Suite du billet sur la fonte de la banquise arctique. L’index général de la série de billets sur le réchauffement climatique est disponible ici
Les glaciers
Le glacier d’Aletsch (Suisse), le plus grand glacier des Alpes (23 km)
Rappelons qu’un glacier est une masse de glace plus ou moins étendue qui se forme par le tassement de couches de neige accumulées. Écrasée sous son propre poids, la neige expulse l’air qu’elle contient, se soude en une masse compacte et se transforme en glace.
On peut distinguer trois zones dans un glacier :
- la zone d’accumulation : c’est la partie du glacier où les précipitations de neige se transforment en glace. Elle correspond à la zone des neiges éternelles et par conséquent la glace est rarement mise à nu. La zone d’accumulation correspond en général à 60 à 70 % de la superficie d’un glacier alpin ;
- la zone de transport : c’est la partie du glacier où la fonte reste limitée et où le glacier est le plus épais. L’érosion glaciaire y est à son maximum ;
- la zone d’ablation : c’est la partie du glacier où la fonte importante provoque la diminution de l’épaisseur du glacier jusqu’à sa totale disparition au niveau du front glaciaire qui peut prendre la forme d’une falaise, d’une colline, d’un amas désorganisé de glace…
La ligne d’équilibre d’un glacier est la limite qui sépare la zone du glacier où le bilan en masse est excédentaire et la zone du glacier où le bilan en masse est déficitaire. Cette ligne d’équilibre est matérialisée durant les mois chauds par la limite entre neige persistante (les neiges éternelles) et glace apparente. La ligne d’équilibre est utilisée pour marquer la fin de la zone d’accumulation d’un glacier.
Un glacier commence à se déformer et est donc capable d’avancer en acquérant une certaine plasticité lorsqu’il dépasse cinquante mètres d’épaisseur.
Les vitesses d’écoulement d’un glacier sont très variables. La vitesse moyenne pour un glacier classique est de l’ordre de quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres par jour. Certains glaciers ont une vitesse d’écoulement quasiment proche de zéro ; d’autres, comme les courants glaciaires, peuvent avancer de plusieurs dizaines de mètres par jour. Ainsi, un glacier de Groenland, le Kangerdlugssuaq a multiplié sa vitesse par trois entre 1996 et 2005 et atteint depuis plus de quatorze kilomètres par an, soit une moyenne de quarante mètres par jour.
Le front d’un glacier peut être amené à avancer ou à reculer dans une vallée. Ces mouvements sont le résultat d’un déséquilibre entre apport de neige et fonte : lorsque le bilan hydrique annuel est négatif, le glacier entre dans une phase de recul et réciproquement.
Il faut rappeler que quand on parle d’un recul glaciaire, ce n’est pas le glacier qui recule, la glace continuant d’avancer vers la bas de la vallée, c’est la position du front glaciaire qui se déplace vers le haut de la vallée.
Si l’apport de neige, et par conséquent de glace, est plus important que la fonte du front glaciaire, le glacier progressera dans la vallée. Ceci peut être provoqué par un refroidissement climatique et/ou une augmentation des précipitations. Les effets inverses seront à l’origine d’un retrait glaciaire. Entre 1850 et 1980, les glaciers des Alpes ont perdu presque le tiers de leur surface.
La plupart des glaciers alpins à travers le monde sont aujourd’hui dans une phase de retrait rapide tels :
- les glaciers suisses qui ont perdu 40 % de leur longueur, plus de la moitié de leur masse et une centaine ont disparu entre 1850 et 1999 et continuent de perdre cinquante centimètres d’épaisseur chaque année ;
- le glacier du Rhône en Suisse qui a perdu 2,3 kilomètres de longueur entre 1850 et 1999 ;
- le glacier d’Aletsch en Suisse qui a perdu cent mètres d’épaisseur entre 1870 et 2001 ;
- les glaciers de Valsorey et de Tseudet en Suisse qui ont perdu 1,4 kilomètre de longueur entre 1850 et 1998 ;
- le glacier de Grindelwald en Suisse qui a perdu 1,6 kilomètre de longueur entre 1850 et 2000 ;
- le glacier de Gébroulaz, en Vanoise a reculé de 1,63 km depuis le milieu du XIXe siècle ;
- le glacier Furtwängler (calotte locale du Kilimandjaro) qui a perdu 80% de son volume au cours de xxe siècle et disparaîtra entre 2015 et 2020.
