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27.août.202427.8.2024 // Les Crises

Après le massacre de Mawasi, Israël continue de se soustraire à ses responsabilités

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L’ONU et plusieurs pays ont condamné le bombardement, qui visait des milliers de Palestiniens déplacés vivant sous des tentes.

Source : Truthout, Amy Goodman, Democracy Now !
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

L’armée israélienne a mené l’une de ses attaques les plus meurtrières depuis des semaines en bombardant al-Mawasi à Khan Younis – désignée comme « zone de sécurité » – tuant au moins 90 Palestiniens et en blessant des centaines d’autres samedi. Israël a affirmé qu’il visait le chef militaire du Hamas, Mohammed Deif, mais le groupe a nié que Deif ait été touché. Israël a également frappé une mosquée de fortune pendant la prière de midi dans le camp de réfugiés de Shati, à l’ouest de la ville de Gaza, tuant 20 personnes, et une école des Nations unies abritant des milliers de Palestiniens déplacés dans le camp de réfugiés de Nuseirat, tuant 22 personnes. Nous nous entretenons avec l’écrivain et analyste Muhammad Shehada, chef de la communication de l’Observatoire euro-méditerranéen des droits humains, qui déclare : « Nous sommes face à une situation où l’on dit à Israël : Vous pouvez faire ce que vous voulez, tout ce que vous voulez. »

Amy Goodman : Ici Democracy Now !, democracynow.org, The War and Peace Report. Je suis Amy Goodman, en direct de la Convention nationale républicaine à Milwaukee, dans le Wisconsin.

Les avions militaires et les drones israéliens continuent de bombarder des zones de la bande de Gaza, tuant plus de 80 Palestiniens au cours des dernières 24 heures. Cet assaut se poursuit après l’attaque israélienne de samedi contre al-Mawasi, un quartier de Khan Younis désigné comme zone de sécurité, qui a tué au moins 90 Palestiniens, dont la moitié étaient des femmes et des enfants, et en a blessé plus de 300, l’une des attaques les plus meurtrières à Gaza depuis des semaines. L’ONU et plusieurs pays ont condamné le bombardement, qui visait des milliers de Palestiniens déplacés et entassés dans des tentes.

L’armée israélienne a affirmé, sans preuve, qu’elle visait le chef militaire du Hamas, Mohammed Deif. Toutefois, le Hamas nie que Deif ait été tué. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a déclaré lors d’une conférence de presse télévisée samedi qu’il n’était pas certain qu’il ait été tué. Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a néanmoins salué l’attaque, affirmant que le Hamas perdait sa capacité à s’organiser, à s’armer ou à soigner les blessés.

Samedi également, l’armée israélienne a frappé une mosquée de fortune pendant la prière de midi dans le camp de réfugiés de Shati, à l’ouest de la ville de Gaza, tuant au moins 20 Palestiniens. Puis, dimanche, des frappes aériennes israéliennes sur une école des Nations unies abritant des milliers de Palestiniens déplacés dans le camp de réfugiés de Nuseirat ont tué au moins 22 personnes et en ont blessé plus d’une centaine d’autres.

Par ailleurs, les secouristes affirment avoir trouvé au moins 60 corps sous les décombres du quartier Shuja’iyya de la ville de Gaza, après qu’Israël se soit retiré de la zone la semaine dernière, après l’avoir laissée en ruines.

Ce week-end, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a déclaré lors d’une conférence de donateurs pour l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) : « Alors que nous pensions que la situation ne pouvait pas être pire à Gaza, d’une manière ou d’une autre, les civils sont poussés dans des zones d’enfer de plus en plus profondes », a-t-il ajouté.

Pour en savoir plus, nous nous adressons à Muhammad Shehada, écrivain et analyste de Gaza, chef de la communication de l’Observatoire euro-méditerranéen des droits humains, chroniqueur pour le journal The Forward, un hebdomadaire juif de New York .Il nous rejoint depuis Copenhague, au Danemark.

Muhammad, bienvenue dans l’émission Democracy Now ! Tout d’abord, parlez-nous de cette zone de sécurité qu’Israël a frappée samedi, tuant 90 personnes et en blessant des centaines d’autres.

