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9.juillet.20229.7.2022 // Les Crises

Accusé d’être un lobbyiste secret du Qatar, le président de Brookings démissionne

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Les autorités fédérales ont déclaré que le général quatre étoiles à la retraite John Allen a utilisé son courriel professionnel pour tenter d’influencer la politique américaine au profit de Doha.

Source : Responsible Statecraft, Eli Clifton
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le général John Allen (C), commandant de la FIAS en Afghanistan, attend, avant de témoigner devant la commission des services armés de la Chambre des représentants au Capitole à Washington, au sujet des « développements récents en Afghanistan », le 20 mars 2012. REUTERS/Larry Downing (ETATS-UNIS – Tags : POLITIQUE MILITAIRE)

Le général quatre étoiles des Marines à la retraite, John R. Allen, a démissionné de son poste de président de la Brookings Institution quelques jours seulement après avoir appris que des enquêteurs fédéraux l’accusaient de faire secrètement pression pour le compte du Qatar.

« John Allen a démissionné afin de garantir que Brookings pouvait continuer de poursuivre sa mission sans être perturbé », a déclaré un porte-parole de Brookings à Responsible Statecraft.

Allen – ancien commandant des forces de l’OTAN et des forces alliées en Afghanistan – aurait fait obstruction à l’enquête sur ses activités de lobbying, fourni une « fausse version des événements » aux agents fédéraux et utilisé son compte de messagerie de Brookings pour mener des activités cachées de lobbying au plus fort d’un embargo économique de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis à l’encontre du Qatar.

« J’invite [sic] le conseil d’administration de la Brookings Institution à accepter ma démission de la présidence de l’institution en tant que directeur général », écrit Allen dans une lettre obtenue par Responsible Statecraft et datée du 12 juin 2022. Il n’y fait pas de mention directe du procès-verbal l’accusant de ses activités illégales de lobbying mais déclare qu’il est fier du travail qu’il a fourni au sein du think tank.

Voici la conclusion de sa lettre de démission :

Bien que je quitte l’institution en ayan le cœur lourd, je sais que c’est ce qui est le mieux pour toutes les personnes concernées à ce moment précis. Je sais également que l’institution sera guidée avec sagesse par le conseil d’administration de Brookings et qu’elle sera dirigée de manière admirable et compétente par la direction qui subsiste. La Brookings Institution est un atout national et international, et le sera toujours. Je souhaite au conseil d’administration et à chaque membre de la famille Brookings le meilleur dans les jours difficiles à venir.

La lettre de démission d’Allen peut être consultée ici. Il a nié les allégations faites par les enquêteurs fédéraux.

Les enquêteurs fédéraux n’ont pas affirmé que quelqu’un à Brookings, autre qu’Allen, était impliqué dans le prétendu lobbying secret pour le Qatar. Mais son utilisation présumée des ressources de Brookings pour mener son travail pour le Qatar soulève des questions sur la relation lucrative de Brookings avec le Qatar et les implications éthiques du maintien de liens étroits avec un gouvernement étranger. Le Qatar a versé des dizaines de millions de dollars à Brookings pendant 14 ans avant que la relation de financement ne prenne fin l’année dernière.

« L’intégrité et l’objectivité des travaux de recherche universitaires de Brookings sont les principaux atouts de l’institution, et Brookings cherche à maintenir des normes éthiques rigoureuses dans toutes ses activités », ont déclaré les coprésidents du conseil d’administration de Brookings dans un courriel à la « Brooking Community » confirmant la démission de Allen. Ajoutant : « Nos politiques en matière d’indépendance et d’intégrité de la recherche reflètent ces valeurs. »

Source : Responsible Statecraft, Eli Clifton, 12-06-2022
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises


Les autorités fédérales accusent le général Allen, président de Brookings, d’avoir exercé des pressions illégales en faveur du Qatar.

Le général quatre étoiles à la retraite aurait utilisé son rôle au sein du principal groupe de réflexion pour influencer la politique américaine en faveur de Doha.

