Des dossiers britanniques consultés par DeclassifiedUK révèlent des détails choquants sur la torture lors d’un épisode pratiquement inconnu de l’histoire militaire britannique, lorsqu’en 1970 les forces spéciales ont envahi et annexé la plus importante route d’approvisionnement en pétrole du golfe Persique.
Source : Declassified UK, Phil Miller
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Il y a cinquante ans, les troupes américaines ont commencé à construire une base militaire sur les îles Chagos, un territoire britannique situé au milieu de l’océan Indien. Ses habitants, qui étaient plusieurs milliers, ont été déplacés de force pour faire place à une base navale.
Ils n’ont pratiquement rien reçu en compensation de la perte de leur patrie, mais la Grande-Bretagne a bien profité de l’affaire. Le Pentagone a accordé à la Royal Navy un rabais sur sa première flotte de sous-marins à armement nucléaire.
Cet accord a permis à Whitehall de continuer à faire semblant d’être une grande puissance, en renforçant le statut de membre permanent du Royaume-Uni au Conseil de sécurité des Nations Unies, alors même que l’empire britannique s’effondrait.
Mais les armes nucléaires ne suffiront pas pour rester en tête dans ce nouvel ordre mondial. Pendant qu’ils expulsaient les Chagossiens, les responsables britanniques s’affairaient à procéder à un autre découpage colonial, cette fois pour assurer le contrôle continu des voies d’approvisionnement en pétrole.
Connue sous le nom d’Opération Intradon, elle a vu une tribu arabe fièrement autonome voir ses terres cédées à un dictateur pro-occidental, des détenus torturés par les troupes britanniques et un soldat des forces spéciales britanniques mourir lors d’un saut en parachute de nuit.
Pourtant, cet épisode a été largement oublié en dehors de Musandam – une péninsule montagneuse surplombant le détroit d’Ormuz, une étroite voie maritime entre l’Iran et l’Arabie, par laquelle transite, chaque jour, un tiers des approvisionnements en pétrole du monde.
Bien qu’elle se trouve à un carrefour de l’économie mondiale aussi important que les canaux de Suez ou de Panama, la principale tribu de Musandam, les Shihuh, n’apprécie guère les ingérences extérieures et se considère effectivement comme indépendante.
Bombardée par la Royal Navy en 1930 « pour forcer la reddition » d’un cheikh local, toute autorité étrangère sur la péninsule avait expiré en novembre 1970, et Whitehall craignait qu’elle ne devienne la base d’une « insurrection potentielle. »
Le ministre conservateur des Affaires étrangères de l’époque, Alec Douglas-Home, pensait que quelque 70 guérilleros communistes venus d’autres régions du Golfe se cachaient à Musandam et profitaient de son isolement relatif pour ourdir des complots contre les intérêts britanniques dans la région.
Des dossiers trouvés aux Archives nationales britanniques montrent que le chef d’état-major de la défense craignait que ces dissidents ne déclenchent « une campagne de terreur anti-britannique. »
On pense alors qu’ils font partie du Front démocratique national pour la libération d’Oman et du Golfe arabe (NDFLOAG), un mouvement nationaliste arabe de gauche dirigé par des Omanais et disposant de cellules dans toute la région. Leur objectif était d’expulser les puissances étrangères du Golfe.
Pour empêcher cette guérilla de reprendre pied, le Premier ministre Edward Heath approuve l’Opération Intradon : un plan complexe visant à prendre le contrôle total de Musandam par la force. Il prévoyait le déploiement d’un escadron du Special Air Service (SAS) par parachute, par hélicoptère et par mer, avec l’aide du Special Boat Service et de la Royal Air Force.
