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18.juillet.202418.7.2024 // Les Crises

Libération d’Assange et génocide à Gaza : quel avenir pour la liberté de la presse ?

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Le journaliste australien Antony Loewenstein évoque l’héritage de WikiLeaks et l’hypocrisie des grands médias occidentaux.

Source : Truthout, Amy Goodman, Juan González, Democracy Now !
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Avec le journaliste australien Antony Loewenstein, nous nous penchons sur la négociation de peine et la libération de Julian Assange, ainsi que sur la réaction de l’Australie, pays d’origine de Julian Assange, suite à sa libération et nous poserons la question du legs de WikiLeaks, qui, selon lui, a contribué à ouvrir la voie aux lanceurs d’alertes et aux responsables en matière de fuites à l’ère du journalisme numérique. Loewenstein, auteur du livre The Palestine Laboratory [Le laboratoire de la Palestine, NdT], évoque également la situation de la liberté de la presse dans le cadre de la guerre d’Israël contre Gaza. L’armée israélienne ne considère pas les journalistes palestiniens comme des journalistes, affirme-t-il. Au contraire, elle les considère comme des « terroristes » afin de justifier le ciblage dont ils font l’objet, une question qui, selon Loewenstein, devrait davantage interpeller les médias occidentaux.

Amy Goodman : Je voulais associer à cette conversation Antony Loewenstein, journaliste indépendant à Sydney. C’est là que devrait arriver par avion Julian Assange pour retrouver sa famille sur le tarmac. Sa femme Stella a expliqué qu’elle était loin de le connaître, en effet elle l’a rencontré alors qu’il était assigné à résidence – Democracy Now ! l’a également interviewé au fil des ans, depuis le temps où il portait un bracelet à la cheville jusqu’à celui où il a obtenu l’asile politique au sein de l’ambassade d’Équateur. En tant qu’Australien et originaire d’ Australie, Antony, avez-vous une idée de ce que représente Julian Assange en Australie ? Votre Premier ministre et le Parlement australien l’ont soutenu et ont fait pression sur le président Biden à chaque fois que le premier ministre l’a rencontré.

Antony Loewenstein : Oui. Merci beaucoup de votre invitation, Amy et Juan.

Évidemment, et pour des raisons qui vont de soi, la libération de Julian est un événement majeur ici. Je pense que, depuis des années, nombre d’Australiens sont absolument furieux de voir qu’un citoyen australien, Julian Assange, est poursuivi aux États-Unis en vertu de la loi sur l’espionnage (Espionage Act). Il n’est pas citoyen américain. Il n’a pratiquement jamais séjourné aux États-Unis. Je pense que cela est au coeur de ce que de nombreux Australiens pensent des relations entre les États-Unis et l’Australie. Souvent, les Australiens ont l’impression que nous sommes – et je suis d’accord avec cela – un État client des États-Unis. Cela est dû au fait que nous avons participé à toutes les guerres au Moyen-Orient et au Viêtnam. Nous avons une énorme base de renseignement américaine, Pine Gap, au centre de l’Australie. L’Australie n’est pas vraiment une nation indépendante. Et l’idée que les États-Unis poursuivent Julian pour avoir fait son travail de journaliste, ce qui était, comme Trevor le dit à juste titre, ce que tant de journalistes sérieux font chaque jour, à savoir parler à des sources au sein du gouvernement et ailleurs, était un scandale. Et je pense que pendant de nombreuses années, beaucoup d’Australiens, la majorité, en fait, des Australiens, réclamaient qu’il rentre à la maison.

