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Après les élections de mi-mandat, Trump continuera-t-il à mettre en péril le commerce mondial et la sphère du dollar offshore ? Par Alastair Crooke

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Source : Strategic Culture, Alastair Crooke, 12-11-2018

ALASTAIR CROOKE | 12 novembre 2018

Après les élections de mi-mandat, Trump continuera-t-il à mettre en péril le commerce mondial et la sphère du dollar offshore ?

Les élections de mi-mandat sont terminées. Il n’y a pas eu de « vague bleue », mais au contraire, un résultat serré permet aux deux grands partis de revendiquer une sorte de « victoire ». La réalité est qu’il n’y a pas eu de victoire décisive (bien que Trump s’en soit mieux tiré que prévu). Au contraire, nous allons assister à une inflation de la popularité de la polarisation et à une attitude insurrectionnelle vengeresse du Congrès – ce qui signifie une plus grande difficulté à mener les affaires du pays et une atmosphère de crise et de siège exacerbée à la Maison-Blanche. La promesse de nouvelles réductions d’impôts semble maintenant chimérique, mais il en va de même pour toute autre augmentation importante des dépenses militaires (adieu au nouveau gâchis des missiles à moyenne portée ?). La gestion du financement du déficit budgétaire américain n’en est pas rendue plus aisée, et les hausses des taux d’intérêt (maintenant plus probables)pénaliseront les dépenses discrétionnaires fédérales – car les intérêts sur la dette qui est actuellement de 106 % du PIB américain augmentent inexorablement – ou, si on les ignore, créent les conditions d’une grave crise financière.

Il existe une vieille « règle empirique » selon laquelle, lorsque les dirigeants sont bloqués dans leur programme national, ils se lancent dans des initiatives à l’étranger, si à première vue celles-ci peuvent sembler plus faciles que de faire face à des législatures grincheuses, elles s’avèrent souvent être malheureusement tout « autres ». Trump modifiera-t-il donc sa politique étrangère à la suite des élections ?

On sait qu’il a d’abord été mécontent de la doctrine « Times Square » du Pentagone. Il s’agit là d’une réponse que le général Mattis aurait donnée lorsque Trump a simplement demandé (lors d’une séance d’information en salle de crise) pourquoi les États-Unis avaient tant de troupes en Afghanistan (après 16 ans d’échec), pourquoi tant en Corée et pourquoi les États-Unis étaient toujours en Syrie ? « Vous, les mecs, voulez que j’envoie des troupes partout », aurait dit Trump : « Comment vous expliquez ça ? ». Mattis s’est contenté de dire à Trump que la présence américaine y était nécessaire « pour empêcher une bombe d’exploser à Times Square… Malheureusement, Monsieur, vous n’avez pas le choix », a ajouté Mattis, « Vous serez un Président de temps de guerre ».

Trump a déjà pris des mesures pour gérer un mécontentement de longue date : Il a demandé la démission de Jeff Sessions. Il semble qu’il veuille mettre un terme à ce qu’on appelle le « Russiagate ». Alors que, pendant sa campagne Trump a renforcé sa rhétorique contre la mauvaise conduite économique de la Chine – et que Xi en a fait de même, mettant en garde contre l’arrogance américaine –, pourrions-nous assister à un glissement vers la Russie et aussi vers le Moyen-Orient ? Le départ de Sessions offre-t-il un nouvel espace de détente avec la Russie à la lumière des résultats de mi-mandat ?

Depuis Moscou, Dimitri Trenine écrit :

Une brève réunion très médiatisée entre [Poutine et Trump] pourrait avoir lieu ce week-end à Paris et un entretien plus complet plus tard ce mois-ci à Buenos Aires, en Russie la question, est posée : une rencontre dans quel but ? Après tout, à chacune de leurs précédentes réunions – Hambourg en 2017, puis Helsinki en juillet dernier – les relations russo-américaines ont semblé se dégrader. Certains conseillent au Kremlin de rester à l’écart de la Maison Blanche de Trump et de ne pas se laisser entraîner dans les questions de politique interne de l’ Amérique, hargneuses et impitoyables . La théorie à l’œuvre derrière ce conseil semble être : laissons la guerre civile froide de l’Amérique s’éteindre avant de nous ré-engager avec le vainqueur de 2020. Pourtant, Poutine est déterminé à poursuivre ses contacts directs avec Trump. Comment expliquer ce comportement apparemment illogique ?