Dans les faits, la Grande-Bretagne envahirait le Musandam, capturerait ou tuerait les résistants et annexerait la région à Oman, avec lequel elle ne partage aucune frontière terrestre. Si les journalistes leur posaient la question, les « spin doctors » de Whitehall prévoyaient de présenter cette opération comme une mission humanitaire visant à améliorer « le bien-être de ses habitants dont les besoins ont été négligés dans le passé. »
Avant l’opération, ni la Grande-Bretagne ni son client nouvellement installé à la tête d’Oman, le sultan Qaboos, n’avaient de pied à terre dans le Musandam. Les responsables britanniques l’ont reconnu, notant que la péninsule était une « région totalement non administrée » qui avait connu « des années de négligence. »
Un diplomate de haut rang du Foreign Office, Sir Stewart Crawford, a reconnu : « À l’heure actuelle, il n’y avait aucun contrôle administratif dans cette région et le seul représentant du sultan était le Wali [gardien] à Khasab [un port dans le nord du Musandam] ». Il a ajouté : « La population de la péninsule n’appréciait guère toute forme d’autorité et était xénophobe. »
Le commandant de l’époque des forces britanniques dans le Golfe, le major-général Gibbs, a fait remarquer qu’il « avait déjà essayé de faire passer un homme dans la région qui avait eu l’extrême chance d’en sortir vivant, sauvé par le cheikh de Bukha. »
Le cheikh de Bukha était le chef de la tribu Shihuh de Musandam, qui était « pratiquement ingouvernée depuis des années », selon Douglas-Home. Les planificateurs militaires ont noté que la tribu arborait son propre drapeau et parlait « un dialecte arabe qui est presque une langue à part entière. »
Il n’y avait pas de police à Musandam et les forces britanniques dans le Golfe ont commenté comment la tribu Shihuh était « notoirement anti-autorité et n’a, de mémoire récente, été soumise à aucune ». Dans un autre télégramme, les responsables britanniques décrivaient les Shihuh comme « notoirement indépendants. »
Contourner les Nations Unies
L’agenda était crucial pour que l’invasion fonctionne. Il était prévu qu’Intradon commence le plus tard possible en 1970, afin de minimiser les « réactions défavorables » à l’Assemblée générale des Nations Unies qui se dispersait à la mi-décembre.
En retardant le début de l’opération après cette date, les « États arabes radicaux » – tels que l’Égypte, l’Irak ou le Yémen du Sud – auraient la possibilité de « provoquer un maximum d’agitation » et de persuader le Conseil de sécurité des Nations Unies d’envoyer des observateurs à Musandam.
En 1967, l’Assemblée générale des Nations Unies avait adopté une résolution censurant le Royaume-Uni pour avoir « installé et renforcé des régimes non représentatifs » à Oman « sans tenir compte des droits fondamentaux de la population. »
L’Opération Intradon – l’annexion de facto de Musandam – semblait aller à l’encontre de cette résolution de l’ONU, et Whitehall décida de ne pas inviter de journalistes britanniques à observer la mission, notant : « Nous ne devons pas les encourager. »
Barry Davies, un soldat SAS qui a participé à Intradon, a écrit plus tard dans ses mémoires que l’opération était nécessaire pour « empêcher un changement politique majeur dans la région » et « protéger le détroit d’Ormuz, par lequel passe la moitié du pétrole mondial ». (Cette proportion a légèrement diminué depuis 1970, mais reste importante).
Lorsque l’opération a lieu le 17 décembre, les SAS ont atterri au mauvais endroit. « Il n’y avait pas plus d’une demi-douzaine de villages le long de cette côte hostile, mais nous avons choisi le mauvais », se souvient Davies, ajoutant que les SAS n’ont pas réussi à trouver de cellules communistes étrangères où qu’ils soient dans le Musandam.
Au lieu de cela, ils ont trouvé de fiers chefs locaux qui ont refusé d’abaisser leur drapeau tribal jusqu’à ce qu’ils soient menacés par les envahisseurs de voir l’une de leurs plus grandes villes, Bukha, réduite en cendres.
