Source : Ted Snider, Consortium News, 08-03-2018
Dans certains cas, l’allusion qu’un pays pourrait supprimer la limitation du nombre de mandats présidentiels fournit à Washington un motif suffisant pour soutenir un coup d’État, mais dans d’autres cas, Washington célèbre les présidents à vie, observe Ted Snider.
Donald Trump a suscité quelques inquiétudes la semaine dernière lorsqu’il a semblé louer le président chinois Xi Jinping pour la suppression de la limitation du nombre de mandats présidentiels de la constitution chinoise, lui ouvrant la voie pour qu’il devienne « président à vie ». Lors d’une collecte de fonds en Floride, Trump a déclaré : « Il est maintenant président à vie. Président à vie. Non, il est génial ». Il a ensuite ajouté, sous des acclamations enthousiastes : « Je pense que c’est génial. Peut-être devrons-nous essayer ça un jour ».
Peut-être que Trump plaisantait au sujet de la suppression par la Chine de la limite du mandat présidentiel de la Constitution, mais les États-Unis ne riaient supprimant la limite du mandat présidentiel de la Constitution hondurienne. Washington a plutôt soutenu un coup d’État.
Combien de mandats consécutifs font d’un président un dictateur ? De nombreuses démocraties parlementaires n’ont pas de limite de mandats. En Grande-Bretagne, Robert Walpole a été premier ministre pendant près de 21 ans. William Pitt le Jeune a servi pendant près de 19 ans et Thatcher et Blair ont servi pendant 12 et 10 ans respectivement. Washington n’a jamais traité Thatcher ou Blair de dictateur. Au Canada, William Lyon Mackenzie King a été Premier ministre pendant plus de 21 ans. Le premier premier ministre du Canada, John A. Macdonald, a servi pendant près de 19 ans, et Pierre Elliot Trudeau, père de l’actuel premier ministre, a servi pendant 15 ans.
La limitation du nombre des mandats est devenue une question constitutionnelle dès le début de l’Amérique. De nombreux rédacteurs ont appuyé la nomination à vie des présidents. Alexander Hamilton et James Madison ont tous deux appuyé l’idée d’un mandat à vie. D’autres aussi. Une personne aurait fait basculer le vote, car il a été rejeté par une marge de seulement six voix contre quatre.
La Convention constitutionnelle de 1787 n’a pas limité le mandat du président. Et, malgré le refus de Washington de se présenter pour un troisième mandat, Ulysses S. Grant, Theodore Roosevelt et Woodrow Wilson ont tous cherché à obtenir un troisième mandat. Franklin Delano Roosevelt a remporté un troisième mandat. Et un quatrième. Ce n’est qu’au milieu du siècle dernier que le 22e amendement a fait en sorte que « nul ne peut être élu au poste de président plus de deux fois… ».
C’est une phrase qui a récemment fait l’objet d’un examen dans d’autres pays également : aucune n’est plus troublante que le Honduras en ce qui concerne la réaction des États-Unis. En 2015, la Cour suprême du Honduras a supprimé la limite d’un mandat pour le président, ouvrant la voie à Juan Orlando Hernández pour un second mandat. Les États-Unis ont appuyé la candidature de M. Hernández pour un deuxième mandat, même s’il n’est pas clair que le tribunal hondurien avait le pouvoir d’apporter cet amendement constitutionnel sans qu’il y ait un vote du peuple. Il n’est pas clair non plus que la Cour a légitimement apporté cet amendement puisque c’est un comité de cinq membres et non pas la Cour des 15 membres au complet qui a voté sur le changement.
Le même soutien n’a pas été offert à l’ancien président hondurien, Manuel Zelaya, élu populairement, quoiqu’il ne soit pas allé aussi loin que Hernández. Zelaya n’a pas touché à la constitution, il n’a pas modifié les limites du nombre de mandats présidentiels et il ne s’est pas présenté pour un second mandat. Il n’a fait qu’ouvrir le débat sur le changement constitutionnel. Zelaya n’avait qu’à annoncer un plébiscite pour voir si les Honduriens voulaient rédiger une nouvelle constitution pour que l’establishment politique hostile traduise faussement son intention en une intention de chercher un second mandat inconstitutionnel et de l’évincer dans un coup d’état.
Zelaya n’avait jamais déclaré son intention de se présenter pour un second mandat – seulement pour ouvrir à la discussion l’interdiction constitutionnelle de la réélection présidentielle. Mais la Cour suprême a déclaré inconstitutionnel le plébiscite du président. Le 28 juin 2009, les militaires ont enlevé Zelaya, et la Cour suprême a accusé Zelaya de trahison et a désigné un nouveau président.
