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12.juillet.201512.7.2015 // Les Crises

Cédric Durand : « Les peuples, contre les bureaucrates et l’ordre européen »

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Entretien pour le site de Ballast

Dimanche 5 juillet 2015. Nous retrouvons l’économiste Cédric Durand (auteur du Capital fictif et directeur de l’ouvrage collectif En finir avec l’Europe) dans l’après-midi. Les premiers résultats tombent au cours de notre entretien. La soirée confirmera ces chiffres : les Grecs balaient d’un écrasant revers de la main (61,31 %) les oukases de leurs créanciers. « Le non au référendum est un grand oui à la démocratie », s’empressera d’avancer le ministre Varoufakis avant de « donner » sa démission. Si ce résultat apparaît aux yeux de Cohn-Bendit comme « une catastrophe », si Laurence Parisot lance un « Aïe » historique, si Éric Brunet, l’auteur d’Être riche : un tabou français, peste aussitôt contre « l’immaturité » profonde des Grecs, Durand lance et tranche : « Les Grecs s’apprêtent à écrire une nouvelle page de l’histoire de l’émancipation humaine. Leurs victoires seront nos victoires. » Décryptage.

Toutes les photographies en Grèce sont de Stéphane Burlot

Après le « non » au référendum, quelles sont les perspectives pour la Grèce, dans les jours et les semaines à venir ?

Cette victoire extrêmement large est un événement politique majeur : c’est la première fois qu’un gouvernement dénonce la légitimité de l’Europe et en appelle à son peuple. Ce précédent démontre qu’on peut se référer à la légitimité des peuples contre la légitimité des bureaucrates et de l’ordre européen. Les conséquences de ce « non » sont avant tout politiques : un « oui » aurait rendu très difficile pour Tsipras de rester Premier ministre et aurait représenté une cassure de sa majorité. Lorsqu’il a décidé d’annoncer ce référendum, son parti était quasiment coupé en deux : l’aile gauche était vent debout, refusant d’endosser l’accord proposé aux créanciers le 23 juin (il comportait des concessions importantes sur la TVA et les retraites). Dans ces conditions, Tsipras risquait de se retrouver devant l’alternative suivante : démissionner ou s’allier avec Potami, le Pasok et des forces du centre-gauche néolibéral. Le référendum a permis de sortir de cette impasse et de réunifier son camp face à un adversaire commun. C’était très habile. Aujourd’hui, son capital politique est plus fort que jamais ; il a ressoudé son camp et dispose d’une légitimité populaire immense.
Toutefois, les désaccords qui préexistaient ne sont pas résolus. Beaucoup de choses ne dépendent pas de la Grèce et l’on peut se demander jusqu’à quel point les Européens vont accepter de donner satisfaction à Athènes – il ne faut pas se faire d’illusions à ce sujet. S’il y a des concessions en faveur des Grecs, elles seront minimales. L’accord esquissé sera un accord de restructuration de la dette (même le FMI et les États-Unis sont pour) en échange des réformes que Tsipras avait acceptées. La victoire politique de ce dernier serait alors d’obtenir une restructuration partielle de la dette, tandis que les Allemands pourront dire que les Grecs ont pris des engagements très fermes dans le sens de l’austérité… La victoire du « non » aurait un goût amer si elle devait se traduire par la poursuite des politiques d’austérité. Ce sur quoi Tsipras était prêt à s’engager avant le référendum, ce sont 8 milliards d’euros de coupes budgétaires et de taxes supplémentaires — ce qui ne manquerait pas d’aggraver de la dépression et d’accroître le niveau de chômage.

Que retenez-vous du rapport de force qui a opposé la Grèce à ses créanciers au cours des dernières semaines ?

« C’était très habile. Aujourd’hui, le capital politique de Tsipras est plus fort que jamais. Il a ressoudé son camp et dispose d’une légitimité populaire immense. »

Ce que les Grecs sont parvenus à faire est spectaculaire. La Grèce ne représente rien en terme de poids économique, pour l’Union européenne : c’est 2 % du PIB européen. Et c’est le seul pôle de gauche radicale dans une Europe majoritairement à droite. Les différents pays d’Europe sont gouvernés par une grande coalition permanente – comme en en Allemagne ou, implicitement, en France, puisque les cadres de la politique économique du gouvernement entrent dans une matrice définie en commun avec la droite, par le biais de l’échelon européen. En cela, la Grèce est spécifique : ce tout petit pays ne rentre pas dans cette grande coalition, ne souhaite pas y entrer et dispose même d’un gouvernement élu pour ne pas y rentrer. Dès lors, la situation est extrêmement difficile. Ces derniers mois, le gouvernement grec a adopté un positionnement assez ambivalent. D’un côté, une posture de combat, en permanence, avec un discours sur lequel il n’a jamais cédé : l’austérité ne marche pas et la dette grecque est insoutenable, il faut la restructurer. De l’autre, le gouvernement Tsipras a toujours adopté une posture de négociation qui l’a amené à reculer sur des questions essentielles. Si on fait le bilan, les Européens ont reculé sur le niveau d’excédent primaire qu’ils exigeaient – c’est un recul substantiel, mais qui a été effectué très tôt et qui, par ailleurs, tenait à l’insoutenabilité des objectifs fixés. Pour le reste, les Grecs se sont petit à petit alignés sur les exigences des créanciers, jusqu’à la fin du mois de juin, où Tsipras était prêt à signer ce qu’il avait refusé la semaine d’avant, grillant toutes ses lignes rouges — notamment sur la réforme des retraites et les privatisations.