Source : Responsible Statecraft, Eli Clifton et Ben Freeman
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

John Allen, président de la Brookings Institution, présente le général des Marines Joe Dunford, président des chefs d’état-major interarmées, avant qu’il ne participe à un débat organisé avec Michael O’Hanlon, associé principal à la Brookings Institution, dans l’auditorium Falk de la Brookings Institution à Washington, le 29 mai 2019. Brookings a accueilli le général Dunford pour une discussion sur le contexte de sécurité nationale auquel l’Amérique est confrontée, l’état des forces armées de la nation et les choix de défense clés pour l’avenir. (Photo DOD par le quartier-maître de la marine américaine de 1re classe Dominique A. Pineiro)

MISE À JOUR : Brookings a placé John Allen en congé administratif suite à la publication du mandat de perquisition alléguant des « preuves substantielles » indiquant qu’Allen a enfreint les lois sur le lobbying étranger, fait de fausses déclarations aux enquêteurs fédéraux et retenu des documents « incriminants », rapporte l’Associated Press.

Selon les enquêteurs fédéraux, l’actuel président de l’un des groupes de réflexion les plus importants et les plus influents de Washington, la Brookings Institution, aurait exercé des activités de lobbying illégales au nom du Qatar, fait obstruction à l’enquête, fourni une « fausse version des faits » aux agents fédéraux et utilisé son compte de messagerie de la Brookings Institution pour entreprendre ses activités de lobbying secrètes au plus fort de l’embargo économique décrété par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis contre le Qatar.

Le rôle de John R. Allen, général quatre étoiles des Marines à la retraite et ancien commandant des troupes américaines et de l’OTAN en Afghanistan, dans les activités de lobbying présumées illégales, a été détaillé dans un mandat de perquisition, déposé en avril auprès du tribunal fédéral de district de Californie centrale, qui a été brièvement rendu public mardi dernier.

Le dossier, qui a depuis été retiré de la circulation mais dont l’Associated Press a fait état pour la première fois mardi soir, affirme que Allen a participé à une campagne de lobbying illégale et non déclarée en faveur du Qatar, aux côtés de l’ancien ambassadeur des États-Unis aux Émirats arabes unis et au Pakistan, Richard G. Olson, et de l’homme d’affaires Imaad Zuberi.

Olson a plaidé coupable d’avoir participé à cette campagne de lobbying et d’avoir violé l’interdiction qui lui avait été faite de s’engager dans ce type d’activité pendant un an après avoir quitté le corps diplomatique. Imaad Zuberi purge actuellement une peine de prison pour avoir enfreint les règles relatives au lobbying étranger, au financement des campagnes électorales, aux lois fiscales et à l’obstruction de la justice.

Il n’y a aucune allégation selon laquelle quelqu’un à Brookings, autre qu’Allen, a été impliqué dans la campagne. Mais l’utilisation présumée des ressources de Brookings pour mener à bien son travail pour le Qatar, les dizaines de millions de dollars de financement versés par le Qatar à Brookings sur 14 ans – la relation de financement a pris fin l’année dernière – et le rôle d’Allen en tant qu’associé principal de Brookings lorsque les crimes présumés ont été commis soulèvent des questions sur la relation lucrative de Brookings avec le Qatar et les implications éthiques du maintien de liens étroits avec un gouvernement étranger.

Brookings interdit clairement les activités précises dont son président est maintenant accusé. « L’institution et son personnel, y compris ses chercheurs, ne peuvent s’engager dans des activités qui constituent du lobbying, qui obligent Brookings à s’enregistrer en tant qu’agent étranger en vertu de la loi sur l’enregistrement des agents étrangers, ou qui pourraient autrement remettre en question l’indépendance et l’objectivité de la recherche de l’institution », peut-on lire sur le site Web de Brookings.

Le mandat fait état de multiples cas où Allen a utilisé sa position – et discuté de son rôle à Brookings – ainsi que les ressources et les événements de l’institution, pour faire avancer son travail illégal de lobbying étranger pour le Qatar.

Dans un courriel du 8 juin 2017 qui, selon les enquêteurs fédéraux, a été retenu par Allen et Olson en réponse aux assignations du grand jury, Allen écrit à Olson et Zuberi :