Bien que les États-Unis aient soutenu Hernández, qui a effectivement modifié les limites de son mandat et s’est présenté à la réélection, non seulement ils n’ont pas soutenu le Zelaya beaucoup plus honnête, mais ils ont soutenu le coup d’État contre lui. Rodolfo Pastor Fasquelle, ministre de la culture du gouvernement Zelaya, a déclaré sur Democracy Now que « je sais pertinemment que les agents de la CIA et le personnel militaire des États-Unis étaient en contact direct avec les conspirateurs du coup d’État et ont aidé les conspirateurs du coup d’État ».
Le spécialiste de l’Amérique latine Mark Weisbrot a au moins partiellement corroboré cette affirmation lorsqu’il m’a dit que « l’administration Obama a reconnu qu’ils avaient parlé aux militaires [honduriens] jusqu’au jour du coup d’État, prétendument pour les convaincre de ne pas le faire ». Mais, a-t-il ajouté, « j’ai du mal à croire qu’ils n’auraient pas pu es convaincre de ne pas le faire s’ils le voulaient vraiment : l’armée hondurienne est assez dépendante des États-Unis ».
Après le coup d’État, la secrétaire d’État Hillary Clinton a admis qu’elle avait aidé le coup d’État en aidant à bloquer le retour du gouvernement élu : « Dans les jours qui ont suivi [après le coup d’État], j’ai parlé avec mes homologues de tout l’hémisphère, y compris la Secrétaire [Patricia] Espinosa au Mexique. Nous avons élaboré un plan stratégique pour rétablir l’ordre au Honduras et faire en sorte que des élections libres et équitables puissent se tenir rapidement et légitimement, ce qui rendrait la question de Zelaya caduque ».
Les États-Unis ont fait tout cela en sachant pertinemment que ce qui se passait au Honduras était un coup d’État. Le 24 juillet 2009, moins d’un mois après le coup d’État, la Maison-Blanche, Clinton et beaucoup d’autres ont reçu un câble intitulé « Open and Shut : the Case of the Honduran Coup » envoyé par l’ambassade des États-Unis au Honduras. Le câble de l’ambassade dit : « Il ne fait aucun doute que l’armée, la Cour suprême et le Congrès national ont conspiré le 28 juin dans ce qui constituait un coup d’État illégal et anticonstitutionnel ». Et au cas où il y aurait des objections, le câble ajoute « qu’aucun des arguments [des défenseurs du coup d’État] n’a de validité matérielle en vertu de la constitution hondurienne ».
Les États-Unis ont appuyé un coup d’État au Honduras qui a destitué un président populaire pour avoir simplement envisagé de supprimer la limitation du nombre des mandats. Il aurait donc dû être surprenant qu’il ait soutenu un président au Honduras pour avoir effectivement supprimé les limites de mandats et cherché à se faire réélire, mais, bien sûr, il n’a jamais été question de limites du nombre de mandats. C’était bien pour Juan Orlando Hernández parce que, selon les câbles du département d’État, « il a toujours soutenu les intérêts des États-Unis ». Mais, ce n’était pas bon pour Manuel Zelaya parce qu’il a osé servir les intérêts du peuple qui l’a élu au lieu des intérêts américains.
Ainsi, lorsque le serviteur de Washington a supprimé les limites du nombre de mandats présidentiels dans l’arrière-cour de l’Amérique, l’ambassade des États-Unis au Honduras a agréé sa réélection en disant qu’elle était « satisfaite » de sa « transparence ».
Ted Snider écrit sur l’analyse des tendances de la politique étrangère et de l’histoire des États-Unis. [Cet article a été publié à l’origine sur Antiwar.com. Réimprimé avec permission.]
Source : Ted Snider, Consortium News, 08-03-2018
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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Commentaire recommandé
En Europe, nous avons la chancelière, Madame Merkel qui entame un 4e mandat, laquelle totalisera 16 ans de pouvoir… si elle termine son mandat.
Dans l’Otanie européenne en général, nous avons les chaises musicales gauche-droite qui opèrent à eu près la même politique : servir les intérêts américains.
Normal qu’un Poutine réélu haut la main après 18 ans de pouvoir, avec même un écrasement des partis libéraux pro-US, fasse baver nos caniches de dépit et les excite au point d’inventer n’importe quoi ! Je veux dire, inventer plus que d’habitude…
Et si pareil score donnait des idées aux peuples captifs de l’Union Européenne ? C’est d’ailleurs ce qui se passe avec la montée des partis eurosceptiques « populistes », malgré les campagnes marketing de l’UE pour expliquer les avantages de cette dictature aux incroyants bornés.