Les reculs du gouvernement grec reflètent la puissance du chantage auquel celui-ci est soumis. La Banque centrale européenne [BCE] a, ces derniers mois, resserré à deux reprises le nœud coulant financier. D’abord, lors de l’accord du 20 février : elle a fermé l’accès aux mécanismes standards de refinancement, ne leur laissant l’accès aux procédures d’urgences plus coûteuses. Le gouvernement grec s’est alors résolu à signer un agenda de négociations plus qu’éloigné de son mandat électoral. Néanmoins, dans la période qui suivit, il a temporisé, n’ayant de cesse de remettre la question de la restructuration de la dette et du niveau d’excédent primaire sur la table… mais finissant par lâcher sur l’essentiel. Jusqu’au coup de tonnerre de la convocation du référendum ! Une décision prise, rappelons-le, par le fait que bien que le niveau d’austérité exigé soit accepté par la partie grecque, le contenu de celle-ci (notamment une taxe exceptionnelle sur les gros bénéfices) ne leur convenait pas. Ensuite, le 30 juin, Tsipras recula une nouvelle fois. Il craignait que la BCE ne rendît encore plus difficile l’accès au refinancement d’urgence. Ces derniers étaient déjà plafonnés – ce qui a conduit à la fermeture des banques –, mais, là, la BCE risquait d’appliquer une décote sur les titres qu’elle acceptait pour donner accès au refinancement d’urgence. Cela signifie que dans les deux jours qui allaient suivre, une banque fermerait — imaginez une banque qui ferme à la veille du référendum…

Quelle est la position du gouvernement Tsipras sur l’euro ? Faut-il souhaiter une sortie de la monnaie unique pour la Grèce ?

« Sans sortie de l’euro, il n’y a pas de marge de manœuvre pour une politique de gauche. C’était vrai avant le référendum ; cela le restera après. »

D’après les enquêtes d’opinion, les Grecs ne sont majoritairement pas favorables à une sortie de l’euro. Cependant, le résultat du referendum montre que cette perspective ne les effraie pas. La position la plus partagée est sans doute celle d’un « oui à l’euro » à condition de sortir de l’austérité. Tsipras fait de la politique et conserve à ce sujet une ambiguïté qui recoupe celle de la gauche de la gauche sur la question européenne. Il défend l’idée que, malgré tout, il faut se battre au sein des structures européennes pour faire changer l’Europe. D’autres personnes, dont je suis, pensent que la perspective internationaliste ne doit bien évidemment pas être abandonnée, que même la perspective européenne peut, toujours, être une perspective, mais que celle-ci ne peut se faire que par une désobéissance aux institutions européennes, et en particulier par une sortie de l’euro. Sans sortie de l’euro, il n’y a pas de marge de manœuvre pour une politique de gauche. C’était vrai avant le référendum ; cela le restera après.

Dans la bataille menée en Grèce, il est intéressant d’observer un clivage très net entre l’élite (qui s’est uniformément mobilisée en faveur du « oui » — en particulier via les organisations patronales et les médias privés) et le reste de la population, majoritairement du côté du « non ». Dans l’Union européenne, le grand capital transnational et financier est du côté de l’euro. Refuser les règles du jeu de cette monnaie unique, c’est se donner les moyens de les changer et, en particulier, d’en finir avec une politique économique dont les marges de manœuvre se limitent à baisser le coût du travail et à réduire la dépense publique. En tant qu’économiste hétérodoxe, je n’ai pas de doute sur le fait que reprendre la main sur leur monnaie permettrait aux Grecs d’obtenir de meilleurs résultats socio-économiques, à moyen terme. C’est une sortie qui devrait être négociée, pour limiter le choc initial — ils pourraient en particulier négocier un régime de change contrôlé avec la BCE, afin d’empêcher un effondrement de la monnaie au cours des premiers mois. N’oublions pas que la partie grecque a une carte maîtresse en main : leur dette qui pourrait être, purement et simplement, annulée.

Une restructuration de la dette permettrait-elle à la Grèce de rester dans l’euro ?

Oui. Pour rester dans l’euro, il faut que la Banque centrale européenne continue à financer le système bancaire grec. Pour qu’elle accepte de le faire, la BCE pose comme condition que les Grecs bénéficient d’un programme d’assistance financière. La question qui se pose aujourd’hui concerne les mesures qui s’imposeront aux Grecs pour qu’ils puissent bénéficier d’un tel programme.

Et quels seraient, plus précisément et à courts termes, les effets d’une sortie de l’euro sur l’économie grecque ?

Une dévaluation se traduit par un appauvrissement du pouvoir d’achat en biens produits à l’étranger ; il y aurait donc un renchérissement sur les produits importés. Mais l’économie grecque est l’une des économies les plus fermées d’Europe : elle est très largement autocentrée. Décrocher de la monnaie unique serait la possibilité d’avoir une politique de relance keynésienne (qui s’avérerait plutôt efficace). Ensuite, cela restaurerait brutalement la compétitivité de l’économie, permettant de réutiliser des capacités de production aujourd’hui oisives. De nombreuses personnes n’ont pas de travail, des usines et des établissements ne fonctionnent pas, des agriculteurs ne peuvent cultiver leurs champs. Il y a ici un vivier qui peut se remettre en ordre de marche très vite. Dans les cas de la Russie, en 1998, et de l’Argentine, en 2001, la reprise s’est jouée en l’espace de quelques mois : cinq à six mois pour la Russie, un peu plus pour l’Argentine — dans le contexte d’un chaos politique. Dans ces deux cas, les dévaluations ont un effet très puissant, remettant les pays sur une trajectoire de croissance forte pour une dizaine d’années (même si d’autres facteurs ont, bien entendu, joué un rôle).