Je suis évidemment heureux que le gouvernement actuel l’ait fait, en grande partie en coulisses. Ce que je veux dire c’est que pendant de très nombreuses années, le précédent gouvernement, bien plus conservateur, ne cherchait pas à faire rentrer Julian Assange chez lui. Je pense que cela concerne aussi le fond du problème, je connais WikiLeaks depuis 2006, date de son lancement, et dès le début, je suis entré en contact avec Julian, lorsqu’il a lancé le site à Melbourne, en Australie. Dès le départ, il était convaincu qu’une grande partie du journalisme traditionnel était trop proche des détenteurs du pouvoir. Et en tant que journaliste, citoyen ou personne intéressée par la question de la responsabilisation, je peux dire que de toute ma vie d’adulte, il n’y a pas eu une seule organisation médiatique qui ait publié plus de documents cruciaux sur le pouvoir mondial que WikiLeaks, depuis Guantánamo jusqu’à l’Irak, l’Afghanistan, la Palestine, la guerre de la drogue – tant de documents, auxquels on peut accéder gratuitement sur leur site web.

Je pense que cela explique pourquoi de nombreux Australiens ont éprouvé une grande fierté, car d’une certaine manière, au cours des dernières décennies, deux des grandes figures mondiales des médias sont originaires d’Australie : Rupert Murdoch, qui est évidemment très, très à droite, et Julian Assange, qui est évidemment quelqu’un de très, très différent. L’allégresse règne donc en Australie aujourd’hui, et ce, à juste titre.

Juan Gonzàlez : Je voulais vous demander, Antony, quel est l’impact de Julian et de WikiLeaks sur la pratique du journalisme moderne. Il me semble que le journalisme n’est plus le même depuis que WikiLeaks a fait son apparition. Si possible, pouvez-vous émettre des hypothèses sur l’impact qu’il a eu sur la pratique du journalisme ?

Antony Loewenstein : Eh bien, l’impact a été considérable. Manifestement, WikiLeaks a vu le jour avant que les médias sociaux ne prennent leur essor. En 2006, on avait Facebook, mais on n’en était qu’aux balbutiements. Aujourd’hui, tous les grands médias disposent de leur propre « dropbox » et les gens (des sources) peuvent y transmettre des informations. Je pense qu’il y a une plus grande prise de conscience, du moins sous certains aspects de la presse traditionnelle, sur la nécessité de responsabilisation et de transparence quant à leurs agissements. Mais clairement, je pense que nous sommes en deçà de ce qu’il faudrait.

Et je pense que cela s’inscrit dans un contexte plus large, qui montre à quel point nombre de gens dans le monde, que ce soit dans le Sud global ou dans le Nord, font de moins en moins confiance à la presse grand public, estimant qu’elle ne rend pas compte de la réalité de ce qui se passe, qu’il s’agisse de la guerre en Palestine, des guerres en Irak et en Afghanistan au cours des 20 dernières années, de la guerre contre le terrorisme, de Guantánamo, de la torture. Et je pense que beaucoup de gens réclament une plus grande responsabilisation de la part de la presse dominante, mais ils ne l’obtiennent pas.

Et si on prend n’importe quel sondage d’opinion sur la presse grand public, on s’aperçoit qu’il y a un profond mépris à l’égard d’un grand nombre d’entre nous dans notre profession. Bien sûr cela ne concerne pas tout le monde, mais beaucoup de journalistes de la presse grand public ne sont pas respectés. Et je pense que dans une certaine mesure, les documents que WikiLeaks a publiés au fil des ans, maintenant près de 20 ans, je pense, ont souvent humilié la presse traditionnelle. Je pense que c’est la raison pour laquelle tant de journalistes encore aujourd’hui – évidemment, de nombreux journalistes ont soutenu Julian au fil des ans, mais je pense que beaucoup de journalistes ont été jaloux. Je dirais qu’il y a beaucoup de jalousie professionnelle autour de ce que WikiLeaks a accompli depuis sa création.

Évidemment, ce qui va se passer désormais dépend de Julian et de WikiLeaks en tant qu’organisation. Qui sait ce que cela va devenir ? Mais je pense que l’héritage est très clair dans les documents qu’ils ont publiés. Même s’ils ne publient rien d’autre après cette date, leur héritage est acquis, grâce aux documents essentiels qu’ils ont livrés au domaine public.

