Observons l’évolution du PIB des États Unis depuis 1929 :
On constate qu’un sérieux coup d’arrêt a été mis à la croissance en 2008.
On observe à quel point la récession de 2009 a été majeure pour les 60 dernières années… On note toutefois que les récessions étaient plus fortes et fréquentes entre 1900 et 1940. On observe également le lent « atterrissage » du taux de croissance par décennie.
Observons maintenant l’évolution des composantes du PIB :
(NB. le total semble dépasser 100 % en raison du déficit de la balance commerciale, qui est donc négatif ; mais la somme des 4 éléments fait bien toujours 100%).
On observe bien le retournement qui s’opère au tout début des années 1980 avec la naissance du financiarisme :
- la part de la consommation des ménages augmente continûment, jusqu’à dépasser 70 %. C’est le consommateur qui tire la croissance, mais il le fait malheureusement à crédit, avec les conséquences que l’on connait ;
- la dynamique de l’investissement est cassée en 1980, moment de son pic historique. Sa part baisse jusqu’en 1993, puis remonte jusqu’en 2000. Il chute depuis lors, en particulier depuis 2007 ;
- les dépenses publiques soutiennent l’économie à partir de 1998, après une baisse temporaire ;
- le commerce extérieur plonge à partir de 1997, et pèse dès lors très négativement sur la croissance.
Observons alors l’impact des secteurs :
On observe que :
- la consommation des ménages est moins forte que dans les années 1990, tout comme l’investissement ;
- que le commerce extérieur a pu faire perdre jusqu’à 1 point de croissance aux États-Unis – ce qui est colossal ;
- que la chute de 2009 est du essentiellement à une chute de l’investissement.
Rappelons que sur ce graphique, la variation des stocks (en rose pale) n’est pas véritablement significative sur une année (même si elle impacte cette année là), car elle est en moyenne proche de zéro sur quelques années.
Toutefois, il convient de mener une seconde analyse, car la notion de PIB seule peut être grandement faussée par la démographie. Il est donc toujours intéressant, pour comparer 2 pays ou une période très longue, de revenir au PIB par habitant :
On observe bien la forte poussée de la croissance après 1945.
Comme les États-Unis disposent d’une démographie toujours vigoureuse et d’une large immigration, on conçoit qu’en fait la croissance réelle est bien moindre que ce que l’on raconte habituellement :
L’écart entre les deux notions est patent : bien sûr que la croissance est plus forte aux États-Unis qu’en France, mais c’est surtout parce que la population y augmente bien plus que chez nous…
Les États-Unis connaissent ainsi une croissance supérieure de 1 point à la nôtre (alors qu’entre 1960 et 1983, c’était le contraire), mais ramenée à de la croissance par habitant, l’écart est bien moins significatif. Sauf entre 1998 et 2006, mais ceci a correspondu à l’Âge d’or du financiarisme, avec une croissance achetée à crédit. Or, la facture arrive…
Terminons par une ultime comparaison entre nos deux pays : celle de la part de la consommation des ménages dans le PIB.
Pas besoin d’un long commentaire, l’impact du financiarisme est patent, avec une croissance tirée par un consommateur fou s’endettant plus que de raison pour consommer…
Ainsi, une large partie de la croissance américaine des 10 dernières années était en fait fictive, et le système est en train de se rééquilibrer, mais les montants à détruire sont tels que l’ajustement va être très douloureux.
Reste toutefois à savoir qui va devoir payer la facture : les pauvres ou les riches, ce qui est l’objet des débats actuels aux États-Unis.
3 réactions et commentaires
Je ne suis pas économiste, et m’excuse par avance si ma question est naïve ! Comment est-il possible que le PIB par habitant s’accroisse linéairement, voire très légèrement exponentiellement depuis les Trente Glorieuses (graphique « Evolution du PIB par habitant aux Etats-Unis, 1800-2010 »), si, sur cette même période, le taux de croissance par habitant diminue (avant-dernier graphique) ?
On devrait constater une forme logarithmique, comme le suggère Jean-Marc Daniel sur BFM le 27/12/2012 (« […] On s’aperçoit que les économies occidentales et singulièrement l’économie américaine sont à leur asymptote […]), non ?
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AlerterLe « financiarisme » est une notion créée récemment et qui ne recouvre aucune réalité, et est responsable d’interprétations économiques biaisées.
L’endettement des ménages américains a toujours existé, mais il n’a commencé à devenir réellement important par rapport à l’évolution du PIB qu’à la suite de la folie monétaire que Greenspan a déclenché en 2001 pour amortir les effets du 11 septembre.
Le vrai danger est l’endettement étatique, pas des ménages américains : depuis 2007/2008, nous assistons à un déleverage fantastique de la part de ces ménages, dont la baisse des dépenses a été compensée par l’état fédéral américain (d’où le peu d’inflation, car l’agrégat M3 n’augmente pas : les QE compensant à peu près le déleverage des ménages).
Au lieu d’accepter une récession salutaire et courte, l’état Obama s’est lancé dans une folie dépensière en croyant encore aux sirènes du keynésianisme.
La date de début de votre « financiarisation » est celle de l’accession au pouvoir de Reagan. On ne peut s’empécher d’y voir la critique habituelle des tenants de la « financiarisation » (Lordon et socialistes et compagnie) pour le méchant Reagan.
Or, la croissance des années Reagan n’est pas due à la financiarisation, mais à la baisse des impots qui a relancé l’activité économique, combiné à la hausse des dépenses de l’état pour gagner la guerre froide.
La croissance s’est prolongée dans les années 90 non pas grace à une « financiarisation » inexistante, mais grâce aux phénoménaux gains de productivité (seuls créateurs de croissance) liés aux progrès techonologiques de l’époque (informatique, etc …) et surtout à la bonne gestion de l’état fédéral de Clinton, seul président de ces 30 dernières années à avoir moins augmenté les dépenses de l’état que l’évolution du PIB.
Tout ceci a volé en éclat avec Greenspan et Bush, à base de gabegies budgétaires et délires monétaires que Bernanke et Obama continuent de plus belle.
La folie monétaire de Greenspan a déclenché l’inflation des actifs réels (pétrôle et immobilier) entrainant dans la foulée un endettement démesuré des ménages américains pour devenir propriétaires, incités par Bush et Clinton (non discrimination act) à l’origine des subprimes.
La vraie rupture est donc arrivée en 2001, et le responsable en est, comme toujours, la mauvaise gestion des budgets gouvernementaux, les réglementations absurdes et le délire monétaire.
La courbe de philips est une absurdité, pourtant Mr Bernanke semble encore y croire…
Bien cordialement,
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AlerterLa crise actuelle c’est un peu la revanche du Tiers-Monde sur les anciens colonisateurs. Car les 30 glorieuses se sont appuyées sur une énergie et des matières premières très bon marché, une absence de concurrence au niveau mondial (les français achetaient français) et une population où les plus âgés ne faisaient pas long feu (pas de problèmes de retraites). Aujourd’hui, c’est tout le contraire. Le pétrole et les matières premières coûtent un bras, la concurrence au niveau mondial est devenue féroce, avec l’entrée dans la danse des pays émergents, et la population occidentale, qui vieillit, fait exploser les dépenses de retraites et de maladie. Bref …Je ne vois pas trop comment sortir de cette crise et le déclin de l’Occident me paraît inévitable.
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