« Dans deux ou trois ans, une Grèce reconstruite avec un chômage qui a diminué, imaginez l’impact que cela aurait sur les débats européens ! »

Le plus important demeure qu’une sortie de l’euro représente la possibilité de sortir d’un agenda d’austérité, d’un côté, et de réformes structurelles, de l’autre. Le pari que l’on peut faire, c’est qu’une Grèce sortant de l’euro, avec une politique internationaliste et menant une politique alternative, ferait une démonstration politique. Dans deux ou trois ans, une Grèce reconstruite avec un chômage qui a diminué, imaginez l’impact que cela aurait sur les débats européens ! À l’inverse, si la Grèce, après avoir gagné ce référendum, consent finalement à des mesures d’austérité, cela pèsera sur l’ensemble de la gauche radicale européenne.

Mais la Grèce a-t-elle des structures économiques et industrielles sur lesquelles une relance de l’économie pourrait s’appuyer en cas de dévaluation ?

Elle a une base industrielle très faible, mais qui existe et qui pourrait jouer un rôle. Elle a un potentiel d’export et le tourisme bénéficierait massivement d’une dévaluation. Elle a un secteur agricole qui pourrait se reconstruire et jouer un rôle plus important — d’abord en satisfaisant la demande interne et, secondairement, en contribuant aux exports. En ce qui concerne les machines et les équipements, les Grecs n’ont pas investi pendant cinq ou six ans, mais, même si une « vieille » machine s’avère moins performante, elle redevient rentable face aux importations lorsque la monnaie est dévaluée.

Quel pourrait-être le nouveau régime de change de la Grèce si elle sortait de l’euro ?

Ce qui serait souhaitable serait un régime de change fixe ajustable. Un accord avec l’Union européenne pourrait permettre de s’ancrer sur la valeur de l’euro afin d’échapper aux vents de la spéculation sur les marchés des changes, mais aussi de procéder politiquement à des réajustements en cas de nécessité. Les marchés ne détermineraient pas les taux de change et il faudrait déterminer un niveau compatible avec l’équilibre extérieur de la Grèce. Cela constituerait une expérience pour l’ensemble de la gauche radicale. Si l’on veut mener une politique de gauche, il faut une autonomie financière, il faut donc des comptes équilibrés ; c’est une question centrale. La difficulté que rencontre, par exemple, le Venezuela renvoie à une stratégie économique entièrement dépendante des exports de pétrole (une stratégie à présent très vulnérable). La Bolivie, à l’inverse, a réussi à avoir des comptes plus équilibrés, avec une politique un peu plus conservatrice, mais qui lui donne des marges de manœuvre pour tenir.

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Est-il vraiment impossible, comme certains le proposent encore à gauche, d’imaginer une reprise en main de la BCE, avec un objectif de lutte contre le chômage et en contraignant l’Allemagne à sortir de son obsession monétaire autour de l’euro fort et de la lutte contre l’inflation ?

« L’économie allemande bénéficie très largement de l’euro tel qu’il existe et ses classes dominantes feront tout pour ne pas en changer les règles. »

Sur le papier, rien n’interdit les États-Unis socialistes d’Europe. Cela serait formidable. Mais cela n’aura pas lieu – pour deux raisons principales. La première, c’est qu’il y a aujourd’hui des gagnants et des perdants de la zone euro. À commencer par le capital allemand, qui bénéficie de la zone euro sous forme d’un taux de change sous-évalué par rapport à la compétitivité du pays gagnée sur l’écrasement des salaires, dans les décennies 1990 et 2000. Cette sous-évaluation équivaut à une subvention massive à l’industrie du pays. Bref, l’économie de ce pays bénéficie très largement de l’euro tel qu’il existe et ses classes dominantes feront tout pour ne pas en changer les règles. La position du Ministre des Finances allemandSchaüble est cohérente et consiste à dire qu’il est hors de question que l’union monétaire devienne une union de transferts entre différents pays, c’est-à-dire d’une zone où des flux financiers d’une région à une autre permettre de faire tenir l’entité politique (comme il en existe, par exemple, entre Paris et la Corrèze).

La deuxième raison est plus historique, plus longue, et c’est celle qui est explorée dans En finir avec l’Europe. Au fur et à mesure du temps, il y a une cristallisation de certains types de rapports sociaux au niveau des structures étatiques. La zone euro est un proto-État dont la construction s’est faite au moment où le mouvement ouvrier était en pleine déconfiture, dans les années 1980, avec le choc du chômage et le bloc de l’Est qui se fissure. Les forces du mouvement ouvrier sont complètement absentes de ce processus. De la même manière que la Sécurité sociale est un héritage des grandes grèves de l’après-guerre et de la Résistance (dans lesquelles il y avait un Parti communiste extrêmement fort), la zone euro cristallise l’absence d’un mouvement ouvrier. Quatre champs sont des domaines exclusifs de l’UE : la pêche, le commerce, la concurrence et la monnaie. Ces trois dernières questions sont centrales pour l’organisation du Capital, mais le mouvement ouvrier n’intervient pas dessus, ou seulement de manière subordonnée (il aborde les sujets de la protection sociale, de la qualité des produits, de la structure du marché du travail, de l’emploi et des services publics). Par conséquent, l’intégration européenne se fait en positif sur les premières questions, qui déterminent les problèmes légitimes à traiter. Les secondes questions sont uniquement subordonnées aux premières : c’est ce que Hayek appelle, de manière assez lucide, l’« intégration négative ». Ce concept très puissant permet d’expliquer comment l’Europe, aujourd’hui, s’occupe en réalité de politique sociale. Tout le temps. Des politiques de réformes structurelles menées en France et ailleurs, comme la loi Macron, sont bel et bien élaborées au niveau européen — mais elles ne sont pas élaborées en tant que telles, elles le sont au nom d’autre chose : les principes de compétitivité et de concurrence libre et non faussée.

