Je vous recommande aujourd’hui ce film de 2017, qui est vraiment très intéressant.
Il revient sur les opérations clandestines de la CIA dans les années 1980 en Amérique centrale, et aux trafics qu’ils ont permis.
C’est une intéressante illustration de ce qui se passe souvent, quand on décide d’aider des groupuscules à des milliers de kilomètres – et aux retours de flammes souvent générés.
Toute ressemblance avec la Syrie etc.
Source : Ciné Séries, Antoine Delassus, 15-09-2017
Entre portrait à charge de l’establishment reaganien, rise & fall à la Scorsese et mix entre Lord of War et Pain and Gain, Doug Liman signe avec Barry Seal une virée sous speed et furieusement jouissive dans l’une des histoires les plus délirantes et débridées de l’Oncle Sam.
Un pilote de ligne au sourire Colgate ravageur ayant convolé pour la DEA, la CIA, Pablo Escobar & qui a vécu le rêve américain ? Un peu plus et on serait tenté de croire que ce Barry Seal n’a jamais existé ; qu’il est de cette trempe de personnage déluré servant à rappeler à quel point l’imagerie du rêve américain infuse jusque dans son propre cinéma. Mais là ou le bât blesse, c’est que ce Barry Seal a vraiment existé. Un anti-héros d’un autre temps, qui chance et culot aidant, s’est vu devenir un des rouages les plus importants dans l’ascension de Pablo Escobar et la traque malheureuse que tenta la DEA et la CIA pour arrêter le trafiquant colombien. Et si sur le papier, tout indiquait que Barry Seal : American Traffic allait emprunter un chemin au moins égal si ce n’est similaire à Argo : celui d’un fait divers « bigger than life » impliquant le gouvernement traité avec suffisamment de recul pour en percevoir toute la gravité, il n’en est heureusement rien. La chance à Doug Liman & Tom Cruise, tous deux responsables de ce rail cinématographique délirant et débridé qui rappelle curieusement un Lord of War coupé à l’absurdité de Pain and Gain.
Un portrait à charge nappé de cool de l’administration reaganienne
Quiconque connait ainsi Doug Liman sait que le bougre, entre deux morceaux de peloches guindées grand public, se plait à dessouder subtilement ou non les instances gouvernementales américaines. Que ça soit son récent The Wall ou l’acclamé Fair Game, l’américain a ainsi toujours cru bon de mêler divertissement et réquisitoire dans un même film. Le voir donc s’approprier l’histoire de ce pilote de ligne n’avait à priori rien d’anormal, tant celle-ci au travers des exploits de son pilote révèle en filigrane les failles béantes d’un système reaganien la plupart du temps corrompu ; le reste du temps impuissant face à la menace de la drogue.Fatalement, voir donc au milieu de ce marasme bureaucratique, la success-story de ce monsieur tout le monde un brin entreprenant qui va duper le système et s’en mettre plein les poches, a quelque chose de grisant. De comique même. Et c’est sans doute parce qu’il doit prendre un malin plaisir à dessouder le gouvernement de manière détournée, que Liman y va franco quitte à transformer le tout en un sommet de cynisme et d’opportunisme.
Dès l’entame ça se sent d’ailleurs. Patine rétro assumée, logo des studios qui crame et se remet à la page des années 80 ; bref tout sent l’anti-conformisme à plein nez. Un peu comme si Liman réitérait ce qui avait fait le succès de son Edge of Tomorrow, un délire SF qui brillait non seulement par son concept mais surtout par son montage qui lui conférait toute sa force comique. Là, même rengaine, l’auteur se plaisant à user à fond du média montage pour appuyer encore plus loin les délires de son pilote devenu bien malgré lui millionnaire. Et ça marche. Du moins suffisamment pour souligner l’absurdité de la situation et poser sur le film, un sentiment d’irréalité, de fantasme, de cool. Si bien que la véhémence du message initial, à savoir pointer du doigt des instances US dépassées et qu’on se le dise franchement incompétentes s’en retrouve éclipsé au profit d’une leçon de cool vivifiante.
