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15.septembre.202215.9.2022 // Les Crises

Climat : La propre équipe de Biden dénonce l’inaction climatique du gouvernement américain

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L’inaction de l’administration Biden en matière de climat est telle que les experts de ses propres agences ont lancé une pétition le suppliant d’agir pour réduire les émissions tant qu’il est encore temps.

Source : Julia Rock, David Sirota
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le président Joe Biden évoque le changement climatique à la centrale électrique maintenant fermée de Brayton Point à Somerset, Massachusetts, le 20 juillet 2022. (Joseph Prezioso / Anadolu Agency via Getty Images)

Selon une lettre qui circule au sein de l’administration et au Capitole, la résignation du président Joe Biden sur la politique climatique alors que la crise s’intensifie a incité les experts de ses propres agences à tirer la sonnette d’alarme concernant la reculade de leur patron, ce qui est rare,

La lettre adressée à Biden et au chef de la majorité au Sénat, Chuck Schumer (Démocrate-New York), a été transmise au Lever [Journal indépendant d’infos politiques, nom faisant référence au levier d’Archimède soulevant le monde, https://www.levernews.com/ NdT] par un membre du personnel démocrate de la Chambre des représentants. Elle a été paraphée par 165 membres du personnel des agences fédérales de la santé et de l’environnement et par plus de 80 cabinets du Congrès. Ils exigent que le président emploie des méthodes plus énergiques pour faire adopter au Sénat son programme climatique promis depuis longtemps.

« Monsieur le Président Biden, vous avez l’impérieuse responsabilité de réduire les souffrances dans le monde entier, et vous avez le pouvoir et les compétences pour le faire, mais le temps presse », exhorte la lettre, qui circule maintenant dans toute l’administration pour obtenir davantage de signatures. « Vous êtes le président des États-Unis d’Amérique, nous sommes à un moment charnière de l’histoire du monde. Tout ce que nous vous demandons, c’est de faire tout ce qui est en votre pouvoir. Nous avons fait notre part. Nous vous implorons de faire la vôtre. »

La lettre a été transmise au Lever par Saul Levin, membre du personnel Démocrate de la Chambre des représentants et coordinateur de la Commission Climat de la Congressional Progressive Staff Association. Les responsables qui ont paraphé la lettre l’ont fait de leurs initiales, de façon assez anonyme, afin de se protéger contre toute rétorsion politique. Un autre membre du personnel Démocrate de la Chambre des représentants a confirmé que la lettre circulait parmi le personnel afin de recueillir les signatures.

« Notre maison brûle, et Manchin a mis le feu aux escaliers. Les dirigeants démocrates se défilent », a déclaré Levin au Lever. « Impossible pour nous. Il nous faut tenter les issues de secours, trouver l’extincteur, attacher des draps ensemble s’il le faut : nos vies en dépendent. »

Levin faisait référence au sénateur Joe Manchin (Démocrate -Virginie Occidentale) qui a une nouvelle fois annoncé qu’il se retirait des négociations à cause des 375 milliards de dollars de crédits d’impôt pour les énergies propres. Il fait également suite au refus de Biden de déclarer l’urgence climatique, ce qui lui permettrait, entre autres choses, d’instaurer un embargo sur les exportations de pétrole brut, de bloquer les importations de combustibles fossiles et de verrouiller les investissements dans des projets liés aux combustibles fossiles.

Faisant écho à cette lettre, le représentant Ro Khanna (Démocrate-Californie) a déclaré au Lever : « Il est impératif que le président Biden déclare l’urgence climatique dès maintenant. Nous avons aujourd’hui besoin d’un projet radical pour les énergies renouvelables. »

Cette manœuvre inhabituelle de la part de membres du personnel des propres agences de Biden met en lumière les enjeux importants du moment — la fenêtre ouverte pour faire adopter une législation sur le climat sous l’égide d’un triptyque démocrate [ Un triptyque gouvernemental est une situation politique dans laquelle le même parti politique contrôle le pouvoir exécutif et les deux chambres du pouvoir législatif, en anglais trifecta, NdT] est peut-être sur le point de se refermer, et il faudra peut-être des années avant que des investissements massifs dans les énergies propres ne soient à nouveau possibles.

La lettre appelle Biden à « déclarer immédiatement l’urgence climatique et à mettre fin à l’extraction de combustibles fossiles sur les terres fédérales. Ensuite, et surtout, vous devez intervenir dans les négociations bloquées du Sénat. »

Alors que l’âge moyen d’un sénateur américain est de soixante-quatre ans, et que Biden en a soixante-dix-neuf, la moyenne d’âge au sein du personnel est beaucoup plus jeune — et ils auront à subir les conséquences de l’inaction de leurs patrons.