Et quid de la viabilité de la zone euro, à long terme ?

« Les institutions européennes sont une grande victoire pour les classes dominantes et le capital financier transnational, en ce qu’elles contournent les compromis sociaux réalisés dans le cadre des États. »

Les pronostics sont toujours très dangereux, mais il existe bel et bien un mouvement historique long, en matière d’intégration européenne. Et la Grèce est intéressante en cela. Au début des années 1980, lorsqu’elle rentre dans l’UE, elle a valeur de modèle pour tous les États post-autoritaires et post-fascistes (le Portugal, l’Espagne…). L’UE leur propose alors une certaine stabilité politique, celle de la démocratie libérale. Et, actuellement, ce qu’il se passe en Grèce – et qui se déroulera, peut-être, en Espagne – marque le refus des corps sociaux de se soumettre aux lois comme aux principes établis et orchestrés par Bruxelles. Il existe un paradoxe : les classes dominantes ont à ce point réussi dans leur projet qu’elles vont échouer dans sa mise en œuvre. Je m’explique. Les institutions européennes sont une grande victoire pour les classes dominantes et le capital financier transnational, en ce qu’elles contournent les compromis sociaux réalisés dans le cadre des États. Mais cet espace européen ne permet plus d’encaisser les chocs sociaux comme le permettaient encore les États : il existe, dans ces derniers, toute une série de micro-couches et de micro-institutions (à commencer par l’administration) qui amortissent et digèrent les conflits, permettant de maintenir l’édifice politique en garantissant une certaine cohésion. Au niveau européen, en revanche, il n’y a pas d’amortisseurs puisque l’Union est une pure structure au service des classes dominantes : lorsqu’un refus fort se manifeste, il n’existe donc rien pour négocier la cohésion du corps social. C’est ce que l’on voit actuellement en Grèce. Je ne dis pas qu’elle va sortir, demain, de la zone euro, mais cela fait partie des possibilités – en tout cas, ce n’est pas exclu (si le système bancaire tombe et que la BCE refuse de refinancer, cela peut aller très vite). En revanche, c’est très clair, pour moi, qu’une tendance longue à la dislocation est aujourd’hui à l’oeuvre.

Vous parlez de la situation de « quasi protectorat » que l’UE impose à certains pays, dans une logique presque coloniale.

Vous avez tout à fait raison d’insister sur ce point. On a beaucoup dit, ces derniers jours, qu’un conflit entre démocratie et non-démocratie se jouait en Grèce : c’est absolument vrai, mais ce n’est pas que cela. Il y a un autre conflit : celui des créanciers face aux débiteurs – ceux qui sont en droit d’exiger des autres qu’ils travaillent pour eux pendant X temps. Que demande-t-on aux Grecs ? De dégager un excédant primaire de 3,5 % à partir de 2018. En clair, cela induit qu’il doit y avoir 3,5 % du PIB grec destiné à l’étranger. Cela instaure un rapport fondamentalement inégal. C’est un peuple qui travaille pour un autre – et, en disant cela, je n’efface pas les rapports de classes : sous régimes coloniaux, il y a bien sûr une bourgeoisie locale, comme en Grèce. La zone euro permet à l’Allemagne de dégager des excédents considérables (de 7 à 9 % du PIB par an). Chaque année, elle accumule donc des droits de tirages sur la production future du reste du monde sous la forme d’investissements ou de prêts : cette dynamique, lorsqu’elle devient aussi importante, génère des rapports inégaux structurels — et, en réaction, une demande de libération.

Lorsque Frédéric Lordon affirme que l’euro n’est pas un simple instrument d’échange mais un instrument de coercition, doublé d’une clé de l’architecture institutionnelle du néolibéralisme, êtes-vous d’accord ?

« C’est un peuple qui travaille pour un autre – et, en disant cela, je n’efface pas les rapports de classes : sous régime coloniaux, il y a bien sûr une bourgeoisie locale. »

Absolument. L’euro est une monnaie sans budget. Donc sans politique. Seules les règles uniformes du Capital s’y imposent – avec deux variables d’ajustement en fonction des pays : le prix du travail et le niveau de prélèvement des impôts. Dans les années 2000, on a eu une Europe à deux vitesses : un centre, où le prolétariat allemand a subi une grande défaite (ce sont les années Gerhard Schröder, avec une stagnation totale des salaires et l’apparition d’une masse de travailleurs pauvres), et une périphérie au sein de laquelle existait une hausse des salaires modérée mais réelle (et même une consolidation de l’État social dans certains cas : le Portugal, la Grèce ou l’Espagne). Mais la progression et le rattrapage de ces derniers se sont avérés être un trompe-l’œil : ils ont été rendus possibles par des flux financiers massifs (essentiellement des prêts au secteur privé, un peu au public) qui ont soutenu une demande en partie satisfaite par les importations, tandis que le secteur industriel se délitait. La crise a mis à nu ce mécanisme : une fois que les marchés financiers en ont pris acte, les dettes et les exigences de remboursement ont surgi. Regardez les courbes de PIB par habitant : c’est spectaculaire. Rattrapage dans les années 2000 et tout se casse la figure juste après la crise. Aujourd’hui, la Grèce et l’Italie sont deux pays dans lesquels le PIB par habitant est inférieur à celui de 1999. Pour ces pays, c’est une crise extrêmement forte : pire que celle de 1929. En Europe, la dette publique ne devrait pas être un problème. Au Japon et aux États-Unis, elle est, en proportion du PIB, bien plus importante que dans la zone euro prise dans son ensemble.

