Source : Global Climat, Johan Lorck, 23-01-2020
Le Protocole de Montréal, un accord international signé en 1987 pour empêcher les chlorofluorocarbones (CFC) de détruire la couche d’ozone, a peut-être été le premier traité international à ralentir le réchauffement climatique.
Les chlorofluorocarbures ou CFC sont des gaz à effet de serre beaucoup plus puissants que le CO2. Ces gaz appartiennent à la famille des halocarbures, qui ont eu de nombreuses utilisations, notamment comme propulseurs dans les bombes aérosols ou liquides réfrigérants.
Ce sont les principales sources de l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique sans précédent observé à la fin du 20e siècle.
Suite à la découverte du « trou » dans la couche d’ozone au milieu des années 1980, le Protocole de Montréal a été signé en 1987 pour réduire puis éliminer progressivement les substances responsables de la perturbation.
Le protocole a permis d’entamer une réduction des concentrations atmosphériques de CFC et les premiers signes de récupération sont apparus au début du 21e siècle. L’ozone devrait retrouver ses niveaux du début de 1970 quelque part entre 2040 et 2070.
La plupart des études à ce jour se sont concentrées sur les impacts climatiques des hydrocarbures halogénés (dont les chlorofluorocarbures) via les changements dans l’ozone stratosphérique. Le refroidissement stratosphérique inférieur a provoqué des changements dans la circulation troposphérique, avec de nombreux impacts climatiques associés au Pôle sud et sous les tropiques.
En revanche, peu de recherches se sont concentrées sur les impacts climatiques en dehors de l’appauvrissement de la couche d’ozone. S’ils sont beaucoup moins abondants que le dioxyde de carbone, les chlorofluorocarbures sont des gaz à effet de serre très puissants. Sur 20 ans, le potentiel de réchauffement des CFC-11 est 7000 fois plus important que le CO2, celui des CFC-12 est 11 000 fois supérieur. Leur durée de vie est 45 et 100 ans, respectivement.
Il s’avère que le Protocole de Montréal a non seulement sauvé la couche d’ozone mais il a également atténué une fraction substantielle du réchauffement climatique. D’après le dernier rapport du GIEC, la contribution des gaz concernés par le Protocole de Montréal représentait en 2011 environ 11% du forçage radiatif des gaz à effet de serre. La part des CFC dans le forçage total a été particulièrement importante dans la seconde moitié du 20è siècle avec un pic dans les années 1990. Sans le protocole de Montréal, les concentrations CFC auraient poursuivi leur augmentation.
Une étude publiée en décembre 2019 dans Environmental Research Letters montre que grâce au protocole, les températures mondiales seront d’ici le milieu du 21e siècle nettement plus basses qu’elles ne l’auraient été sans maîtrise des CFC. Pour le dire, les auteurs de l’article ont comparé le scénario RCP8.5 du GIEC (forte croissance des émissions de CO2) avec et sans protocole. Au milieu du siècle, la Terre sera – en moyenne – au moins 1°C plus froide qu’elle ne l’aurait été sans l’accord. L’atténuation est encore plus grande dans des régions comme l’Arctique, où le réchauffement évité atteindra de 3°C à 4°C.
Le Protocole de Montréal aurait un impact beaucoup plus important sur le réchauffement climatique que l’Accord de Kyoto.
D’après les auteurs de l’étude, les mesures prises dans le cadre de l’Accord de Kyoto, spécifiquement conçu pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ne feront baisser les températures que de 0,12°C au milieu du siècle, contre 1°C d’atténuation liée au Protocole de Montréal.
Pour obtenir leurs résultats, les chercheurs ont modélisé le climat mondial selon deux scénarios de chimie atmosphérique – l’un avec et l’autre sans que le Protocole de Montréal ne soit adopté. Ils ont ensuite étendu ces simulations à l’avenir en utilisant des estimations prudentes pour les émissions de CFC non atténuées – fixées à 3% de croissance par an. Cette hausse retenue est qualifiée de prudente par les auteurs de l’article car c’est beaucoup moins que les taux de croissance de CFC observés au moment de l’établissement du Protocole de Montréal.
Comme on l’a vu, en moyenne mondiale, d’ici le milieu de ce siècle, l’étude estime qu’environ 1°C de réchauffement sera évité grâce au Protocole de Montréal. La réduction des CFC contribue à ~ 1,4°C de ce réchauffement évité, l’appauvrissement de la couche d’ozone compensant le réchauffement de ~ 0,3°C et les substituts de CFC contribuant à un réchauffement de ~ 0,1°C d’ici 2050.
Le succès du Protocole de Montréal dans l’atténuation du changement climatique est encore plus frappant lorsqu’on se concentre sur les domaines régionaux. Par exemple, un réchauffement a déjà été évité localement dans certaines portions de l’Amérique du Nord, de l’Afrique, de l’Eurasie et de l’Arctique. Au milieu du siècle, le réchauffement évité sera globalement d’un degré environ, voir plus localement. Dans l’Arctique, le réchauffement évité atteindra de 3°C à 4°C.
Les chercheurs ont également découvert une quantité de fonte des glaces évitée grâce au Protocole, avec une étendue de glace de mer autour de l’Arctique pendant l’été environ 25% plus élevée qu’elle ne l’aurait été sans aucune réduction des émissions de CFC. Le réchauffement évité au-dessus du Groenland suggère également que l’accélération de la fonte de la calotte glaciaire et l’élévation du niveau de la mer seront également réduites par le Protocole.
Des effets de refroidissement peuvent être observés sur certaines parties de l’océan Austral et de l’Atlantique Nord, ce dernier provoqué par un relatif ralentissement de l’AMOC.
D’après les auteurs de l’étude, ces résultats montrent que le Protocole de Montréal devrait être considéré comme le premier traité à avoir réussi à atténuer une quantité substantielle de réchauffement lié aux gaz à effet de serre.
Source : Global Climat, Johan Lorck, 23-01-2020
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