Amy Goodman : Antony, je voudrais revenir sur la vidéo « Collateral Murder », tournée en juillet 2007 et qui a fait l’objet d’une fuite de la part de Chelsea Manning auprès de WikiLeaks. Cette vidéo désormais bien tristement célèbre montre des forces américaines tuant 12 personnes, dont deux employés de Reuters – Saeed Chmagh et Namir Noor-Eldeen, un vidéaste prometteur en Irak. Ils ont été tués lorsqu’un hélicoptère Apache a ouvert le feu en les ciblant.

Soldat américain 1 : Prévenez-moi quand vous les avez.

Soldat américain 2 : On tire. On va tous les exploser.

Soldat américain 3 : Allez-y, tirez !

Soldat américain 2 : Continuez à tirer. Continuez à tirer. Continuez à tirer. Continuez à tirer.

Soldat américain 4 : Hôtel, Bushmaster deux-six, Bushmaster deux-six, on doit bouger, c’est le moment.

Soldat américain 2 : Bon, on a engagé pour les huit individus.

Amy Goodman : Le chauffeur de Reuters, Saeed Chmagh, 40 ans, père de quatre enfants, a survécu à l’attaque initiale. On le voit essayer de s’enfuir en rampant alors que l’hélicoptère passe au-dessus de lui. Il s’agit d’images prises par l’hélicoptère Apache. Les forces américaines ouvrent à nouveau le feu lorsqu’elles remarquent qu’une camionnette s’approche pour évacuer Saeed Chmagh, blessé.

Soldat américain 3 : Qu’est-ce que fout cette camionnette ?

Soldat américain 2 : Juste en bas, près des corps.

Soldat américain 3 : OK, oui.

Soldat américain 2 : Bushmaster, Crazy Horse. Nous avons des individus qui se rendent sur les lieux et qui semblent ramasser des corps et des armes.

Soldat américain : Donnez-moi l’accord d’engagement. .Puis-je tirer ?

Soldat américain 2 : Bien reçu. Pause. Crazy Horse un-huit, demande autorisation d’engager.

Soldat américain 5 : Ramasser les blessés ?

Soldat américain 3 : Oui, nous essayons d’obtenir l’autorisation d’engager. Allez, laissez-nous tirer !

Soldat américain 2 : Bushmaster, Crazy Horse un-huit.

Soldat américain 3 : Ils l’emmènent.

Soldat américain 2 : Bushmaster, Crazy Horse un-huit.

Soldat américain 6 : ici Bushmaster 7, allez-y.

Soldat américain 2 : Bien reçu. Nous avons un SUV noir – ou un camion Bongo qui ramasse les corps. Demande la permission d’engager.

Soldat américain 6 : Bushmaster 7, bien reçu. Ici Bushmaster 7, bien reçu. Engagez le combat.

Soldat américain 2 : Un-huit, engagez. Autorisé.

Soldat américain 3 : Allez !

Soldat américain : Autorisé, autorisé.

Soldat américain 3 : On engage.

Soldat américain 2 : On revient. Autorisé.

Soldat américain 3 : Roger. On essaye de…

Soldat américain 2 : Autorisé.

Soldat américain 3 : Je les entends – je les ai perdus de vue avec la poussière.

Soldat américain : Je les vois.

Soldat américain 2 : Il devrait y avoir un fourgon au milieu de la route avec 12 à 15 corps.

Soldat américain 3 : Oh, oui, regardez ça. En plein dans le pare-brise ! Ha ha !

Amy Goodman : Ce dernier « Ha ! » dans la camionnette, on parle ici d’un père qui conduisait ses deux enfants à l’école et qui s’était arrêté pour aider l’employé de Reuters. Pendant des années, Reuters a tenté de mettre la main sur la vidéo montrant l’assassinat de ses deux employés, le vidéaste Namir Noor-Eldeen et Saeed Chmagh. Ils n’ont pas réussi à l’obtenir. Ce n’est que lorsque WikiLeaks l’a rendue publique que le monde l’a vue. Il s’agit de la vidéo « Collateral Murder » (meurtre collatéral), tournée en juillet 2007 et que Chelsea Manning a fuitée auprès de WikiLeaks.