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Au sein de la gauche critique, un argument parfois avancé contre la sortie de l’euro est celui du « coût du capital » : en France, les revenus distribués par les entreprises à leurs actionnaires seraient tellement importants qu’ils pénaliseraient les PME et entraveraient l’innovation. Cette prise de pouvoir du capital empêcherait l’augmentation des salaires et une dévaluation ne changerait rien de ce point de vue. La question de l’euro ne serait pas l’enjeu central. Qu’en pensez-vous ?

« La dette publique ne devrait pas être un problème. Au Japon et aux États-Unis, elle est, en proportion du PIB, bien plus importante que dans la zone euro. »

Tout dépend de l’horizon dans lequel on se place. Si on regarde ce qu’il se passe depuis les années 1980, on assiste en effet à la montée en puissance de la création de valeur pour l’actionnaire, l’affirmation du pouvoir de la finance – mais il faut saisir que tout ceci n’est pas déconnecté de la construction européenne. L’unification des marchés boursiers européens, dans les années 1990, va permettre au capital financier de renforcer son emprise en accroissant sa liquidité. La constitution de la zone euro également. Il faudrait examiner cette question pays par pays et secteur par secteur, mais concentrons-nous donc sur la France : on observe depuis le lancement de l’euro un recul de l’industrie et des déficits croissants liés à cette perte de compétitivité, du fait d’un taux de change réel trop élevé pour notre économie. À l’inverse, dans des secteurs comme les télécommunications ou la grande distribution, la logique de la financiarisation joue à plein. Ce ne sont donc pas des arguments contradictoires.

Le Royaume-Uni a dévalué de manière significative depuis 2008 : ça a permis de relancer son économie, mais la condition des salariés reste la même…

Ils ont un gouvernement de droite, qui mène une politique de droite – donc défavorable aux salariés et finançant massivement une bulle immobilière. Il n’empêche que la dévaluation a permis au pays d’obtenir une certaine croissance. Sortir de l’euro, ça ne signifie pas entreprendre une politique de gauche : il peut y avoir des sorties de droite et de gauche. Mais ce qui est certain, c’est qu’il ne peut y avoir de politique de gauche au sein de l’euro.

On parle toujours de « saut dans l’inconnu » pour évoquer cette sortie. Comment aborder la phase de transition ?

À court terme, il y aurait des coûts de transition (de la même façon qu’il y en eut pour rentrer dans l’euro). Tout dépend du contexte dans lequel cela s’effectuerait : en cas de grande conflictualité et de profonds désaccords entre les différents partenaires, cela peut en effet créer un choc violent ; si c’est préparé et négocié, la transition, en terme de coûts, serait tout à fait envisageable. L’essentiel est de mettre en place des mécanismes de garantie pour les ménages les plus modestes (en terme d’accès aux services publics et de biens de consommation courante), de manière à s’assurer qu’ils ne payent pas le coût de la dévaluation. Il faut aussi prioriser les importations pour s’assurer que les besoins essentiels du pays passent avant les produits de luxe. Une sortie de l’euro, outre les gains de compétitivité qui en découleraient, permettrait, et c’est le plus important, de regagner en autonomie politique : avoir sa propre monnaie, financer ses déficits publics en interne, etc. Il faut vraiment se rendre compte de la fonction, à l’heure qu’il est, de la BCE. Depuis la crise, elle a mobilisé plus de 2 000 milliards en faveur de la finance (via, en 2012, des prêts aux banques à taux particulièrement réduits, et, cette année, le programme de rachats de titres). 2 000 milliards ! C’est-à-dire 70 millions d’emplois au SMIC durant un an. On pourrait très bien embaucher ces personnes pour, par exemple, entamer la transition énergétique. Il faut également mettre les choses en perspective politique — admettons que Podemos l’emporte cette année et que Tsipras se maintienne : cela va changer les rapports de force. Constituer un projet à deux et sortir de l’euro à deux, ce n’est pas pareil que d’avancer en solitaire. En France, malheureusement, la question ne se pose pas…

Sauf si vous prenez le pouvoir avec Lordon.

« Je ne vois vraiment pas comment on peut livrer une bataille de classe en investissant de nos désirs de gauche l’espace de l’ennemi. »

(rires) Il y a peu de signes qui l’indiquent ! Imaginons que le champ politique voie émerger une orientation de gauche d’affrontement à l’euro-libéralisme ; vu la position de la France dans l’Europe, le pays serait en mesure de faire des propositions à l’ensemble des autres Européens afin de refonder les bases d’une intégration européenne et, probablement, serait amené à mettre en œuvre ce projet avec seulement certains d’entre eux… Que l’on se comprenne bien : je n’exalte en rien un espace national particulier qui, en tant que tel, serait le mieux à même de développer la démocratie.

Justement, Philippe Corcuff estime que votre pensée désarme la gauche critique en ce qu’elle prête le flanc aux dérives nationalistes.

Corcuff, et la mouvance politique de gauche dans laquelle il s’inscrit, ne se rend pas compte que l’Europe n’est pas seulement un espace, mais un appareil politique. Et cet appareil cristallise les rapports de force sociaux. On ne peut pas le regarder in abstracto. Il y a un internationalisme du Capital et l’Union européenne en est l’une de ses émanations : on ne peut pas dire que « c’est bien » car cela relève de l’internationalisme mais « c’est mal » car ça tient du Capital. On ne peut pas dissocier les deux. Il ne faut pas accepter ce cadre, au prétexte qu’il dépasserait les nations. Si Bernier et Sapir font de l’État un fétiche, ce n’est pas ma position. Je n’ai pas cette volonté ni cette préoccupation. J’estime seulement que c’est une position de repli nécessaire dans la mesure où un pays en a, contextuellement, les moyens : par nos temps, c’est la Grèce. Au lendemain d’un référendum gagné et porté par un gouvernement de gauche, il faudra m’expliquer en quoi ce serait « nationaliste » de défendre la sortie de l’euro. Je dirais même que ce serait authentiquement internationaliste puisque cela proposerait à l’ensemble des peuples européens une nouvelle voie.