Trois vidéos pour illustrer :
Le recul récent des glaciers
Le bilan de masse d’un glacier, crucial à sa survie, est la différence entre l’accumulation de neige et la fonte de la glace. Le changement climatique peut causer des variations aussi bien dans la température que dans les chutes de neige, causant des changements dans le bilan de masse. Un glacier avec un bilan de masse négatif persistant est hors d’équilibre et reculera. Un glacier avec un bilan de masse positif persistant est également hors d’équilibre, et avancera pour rétablir l’équilibre.
On mesure le bilan de masse par l’équivalent en eau d’une couche de neige (ou de glace), qui correspond à la hauteur d’eau qui serait obtenue en faisant fondre toute la colonne de neige considérée sur la même surface. Il se calcule à partir de la hauteur de la couche de neige et de sa densité moyenne. Il s’exprime en mm éq.eau La conversion de l’EEN (millimètres) d’une masse de neige par superficie à une profondeur en eau est basée sur le fait que 1 millimètre d’eau étalé sur une surface de 1 mètre carré pèse 1 kilogramme.
Observons alors l’évolution du bilan de masse glaciaire total de la planète depuis 1980 :
Bilan annuel de masse glaciaire total de la planète
Bilan annuel de masse glaciaire total de la planète (idem ci-dessus, présentation différente)
Bilan annuel et bilan cumulé de masse glaciaire total de la planète
On observe que depuis 1980, un réchauffement climatique significatif a conduit à un recul des glaciers (= ils fondent) de plus en plus rapide et dans le monde entier, au point que beaucoup de glaciers ont disparu et que l’existence d’un grand nombre d’autres glaciers restants dans le monde est menacée. Ce retrait, mondial et rapide affecte tous les glaciers de la planète.
Des pertes massives de glacier sont observées en Arctique, et les glaciers de l’Alaska s’amenuisent particulièrement rapidement.
Le plus long glacier du monde : le glacier Beardmore en Antarctique (160 km)
Dans des régions telles que les Andes en Amérique du Sud ou l’Himalaya en Asie, la fin des glaciers aura un impact potentiel sur des approvisionnements en eau. Le récent recul substantiel, ainsi qu’une accélération de la vitesse de recul depuis 1995 d’un certain nombre de glaciers d’exutoire principaux du Groenland et des inlandsis de l’Antarctique occidental, peuvent annoncer une élévation du niveau de la mer, ayant un effet potentiellement dramatique sur des régions côtières dans le monde entier.
Le retrait historique des glaciers
Observons désormais l’évolution du bilan de masse glaciaire total de la planète depuis 1850 :
Bilan annuel de masse glaciaire total de la planète
Bilan annuel de masse glaciaire total de la planète (idem ci-dessus, présentation différente)
Bilan annuel et bilan cumulé de masse glaciaire total de la planète
Ainsi, la plupart des glaciers ont reculé depuis la fin du Petit Age Glaciaire (vers 1850) et ils auraient tendance à reculer de plus en plus vite depuis 1990. Au cours du XXe siècle, il y a eu une crue entre 1953 et 1981 et deux fortes décrues (1942-1953 et celle de 1981 qui se poursuit actuellement). Mais, pour diverses raisons (dimensions, topographie, orientation, etc.), ils n’évoluent pas au même rythme.
Les glaciers des Alpes occidentales ont diminué de 30 et 35 % (545 km² contre 830 km²) en un peu plus d’un siècle. Les glaciers Suisses ont perdu au total près de 40 % en 150 ans. En Italie et en Autriche il y a aussi une augmentation localisée des pourcentages de glaciers en crue.
La coïncidence temporelle du recul des glaciers avec l’augmentation mesurée des gaz à effet de serre atmosphériques est souvent citée comme preuve du réchauffement climatique anthropique (= causé par l’homme).
Voici un bilan géographique de masse glaciaire des glaciers et calottes glaciaires , d’après :
Bilan géographique de masse glaciaire des glaciers et calottes glaciaires, 1961-2004. (a) Bilan de masse moyen, montrant l’étendue du changement climatique dans la région (b) Bilan de masse total, montrant la contribution de chaque région à l’élévation mondiale du niveau de la mer, en mm « équivalent niveau de la mer (SLE) ». (Source : GIEC [2007] based on Dyurgerov and Meier [2005])
On note la fonte majeure de la Patagonie et du continent américain. Rapporté à la planète, ce sont en fait l’Arctique et l’Alaska qui contribuent le plus à la montée de la mer.