Le commentaire de Trenine est exact. C’est à juste titre que les Russes sont furieux et énervés face à ce qu’ils perçoivent comme une litanie quasi quotidienne d’allégations fantasques les accusant de toutes sortes de « malignité » imaginables. Ils ont épuisé leur patience : Pourquoi se donner la peine de répondre ? Mais, plus largement, le public russe sait que concernant les sanctions, Trump a les mains liées. Elles restent l’apanage quasi exclusif de la Chambre des Représentants, aujourd’hui démocrate, et que de plus, Trump a été – du moins jusqu’à présent – coincé par l’axiome « Times Square » du Pentagone et par une coterie de conseillers néo-conservateurs obsédés par une antipathie historique envers tout ce qui est russe.

La réponse de Trenine à ce paradoxe est intéressante:

« Le fait que le dirigeant russe recherche le contact avec le président américain n’a pas grand-chose à voir avec le Congrès, ni avec la politique américaine à l’égard de la Russie, pas plus avec le fait que le Parti républicain prenne ou non une raclée dans les élections de mi-mandat. Pour Poutine, Trump représente un nouveau départ dans la politique étrangère américaine. Ce que Poutine considère comme positif pour la Russie, c’est le bouleversement mondial que Trump est en train de créer par rapport au système souscrit par les États Unis depuis la fin de la guerre froide. »

En d’autres termes, ce que Poutine apprécie, c’est que Trump s’attache – à dessein – à démanteler le concept même d’« empire » américain et, en même temps, et c’est crucial, la notion d’un « empire » déculturé, cosmopolite, utopique et hégémonique.

Or cette notion est aux antipodes de la reconquête culturelle par la Russie de sa souveraineté et de la voie eurasienne, et constitue donc un obstacle majeur à la volonté russo-chinoise d’évoluer vers un monde multipolaire. Trenine ajoute : « Trump, malgré toutes ses idiosyncrasies et ses incohérences, est [donc] le dirigeant américain le plus ouvertement favorable à la Russie que Poutine soit susceptible de rencontrer ». Mais plus important encore que le dernier point de Trenine, c’est peut-être la manière de Trump d’atteindre le MAGA [Make America Great Again NdT] – qui se fait essentiellement par le biais de jeux de pouvoir individuels et transactionnels : en d’autres termes, Trump n’est plus le fournisseur d’une idéologie mondiale (comme pendant la guerre froide) et les « intérêts nationaux » sont toujours modifiables.

Jusqu’ici – ça marche : et bien sûr, les dirigeants russes n’ont pas manqué de remarquer que les « missiles » Twitter de Trump ouvrent aussi l’Europe d’une façon nouvelle – même si encore mal définie. Alors, nous y voilà : Trump et Poutine sont des « Messieurs » transactionnels. Mais cela ne signifie pas, qu’il y ait quelque possibilité de quoi que ce soit de transactionnel.

La politique étrangère de Trump n’est absolument pas compatible avec les intérêts russes : Trump veut rétablir une pré-éminence unilatérale du pouvoir américain ; il veut jouer avec la Chine (alliée de la Russie) au « jeu de la taupe » [situation dans laquelle des problèmes répétés se posent plus rapidement qu’on ne peut les résoudre, entraînant des résultats incomplets ou temporaires, NdT] ; son équipe veut faire échouer l’initiative Belt and Road [nouvelle route de la soie, NdT] et introduire un rival ; l’équipe de Trump veut que la Corée du Nord soit envahie, inspectée et son projet nucléaire, mis en cartons et et expédié aux États-Unis ; il veut renverser l’Iran (un allié russe) ; ses conseillers recherchent l’instabilité en Syrie (alors que la Russie recherche la stabilité) ; son équipe veut que Assad soit renversé et que les Kurdes deviennent un « projet » occidental affaiblissant la Turquie et la Syrie ; de plus il veut utiliser l’influence de l’Arabie saoudite auprès des autres États du Golfe et des états Sunnites pour mener une « guerre » contre l’Iran et forcer les Palestiniens à devenir des citoyens de seconde zone dans un « État-nation juif » dominateur. Où sont les possibilités transactionnelles dans cette liste ?