Un opéra à la gloire du talent comique de Cruise
Celle qui requiert plus que la simple belle gueule ou le charisme ravageur. Et c’est marrant car ça nous rappelle à quel point Cruise est bon quand il est en confiance. Puisque si il joue à merveille la carte du pilote déboussolé en proie au doute quand on lui propose de convoyer pour la CIA, on ne peut feindre le rire hilare quand le doute du personnage s’envole pour laisser place à l’assurance tue la mort, du genre qu’il a quand il doit faire décoller un avion d’une piste minuscule ou mieux encore, se poser en catastrophe dans une banlieue résidentielle, la DEA aux fesses. Mais au-delà de ça, c’est bien pour sa prédisposition à embrasser les embardées du film que Cruise se révèle dément. Quand le film se veut grave, il joue la poker face. Et quand il fonce à 200 à l’heure et souligne l’heureux destin de cet escroc, pas besoin de longtemps avant de voir Cruise décocher un sourire qui ferait pâlir une Miss France. Tout ça a pour résultante de voir un acteur qu’on croyait connaitre par cœur et jouer la carte de l’arnaqueur professionnel avec tellement d’aisance et de naturel que l’on en viendrait à vraiment réévaluer son potentiel comique.
A mi-chemin entre l’absurdité de Pain and Gain et le cynisme de Lord of War, Barry Seal : American Traffic permet à Tom Cruise de jouer la carte du self-made man déluré dans ce brulot délibérément comique envers l’establishment reaganien. Rafraichissant et furieusement fun !
Synopsis : L’histoire vraie de Barry Seal, un pilote arnaqueur recruté de manière inattendue par la CIA afin de mener à bien l’une des plus grosses opérations secrètes de l’histoire des Etats-Unis.
Source : Ciné Séries, Antoine Delassus, 15-09-2017
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Commentaire recommandé
Ce film est abject justement à cause de sa coolitude et du message que le personnage de Tom Cruise fait passer à la fin : »quel pays formidable (les États-Unis) grâce auquel il est possible de vivre mon aventure ! ». Il fait passer à la trappe le désastre de la guerre des Contras financée par le trafic de la cocaïne revendue dans les ghetto de L.A. dans les années 80.
Le seul intérêt du film est justement de voir comment Hollywood réécris en permanence l’histoire pour perpétuer le mythe de l’american way of life.
11 réactions et commentaires
Oui, effectivement ce film est salement instructif.
Tiens en parlant cinéma, j’en ai vu un hier qui est pas mal non plus « Trahison d’Etat » :
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=242172.html
Puis regarder ensuite le documentaire « Pétrole contre Nourriture, Le Scandale de l’ONU » pour se rafraichir la mémoire :
https://www.youtube.com/watch?v=eRAGawGE0H8
+13
AlerterMerci pour le lien (ONU). Je vais m’y plonger.
+2
AlerterCe film est abject justement à cause de sa coolitude et du message que le personnage de Tom Cruise fait passer à la fin : »quel pays formidable (les États-Unis) grâce auquel il est possible de vivre mon aventure ! ». Il fait passer à la trappe le désastre de la guerre des Contras financée par le trafic de la cocaïne revendue dans les ghetto de L.A. dans les années 80.
Le seul intérêt du film est justement de voir comment Hollywood réécris en permanence l’histoire pour perpétuer le mythe de l’american way of life.
+29
AlerterJ’ai envie de nuancer votre propos, il me semble que quand il dit cela à la fin, après tout ce qu’il a raconté, on y perçoit un certain cynisme, je veux dire quel meilleurs moyen de clôturer un film qui a montré tous les travers et les manigance d’un pays en concluant « quel super pays » de plus la vidéo s’arrête en même temps qu’il se fait tuer, ce qui est fort symboliquement entre la fin de sa phrase et sa mise à mort. Pour moi il y a quand même une critique acerbe et l’attitude dite « cool » de Cruise montre aussi la certaine outrecuidance des USA a faire du monde leur terrain de jeu. De plus tous les coup foireux de la CIA, arrangement avec les trafiquant de drogue, double discours des politicard qui prétendent lutter contre la drogue alors qu’ils l’utilisent à des fins stratégique, l’affaire iran contras, etc. A l »inverse du film de Ben Afflekc sur les otages de 1979 en Iran, qui se termine honteusement sur « alors c’est qui les gentils » minimisant le rôle de l’ambassadeur canadien, et faisant passer les irannien pour des fanatisé, ou des débile au choix, il me semble que Barry Seal est d’un niveau bien meilleurs et plus critique.