En fait, le seul danger rencontré par les troupes britanniques provenait de leurs propres techniques d’insertion élaborées. Le caporal suppléant des SAS Paul Reddy a tenté de sauter en parachute à Musandam depuis une altitude de 3 000 mètres. Son parachute ne s’est pas ouvert correctement et il est mort sur le coup le 22 décembre 1970.
Parmi les membres de la tribu Shihuh, il y a eu une victime civile lors de la première phase de l’opération : le sultan Saif Al-Qaytaf Al-Shehhi. Une source locale a déclaré à Declassified que les soldats britanniques sont entrés dans la maison de cet homme et lui ont tiré quatre balles dans le cou, la jambe et le dos. Il a subi des blessures aussi graves pour avoir refusé de remettre son couteau traditionnel, a ajouté la source.
Aussi horrible que cela puisse être, la tribu Shihu a connu bien pire.
« Des conditions très sinistres »
Dans le cadre du plan d’invasion, le ministre des Affaires étrangères Douglas-Home avait précisé qu’une « petite équipe d’interrogateurs serait nécessaire. »
Connue sous le nom de N°1 Holding Unit, cette équipe d’interrogateurs était initialement stationnée à Sharjah, près de Dubaï, dans ce qui est aujourd’hui les Émirats arabes unis (EAU).
Les interrogateurs étaient dirigés par un « Major H. Sloan ». Son prénom n’est pas indiqué dans les télégrammes déclassifiés, mais les archives montrent que le corps de renseignement de l’armée britannique comptait à l’époque dans ses rangs un major Henry Maclaren Sloan qui semble correspondre à la description.
Les ordres de l’équipe stipulaient que les prisonniers devaient être « examinés médicalement et certifiés aptes à être interrogés ». Ils seraient à nouveau contrôlés à leur sortie et les comptes rendus des deux examens devaient être conservés.
Le 19 décembre 1970, alors qu’Intradon était déjà en cours depuis plusieurs jours, aucun détenu n’avait été capturé pour que l’équipe puisse l’interroger. Ils envisageaient de rentrer au Royaume-Uni lorsque le chef militaire britannique du sultan Qaboos, le colonel Hugh Oldham, a soudainement demandé que l’équipe d’interrogatoire se déplace à Mascate, la capitale d’Oman.
De nouveaux renseignements sur des « activités subversives » à Oman avaient été « découverts et pouvaient fournir des pistes utiles à l’équipe ». Ces renseignements provenaient de Nizwa, une ville du centre du pays où des membres du NDFLOAG avaient récemment été arrêtés.
C’est dans ce contexte qu’en janvier 1971, la nouvelle équipe d’interrogatoires britannique de Mascate a reçu ses quatre premiers détenus, dont l’identité et les affinités politiques n’ont toujours pas été confirmées.
Les quatre ont été interrogés jusqu’à 59 heures au cours de sessions qui se sont étalées sur 7 jours. Ils ont été encagoulés pendant 30 heures en moyenne, dont 15 heures où ils ont été « soumis au son » de générateurs forts et incessants.
L’encagoulage et les techniques de sonorisation « n’ont eu lieu qu’immédiatement avant ou pendant les pauses de la phase d’interrogatoire ». Lorsqu’ils n’étaient pas interrogés, les hommes étaient détenus en isolement dans les « conditions très sinistres » des cellules notoires de Bait-al-Falaj, un quartier général militaire situé près de Mascate.
Les interrogatoires des quatre détenus semblent ensuite s’arrêter jusqu’en mai-juin 1971, lorsque 31 autres personnes sont interrogées sur une période de cinq semaines. L’identité de ces détenus n’apparaît pas clairement dans les archives disponibles, si ce n’est qu’ils avaient « déjà passé jusqu’à 30 jours en détention » sous le sultan.
Un chercheur de Musandam a fourni à Declassified les noms de dix membres de la tribu Shihuh qui, selon lui, figurent parmi les personnes torturées par les Britanniques en 1971, y compris l’homme qui a été blessé par balle pendant l’invasion.