Il n’y en a pas ? Alors revenons à la question de départ de Trenine : pourquoi s’engager ? Le président Poutine connaît certainement la musique. Il peut aussi voir que l’Amérique, en « sanctionnant le monde » et en faisant du dollar une arme, risque délibérément de réduire en cendres le commerce mondial, sorte de bombe à neutrons de sanctions,

Il y a aussi le risque, une fois de plus pris consciemment, d’une possible renonciation au niveau mondial de l’immense sphère offshore du dollar américain (dont l’existence a servi à financer les déficits budgétaires de l’Amérique au cours des soixante-dix dernières années). Tout cela est mis en jeu dans la tentative de rétablir l’Amérique comme étant le seul joueur détenant les as.

Le pari est que les discours durs « style mafia » provoqueront la peur. Et que cette crainte conduira au « retour à la maison », vers Wall Street des dollars enfuis à l’étranger, affaiblissant ainsi ou brisant, en premier les marchés émergents – avec une contagion s’étendant à l’Europe (effets du manque de liquidité en dollars), se déplaçant depuis la périphérie vers le centre. Le but est bien sûr que l’Amérique – qui domine la monnaie mondiale et peut fournir (ou choisir de ne pas fournir) des liquidités en dollars – détiendra alors tous les atouts dans les négociations pour recadrer le commerce mondial en faveur de l’Amérique.

Il y a une vieille légende chinoise qui date des années 200 av. J.-C. qui raconte l’histoire d’un garçon envoyé par son maître pour attraper un lièvre (pour le déjeuner). Donc, le garçon va dans la forêt, et pratiquement dès son arrivée, voit un énorme lièvre s’enfuir à toute allure à travers bois. Étonné, le garçon regarde le lièvre s’écraser contre un arbre, s’étourdissant. Tout ce que le garçon a à faire, c’est de ramasser le lièvre et de le ramener triomphalement à la maison, directement dans la casserole.

Voici la morale de cette histoire chinoise : le garçon, devenu homme, passe les 50 dernières années de sa vie à côté du même arbre, attendant que d’autres lièvres viennent s’y cogner (bien sûr, il n’y en a pas : morale – ne vous attendez pas à ce que l’histoire se répète). Eh bien, dans un sens, les États-Unis ont connu une expérience similaire. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le reste du monde s’était en effet rué contre un arbre, s’enfonçant dans une absurdité économique . Tout ce que les États-Unis ont eu à faire, a été de ramasser le déjeuner, allongés tranquillement. Aujourd’hui, 70 ans plus tard, un président américain se tient près du même arbre, espérant que le monde s’y heurtera de nouveau et se cognera la tête contre les sanctions et les pénuries de liquidités de dollars – pour ensuite laisser les États-Unis ramasser le magot et le ramener à la maison pour « déjeuner ».

Ce n’est qu’une allégorie ; elle ne doit pas être prise au pied de la lettre. Mais le message est clair. Les présidents Xi et Poutine « ont bien capté ». Et si le « monde » parvient à s’éloigner de l’arbre de Trump, alors c’est probablement la situation financière de l’Amérique qui brûlera.

Et maintenant, à la lumière de l’assassinat de Khashoggi, nous avons un nouveau « schéma » en préparation au Moyen-Orient. Selon certaines informations, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite sont sur le point de normaliser leurs relations avec la Syrie du président Assad (réouverture de missions diplomatiques à Damas). Bien sûr, voilà de bonnes nouvelles pour la Syrie. Aucun doute à ce sujet. Mais il y a un rebondissement dans l’histoire. Le plan serait de former un « front » anti-Frères musulmans, composé d’une Syrie laïque, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. En principe, il s’agit d’un front ciblant les Frères musulmans, mais en fait, c’est clairement la Turquie – et son allié, le Qatar qui sont visés. Cela fait un certain temps que les Turcs mettent en garde contre la fomentation d’un tel complot et ils ont juré de le faire échouer. La Turquie n’autorisera ni l’Arabie saoudite, ni les États-Unis, à utiliser les Kurdes dans l’est de la Syrie, comme un coin enfoncé dans le ventre mou de la Turquie. Erdogan a l’air d’avoir « le vent en poupe » : Il aspire à écarter l’Arabie Saoudite du leadership du monde sunnite et l’assassinat de Khashoggi lui a justement donné le point d’appui nécessaire pour enclencher le processus).