Muhammad Shehada : Merci beaucoup de m’accueillir, Amy.

Tout d’abord, ce n’est pas la première fois qu’ils commettent une telle atrocité, un tel carnage, un bain de sang, d’une ampleur considérable, et qu’ils prétendent ensuite qu’un dirigeant du Hamas était présent, pour étouffer l’affaire. Cela a été fait des dizaines et des dizaines et des dizaines de fois à Gaza. Ainsi, il y a quelques semaines, Israël a bombardé un immeuble résidentiel entier dans le camp de réfugiés de Shati, dans la ville de Gaza, et a prétendu que Raed Saad, un commandant des Brigades Qassam, s’y trouvait. Nous n’avons jamais entendu de nouvelles à ce sujet depuis lors, pas même une confirmation ou une allégation selon laquelle il aurait été tué. Cela s’est donc produit à plusieurs reprises.

La façon dont le carnage s’est déroulé est atroce à tous les niveaux possibles. Israël a utilisé ce qu’il appelle des « ceintures de feu », ce qui équivaut presque à un tapis de bombes. Ils larguent simultanément environ cinq bombes – chacune pesant environ 900 kg – sur ce qu’ils ont eux-mêmes désigné comme la seule zone humanitaire sûre de Gaza. Ils y ont entassé de force des centaines de milliers de personnes, puis les ont bombardées, tuant et blessant plus de 400 personnes.

Les choses ne se sont pas arrêtées là. Après le carnage, dès que les ambulances et les pompiers sont arrivés dans la zone, Israël a commencé à les bombarder et à les prendre pour cible. Ils ont tué plusieurs pompiers et attaqué des ambulanciers pour retarder la mission de sauvetage dans cette zone.

Cela me rappelle qu’en 2002, Israël a assassiné le commandant militant le plus recherché et le plus dangereux du Hamas, Salah Shehade, le fondateur des Brigades Qassam. À l’époque, la frappe aérienne avait tué environ 14 civils. Sept d’entre eux étaient des enfants. L’administration Bush, George W. Bush, a condamné Israël dans des termes sans précédent et a déclaré : « Il s’agit d’une intervention musclée qui entrave et empêche la paix. » C’était George Bush à l’époque. Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation tellement insensée que Biden n’a pas seulement gardé le silence, le silence absolu, il n’a pas dit un mot à ce sujet, mais c’est lui qui a fourni toutes les armes, toutes les bombes qu’Israël a très volontiers acceptées et qui ont plu sur la zone humanitaire sûre des réfugiés. À l’époque, environ 27 pilotes israéliens avaient déclaré en 2002 qu’ils ne participeraient plus au service de réserve dans les forces de défense israéliennes en raison des pertes humaines, du nombre élevé de morts – sept enfants. Sept enfants seulement. À ce stade, la quasi-unanimité de l’establishment politique et de défense israélien affirme que cette opération était plus que justifiée, que c’était une grande opération, bien qu’ils ne puissent pas, jusqu’à présent, confirmer ou fournir la moindre preuve qu’al-Deif, le commandant des Brigades Qassam, se trouvait même sur place.

Nous en sommes donc arrivés à une situation où l’on dit à Israël : « Vous pouvez faire ce que vous voulez, tout ce que vous voulez. » C’est essentiellement le message qu’ils reçoivent de l’administration Biden et de l’Union européenne, ainsi que des États membres de l’UE. La seule ligne rouge mise en œuvre par Biden – et c’est quelque chose que je ne cesse d’entendre de sources proches de la Maison Blanche – est la suivante : « Ne vous engagez pas dans un conflit régional impliquant l’Iran et le Liban et enlisant les États-Unis dans cette guerre. Sinon, continuez à faire ce que vous voulez. » En mai, Biden nous a présenté de nombreuses lignes rouges au sujet de Rafah. Et dès qu’Israël est intervenu, il a transformé Rafah en ce que les travailleurs humanitaires appellent aujourd’hui un terrain vague – il n’y a plus rien. Il ne reste pratiquement plus rien. Ils ont brûlé, détruit systématiquement les maisons sur leur passage, laissé des dizaines de corps pourrir, se décomposer et être mangés par les chiens et les chats dans la rue, et parfois ils les ramassent avec des bulldozers et les enterrent avec les décombres, s’il y a une mission humanitaire qui arrive. Nous avons été témoins d’une atrocité inimaginable, unique, sans précédent, qui viole toutes les normes non seulement du droit international, mais aussi de l’humanité commune. Et Biden n’est pas disposé à lever le pied et à dire : « Vous avez violé l’une de mes lignes rouges. »