Je voudrais revenir sur cette vidéo, Antony, et sur l’importance de cette vidéo tournée en 2007, alors qu’un nouvel article du Magazine +972 en Israël vient de paraître. Il est intitulé « Comment les frappes de drones israéliens tuent les journalistes à Gaza ». Il fait état de témoignages de survivants et d’analyses audiovisuelles qui révèlent un mode de frappe de drones israéliens à l’encontre des journalistes palestiniens au cours des derniers mois, même lorsqu’ils sont clairement identifiés comme étant des journalistes. Vous avez travaillé sur WikiLeaks. Vous avez parlé de leur travail en Irak et en Afghanistan. Et vous avez beaucoup écrit sur Gaza. Pouvez-vous nous parler de ce dernier article ?

Antony Loewenstei : Ce qui est choquant, en fait, depuis le 7 octobre, c’est qu’il y a plus de journalistes tués par Israël à Gaza que dans n’importe quel conflit depuis des décennies – en fait, je pense que c’est probablement de toute l’histoire enregistrée au cours des 30 dernières années. Je pense que cela montre bien la façon dont Israël considère les journalistes palestiniens. En fait, ils ne les considèrent pas comme des journalistes. Ils ne les considèrent pas comme des personnes qui méritent d’être protégées, peu importe les gilets pare-balles ou le travail qu’ils font. Ils les assimilent à des terroristes. Et il est clair, d’après le récent article que vous venez de mentionner, Amy, mais aussi selon d’autres reportages, et également de journalistes avec lesquels j’ai parlé à Gaza au cours des derniers mois et de journalistes avec lesquels j’ai passé du temps à Gaza au cours des 15 dernières années, qu’Israël considère, en réalité, bien des Palestiniens comme des cibles légitimes. On ne tue pas, comme l’a fait Israël, 40 000 à 50 000 Palestiniens, dont la grande majorité sont des civils, si le but n’est pas de faire un massacre de masse. C’est bien là l’objectif. Le but n’est pas de tuer tout Palestinien à Gaza, mais bien de tuer des quantités énormes de Palestiniens, et notamment des journalistes, des reporters.

Il est intéressant de constater que, depuis le 7 octobre, pas un seul journaliste étranger n’a mis le pied dans la bande de Gaza – en fait, une journaliste de CNN s’y est rendue très brièvement, mais à part elle, il n’y a eu personne. Les journalistes palestiniens ont été nos yeux et nos oreilles, même si le bilan des morts est sans précédent. Et pourtant, en dépit de tout cela, de nombreux membres de l’élite occidentale – et, pour être franc, de la presse occidentale – continuent de penser qu’Israël n’est pas comparable, par exemple, à la Russie. On considère aisément la Russie comme un État voyou au vu de ses agissements en Ukraine, par exemple. Pourtant, lorsque nous parlons d’Israël, qui, soit dit en passant, a tué plus de journalistes à Gaza que la Russie n’en a jamais tué en Ukraine, certains milieux traitent Israël de manière différente. C’est certainement le cas des États-Unis. D’une grande partie de l’Europe aussi. De mon pays, l’Australie, également.

Je pense donc que cette absence totale, en Israël, de toute obligation de rendre des comptes va hanter le pays pendant de nombreuses années. Il y aura des procès, et de nombreux dirigeants israéliens constateront qu’il leur est impossible de se rendre dans certains pays parce qu’ils risquent d’être poursuivis, voire pire. Il faut s’en réjouir. Je pense que WikiLeaks a montré, d’une certaine manière, un modèle de la manière dont la protection des journalistes doit être assurée, parce que nous vivons aujourd’hui une période de l’histoire qui voit les journalistes plus menacés que jamais. Gaza en est l’exemple le plus évident, mais il y a aussi l’Ukraine, le Soudan, le Congo et d’autres pays.