La justification de cette nouvelle alliance (si elle devait se concrétiser) est la banalité habituelle : « L’alliance » maîtrisera et affaiblira l’Iran. Il y a là des failles évidentes : Pourquoi un tel front avec la Syrie affaiblirait-il soudain l’Iran ? Depuis 1979, la Syrie entretient – et continue de le faire – des relations très étroites avec l’Iran. Depuis les années 1920, la Syrie a connu quatre épisodes de guerre sans merci contre les Frères musulmans , mais voilà, la Syrie et l’Iran font cause commune avec les Palestiniens (une grande partie de cette population sympathise avec les Frères musulmans). La Syrie ne se retournera pas contre l’Iran (les États du Golfe ont déjà essayé – sans succès – de soudoyer le président Assad pour rompre ses liens avec l’Iran) ; la Syrie ne tournera pas non plus le dos aux Palestiniens ; et bien que les relations de la Syrie avec le président Erdogan soient difficiles et aillent jusqu’à l’affrontement, il est évident que le Président Assad reconnaît que les principaux acteurs et proches alliés comme la Russie et la Chine ont des enjeux vitaux dans tout « grand jeu » turc et que la Syrie doit y porter une attention particulière.

Il se peut que Moscou voit d’un bon œil les avantages tactiques d’un tel front, tout en reconnaissant sa peu plausible viabilité. Il y a cependant un enseignement plus profond à tirer de cette nouvelle initiative du Golfe. En résumé: historiquement, le « leadership » saoudien a toujours été marginal sur le plan « politique ». L’influence saoudienne tient davantage au fait qu’elle détient les lieux saints et à l’affirmation qu’elle peut interpréter le Coran selon ses propres critères.

Mais le fait que les États du Golfe aient facilité l’action des djihadistes wahhabites dans leur tentative, par les moyens les plus barbares, de renverser les États irakien et syrien, a forcé ces États du Golfe à prendre de la distance vis à vis du bain de sang de DAECH. Cependant, MbS ne pouvait condamner ouvertement le wahhabisme de l’État Islamique, sans faire le lien entre ce qui se passait en Syrie et à Mossoul, et les principes wahhabites, qui sont au fondement même de l’État saoudien. De plus, de telles critiques auraient été complètement inacceptables pour l’institution religieuse saoudienne.

La « solution » du Golfe n’a donc jamais été de condamner directement, mais plutôt d’exhorter chacun à une « modération » mal définie. L’Arabie saoudite, suivant ce concept de « modération », est devenue, en quelque sorte, assez laïque, mais sans cependant épouser les notions politiques laïques ; ou même sans esquisser un nouveau modèle pour le royaume. Plutôt que de se laïciser complètement, les jeunes princes ont adopté un néolibéralisme occidental de type école de commerce, accompagné d’ une hyper-centralisation des pouvoirs, sous-entendant un appareil de répression omniprésent et intolérant – un modèle « totalitaire » de style Singapour, pour ainsi dire. Ainsi, à Bahreïn, il est maintenant acceptable de fraterniser avec des Israéliens, mais dire quoi que ce soit de positif au sujet du Qatar conduira à une peine de 10 ans de prison.

Certains États du Golfe sont conscients des dangers inhérents à leur « virage » vers la répression. Même si l’assassinat de Khashoggi n’a eu que ce seul effet, il a jeté une lumière embarrassante sur la répression politique dans le Golfe. Les princes n’ont pas d’autre modèle (car leur « récit de modération » a donné naissance à de nouvelles idées de gouvernance) – d’où le nouveau « Front » proposé. Washington est favorable à une « guerre » contre les Frères musulmans (cela constituerait une diversion utile pour le Golfe à la guerre impossible à gagner que mène Trump contre l’Iran). Un front anti-Frères musulmans peut justifier la répression interne dans le pays et servir de plate-forme pour monter l’Occident contre la Turquie (qui comme le Qatar est un mécène des Frères Musulmans ).

Le sens profond de tout ceci est l’angoisse et la peur dans le Golfe. Les Frères musulmans ont été affaiblis et divisés par la campagne d’usure lancée contre eux – ils ont été largement réduits à l’impuissance , mais le Golfe veut une nouvelle « guerre ». Manifestement, les fantômes du Réveil arabe de 2011 qui menaçait l’autocratie tribale hantent encore les rois et les émirs. Ils ont peur.