La Mer de Glace
La Mer de Glace est le plus gros glacier de France. Ce glacier alpin proche du Mont-Blanc mesure au total sept kilomètres de long, son épaisseur est d’environ deux cents mètres et sa surface est de trente cinq kilomètres carrés.
On mesure depuis longtemps sa longueur, ce qui nous donne donc de précieuses informations sur les évolutions avant 1850 (depuis 1560) :
Ce graphique rassemble les variations de longueur historiques collectées par Mougin (1598 à 1870) et celles plus récentes, issues des mesures de différents organismes.
On note l’allongement rapide du glacier dans les années 1600 (vers 1660, l’avancée du glacier de la Mer de Glace a réduit à l’état de ruines deux villages implantés à son pied), les variations importantes tout au long des deux siècles du petit âge glaciaire (période de forte baisse des températures, entre 1600 et 1850), un très fort recul quasiment continu depuis 1860, interrompu par de brèves ré-avancées comme en 1890, 1920 et 1970.
Le front actuel se situe à près de 2000 mètres en deçà de celui de 1850.
La Mer de Glace en 1850
Son épaisseur a également fortement diminué, de plus de 160 mètres :
Observons quelques images, suivant le principe du « Avant / Maintenant » pour comparer :
Autres Glaciers (Partie 1/2)
Pour finir cette première partie, nous allons, comme dans la prochaine, simplement continuer notre jeu du « Avant / Maintenant », qui est éloquent :
Dans le billet suivant, vous trouverez la suite de cette présentation des conséquences du réchauffement climatique sur les glaciers.
6 réactions et commentaires
Dossier passionnant et très complet !
Les images parlent d’elles-mêmes.
Quant à l’émission « C’est pas sorcier » c’est une excellente émission de vulgarisation scientifique.
Bravo et bon WE.
Marc
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AlerterCher Olivier,
vous donnez l’impression de disposer de tellement de sources pour faire vos graphiques, que c’en est vraiment impressionnant.
Aussi je voudrais vous suggérer une recherche similaire avec des graphiques concernant l’analphabétisme et le niveau d’éducation dans le monde, si il existe des sources sur ce domaine; je suis sûr que ça devrait intéresser bien des gens aussi.
Merci d’avance
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AlerterSuggestion intéressante.
Ma perception intuitive et basée sur l’observation est que le niveau de culture générale des générations successives décroit bien plus vite que la masse glaciaire de la planète …
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AlerterBonjour,
tout d’abord, bravo pour l’ensemble de ce blog, ultra intéressant et qui va à l’encontre de bien des idées reçues en économie (notamment sur l’idée que le retour de la croissance est le remède à tous nos maux)…bien des gens et des politiques devraient venir y faire un tour…
Concernant les glaciers, une petite question me taraude. La plupart des données et des photos remontent à 1850, pas avant. Or, on sortait d’une longue période froide (le Petit Age Glaciaire) en 1850, on peut donc penser que les glaciers étaient « à leur maximum » à ce moment-là. La comparaison 1850/maintenant me parait un peu spécieuse…Et j’imagine bien que des données beaucoup plus longues (bien avant le Petit Age Glaciaire) n’existent pas.
Je n’ai pas vraiment de doute sur l’origine anthropique du réchauffement actuel (je fais confiance aux scientifiques sérieux que sont la majorité des climatologues), mais concernant plus spécifiquement les glaciers, pourquoi peut-on affirmer que « la coïncidence temporelle (depuis 150 ans) du recul des glaciers avec l’augmentation mesurée des gaz à effet de serre atmosphériques est souvent citée comme preuve du réchauffement climatique anthropique » ?
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AlerterDans la lignée du réchauffement climatique s’est installée la taxe carbone. Le transport aérien y arrive.
(air et cosmos N° 2294 du 6/1/12).Qui évoque les quotas d’émissions gratuites, aux enchère,constitution de matelas de CO2, où acheter de la tonne de CO2. Bien sur les passager vont payer ces coûts. Mais à quoi sert cet argent récupéré , je pense, par l’Etat.Pour réduire la dette publique? Sans doute pas aux motoristes qui progressent, eux,pour diminuer les émissions de CO2.
Qui enfume t-on une fois de plus? Merci d’avance si, à l’occasion, vous pouvez nous éclairer.
Merci encore pour tout ce que vous nous soumettez.
Qui enfume t-on
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Alertersuper on va bientot avoir de nouveau des surfaces cultivables au Groenland ( pays vert ) on pourrait aussi considérer celà comme un retour à la normale plutôt que de toujours voir des problèmes partout.
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AlerterLes commentaires sont fermés.