Plus précisément, les membres du personnel demandent à Biden d’envoyer une lettre publique à Manchin lui donnant deux options.

« La première option consiste pour le sénateur Manchin à voter pour adopter les dispositions de la Chambre concernant la justice climatique Build Back Better d’ici la fin du mois de juillet, dans le cadre d’un package de conciliation, ont écrit les membres du personnel. La seconde consiste à présenter une alternative courageuse et créative dont le sénateur Manchin comprendra qu’elle est bien pire. Par exemple, vous et le sénateur Schumer pourriez retirer au sénateur Manchin sa présidence de la commission sénatoriale de l’énergie et des ressources naturelles, arrêter le projet Mountain Valley Pipeline, arrêter l’extraction par arasement du sommet des montagnes et la combustion du charbon, et établir des normes strictes en matière de pollution de l’eau et de l’air. »

Ce message à Biden survient deux semaines après que des membres du personnel du Congrès aient envoyé une première lettre à Schumer et à la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi (Démocrate-Californie), exigeant qu’un accord soit trouvé afin de faire adopter les crédits d’impôt pour les énergies propres, comme l’a rapporté CNN.

Quelques jours seulement après l’envoi de cette lettre, après des semaines de négociations, Manchin a fait savoir aux dirigeants Démocrates qu’il ne soutiendrait pas un package de conciliation incluant des dépenses liées au climat. Il a rapidement couvert ses arrières, faisant savoir qu’il pourrait soutenir un package plus large après les vacances d’août si toutefois l’inflation semble diminuer.

Les inquiétudes de Manchin concernant l’inflation devraient être sans fondement : il existe un consensus écrasant parmi les économistes sur le fait que subventionner l’énergie propre réduirait en fait l’inflation en rendant l’énergie moins chère pour les consommateurs.

Résumant les témoignages d’universitaires devant les législateurs, le journaliste spécialiste du climat David Wallace-Wells a noté dans un récent article que « les coûts de la pollution atmosphérique pour la santé publique [sont] si élevés qu’une décarbonation totale serait entièrement amortie par les seuls avantages pour la santé publique. Il n’est même pas nécessaire de tenir compte du climat, en d’autres termes, pour que la décarbonation ait un sens, même dans le cadre de la plus sévère analyse coûts-avantages. »

D’un autre côté, Manchin est un millionnaire qui a fait fortune dans le charbon et qui a accepté plus de contributions de campagne de l’industrie pétrolière et gazière que tout autre sénateur. Chaque année, Manchin reçoit des centaines de milliers de dollars d’une société de courtage en charbon qu’il a fondée et que son fils dirige maintenant.

Après la déclaration de Manchin qui compromettait l’adoption des dépenses climatiques, Biden a exhorté les dirigeants Démocrates du Congrès à poursuivre en présentant un paquet de dépenses beaucoup plus modeste qui ne comprendrait qu’une extension des subventions de la Loi sur les soins abordables et une disposition concernant la négociation du prix des médicaments sur ordonnance.

Mercredi dernier, Schumer a confirmé que le Sénat irait de l’avant pour ce qui est le projet de loi de conciliation sur les seuls soins de santé, et a déclaré qu’il ferait une nouvelle tentative pour faire adopter les dépenses climatiques après la publication des chiffres de l’inflation en juillet. « Nous disposons toujours d’un deuxième projet de loi de conciliation », a-t-il déclaré à E&E News.

D’autres sénateurs se sont montrés moins enclins à renoncer au paquet climatique.

« Nous sommes beaucoup plus proches d’un accord sur le climat que les gens ne le pensent », a tweeté le sénateur John Hickenlooper (Démocrate-Colorado) après que Schumer a annoncé que le Sénat allait poursuivre en présentant un paquet de mesures portant uniquement sur les soins de santé. « Ne jetons pas encore l’éponge. »

Mais, en publiant cette lettre, les membres du personnel déclarent publiquement que Biden et Schumer ont renoncé trop tôt, surtout alors que les enjeux sont si élevés.

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Ce travail a été rendu possible grâce au soutien de la Puffin Foundation.

Contributeurs

Julia Rock est journaliste pour le Lever.

David Sirota est rédacteur en chef à Jacobin. Il édite le Lever et a précédemment été conseiller principal et plume de Bernie Sanders lors de la campagne présidentielle de 2020.

Source : Julia Rock, David Sirota, 25-07-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Fabrice // 15.09.2022 à 07h44

Je pense que personne n’a compris ou ne veut comprendre que les politiques ne dirigent plus les orientations des pays.

ils se sont mis à la merci d’intérêts financiers et économiques qui ne laisseront pas changer un système qui sert l’intérêt d’une minorité qui se fichent des conséquences.