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Vous aviez débattu avec Étienne Balibar, dans Regards, et il soutenait que la réflexion que vous développiez dans votre ouvrage En finir avec l’Europe était « au mieux équivoque, au pire criminelle ». Vous avez pourtant en commun le même héritage marxiste. Comment expliquer un tel décalage ?

« Au lendemain d’un référendum gagné et porté par la gauche, il faudra m’expliquer en quoi ce serait « nationaliste » de défendre la sortie de l’euro. »

J’ai beaucoup d’estime pour lui (c’est un grand théoricien), mais il voit l’Europe, là encore, comme une idée. Negri est sur la même position, à la percevoir comme la possibilité de dépasser les États-Nations. Je partage avec eux cet affect mais je ne vois vraiment pas comment on peut livrer une bataille de classe en investissant de nos désirs de gauche l’espace de l’ennemi.

Vous écrivez, en rebondissant sur Lénine, que le processus d’intégration européenne est très probablement « contre-révolutionnaire » dans sa « nature » même. Concluons là-dessus ?

Lénine expliquait en effet que l’Europe ne se fera pas, à moins de se faire contre les peuples. C’est ce que l’on observe aujourd’hui. Depuis les années 1980, les autorités européennes ne sont plus mues par la peur des États socialistes mais, de façon très nette, par le contournement des compromis sociaux : voilà comment Mario Draghi, président de la BCE, a pu déclarer que « le modèle social européen est mort ».

Source : Ballast, le 6 juillet 2015.

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keepitreal // 12.07.2015 à 13h22

C’est un peu facile et démagogique de parler des peuples contre leurs élites même si le fossé actuel entre les 2 est tel que cette dimension du problème existe incontestablement.

Le choix d’aujourd’hui est d’abord à faire au détriment de l’Europe et au bénéfice des nations. Je sais que cette idée n’est pas à la mode car les moutons dociles de notre époque stupide et moralisante y voient un retour au nationalisme, au patriotisme voire au fascisme et à la guerre. Mais en pratique il n’y a pas d’alternative :
– La réalité humaine de base, c’est la personne humaine individuelle (pour un individualiste quasi-anarchiste comme moi, c’est d’ailleurs la seule réalité vraiment légitime et incontestable)
– au-dessus, c’est la famille
– au-dessus c’est la nation
– au-dessus c’est la confusion (c’est là où nous sommes aujourd’hui)

C’est pas une question de valeurs ni de morale ni même de «fierté d’être français», mais une affaire de lucidité et de réalisme : il n’existe tout simplement pas encore de réalité humaine collective plus haut placée que la nation, contrairement à ce qui nous est répété depuis 40 ans dans les médias et les écoles.

17 réactions et commentaires

  • Guadet // 12.07.2015 à 09h44

    Régler la question de l’Europe imposerait de sortir du paradigme de l’affrontement droite-gauche. L’UE est devenue logiquement une machine néolibérale capitaliste, mais elle a été formée en grande partie par la gauche européenne, au travers de son internationalisme, de son libéral-libertarisme, du primat marxiste donné à l’économie, de la haine des libertés nationales. Beaucoup ont déjà remarqué comment elle menait à une dictature du type soviétique, qui n’aurait pas été possible sans, au minimum, la complicité de la gauche.
    Il me semble que Cédric Durand analyse avec justesse la situation actuelle, mais il lui manque de sortir des vieux schémas pour préparer l’avenir. C’est ce qui manque aussi à la gauche d’opposition en France, facilement instrumentalisée par l’Europe néolibérale dès qu’elle crie « Au fascisme ».

      +5

    Alerter
    • luc // 12.07.2015 à 10h28

      « Régler la question de l’Europe imposerait de sortir du paradigme de l’affrontement droite-gauche »

      je dirais plutôt que c’est indispensable pour régler la politique occidentale globale

      ou plutôt rappeler la définition de ce qu’est la droite et ce qu’est la gauche, car par exemple, hollande n’est pas de gauche, sinon ça se saurait

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    • Wilmotte Karim // 12.07.2015 à 12h51

      Il analyse la situation comme le retrait du rapport de force social, du monde du travail.

       » La zone euro est un proto-État dont la construction s’est faite au moment où le mouvement ouvrier était en pleine déconfiture, dans les années 1980, avec le choc du chômage et le bloc de l’Est qui se fissure. Les forces du mouvement ouvrier sont complètement absentes de ce processus. »

      Il veut un retour du monde du travail, la reconstruction du rapport de force social.
      Un rapport de force social, c’est quoi, sinon des syndicats combatifs et unis?
      Si CA ce n’est pas la gauche, c’est quoi?

      Son analyse de la situation est une analyse reposant sur une grille de lecture marxisante et de gauche. Il est impossible de dire qu’il « analyse avec justesse la situation actuelle » et que par ailleurs, il faut se départir de la dichotomie gauche/droite.
      Car cette grille de lecture structure son analyse.

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  • luc // 12.07.2015 à 10h10

    « le capital politique de Tsipras est plus fort que jamais. Il a ressoudé son camp »

    c’est ce qui s’appelle parler un peu vite

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    • Sophie // 12.07.2015 à 15h36

      Très juste ! En Grèce, son capital politique ne vaudra plus rien s’il ose trouver un accord aujourd’hui, envers et contre le peuple.