C’est le même message qu’ils reçoivent de l’Europe. J’ai récemment assisté à une réunion avec un haut fonctionnaire européen. Il nous a donné sa tablette, l’a fait tourner autour de la table et nous a montré des images satellite de Gaza avant et après, que l’UE a rassemblées. Il a dit : « Regardez ça. Ce que fait Israël, c’est qu’il est en train d’anéantir la région. » Et il a dit, je cite : « Leur objectif est de rendre Gaza invivable, inhabitable, de sorte que si la guerre se termine, plus personne ne pourra y vivre. Les gens doivent partir ». En d’autres termes, il s’agit de mettre un terme à la question de Gaza, de l’éliminer complètement de l’équation. Ces fonctionnaires européens sont donc au courant. Mais le même fonctionnaire a dit qu’il n’avait pas grand-chose à faire – qu’il était incapable de faire grand-chose, parce qu’environ 80 % des gouvernements européens veulent simplement qu’Israël continue et fasse ce qu’il veut, sans l’arrêter ou contester cette atrocité ou ce génocide qui se déroule. La seule chose qu’ils demandent – par exemple, le ministre allemand des Affaires étrangères s’est rendu à Tel Aviv ou en Israël environ huit fois. La seule chose qu’elle a demandé, c’est continuez à tuer, mais tuez moins de gens : poursuivez la tuerie, mais en tuant moins de gens. Etalez le massacre dans le temps pour qu’il n’ait pas l’air spectaculaire. Il arrive qu’Israël enfreigne cette règle et tue plus d’une centaine de personnes. Mais tant qu’il s’en tient à une centaine de personnes par jour – encore une fois, je ne peux pas imaginer que ce chiffre soit acceptable. Cent personnes par jour, c’est acceptable pour les gouvernements européens et les capitales occidentales.

Amy Goodman : Muhammad Shehada, nous sommes ici à Milwaukee pour couvrir la Convention nationale républicaine. Pouvez-vous nous parler de la politique du président Trump à l’égard d’Israël ? Parlez de sa relation avec Netanyahou. Parlez de ce qui s’est passé lors de la Grande Marche du Retour, du déplacement de l’ambassade, etc.

Muhammad Shehada : Eh bien, fondamentalement, Trump est – son second mandat est un cauchemar pour les habitants de Gaza, parce qu’il a été très clair lors du débat Biden-Trump, le débat présidentiel, qu’Israël veut continuer et poursuivre cette guerre indéfiniment, et il est prêt à se laisser faire, à les laisser finir le travail, comme il l’a dit. C’est essentiellement – lorsque je parle aux habitants de Gaza, ils réagissent avec une immense crainte au sujet d’un second mandat de [inaudible], c’est qu’il va donner du pouvoir à tous les fous fondamentalistes, les faucons d’extrême droite, pour les mettre en charge de la paix au Moyen-Orient, comme il l’a fait au cours de son premier mandat. Il a nommé un colon américain messianique, David Friedman, de Bet El – il l’a nommé ambassadeur américain en Israël pour appliquer ce que l’on appelait à l’époque la politique du marteau-pilon : détruire tout ce qui pourrait permettre la création d’un État palestinien, étendre les colonies, reconnaître les colonies comme n’étant pas nécessairement illégales au regard du droit international, supprimer l’étiquetage des produits issus des colonies, reconnaître Jérusalem comme…

Amy Goodman : Muhammad, nous avons 10 secondes.

Muhammad Shehada : et de supprimer les hôpitaux. Mais le problème est que l’administration Biden n’a pas été meilleure à bien des égards. Les trois dernières années ont été les plus meurtrières dans les relations israélo-palestiniennes depuis que l’on a commencé à les enregistrer en 2005.