Nous publions leurs noms pour la première fois en anglais :
– Ali Mohammed Alyooh Al-Shehhi
– Sulieman Mohammed Alyooh Al-Shehhi
– Murshid Mohammed Al-Shehhi
– Ali Mohammed Al-Shehhi
– Rashid Ali Mohammed Al-Mahboubi Al-Shehhi
– Ahmed Mohammed Ali Al-Mahboubi Al-Shehhi
– Saeed Al-Aqeedah Al-Shehhi
– Ali Mohammed Sulieman Al-Shehhi
– Sultan Saif Al-Qaytaf Al-Shehhi
– Mohammed Zaid Al-Shehhi
Les documents conservés montrent que sur ce groupe de 31 détenus, 27 ont été interrogés par l’unité britannique pendant une moyenne de huit heures et demie. Les quatre autres ont été sélectionnés pour un traitement plus sévère, leurs interrogatoires allant de 32 heures à trois jours et demi.
Bien que certaines troupes britanniques aient été volontairement soumises à des conditions similaires lors de cours de survie militaires, la durée maximale pendant laquelle leurs instructeurs pouvaient prétendre les interroger n’était que de huit heures.
À Oman, c’était sans relâche. Le détenu qui a été interrogé pendant 32 heures n’a vu sa séance interrompue que parce qu’on a estimé qu’il présentait « un tel retard mental qu’il était inutile de l’interroger davantage ». Trois autres, qui ont été soumis à des sessions de 49, 53 et 84 heures chacune, ont en quelque sorte « résisté au processus. »
Un document de débriefing explique que « des cagoules, la position debout face au mur et du bruit… ont été utilisés à chaque fois pour assurer un isolement complet… et pour imposer un degré de discipline qui a contribué à créer un environnement de travail approprié. »
Declassified comprend que les dix hommes de Musandam ont cru être interrogés à Sharjah ou à Abu Dhabi, alors que les dossiers indiquent que l’interrogatoire a eu lieu à Muscat. Le fait que les hommes étaient encagoulés et détenus dans un « isolement complet » aurait rendu délibérément difficile pour eux de savoir où ils se trouvaient réellement.
Méthodes de torture
Ces séances d’interrogatoire marathon à Oman n’auraient peut-être jamais été révélées si des techniques similaires n’avaient pas été utilisées en Irlande du Nord deux mois plus tard.
En août 1971, l’armée britannique a lancé l’Opération Demetrius. Des centaines de personnes ont été arrêtées et emprisonnées sans procès car elles étaient soupçonnées de soutenir l’IRA, un groupe militant luttant pour mettre fin au contrôle britannique de l’Irlande du Nord.
Parmi les personnes internées, 14 ont été sélectionnées pour un « interrogatoire poussé ». Ils ont été emmenés dans un lieu secret et soumis à ce que l’on a appelé les cinq techniques.
Les hommes portaient des cagoules et on les contraignait à rester debout contre un mur pendant des heures dans des positions de stress douloureuses – comme cela avait été fait à Oman quelques semaines auparavant. Quiconque ne parvenait pas à rester dans la position de stress était contraint de s’y remettre. Un bruit blanc était diffusé afin d’étouffer leurs sens, tandis qu’ils étaient privés de nourriture, d’eau et de sommeil pour affaiblir leur résistance.
La combinaison de ces cinq méthodes d’interrogatoire était soigneusement conçue pour ne laisser aucune trace, mais elle était si traumatisante que les cheveux d’un détenu, Sean McKenna, 42 ans, gardien d’école, sont passés du noir au blanc. Il est mort prématurément quatre ans plus tard d’une crise cardiaque.
Lorsque les interrogatoires ont été révélés plus tard en 1971, les députés ont été tellement scandalisés que le gouvernement conservateur britannique a dû commander une enquête présidée par le plus haut magistrat d’Angleterre, Lord Parker.