      En revanche, tout n’est pas perdu, il pourra toujours se reconvertir dans le cinéma, c’est un acteur tres talentueux, personne ne dira le contraire !

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  • Alae // 12.07.2015 à 10h19

    « Ce précédent démontre qu’on peut se référer à la légitimité des peuples contre la légitimité des bureaucrates et de l’ordre européen. »
    Quelle légitimité des bureaucrates ?

    A Guadet,
    « L’UE est devenue logiquement une machine néolibérale capitaliste, mais elle a été formée en grande partie par la gauche européenne… »
    Oui. Ou comment dévoyer une idée, l’internationale ouvrière, au profit du grand capital apatride et s’en servir pour manipuler la gauche. Ce qui permet d’installer non une dictature de type soviétique (qui au moins, donnait à chacun un job, une couverture de santé et une éducation gratuite en échange de sa privation de liberté), mais bien un fascisme de type république bananière (où des pauvres sous-payés travaillent pour les riches).

      +7

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    • luc // 12.07.2015 à 10h33

      les bureaucrates ont la légitimité d’être à leur bureau, en fonction, employés par les institutions europpéennes pour faire la bureaucratie qui a été décidée dans les traités

      la légitimité des peuples à vouloir modifier les structures de ces institutions sera-t-elle respectée?

      modification démocratique du traité de lisbonne? hum…

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  • Scorpionbleu // 12.07.2015 à 11h11

    L’Europe dans sa conception actuelle et depuis sa naissance est un outil pour les USA et les oligarques !

    Si les peuples ne prennent pas conscience de la tragédie dans laquelle nous nous trouvons, nous serons tous mis au pas. Un régime néo-féodal est en route, il débute par la Grèce.

    L’arme à combattre ? La propogande, la fausse information …la solidarité avec le gouvernement grec…Podemos …et se battre en France contre les collabos de l’Allemagne et des USA…

    Ce n’est pas gagné !

      +6

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    • samuel // 12.07.2015 à 13h22

      Les peuples en prennent conscience, dans le fait que tout cela plombe l’activité, c’est surtout les élites Occidentales qui à partir de leur premier train de vie ne veulent plus faire machine arrière, alors ils en finissent par se conduire comme l’Amérique au temps du Maccarthisme, connu sous le nom de « Peur Rouge ». Pourtant nous ne sommes pas tous des idéologues, des anarchistes, nous essayons encore de respecter les lois, comme pour les premiers et derniers indiens de l’Amérique. Ils peuvent bien réussir à faire taire la voix des peuples, dans l’idée de vouloir plus longtemps préserver leur leadership mondial dans les consciences, mais tout cela risque-t-il pas de nuire plus significativement à la croissance, au « libre échange ». Cette information qu’ils chérissent et s’arqueboutent tant, mais qui dans les faits semble davantage embarquer le monde dans un grand engrenage, c’est un peu cela le grand cinéma Américain de nos jours. Et si la crise Grecque n’avait pas été artificiellement créé, alimentée à l’origine, pouvant par conséquent mieux justifier toutes les mesures prises depuis le 11 septembre 2001, mais voilà les droits de l’homme sont-ils bien encore respectés ? Et dire que tant de sommes sont dépensés pour la seule Sécurité nationale de l’Amérique, mais sur le fond comment pourraient-ils mieux combattre la misère grandissante, n’est-ce pas surtout les premiers gens avares et cupides de leur monde qui en sont les premiers responsables aux yeux de l’histoire, en vérité ils ont déjà tout perdus.

        +1

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  • keepitreal // 12.07.2015 à 13h22

    C’est un peu facile et démagogique de parler des peuples contre leurs élites même si le fossé actuel entre les 2 est tel que cette dimension du problème existe incontestablement.

    Le choix d’aujourd’hui est d’abord à faire au détriment de l’Europe et au bénéfice des nations. Je sais que cette idée n’est pas à la mode car les moutons dociles de notre époque stupide et moralisante y voient un retour au nationalisme, au patriotisme voire au fascisme et à la guerre. Mais en pratique il n’y a pas d’alternative :
    – La réalité humaine de base, c’est la personne humaine individuelle (pour un individualiste quasi-anarchiste comme moi, c’est d’ailleurs la seule réalité vraiment légitime et incontestable)
    – au-dessus, c’est la famille
    – au-dessus c’est la nation
    – au-dessus c’est la confusion (c’est là où nous sommes aujourd’hui)

    C’est pas une question de valeurs ni de morale ni même de «fierté d’être français», mais une affaire de lucidité et de réalisme : il n’existe tout simplement pas encore de réalité humaine collective plus haut placée que la nation, contrairement à ce qui nous est répété depuis 40 ans dans les médias et les écoles.

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    • Emmanuel // 12.07.2015 à 15h46

       » La réalité humaine de base, c’est la personne humaine individuelle (pour un individualiste quasi-anarchiste comme moi, c’est d’ailleurs la seule réalité vraiment légitime et incontestable).  »

      Bien sûr que non : la socialisation est une réalité fondamentale de l’espèce humaine, toute aussi incontestable dans son existence et son importance pour la construction psychique que votre individualisme, y compris dans les quelques sociétés anarchistes découvertes et étudiées par des anthropologues.

      L’égoïsme peut primer chez certaines personnes, les ambitions personnelles peuvent être illimitées, cela n’implique que la socialisation ne soit pas essentielle à toute vie humaine.

      Quant à une  » réalité humaine collective plus haut placée que la nation  » il y a en a des tonnes (politiques, culturelles, scientifiques, etc.).