15 réactions et commentaires
On parle souvent de Trump comme un représentant dangereux de l’extrême droite néocolonialiste…..Il semble que les social- démocrates Obama et Clinton aient été dans ces domaines (aussi) de fervents précurseurs…..
+36
AlerterEn fait, si un Président est un homme de qualité qui sert le bien commun, il doit être possible de le laisser continuer son œuvre.
Le pouvoir économique (banques, multinationales,…) n’est pas élu. Ni les besogneux qui complotent dans les organisations internationales…
L’obligation faite aux politiques de changer rapidement favorise le parasitisme et la destruction. Si le polichinelle n’est en place que pour 4 ans, il peur salir, voler, détruire, polluer, le futur ne l’intéresse pas. C’est exactement le problème des petits chefs mafieux qui savent que leur vie sera courte. En conséquence, ils détruisent pour s’enrichir et ne se préoccupent pas des générations futures.
Les pions placés à la tête des Etats européens sont infâmes pour cette raison : après 4 ans, ils veulent être riches quels que soient les ravages irréversibles dont ils seront responsables et coupables.
Des élites politiques de qualité doivent rester en place le plus longtemps possible.
+23
AlerterIl suffit de regarder le Mexique.
Le président est élu pour un seul mandat au cours duquel il s’en met plein les poches avec la bénédiction de Washington.
Ensuite, une belle retraite dorée qui ferait rêver les PDG de nos grosses entreprises.
Les exemples ne manquent pas, il suffit de voir ce que sont devenus ces « grands hommes » pour en être convaincu.
Sans parler des dossiers qui fuitent parfois…
Ne vous en faites pas, nous avons les mêmes dans toutes les « démocraties représentatives ».
Si vous n’avez de comptes à rendre à personne, pourquoi se gêner ?
C’est sans doute la raison pour laquelle ils se battent pour briguer des postes pénibles et ingrats.
+11
AlerterOn peut être en démocratie représentative sans pour autant imposer une limite aux nombre de mandats. Il s’agit là de deux choses différentes.
+3
Alerter» …/… si vous n’avez de comptes à rendre à personne, pourquoi se gêner ? »
D’autant que « en même temps ils assument ».
+3
AlerterPermettez de vouloir objecter sur le principe d’un mandat illimité : si le candidat est corrompu, ce n’est pas le fait que le nombre de mandat soit limité ou pas qui changera l’affaire; au contraire, au prorata temporis, une certaine logique voudrait que tout simplement, l’importance de la corruption augmente avec la durée. Et le sujet étant la corruption, maintenir vitam eternam une même personne au niveau du pouvoir entraine immanquablement le renforcement de réseaux de pouvoir autour, que j’assimilerais pour partie à une forme de corruption; sans compter que vitam eternam, ça peut finir par nous faire des personnes impotentes qui s’accrochent au pouvoir….Ce sont les contre-pouvoirs qui sont les vraies solutions, et la qualité des institutions qui vont avec, qui elles, sont sensées durer. Donc, oui à la limitation des mandats, oui à la sévérité des sanctions en proportion des responsabilités qui sont confiées, oui à un système de révocation qui oblige le chef d’Etat à rendre des comptes à ceux qui l’on élu…. (et non à un pseudo-président qui joue le rôle d’un DG qui rendrait des comptes à une sorte de conseil d’administration, et en dehors du peuple….).
+3
AlerterIl y a un truc qui s’appelle dynastie:
Bébé Doc qui succède à papa Doc
Trujillo qui succède à Trujillo
George W Bush qui succède à George WH Bush
Et puis la variante Madame, femme de:
Madame Marcos qui succéde à Monsieur Marcos
et Madame Clinton qui succède à Monsieur Clinton , oups non, ça a raté et deux fois
depuis elle est colère Mme Clinton
c’est trop injjuste
+21
AlerterAh, ça alors ! Je croyais que le Président Zelaya avait été viré par un coup d’État organisé par Poutine…
+5
AlerterEn Europe, nous avons la chancelière, Madame Merkel qui entame un 4e mandat, laquelle totalisera 16 ans de pouvoir… si elle termine son mandat.
Dans l’Otanie européenne en général, nous avons les chaises musicales gauche-droite qui opèrent à eu près la même politique : servir les intérêts américains.
Normal qu’un Poutine réélu haut la main après 18 ans de pouvoir, avec même un écrasement des partis libéraux pro-US, fasse baver nos caniches de dépit et les excite au point d’inventer n’importe quoi ! Je veux dire, inventer plus que d’habitude…
Et si pareil score donnait des idées aux peuples captifs de l’Union Européenne ? C’est d’ailleurs ce qui se passe avec la montée des partis eurosceptiques « populistes », malgré les campagnes marketing de l’UE pour expliquer les avantages de cette dictature aux incroyants bornés.