Juan Gonzalez : Et, Antony, dans le même ordre d’idées, je voulais savoir ce que vous pensiez de l’hypocrisie de la presse aux États-Unis et en Occident en général, car beaucoup de ces médias utilisent des images de Gaza qui ont été en très grande partie réalisées par ces journalistes palestiniens, quasiment en totalité, et pourtant ils restent silencieux quand il s’agit de l’assassinat de journalistes par les Israéliens.

Antony Loewenstein : Et c’est là quelque chose qui va vraiment à l’encontre d’une grande partie de la presse américaine. Ce que je veux dire par là, en fait, le mois dernier, je me disais, que ce dîner des correspondants de la Maison Blanche, cette sorte de farce de journalistes qui se réunissent, qui badinent avec Joe Biden. Ils parlent de l’importance de la liberté de la presse. Mais ce dont ils n’ont pas parlé lors de ce dîner il y a quelques mois, c’est de deux choses essentielles : WikiLeaks et Julian Assange, qui se trouvait encore à Belmarsh à Londres, mais également des journalistes de Gaza, qui sont massacrés à grande échelle par Israël.

Le fait qu’un média américain n’accorde pas le même crédit ou la même attention aux journalistes de Gaza, aux journalistes palestiniens, qu’à d’autres dans d’autres pays, en dit long, je pense, sur le véritable mépris, et, pour être franc sur le racisme qui existe encore au sein de la presse américaine – peut-être pas dans tous les milieux, bien sûr, mais tout de même dans nombre d’entre eux – et sur le refus de reconnaître non seulement les Palestiniens comme des êtres humains, les Palestiniens comme des êtres qui méritent d’être protégés, mais aussi les journalistes palestiniens qui exigent qu’on leur rende des comptes. Je veux dire, où sont le New York Times, le Washington Post ou tous ces autres médias ? Comme vous le dites, Juan, sans ces journalistes palestiniens, nous ne pourrions voir aucune image de Gaza ? Il n’y a pas de journalistes occidentaux à Gaza. Mais pourtant, nous comptons sur les journalistes palestiniens, qui ont été plus qu’héroïques au cours des huit derniers mois.

Je pense que cela explique en grande partie pourquoi tant de gens, en particulier parmi les plus jeunes en Amérique et d’ailleurs les plus jeunes en général, méprisent tant de membres de la presse grand public. C’est souvent la raison pour laquelle ils ne s’informent pas auprès du New York Times ou du Washington Post. Ils le font plutôt via les réseaux sociaux ou d’autres sources, ce qui explique je pense pourquoi tant de jeunes considèrent que ce qui se passe à Gaza et le génocide qui s’y déroule sont d’une importance cruciale pour leur génération. Ce n’est pas là quelque chose dont Israël pourra se relever.

Amy Goodman : Antony Loewenstein, Merci infiniment d’être avec nous, depuis Sydney, en Australie. Vous êtes journaliste indépendant, partisan de longue date de WikiLeaks, et auteur d’un livre critique sur la Palestine qui s’intitule The Palestine Laboratory (Le laboratoire de la Palestine). Nous avons également été rejoints par Trevor Timm. Merci, Trevor, d’être avec nous, vous êtes directeur exécutif de la Fondation pour la liberté de la presse.

Mais nous allons terminer avec les mots de Julian Assange. Il y a dix ans, en 2014, je suis allée interroger Julian Assange à l’ambassade d’Équateur à Londres, alors qu’il avait demandé l’asile politique. Il s’y terrait depuis plus de deux ans, ayant bien obtenu l’asile politique du gouvernement équatorien, mais risquant d’être arrêté si il essayait de se rendre en Équateur. Vers la fin de notre entretien, j’ai demandé à Julian Assange : « Qu’est-ce qui vous permet d’espérer ? Et selon vous, quel est le principal héritage de WikiLeaks ? » Voilà sa réponse.