Par ailleurs, même si je regrette la maigre vision de l’Amérique latine, car on y voit que des trafiquant et des politiciens véreux, j’ai trouvé que les acteurs hispannique avait vraiment donner une profondeur à leur personnage et bien retransmis une certaine ambiance propre à ces pays, ambiance que je trouvais plus sympas lors des scène tournée pour la colombie, que les scènes tournée aux USA.
Ces gens sont peut être des gars violent et sans pitié, mais malgré tout on les sent toujours animé par des valeurs assez humaine, (la foi, la famille, la musique) et quelque part ils m’inspiraient beaucoup plus de sympathie que ce type froid et calculateur de la CIA, que cette procureur uniquement animer par l’envie de coffrer un gros poissons, et pas vraiment par le soucis de rendre la justice. Qui sont aussi à leur niveau des personnes bien sinistre et violente, c’est une violence plus sournoise, et moins expressive, mais une violence quand même, et de ces deux personnage là n’ont visiblement pas de valeur moral ou éthique.
En l’occurrence le film donne un bon traitement des trafiquants, sans trop tomber dans le cliché j’ai l’impression. Donc je ne serais moins dure que vous au final.
+1
AlerterNulle critique acerbe dans Barry Seal et, à mon avis, on ne peut décemment pas se satisfaire du fait que Doug Liman aborde ce sujet du financement des Contras par la CIA par le trafic de coke. Il y a la façon de faire et elle est peu ragoutante. Le vernis « cool » dilue jusqu’à l’extrême la critique des agissements de la CIA, du financement des para-militaires et leur importation sur le territoire US pour les entrainer, au fait qu’ils ont contribué à la montée en puissance du Cartel de Medellin, en passant par l’explosion du crack dans les ghettos américains à la même période, tout cela est mis au second plan au bénéfice qu’être américain c’est vraiment pouvoir avoir des opportunités fantastiques de s’en mettre plein les fouilles. Bref c’est à vomir.
+2
AlerterUn peu myope comme résumé. Ce que j’ai retenu du film:
-Le gars est mort assassiné violemment.
-Son beau frère est mort assassiné violemment.
-Il a laissé sa femme et ses trois enfants sur le carreau.
-Le programme des Contras de la CIA était un non sens total (exactement à la manière de ce qui se passe en Syrie avec les Rebelles modéré)
-A la CIA, tant qu’on remet une pièce dans la machine à bullshit, on n’est pas emmerdé.
Le sourire et la nonchalance de Tom Cruise n’est qu’un « vernis esthétique », plus sarcastique qu’autre chose. A chacun son avis.
+2
AlerterIl y a aussi « Air America » avec Mel Gibson
+3
AlerterSur le même sujet, l’histoire vraie du journaliste Gary Webb interprété par Jeremy Renner dans « Secret d’état » :
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19545826&cfilm=218237.html
Ce journaliste finit suicidé avec 2 balles dans la tête (ce n’est pas impossible mais très rare).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gary_Webb
+3
Alerter« …Ce journaliste finit suicidé avec 2 balles dans la tête (ce n’est pas impossible mais très rare)…. »
Surtout pour la seconde balle !
C’est fou cette façon sournoise d’être et de faire. Comme cette autre pratique qui consiste à d’abord se tirer une ou deux balles dans la tête, ce qui est déjà un exploit en soi, et dans la foulée d’aller se noyer.
Dans le genre, en France, nous avons eu quelques cas mémorables aussi.
+4
AlerterA mon avis, mieux vaut boycotter le scientologue et lire les deux gros pavés de Winslow, La Griffe du chien et Cartel, de véritables coups de poing. Romanesques par le fait que des décennies de magouilles autour de la drogue sont centrées sur l’affrontement de quelques personnages, mais très documenté. On comprend mieux la violence inouïe du Mexique, et le rôle plus que trouble des Américains en Amérique centrale.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cartel_(roman)
+1
Alerterhttps://www.les-crises.fr/barry-seal-american-traffic-un-bel-exemple-des-derives-des-interventions-secretes/
Les États-Unis sont la gêne principale pour le reste du monde, un miroir plus que déformant, un obscurcissement de la lucidité, le faux triomphe de l`imaginaire avec conséquences tragiques sur de nombreux plans vitaux.
Il faut lire
– les confessions d`un assassin financier – et
– l`histoire secrète de l`empire américain – de John Perkins.
C`est la pièce manquante de l`histoire et de l`actualité depuis environ 1974.
Ces deux tomes ont d`ailleurs été repris en un seul volume chez un autre ‚éditeur il y a peu d`années.
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