+38
AlerterHé hé … mais pour Juncker ça n’a pas l’air trop bien parti tout de même. Y’en a qui font rien que l’embêter.
+1
AlerterCe serait peut-être préférable pour nous, les Français, d’avoir un dirigeant que l’on aurait envie de reconduire plusieurs fois, à la tête de l’Etat.
Je profite de ce sujet concernant la nécessaire lucidité dont un citoyen devrait faire preuve, pour demander conseil aux contributeurs/lecteurs de ce blog. En effet, demain à 11h00, dans tous les établissements scolaires, une minute de silence sera exigée par le gouvernement français dans le cadre du deuil national. Or, je ne voudrais pas que mon fils (collégien) s’interroge sur la situation qui pousse des terroristes à nous terroriser. Par ailleurs, n’ayant pas accès à l’information destinée aux adultes, il n’a donc pas connaissance des raisons qui poussent le gouvernement français à instaurer ce moment de recueillement national. Comment lui donner des clés de compréhension en restant dans le cadre du respect de la liberté d’expression qui est la nôtre actuellement?
+4
Alerter@ Jérôme
« …/…des raisons qui poussent le gouvernement français à instaurer ce moment de recueillement national ».
Cette seconde interrogation m’apparaît moins insidieuse dans le fond et dans la forme que celle relative aux terroristes qui terrorisent.
Sans encourir d’éventuelles poursuites pour incitation à apologie d’une malveillance quelconque, vous pouvez éventuellement lui expliquer que le chef de l’état et son gouvernement sont les adjudicataires responsables de la sécurité des citoyens dans notre pays et qu’à ce titre ils doivent …. .
…. c’est trop compliqué ?
C’est plus facile à expliquer avec « Pierre et le loup », mais plus difficile à mettre en place au niveau national.
+1
Alerter@ P’tetbenkwui
Merci sincèrement pour votre aide. Pouvez-vous me confirmer que j’ai bien compris ce que je peux lui répondre?
1) Le chef de l’Etat est responsable de la sécurité dans notre pays et qu’il n’est pas facile d’assurer la sécurité des français et que le chef de l’Etat fait ce qu’il peut et qu’un jour, on peut envisager d’être en sécurité.
« insidieuse » dans le Larousse: « qui cherche à tromper, qui constitue un piège ». Donc, est-ce à dire que quelqu’un qui s’interroge sur ce qui pousse les terroristes à nous terroriser, souhaite en réalité, amener son interlocuteur dans un piège. Quel serait ce piège?
Cela dit, pour faire simple, je peux aussi lui interdire de s’interroger sur ce sujet si ça peut lui apporter des problèmes.
Concernant Pierre et le loup (de mémoire) à force de faire peur, les habitants ne croit plus Pierre. C’est sûrement une analogie mais je ne comprends qui serait Pierre, qui serait le loup…
+2
AlerterVoilà, vous y êtes. Presque.
Concernant « Pierre et le loup », c’était juste une allusion au spectacle du 1er mars 2018 joué à l’Elysée, qui a notamment mis en scène notre président dans le rôle de récitant.
« Avec Brigitte, nous voulons que vous ayez accès à ce qu’il y a de mieux dans la culture… »
https://m.huffingtonpost.fr/2018/03/01/macron-introduit-pierre-et-le-loup-devant-le-public-de-lelysee_a_23374855/
Prokofiev et la Russie sont venus illuminer la culture française. C’était avant les expulsions de diplomates mais bon …. évitons quelque analogie que ce soit entre politique et art du spectacle. Les enfants ne comprendraient pas.
+3
AlerterEt pour Bibi Netanyahou combien de mandats ? http://www.cnewsmatin.fr/monde/2015-03-25/israel-un-quatrieme-mandat-pour-netanyahou-701938 De plus malgré ces nombreuses casseroles, il s’accroche au pouvoir et il faut quand même relever que de nombreux israeliens manifestent régulièrement contre lui. Il se comporte comme « un vrai tyran » fermant les stations radios ou télés pas assez aux ordres : http://www.lefigaro.fr/international/2017/05/12/01003-20170512ARTFIG00310-netanyahou-eteint-la-premiere-chaine-de-television.php Des scandales financiers a n’en plus finir : https://www.la-croix.com/Monde/Israel-Netanyahu-vise-par-une-enquete-pour-corruption-2016-12-29-1300813613 Malgré ça il continue a agresser violemment les palestiniens qui luttent pour survivre, voir ce qui s’est passé hier : la mort par balles de snipers de 16 palestiniens et plus de 1200 blessés. Pas de critique non plus sur le nombre de ses mandats pourtant dans nos « chers » médias.
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