Julian Assange : Eh bien, avec un peu de chance, le plus grand héritage est encore à venir. WikiLeaks a vu le jour en 2007, mais ce qui a vraiment marqué les esprits, c’est la confrontation publique que nous avons eue en 2010, 2011, et que les gens ont pu suivre. Une nouvelle génération a vu l’histoire se dérouler en temps réel, sous ses yeux, une histoire dont elle faisait partie. Pour les jeunes, l’internet est leur lieu de vie, ils y partagent leurs idées, leur culture, etc. Auparavant, ils étaient politiquement apathiques, parce qu’ils n’avaient pas l’impression de pouvoir participer au processus de prise de décision. Mais le fait de voir les câbles personnels d’Hillary Clinton et leurs équivalents dans de nombreux pays, ainsi que le combat que nous menions, et d’y participer d’une manière ou d’une autre, en diffusant ces informations ou en en parlant avec d’autres, a permis à une nouvelle génération de se former. L’internet qui était un espace apathique est devenu un espace politique. Nous avons également, en termes d’édition, élargi l’enveloppe de ce qu’il est acceptable de publier. Et ce phénomène s’est ensuite étendu à de nombreux autres domaines. Je pense qu’il s’agit là en réalité de la chose la plus importante que nous ayons faite. En ce qui concerne le secteur de l’édition, nous avons également élargi l’enveloppe de ce qu’il est acceptable de publier, etc. Cette évolution a été très importante et a déclenché une cascade d’exemples qui – en passant par Chelsea Manning, Edward Snowden, Jeremy Hammond et bien d’autres – ont permis de révéler des abus de pouvoir.

Amy Goodman : Y a-t-il un autre Edward Snowden dans les tiroirs ?

Julian Assange : Sans aucun doute – je suis sûr qu’il y en aura un. En fait, je suis sûr qu’il y en a déjà un.

Amy Goodman : Ça, c’était Julian Assange, il y a dix ans, à l’ambassade d’Équateur à Londres. Il a ensuite été emmené par la police britannique à la prison de Belmarsh. Il vient d’en être libéré après cinq ans de détention. Bientôt, nous diffuserons les propos de Julian Assange s’exprimant en son nom propre, peut-être depuis Saipan, où il se présentera devant un tribunal de district américain et plaidera coupable d’un délit, puis il rentrera à Sydney, en Australie, où il rejoindra sa famille.

Source : Truthout, Amy Goodman, Juan González, Democracy Now !, 25-06-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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3 réactions et commentaires

  • landstrykere // 18.07.2024 à 08h31

    Les cinquantenaires et plus, qui étaient les premiers internautes, comme Assange, très actifs sur internet, alors en terminaux textes, avec usenet et les BBS, oû nous passions des nuits à lire et échanger des commentaires, avec le crépitement du modem en arrière-plans, ceux de cette époque qui consultaient les listes de cypherpunk, peuvent se souvenir que Assange y était actif.

    Ce net 1998 était libre, un espace virtuel non régulé. La chasse aux contenus fut d’abord le fait des grands distributeurs de musique lorsque le format mp3 encodé en ascii se répandit (Napster…) puis à partir des années 2005 c’est l’UE qui a mené les campagnes de criminalisation les plus violentes, en tentant de juridictionnaliser au niveau de l’internaute via le fournisseur d’accès.

    Lea Etats-Unis eux ont érigé l’arbitraire pur en système en se tapant des juridictions et en proclamant que la loi et les règles pour tout le monde c’est eux, et l’UE emboîte le pas.
    Pour être libre de publier et rester libre soi-même il y a la Russie.

  • petitjean // 18.07.2024 à 09h59

    tant que le monstre américain ne sera pas abattu

    car TOUT vient de lui………….

  • petitjean // 18.07.2024 à 10h02

    Relire, en France, la Charte des journalistes (sur leur site snj) pour mesurer à quel point cette « profession » la trahit

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