« Je suis prêt à prendre l’avion demain pour me rendre à Doha et en revenir pendant le week-end afin de discuter avec les parties concernées sur place. Il ne m’est pas possible de faire une proposition avant de prendre l’avion le vendredi, car j’ai des obligations contractuelles et juridiques avec plusieurs entreprises, ainsi qu’avec Brookings, de soumettre à leur examen juridique tout accord d’emploi, au-delà de mes relations actuelles avec elles. Je n’ai aucune raison de croire qu’ils ne devraient pas approuver notre arrangement, mais il n’est pas possible de le faire avant demain. Ce que nous pouvons faire, c’est appeler et traiter ma visite à Doha ce week-end comme une intervention, ce que j’ai déjà fait auparavant, pour laquelle je serais rémunéré à mon taux normal. Nous pourrions ensuite mettre au point les modalités d’une relation à plus long terme au cours du week-end, pendant que je ferais la navette. Je soumettrais ensuite cette proposition à mon avocat et aux autres entreprises. […] Veuillez me faire savoir avec qui je dois travailler pour l’organisation de mon voyage. »

Brookings n’a pas répondu aux questions visant à savoir si Allen a informé Brookings de son travail, quel est le montant total de la contribution du gouvernement du Qatar à Brookings, si le financement de Brookings par le Qatar a joué un rôle dans la décision de l’institution de nommer Allen président, ou si Brookings examine les implications éthiques ou juridiques de son financement par le Qatar.

Les documents déposés affirment :

Selon les documents fournis au gouvernement par Allen, peu de temps après, à l’heure du déjeuner, Allen a assisté à un forum organisé par Brookings, dans lequel intervenait H.R. McMaster, alors conseiller à la sécurité nationale des États-Unis. Allen a par la suite relaté dans un courriel adressé à McMaster et à d’autres responsables du Conseil national de sécurité (NSC) une conversation dans une salle d’attente avant la conférence. Allen y a informé McMaster et d’autres qu’il était « proche des Qataris depuis longtemps, et qu’il avait la confiance de leurs « principaux dirigeants ».

Les enquêteurs ont poursuivi en affirmant que « le lendemain matin, le 9 juin, Allen a envoyé un courriel à McMaster et à d’autres personnes du NSC, en utilisant un compte de messagerie de Brookings, pour transmettre le point de vue du Qatar sur la crise et faire une demande au nom de ce gouvernement étranger », afin que la Maison Blanche œuvre pour mettre fin au blocus.

Quelques mois seulement après le début de cette présumée campagne de lobbying du Qatar, en juin 2017, la Brookings Institution a annoncé en octobre 2017 que le général Allen deviendrait son prochain président. Allen était auparavant le président pour la sécurité et la stratégie dans le programme de politique étrangère de Brookings où, selon le mandat, Allen a utilisé son compte de messagerie officiel de Brookings à de multiples occasions pour des communications liées au Qatar.

Brookings, pour sa part, semble coopérer avec les enquêteurs fédéraux qui cherchent à accéder au compte de messagerie d’Allen et donne accès aux messages électroniques qu’Allen est accusé d’avoir dissimulés.

« John Allen a volontairement coopéré avec l’enquête du gouvernement sur cette affaire », a déclaré Beau Phillips, porte-parole d’Allen, à Responsible Statecraft. « Les efforts de John Allen concernant le Qatar en 2017 visaient à protéger les intérêts des États-Unis et du personnel militaire stationné au Qatar. John Allen n’a reçu aucune rémunération pour ses efforts. »

Si les liens d’Allen avec le Qatar restent des allégations, les liens de Brookings avec la puissance pétrolière du Golfe sont clairs – Brookings a reçu des dizaines de millions de dollars du gouvernement qatari.

Parmi les think tanks, Brookings est l’un des principaux bénéficiaires de financements étrangers. Et, aucun autre pays n’a donné plus à Brookings ces dernières années que le Qatar. Lorsqu’Allen est devenu président de Brookings en 2017, par exemple, le think tank a inscrit le Qatar dans le peloton de tête des donateurs qui fournissent « deux millions de dollars et plus. » On ignore jusqu’à quel point le Qatar a donné « plus de » 2 millions de dollars à Brookings, mais d’après ce qui a été révélé publiquement, le Qatar a donné au moins 10 millions de dollars au think tank depuis 2014. Cette année-là, le New York Times a révélé que Brookings avait reçu une subvention de 14,8 millions de dollars pour financer une branche de Brookings à Doha et un projet spécial sur les relations des États-Unis avec le monde islamique.

La question de savoir si et comment cet investissement dans un groupe de réflexion américain a profité au Qatar reste ouverte, mais Saleem Ali, qui a été chercheur associé au Brookings Doha Center au Qatar, a expliqué au Times que lors de son entretien d’embauche, on lui a dit qu’il ne pouvait pas critiquer le gouvernement qatari dans son travail. « Si un membre du Congrès utilise les rapports de Brookings, il doit savoir qu’il n’obtient pas toute l’histoire… Il ne s’agit peut-être pas d’une fausse histoire, mais pas de l’histoire complète », a expliqué Ali.