Amy Goodman : Muhammad Shehada, écrivain et analyste de Gaza, chef de la communication de l’Observatoire euro-méditerranéen des droits humains, chroniqueur pour le journal The Forward, un hebdomadaire juif de New York, je vous remercie d’être parmi nous.

Amy Goodman animatrice et productrice exécutive de l’émission Democracy Now !, une émission d’information nationale, quotidienne, indépendante et primée, diffusée sur plus de 1100 chaînes de télévision et stations de radio publiques dans le monde entier. Le Time Magazine a élu Democracy Now ! son « Meilleur Podcast », au même titre que « Meet the Press » de NBC.

Source : Truthout, Amy Goodman, Democracy Now !, 15-07-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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petitjean // 27.08.2024 à 10h00

Quand va-t-on cesser des faire des phrases et agir contre le régime criminel de Netanyahou ?

des milliers de civils, femmes et enfants, sont massacrés depuis des mois et nous nous contentons de condamner sans agir pour mettre un terme à ces horreurs !

pourquoi Israël est-il intouchable et peut fouler au pieds toutes les résolutions de l’ONU. L’aveuglement des USA qui soutient ce régime criminel est incompréhensible !

La corruption des élites par Israël est-elle l’explication ? Ou Israël utilise-t-il d’autres moyens pour faire taire toute opposition à sa politique de nettoyage ethnique ?

Quel autre pays pourrait se permettre ces atrocités sans subir une condamnation mondiale ?

3 réactions et commentaires

  • petitjean // 27.08.2024 à 10h00

    Quand va-t-on cesser des faire des phrases et agir contre le régime criminel de Netanyahou ?

    des milliers de civils, femmes et enfants, sont massacrés depuis des mois et nous nous contentons de condamner sans agir pour mettre un terme à ces horreurs !

    pourquoi Israël est-il intouchable et peut fouler au pieds toutes les résolutions de l’ONU. L’aveuglement des USA qui soutient ce régime criminel est incompréhensible !

    La corruption des élites par Israël est-elle l’explication ? Ou Israël utilise-t-il d’autres moyens pour faire taire toute opposition à sa politique de nettoyage ethnique ?

    Quel autre pays pourrait se permettre ces atrocités sans subir une condamnation mondiale ?

    • Bouddha Vert // 28.08.2024 à 11h09

      La politique étasunienne vis à vis d’Israël est également géostratégique.
      Sur une carte, il est clair que disposer d’une tête de pont sur la rive orientale de la Méditerranée est un formidable atout pour intervenir au MO en Afrique et en Asie, « sécuriser » l’accès aux terres à pétrole…

      Concernant l’union européenne, il semble que son directoire se trouve outre atlantique, donc plus grand chose à dire.

      Quant à Israël, cela fait longtemps que messianisme, géostratégie et Histoire mènent un peuple avec l’idée que 2000 ans de terre palestinienne soit une donnée de plus en plus négligeable, que la légitimité de sa présence et sa redéfinition territoriale soient une donnée d’entrée…

      Or, les forces occidentales qu’elles soient militaires, économiques, financières doivent acter que l’équilibre des forces du monde bouge, ce qui veut dire que le « droit international » va changer, avec ou sans nous.
      Les périodes de changement sont toujours rudes et nous rentrons dedans.

      Pour l’instant, nous sommes physiquement épargnés, mais l’Europe ne dispose pas d’hydrocarbures, pas de métaux, un biotope bien mal en point, une agriculture dopée aux hydrocarbures, hyperspécialisée et des industries perdues dans la mondialisation.
      Mais pour l’instant, c’est la Palestine qui prend cher et elle n’est malheureusement pas la seule.

  • La Mola // 27.08.2024 à 21h38

    le pire est que la plupart desdits « occidentaux » suivent aveuglément, notamment en réprimant toute opposition -et il y en a !!!

    l’instrumentalisation du prétendu « antisémitisme » agit comme un taser sur tous ces européens qui s’étaient pourtant empressés de se débarrasser de leur propre « problème juif » séculaire sur d’autres (les « transferts » avaient été envisagés vers l’Ouganda ou Madagascar, avant la Palestine)

    pour moi, c’est à beaucoup d’égards un problème de « fous de dieu » protestants intolérants et suprémacistes, pour faire très, très court

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