombes nucléaires. Dans les années 80, Israël s’est également muni d’équipements nécessaires à la production d’engins thermonucléaires. En particulier un réacteur de fabrication française d’une capacité de 26 mégawatts a été amélioré par les israéliens pour atteindre une capacité de 150 mégawatts, ce qui a permis à Israël de se lancer dans la production de plutonium.
Les experts en armes atomiques, qui ont commenté l’article de Sunday Times, ont confirmé qu’Israël pouvait détenir déjà en 1986 entre 100 et 200 bombes atomiques.
Cette information permet de comprendre la volonté d’Israël de maintenir son monopole nucléaire au Moyen-Orient à n’importe quel prix, en empêchant ses adversaires potentiels de développer des armes nucléaires. Tel Aviv a par exemple lancé de manière totalement irresponsable des raids aériens sur le réacteur nucléaire irakien Osirak le 7 juin 1981 et continue à avoir la même attitude négative vis-à-vis du programme nucléaire iranien.
Au vu de ces révélations et de la reconnaissance officielle d’Israël par les USA comme une puissance nucléaire en possession d’armes nucléaires depuis plus d’un demi-siècle, il est impératif que les acteurs internationaux commencent à discuter de ce problème au sein de l’ONU, forcent Israël à signer le Traité sur la Non-prolifération d’Armes Nucléaires et contrôlent strictement les importations et exportations de telles armes par le gouvernement israélien.
Vladimir Platov, spécialiste du Moyen-Orient, pour la revue en ligne « New Eastern Outook« .
Source : Land Destroyer, le 31/03/2015
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
Vanunu libre de discuter du nucléaire israélien en prime-time
L’homme reconnu coupable de trahison pour avoir divulgué des détails de l’arsenal nucléaire israélien a été autorisé à mettre en garde contre le « danger » posé par « la poudrière de Dimona »
Aprèès des décennies de secret nucléaire, les censeurs militaires israéliens ont autorisé, de façon incroyable, l’espion nucléaire Mordechai Vanunu à donner une longue interview en prime-time à la télévision israélienne vendredi soir.
L’interview sur la Deuxième chaîne comprenait plusieurs révélations et anecdotes fascinantes, mais son aspect le plus spectaculaire était que Vanunu – auquel il était interdit de donner des interviews au terme de sa libération de 18 ans de prison pour trahison en 2004 – a été autorisé à parler librement, avec la pleine autorisation de l’establishment de la sécurité, de ce que son interlocuteur a qualifié de la divulgation de « l’un des plus grands secrets d’Israël ».
Technicien de 1976 à 1985 à la centrale nucléaire d’Israël de Dimona, Vanunu a révélé des preuves accablantes du programme nucléaire israélien au Sunday Times britannique en 1986, et publié des dizaines de photographies, permettant à des experts nucléaires de conclure qu’Israël avait produit au moins 100 ogives nucléaires.
À ce jour, Israël n’a jamais reconnu disposer d’un arsenal nucléaire, préférant maintenir une politique d’ « ambiguïté nucléaire » tout en jurant qu’il ne sera pas le premier à utiliser des armes nucléaires au Moyen-Orient.
Le moment de l’interview, vendredi, était particulièrement révélateur.
Israël venait de comprendre que ses efforts de lobbying n’ont probablement pas réussi à empêcher le Congrès d’approuver l’accord nucléaire des puissances mondiales avec l’Iran, qualifié par le Premier ministre Benjamin Netanyahu d’ « erreur historique ».
Netanyahu a maintes fois promis d’agir seul si nécessaire pour assurer que l’Iran ne se dote pas de l’armement nucléaire. Il y a deux semaines, la censure militaire a permis la diffusion à la télévision de conversations enregistrées sur bande, dans lesquelles l’ancien ministre de la Défense Ehud Barak révélait qu’à au moins trois reprises en 2010, 2011 et 2012, Israël était à deux doigts de frapper les installations nucléaires iraniennes.