Point essentiel : Le président Poutine peut se demander si les élections de mi-mandat apporteront un changement de politique étrangère. Manifestement pas envers la Chine, mais étant donnés les néo-conservateurs qui se sont tant immiscés à de nombreux niveaux dans l’administration de Trump , la seule question qui se pose en réalité est « qu’est-ce que M. Bolton attend de la Russie, maintenant ? »

Dans l’esprit de Moscou se cache peut-être la pensée que les États-Unis pourraient mettre fin à cette phase en découvrant qu’ils ne sont pas la puissance mondiale hégémonique qu’ils voulaient être, mais qu’ils se sont plutôt brûlé les doigts avec leur pari de suprématie du dollar – et que les espoirs ambitieux de Trump pour le Moyen-Orient se sont évanouis dans les airs (comme tant d’autres précédemment). Pourquoi M. Poutine ne garderait-il pas patiemment des canaux ouverts avec M. Trump, aussi impopulaire que cela puisse être en Russie – n’attendant rien de plus que des sanctions américaines et plus de calomnies. M. Poutine pourrait attendre patiemment le « Fourth Turning » quand la politique pourra être inversée [Fourth Turning est la théorie générationnelle de Strauss-Howe qui décrit un cycle de génération récurrent théorisé, dans l’histoire américaine, NdT].

Source : Strategic Culture, Alastair Crooke, 12-11-2018

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Commentaire recommandé

Fritz // 04.01.2019 à 08h29

Selon Alastair Crooke, « En d’autres termes, ce que Poutine apprécie, c’est que Trump s’attache – à dessein – à démanteler le concept même d’ « empire » américain et, en même temps, et c’est crucial, la notion d’un « empire » déculturé, cosmopolite, utopique et hégémonique. » Pour ce faire, il faudrait renoncer au privilège exorbitant du dollar, à l’extraterritorialité des lois US, et accepter une baisse drastique du niveau de vie US. Comme le notait Todd en 2002, l’option impériale était la solution de facilité par rapport au recentrage national.

En se mettant les Européens à dos, Trump a réussi la moitié de son programme. Car les vassaux tiennent au maintien d’un empire déculturé, cosmopolite, utopique et hégémonique. Leur frayeur devant tout ce qui peut évoquer un « isolationnisme américain » est caractéristique de cette servitude volontaire. Les élites des pays dominés, en particulier, aspirent à devenir citoyennes du pays dominateur : « Nous sommes tous Américains », clamait Jean-Marie Colombani en 2001. D’où leur souhait de voir élu le président US de leurs rêves : Kerry en 2004, Obama en 2008 et 2012, Clinton en 2016.

Mettre fin à l’empire américain tout en préservant les États-Unis, c’est possible ? Nous verrons.

13 réactions et commentaires

  • Gavrilo Princip // 04.01.2019 à 08h09

    Article peu clair, qui n’aborde pas ou peu la guerre entre Trump et le Deep State. C’est pourtant ce qui explique la politique étrangère américaine depuis deux ans. Chaque tentative du président US de se désengager d’un conflit a été torpillée par l’Etat profond.
    A cet égard, Trump a encore lancé un Scud il y a deux jours, laissant le Deep State pantois :
    http://www.chroniquesdugrandjeu.com/2019/01/florilege-de-la-nouvelle-annee.html
    Déclarations ambiguës sur l’Iran, sur l’Afghanistan, insistance sur le retrait de Syrie.
    Apparement, le divorce est même consommé entre lui et le lobby pro-Israël !
    Reste à voir si les pressions qui s’abatteront sur lui le feront à nouveau reculer…