        +3

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      • samuel // 12.07.2015 à 17h39

        La liberté ce définit par une opposition au groupe, elle est plus ou moins égale en fonction des exigences du groupe et de son désir de liberté. Il n’y a pas de sentiment de liberté sans groupe, de la même manière il n’y a pas de privé si tout est publique.
        On est des animaux sociaux, si on n’aime pas le foot il faudra ce justifier et essayer de trouver d’autres discussions qui inclus ces interlocuteurs, dans ce cas la liberté de ne pas aimer le foot oblige chercher d’autres centre d’intérêts (ce qui est moins le cas si on aime le foot).
        Le problème c’est que les libertés ne sont pas égales les unes par rapport aux autres (la liberté du renard n’est pas celle de la poule dans le poulailler).
        Et c’est pourtant la base de la pensée des libertariens qui sont capables de produire des trucs comme le bitcoin (sa variante en biotech serait un arbre dont les fruits seraient de l’argent, puisque l’argent ne pousse pas sur les arbres), l’idée d’une monnaie numérique pourquoi pas, mais l’idée d’une monnaie d’usage, qui puisse être récessive, c’est idiot, c’est vouloir gagner de l’argent sans investissement, ni travail, c’est croire que l’argent pousse sur les arbres.

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  • Nerouiev // 12.07.2015 à 13h29

    Sont quand même forts ces ricains. Ils nous font élire démocratiquement leurs subordonnés Merkel et Hollande. Ils agrandissent l’UE jusqu’à la Russie. ils obtiennent toujours le consensus des 28 pour leurs intérêts. Ils sont capables de nous protéger de tous nos ennemis. Ils ont convaincu toute l’UE que Poutine et Bashar al Assad étaient des tyrans. On a de la super musique dans les grandes surfaces, de superbes improvisations pornos avec les femens, et plein d’autres libertés…
    Et pourtant je ne me sens pas mieux pour autant.

      +9

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  • Benzekri // 12.07.2015 à 13h39

    Je partage en gros l’analyse mais ce qui me chagrine avec toutes ces analyses en direction du peuple grec et/ou de ses représentants c’est le fait de passer notre temps à attendre s’ils vont réussir ou échouer, résister ou abdiquer…
    Et nous ici et maintenant, pour faire bouger les choses et donner un coup de main à une autre alternative, nous, nous faisons quoi ICI ?

    CONJUGAISON…

    « Je porterai le mépris des créanciers avec fierté. »
    Tu porteras ta part de responsabilité- face à une Troïka qui rime avec truands et une Union de mafieux, de spéculateurs/racketeurs, d’escrocs et de profiteurs d’un système qui donne la vie à la dette et à la bourse et l’arrache aux Hommes- si tu ne fais rien pour changer les choses chez toi.
    Il portera la responsabilité de sa servitude volontaire et de sa soumission à des représentants soumis, incompétents, malhonnêtes.
    Nous porterons la responsabilité de notre passivité face aux chiens de garde qui nous gouvernent et qui n’hésitent pas à s’assoir sur nos votes.
    Vous porterez de dégout de ceux qui vous représentent et de vous-mêmes face à vos enfants si vous vous contentez de leur léguer les injustices, les humiliations et l’esclavage comme héritage.
    Ils porteront la fierté d’avoir dit NON, un OXI digne et massif et de s’être battus contre une bande organisée de suceurs de sang des peuples.

    Le rossignol ne bâtit pas son nid dans une cage pour ne pas léguer l’esclavage, comme héritage, à ses petits.
    Hamid Benzekri 12/07/2015

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  • samuel // 12.07.2015 à 14h02

    « Ils sont capables de nous protéger de tous nos ennemis. »

    Sauf de la perte de notre pouvoir d’achat, d’aller au ciné, sont-ils encore nos amis lorsqu’ils veulent nous imposer leur même rapport aux choses ou à l’alimentation. Pourquoi mangent-ils si mal ?

    Non la seule chose qui compte pour eux, c’est la sécurité nationale, voilà pourquoi ils ne peuvent pas plus respecter les droits de l’homme, et puis comment l’Amérique pourrait-elle nous protéger
    du méchant en Russie lorsqu’elle se montre déjà fort incapable de se protéger d’elle-même.

      +2

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  • Alain // 12.07.2015 à 17h20

    Faites un référendum dans les pays opposés à l’aide et la démocratie donnera aussi raison à la position de leurs dirigeants.On est démocratie contre démocratie et non démocratie contre technocratie

    Il faut se rendre compte que lorsqu’on dépend des autres on perd de son indépendances, c’est vrai pour les gens et les pays. Autrement dit, si les Grecs veulent retrouver leur souveraineté, ils doivent ne plus demander d’aide et seulement négocier leur dette avec comme position ultime le défaut unilatéral et ne plus avoir d’accès à aucune nouvelle source de financement. C’est possible mais ils doivent avoir le courage de tracer leur chemin seuls comme les Islandais.

    Cette catastrophe vient du non respect dès le départ des traités qui disent « pas d’entraide ». Il fallait laisser les grecs en tête à tête avec leurs créanciers avec possibilité de défaut unilatéral. Après chaque pays devait aider les épargnants de ses propres banques qui n’ont pas agi avec prudence avec la Grèce, un tel secours étant bien plus légitime aux yeux des citoyens des divers pays.

    Evidemment la politique stupide menée depuis 5 ans n’aide en rien

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    • Wilmotte Karim // 12.07.2015 à 18h07

      Démocratie contre démocratie, rien n’oblige Merkel et Schaubel (pour ne citer qu’eux) à mentir à leur peuple!

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