Vanunu, aujourd’hui âgé de 60 ans, a été interviewé dans l’appartement d’un ami situé à Tel-Aviv. Il décrit un lent processus par lequel il a décidé, au cours de ses années de travail à Dimona, qu’il avait une obligation de révéler « aux citoyens israéliens, au Moyen-Orient et au monde » la nature de ce qu’il appelait « la poudrière » de Dimona : « les quantités, les nombres, les types ».
« Je voyais ce qu’ils produisaient et son importance », dit-il, qualifiant le programme nucléaire israélien d’ « échec » qu’il a « exposé », dans une critique manifeste de l’ensemble de la stratégie nucléaire israélienne.
Il raconte avoir apporté « un appareil photo ordinaire, un Pentax » dans l’établissement où il travaillait depuis neuf ans, peu après avoir appris qu’il allait être congédié, et avoir utilisé deux pellicules – soit l’équivalent d’environ 58 photos. Il n’a pas été suspecté parce qu’il était un habitué, et qu’il portait habituellement un sac à dos rempli de ses livres universitaires.
Il a ensuite gardé la pellicule pendant des mois, l’emportant à l’étranger, en Thaïlande, au Népal et en Australie avant de la développer à Sydney. « J’ai pris le risque que la pellicule soit abîmée, » dit-il.
Il nie avoir exposé le programme nucléaire pour se venger de la perte de son emploi, et avoir reçu de l’argent du Sunday Times ou autres pour ses révélations. Son avocat de longue date, Avigdor Feldman, travaille pour lui à titre bénévole, dit-il.
Vanunu décrit comment il a été attiré de Londres à Rome et arrêté – et s’être lié d’amitié avec l’agent « Cindy » (Cheryl Bentov), dans un guet-apens du Mossad. « Tout homme serait tombé » dans le stratagème, dit-il au journaliste Danny Kushmaro, « même vous ».
Il raconte qu’il est venu chercher Cindy, et non l’inverse, puis qu’ils ont traversé une rue à Londres. Il ne s’est jamais douté qu’elle était un agent jusqu’à ce qu’il se réveille trois jours plus tard, drogué sur un bateau en partance pour Israël. Elle avait suggéré qu’ils voyagent en Italie, où le Mossad a perquisitionné leur appartement et l’a maintenu enchaîné à un lit pendant sept jours. Même en Italie, il pensait que Cindy « était aussi une victime ».
A la question de savoir s’il était tombé amoureux d’elle, il dit : « Oui, non, je ne suis pas tombé amoureux d’elle. J’ai dit qu’une liaison pourrait s’être développée. »
Il dit que sa peine – 11 années sur 18 en prison dans un cachot – avait été radicalement injuste. Il a payé le prix, dit-il, de détruire la réputation du service de sécurité intérieure, le Shin Bet, en exposant le secret nucléaire. « Je m’en suis pris au Shin Bet, au Mossad, à l’armée, » dit-il.
Il ne dit pas qu’il n’était « pas un espion étranger », mais plutôt quelqu’un qui a agi comme il l’a fait « parce que je pensais que c’était le droit du peuple de savoir… Moi, Mordechai Vanunu, ai pris la responsabilité d’informer les citoyens du danger nucléaire… Dimona est très dangereux. »
Ce rôle a pris fin avec la publication du Sunday Times, dit-il. « J’en ai fini avec cette histoire. Je n’ai plus de secrets. »
Par conséquent, il a plaidé pour être autorisé à quitter Israël et à vivre à l’étranger avec sa nouvelle épouse norvégienne. (Il a épousé Pr Kristin Joachimsen à une cérémonie à l’église à Jérusalem en mai.) Il dit avoir voulu annuler sa citoyenneté. Il ne se sent plus Israélien et s’est converti au christianisme. Il s’interroge : « Pourquoi me gardent-ils encore ici ? »
Il dit qu’il serait prêt à s’engager à ne pas donner d’interviews s’il était autorisé à quitter Israël, mais il a semblé s’être rétracté. (Il a donné plusieurs interviews à la presse étrangère au fil des ans, en violation de ses conditions de libération.)