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    • Daniel // 04.01.2019 à 10h14

      pour moi l’année 2019 est dans le sens d’un changement de paradigme :
      les USA se désengage de Syrie : fin des néoconservateurs va-t-en guerre ?
      la Chine pose un robot sur la face cachée de la Lune : début d’une coopération nouvelle dans le spatial, avec à l’horizon l’énergie de Fusion…
      la Russie possède une nouvelle classe d’arme avec les missiles hypersoniques : toutes les bases de l’OTAN aux frontières de la Russie ne servent plus à rien.
      les liens se forment entre la Chine, la Russie, la Corée, le Japon, l’Inde etc … dans le cadre des Nouvelles Routes de la Soie
      Rupture diplomatique, spatial et technologique et relation internationale
      le lien dans tout cela est ce qui ne se voit pas :
      L’Union Européenne et la France sont absentes de tout cela, symbole d’un vieux monde en perdition qui préfére sauver ses banques plutôt que les gens
      A ce titre les vœux de Xi Jinping sont totalement différent des vœux occidentaux : Nous promouvrons activement la construction de « la Ceinture et la Route », poursuivrons la construction de la communauté de destin pour l’humanité et nous nous efforcerons inlassablement d’édifier un beau monde plus prospère.
      http://french.peopledaily.com.cn/Chine/n3/2019/0101/c31354-9533561.html?fbclid=IwAR23FlvMNWUqmL8Mt6T5VNTL1u4tJEoTNL8P-yn6MkCHYEZ_CwnBohBxv8k

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      • Un_passant // 04.01.2019 à 12h02

        La fusion… ça fait quelques années maintenant que j’attends quelques nouvelles, c’est le silence radio le plus total. Il n’y a pas vraiment de quoi y croire. Les Chinois mettent le paquet sur le Thorium, ça ne trompe pas. La fusion pose encore trop de problèmes de résistance des matériaux (entre autres).
        Il faut plutôt voir la conquête spatiale comme révélatrice d’une volonté d’aller exploiter les ressources présentes dans l’espace (hydrogène, métaux et terres rares). La Chine, les USA, l’Inde, la Russie, l’Iran, l’UE, ça fait quand même beaucoup de monde qui relance la course à l’espace. Le moteur n’est certainement pas le « tourisme spatial » (sinon comme source de financement).

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      • Gavrilo Princip // 04.01.2019 à 18h42

        Effectivement, la France et l’Europe sont absentes du mouvement. A force de suivre le suzerain américain dans ses aventures les plus folles, on s’est condamnés à n’être rien, toujours du mauvais côté de l’histoire…

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  • Fritz // 04.01.2019 à 08h29

    Selon Alastair Crooke, « En d’autres termes, ce que Poutine apprécie, c’est que Trump s’attache – à dessein – à démanteler le concept même d’ « empire » américain et, en même temps, et c’est crucial, la notion d’un « empire » déculturé, cosmopolite, utopique et hégémonique. » Pour ce faire, il faudrait renoncer au privilège exorbitant du dollar, à l’extraterritorialité des lois US, et accepter une baisse drastique du niveau de vie US. Comme le notait Todd en 2002, l’option impériale était la solution de facilité par rapport au recentrage national.

    En se mettant les Européens à dos, Trump a réussi la moitié de son programme. Car les vassaux tiennent au maintien d’un empire déculturé, cosmopolite, utopique et hégémonique. Leur frayeur devant tout ce qui peut évoquer un « isolationnisme américain » est caractéristique de cette servitude volontaire. Les élites des pays dominés, en particulier, aspirent à devenir citoyennes du pays dominateur : « Nous sommes tous Américains », clamait Jean-Marie Colombani en 2001. D’où leur souhait de voir élu le président US de leurs rêves : Kerry en 2004, Obama en 2008 et 2012, Clinton en 2016.

    Mettre fin à l’empire américain tout en préservant les États-Unis, c’est possible ? Nous verrons.

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    • Philvar // 04.01.2019 à 10h00

      La baisse « drastique » du niveau de vie ne touchera que certains américains : les servants de Clinton et sa secte soit environ 10%des américains ; les plus riches ne seront qu’à peine écornés mais les innombrables pauvres et déclassés (proches des gilets jaunes en vision économique) ont déjà retrouvé du travail, une maison et ils peuvent recommencer à vivre. La différence entre le lambda US et le français du même montant c’est que l’US a élu Trump et le français Micron !

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      • Sandrine // 04.01.2019 à 11h38

        « Les innombrables pauvres ont retrouvé du travail une maison ». Qu’est-ce qui vous permet de dire ça ?