Ceux qui croient encore que des partis changeront quoi que ce soir se trompent à la limite ils feront peser sur les individus une illusion de changement par des taxes, ou des pass énergétiques mais quand on demandera de taxer les jets privés, les cargos, les flux financiers qui favorisent les désastres environnementaux ce sera le grand vide.

6 réactions et commentaires

  • Fabrice // 15.09.2022 à 07h44

    Je pense que personne n’a compris ou ne veut comprendre que les politiques ne dirigent plus les orientations des pays.

    ils se sont mis à la merci d’intérêts financiers et économiques qui ne laisseront pas changer un système qui sert l’intérêt d’une minorité qui se fichent des conséquences.

    Ceux qui croient encore que des partis changeront quoi que ce soir se trompent à la limite ils feront peser sur les individus une illusion de changement par des taxes, ou des pass énergétiques mais quand on demandera de taxer les jets privés, les cargos, les flux financiers qui favorisent les désastres environnementaux ce sera le grand vide.

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    • RGT // 15.09.2022 à 21h16

      « les politiques ne dirigent plus les orientations des pays »…

      Juste une petite question : Les politiques ont-ils dans le passé réellement dirigé les orientations des pays ?

      Je répondrai par la négative… En fait les politiques appliquent les décisions que leurs « mécènes » et autres personnes (physiques ou morales) qui financent leurs campagnes électorales et le parti politique dans lequel ils ont fait carrière.
      Un vrai politicien professionnel se fout royalement des « valeurs » défendues par les publicités (mensongères) du parti qui l’emploie, il se contente simplement de gérer sa propre carrière (en plantant des couteaux dans le dos de ses concurrents amis de son parti pour se hisser au sommet de la chaîne alimentaire.
      Comme les promesses électorales n’engagent que les idiots qui les croient et c’est partout pareil.
      Si un élu respectait à la lettre ses promesses électorales il aurait un « accident » de la vie qui lui éviterait de continuer à trahir ses engagements vis à vis de ceux à qui son parti est réellement redevable.

      La principales différence avec Trump, c’est que ce dernier annonçait clairement la couleur alors que Biden joue les oies blanches mais mène exactement la même politique, voire même en pire car, contrairement à Trump qui avait une fortune personnelle lui permettant d’envoyer balader les lobbies, Biden est « à poil » et à un besoin impératif de « mécènes » pour continuer à survivre.

      Qu’on cesse de nous bassiner avec les « grand élus »…
      Particulièrement les « humbles » des partis pouvant parvenir au pouvoir..

      Mes remarques concernant Trump ne sont pas de ma part une approbation de ce qu’à fait cet individu qui est tout aussi détestable que ses prédécesseurs et que ses successeurs.
      J’indiquais simplement que Trump pouvait résister bien plus facilement aux « sirènes » des lobbies parce qu’il ne dépendait pas du tout financièrement de ces lobbies car sa propre fortune personnelle le mettait à l’abri de toute pression financière.

      Ce qui n’est pas le cas de Biden ou des autres politiciens professionnels dont la survie est intimement liée aux « grands donateurs » de son parti.

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    • Dominique65 // 16.09.2022 à 10h03

      « personne n’a compris ou ne veut comprendre que les politiques ne dirigent plus »
      Des millions, voire des milliards de personnes l’ont compris et le dénoncent. Ce sue tu décris est le néolibéralisme et est fortement combattu.
      Cordialement.

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  • ManuUK // 15.09.2022 à 22h02

    Les 6 plus gros pollueurs de la planète, à savoir La Chine, les États-Unis, l’Inde, l’UE, la Russie et le Japon, n’ont aucune action contre le réchauffement climatique.

    Les États-Unis ne sont pas isolés dans leurs inactions. Alors les COP-XX, les pétitions ou autres n’ont aucun effet.

    Toutes les économies mondiales sont portées par une idéologie qui est tournée vers le réchauffement climatique. On les voit bien désespérés à chercher une solution qu’ils ne pourront jamais mettre en oeuvre….

    La solution ne réside pas dans l’action d’un homme, mais en repensant nos modèles économiques.

    Biden, âgé de ses 80 ans, est plus proche de l’au-delà que de la solutions.

    Ni Xi-ping, ni Droupadi Murmu, ni Ursula von der Leyen, ni Poutine ou Fumio Kishida sont actifs dans cette lutte. C’est même bien pire.

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  • Dominique65 // 16.09.2022 à 09h59

    « Manchin reçoit des centaines de milliers de dollars d’une société de courtage en charbon qu’il a fondée »
    Corruption très ordinaire dans ce pays qui tient absolument à apporter la démocratie (et ses règles mouvantes*) au reste de la planète.
    * ordre fondé sur des règles.

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