Indépendamment de l’impact éventuel du financement de la Brookings par le Qatar, ces accusations à l’encontre de son président serviront d’avertissement aux groupes de réflexion de Washington qui, collectivement, reçoivent des dizaines de millions de dollars de pays étrangers chaque année.

Brookings n’a pas répondu aux multiples demandes de commentaires. Cet article sera mis à jour s’il le fait.

Source : Responsible Statecraft, Eli Clifton et Ben Freeman, 08-06-2022
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Hiro Masamune // 09.07.2022 à 10h22

Je me souviens plus quel mec de la CIA disait « Tout ceux qui ont plus de deux étoiles ont des parents ou des amis ». Rien de neuf donc.
Sinon c’est quoi le message en creux ? Le Quatar c’est mal , l’AIPAC c’est bien ?

5 réactions et commentaires

  • Hiro Masamune // 09.07.2022 à 10h22

    Je me souviens plus quel mec de la CIA disait « Tout ceux qui ont plus de deux étoiles ont des parents ou des amis ». Rien de neuf donc.
    Sinon c’est quoi le message en creux ? Le Quatar c’est mal , l’AIPAC c’est bien ?

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  • Kaki // 09.07.2022 à 11h19

    Le Qatar c est les frères musulmans, l Arabie saoudite c est les wahabites. Les FM veulent reprendre l’initiative suite à l ‘OPA de la saoudie sur la politique étrangère. Chaque pays fais son lobbying et je suis persuadé que cela ne dérange pas les États Unis d’ avoir du lobbiyng arabe, cependant cela dérange fortement la saoudie qui voit son influence attaquée, le modèle wahabites serait il en perte de vitesse.J’aimerais bien savoir ce que cela va donner dans les cités françaises ?

      +4

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  • Marie Colin // 09.07.2022 à 19h49

    Si j’ai bien lu « Olson a plaidé coupable d’avoir participé à cette campagne de lobbying et d’avoir violé l’interdiction qui lui avait été faite …. Imaad Zuberi purge actuellement une peine de prison pour avoir enfreint les règles relatives au lobbying étranger, au financement des campagnes électorales, aux lois fiscales et à l’obstruction de la justice –
    Force reste donc à l’éthique : les étoilés et diplomates sont vaguement inquiétés mais Imaad Zuberi (on ne sait pas qui il est dans cette affaire) est en taule – un vrai « méchant » sans doute !

      +2

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  • pseudo // 10.07.2022 à 04h06

    Le Qatar oeuvre à la guerre sur le sol eurasiatique. réveillez vous.

    Il sort gagnant, pendant, et après ce funeste évènement. Les Russes, les Chinois, tout aussi vautrés dans le capitalisme que les américains et les européens sont plongés dans la même corruption systémique. D’autres auraient dit, donnez moi le controle de la monnaie et j’agiterais les gouvernements à ma guise. En 2022 le monde a changé, on en fait tout autant avec le pétrole.

    La science admise de la géopolitique, et ses avatars, corrompus comme ils sont, le démentira, notamment car il se refuse à faire l’exercice d’une vision à plus de 100 ans.

    Les apparences sont trompeuses, les bourdes cumulées des représentants de tel et tel pays n’en sont pas.

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  • RGT // 10.07.2022 à 09h23

    « l’indépendance et l’objectivité de la recherche de l’institution »…

    Toutafé…

    Les seuls à qui la Brookings doit allégeance sont les USA et leurs alliés indéfectibles car c’est « pour le bien ».

    En attendant, vu les sommes reçues (et qui ne lui seront surtout pas réclamées) ce général pourra vivre une retraite heureuse à l’abri du besoin, ainsi que tous ceux qui ont pu profiter de la manne céleste.

    Ne vous en faites pas, en France, la Qatar se montre aussi très généreux envers les « élites » françaises qui se trouvent dans le besoin au sommet de l’état.

    Nous vivons bel et bien en corruptocratie et les « élites » occidentales n’ont strictement rien à envier aux oligarques ukrainiens.

    Et si l’on souhaitait faire un peu de ménage et « drainer le marais » il ne resterait plus grand monde à la tête de l’état.

      +5

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