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    • Chris // 04.01.2019 à 13h56

      Un article très américano centré sur l’ancien monde qui se meurt.
      « Pour Poutine, Trump représente un nouveau départ dans la politique étrangère américaine. Ce que Poutine considère comme positif pour la Russie, c’est le bouleversement mondial que Trump est en train de créer par rapport au système souscrit par les États Unis depuis la fin de la guerre froide. »
      C’est aussi ma conviction depuis l’élection de Trump qui n’a jamais caché sa répugnance des guerres de l’empire (confirmée par le bouquin de Woodward) depuis son premier essai à la candidature présidentielle en 1999.
      Depuis, et là, je vais en faire sursauter plus d’un, j’ai étudié attentivement son thème natal qui m’a sidérée (profil inverse du politicien ignare besognant à consolider sa position. Trump a une capacité naturelle à se projeter dans l’espace-temps), puis enthousiasmée par ses promesses « révolutionnaires ». Jusqu’ici, il ne m’a pas déçue.
      Et cerise sur le gâteau, un profil complémentaire à celui de Poutine pour faire (enfin) bouger les lignes internationales auto-bloquantes. J’ai souvent écrit sur ce forum que Trump était mon démolisseur en chef de l’Empire : je confirme et signe.
      Un Uranien pur jus, profil résolument inconventionnel, extravagant, direct voire brutal (plus on l’entrave, plus il cogne), parfait pour démolir les trucs pourris qui résistent encore et qu’il juge dépassés donc à déblayer ; très fort instinct, et bizarrement capable d’authentiques motivations humanistes en dépit de son nombrilisme, d’où son succès auprès du public que d’aucuns nommeront démagogie, mais chez lui, ça va au-delà : il entre en diapason et s’en nourrit. Je le soupçonne d’avoir refait le plein lors des récentes campagnes du mid-term… d’autant plus que ça conforte ses projets.
      Trump a compris et surtout admis que l’empire était inéluctablement entré en déclin, qu’il fallait sauver le soldat Ryan d’où son slogan America first. Il ne renonce nullement aux intérêts des Américains, mais les redirige : une tâche colossale entreprise dans la liquéfaction visible du système.
      Les grands perdants sont les Euronouilles qui n’ont pas encore intégré que les avantages de la vassalisation européenne étaient terminés : on reste avec nos hamburgers, CETA pseudo TAFTA, OTAN d’opérette, nos turbines Alstom orphelines et sanctions éconocides sur les bras…

        +11

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      • Dominique65 // 06.01.2019 à 12h09

        « Ce que Poutine considère comme positif pour la Russie »
        Intéressante, cette façon d’être dans la tête de Poutine de nombreux commentateurs (qui se contredisent souvent à 180°).
        la parapsychologie, les transmissions de pensées, sont un art apparemment bien abouti vu la façon dont il est répandu.

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  • Kokoba // 04.01.2019 à 08h31

    Je ne connaissais pas la « doctrine Time Square ».
    Pas étonnant que Trump n’est pas apprécié.
    Il n’est pas stupide au point de ne pas reconnaitre quand on se fout de sa gueule.

    Le plus étonnant, c’est de voir qu’un général au plus haut niveau essaye d’utiliser ce genre d’argument pour discuter avec son président.
    Il me semblait que le général Mattis valait mieux que çà.
    C’est peut-être pour cette raison que Trump l’a viré.

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  • DocteurGrodois // 04.01.2019 à 11h22

    Au niveau géopolitique, on peut reconnaître l’influence de Steve Bannon (l’idéologue/éminence grise de Trump) dont les deux fixettes sont l’expansionnisme islamique et l’expansionnisme Chinois.

    Il préconise la destruction des Frères Musulmans qui sont pour lui la représentation ultime de l’expansionnisme islamique, et du Qatar qui sont leur « guichet automatique ». Il recommande surtout de laisser les européens se débrouiller tout seuls et de se désengager au maximum du moyen-orient afin de concentrer toutes les forces disponibles pour faire la guerre à la Chine.

    Donc si au final c’est pour mieux frapper la Chine (ou l’endiguer façon rideau de fer) que les US se retirent de la Syrie et d’Afghanistan…

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  • Un_passant // 04.01.2019 à 11h54

    Trump met le dollar en péril?
    La dette la plus élevée au monde est un péril amorcé dans les années 70. Trump, un bouc-émissaire commode pour éviter de voir que c’est le système qui se saborde sous son propre poids par abus d’endettement et de QE.
    Ça n’est pas Trump qui a décrété l’arrêt de la publication de l’indicateur M3 trop révélateur du problème de la dette.

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