A plusieurs reprises, Israël lui a refusé l’autorisation de quitter le pays, en partie sous prétexte qu’il constituerait toujours une menace pour la sécurité.
Une nouvelle audience de la Haute Cour sur la question est prévue pour bientôt. (En 2007, Vanunu a été emprisonné pendant six mois supplémentaires pour violation de ses conditions de libération quand il a voyagé dans la ville de Bethléem en Cisjordanie, à bonne distance de sa maison de Jérusalem.)
Vanunu affirme avoir été puni plus sévèrement parce qu’il vient d’un milieu marocain pauvre. Mais il conclut simplement : « Ils devraient fermer l’affaire Vanunu ».
Commentaire recommandé
Non, ce ne sont pas les USA qui ont « aidé » Israël sur ce coup là.
C’est nous …..
Tout comme on était en train de le faire aussi pour l’Iran, avant que le Shah se voit bêtement renversé, ce qui a légèrement changé la donne.
S’il était toujours là (ou plutôt son Pouvoir) on peut très raisonnablement penser que l’Iran serait nucléarisé depuis un bon bout de temps à ce jour.
Nous étions aussi plus que mouillés avec l’Irak du temps de la « Lune de Miel » Franco-Irakienne, et Pour finir il y a eu un moment où ça a failli arriver également avec la Libye.
Les plus grands fauteurs de dissémination nucléaire c’est nous.
Enfin nous …. vous me suivez.
7 réactions et commentaires
http://www.arastiralim.net/ilk/wp-content/uploads/2010/01/İsrail-ve-İran-Nükleeri.jpg
+4
AlerterLa prochaine étape de la prolifération ? Un groupe privé ? Ou mieux, un groupe religieux qui attendrait son sauveur, ou bien encore, un groupe de fanatiques de la destruction créatrice ?
Nous ne sommes donc plus dans la dissuasion, mais dans l’usage probable….Pathétique !
+5
AlerterPour un scoop, c’est un scoop …
Qui leur a fourni l’arme nucléaire si ce ne sont les USA ????
200 bombes A ….. joli feu d’artifice en perspective ….
+3
AlerterNon, ce ne sont pas les USA qui ont « aidé » Israël sur ce coup là.
C’est nous …..
Tout comme on était en train de le faire aussi pour l’Iran, avant que le Shah se voit bêtement renversé, ce qui a légèrement changé la donne.
S’il était toujours là (ou plutôt son Pouvoir) on peut très raisonnablement penser que l’Iran serait nucléarisé depuis un bon bout de temps à ce jour.
Nous étions aussi plus que mouillés avec l’Irak du temps de la « Lune de Miel » Franco-Irakienne, et Pour finir il y a eu un moment où ça a failli arriver également avec la Libye.
Les plus grands fauteurs de dissémination nucléaire c’est nous.
Enfin nous …. vous me suivez.
+17
AlerterNon, ce n’est pas « nous », mais « certains » scientifiques du CEA après que De Gaulle ait officiellement interdit tout transfert de technologie nucléaire vers Israël.
Vous pouvez aussi vous renseigner sur « l’affaire des frégates », dans le même genre !
+3
AlerterBonjour,
j’ai soutenu il y a quelques années une thèse de doctorat sur le calcul d’opacités des plasmas chauds (le genre de plasmas qu’on rencontre dans les étoiles… mais aussi dans les explosions nucléaires). J’ai utilisé plusieurs articles publiés dans de bonnes revues écrits par des équipes franco-israéliennes, à propos du calcul de l’opacité des éléments lourds. La plupart de ces articles datent du début des années 1980.
Donc je peux affirmer que la France a contribué, au moins scientifiquement, au programme nucléaire militaire israélien.
+11
AlerterEuh, afaik, la collaboration CEA/Israël remonte à l’époque du grand Charles, où cette collaboration s’est faite dans son dos, au début des années 60…
Aussi, il y avait des savants français-jufs à la point du savoir dans ce domaine, toujours afaik.
+7
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