Celui-ci a conclu que les tactiques d’interrogatoire étaient illégales au regard du droit national. En privé, les ministres sont allés plus loin. Merlyn Rees, ancien ministre de l’Irlande du Nord, a qualifié les cinq techniques de « méthodes de torture. »
Mais l’Irlande du Nord et Oman ne sont pas les seuls endroits où de telles méthodes ont été utilisées. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les soldats britanniques avaient déjà violemment interrogé des militants anticolonialistes dans plus d’une demi-douzaine de territoires, du Kenya en 1956 au Yémen en 1967.
Le corps de renseignement de l’armée britannique, qui a enseigné aux soldats les techniques d’interrogatoire, était prêt à mentionner ce « récit historique » à l’enquête de Parker – mais son commandant a tiré un trait sur le sujet : « Oman est un cas si particulier qu’il ne devrait PAS être couvert. »
Dans une note manuscrite, un fonctionnaire britannique a indiqué que « la durée totale des interrogatoires en Irlande du Nord se compare favorablement [à celle d’Oman] – seuls quatre cas sur 14 ont dépassé 20 heures. »
La plus longue utilisation des techniques d’interrogatoire sur un détenu en Irlande du Nord était d’environ 56 heures, contre un maximum de 84 heures à Oman.
« Oman est un cas si particulier qu’il ne devrait PAS être couvert. »
Les hauts responsables britanniques savaient parfaitement que les troupes britanniques avaient soumis les détenus d’Oman à des séances de torture plus dures que celles des prisonniers irlandais, deux mois seulement avant l’Opération Demetrius, mais ils espéraient le cacher à l’enquête Parker.
Le ministère de la Défense (MOD) a décidé « qu’aucune mesure ne devait être prise pour faire référence aux événements d’Oman dans les témoignages devant la commission [Parker] » – et l’armée n’était prête à divulguer l’étendue de ce qui s’était passé à Mascate que « si ce point se pose spécifiquement ».
Le rapport final de Parker ne mentionne pas explicitement Oman, mais note en passant que « certaines ou toutes » des cinq techniques ont été utilisées dans « le golfe Persique » de 1970 à 1971.
Lorsque le député de l’opposition Alex Lyon a demandé plus d’informations sur le lieu et le moment où ces interrogatoires avaient eu lieu, les réponses ministérielles ont omis Oman, ce qui a induit le Parlement en erreur.
La dissimulation est allée plus loin. Les enregistrements audio des interrogatoires à Oman ont été conservés par la Joint Services Interrogation Wing de l’armée britannique jusqu’en 1977 au moins, date à laquelle le ministère de la Défense a demandé au Foreign Office s’il y avait une objection à ce que les preuves soient détruites.
Retour à Musandam
Alors que certains membres de la tribu Shihuh ont été emmenés pour être interrogés, ceux qui sont restés au Musandam ont tenté (sans succès) de tenir bon dans les négociations avec les envahisseurs britanniques.
En juin 1971, alors que la torture était en cours, cinquante Shihuh ont déclaré à un officier de renseignement du désert de l’armée britannique que la tribu était « unanime dans son opposition à tout contrôle du sultanat. »
L’officier a conclu que la tribu avait encore besoin « d’être convaincue, pas forcée à la soumission ». Pourtant, la force militaire n’était jamais loin du Musandam, les troupes d’élite SAS continuant à patrouiller jusqu’en 1971.
Lorsque des Shihuh organisent une escarmouche en novembre 1971, ouvrant le feu sur une Land Rover de la gendarmerie d’Oman, 30 renforts britanniques sont envoyés par avion en une heure et demie. La fusillade a duré plusieurs jours, la Grande-Bretagne utilisant des mortiers pour mater les Shihuh.
Les dossiers du ministère de la Défense indiquent que deux membres de la tribu ont été blessés, alors qu’une source locale a déclaré à Declassified que trois hommes ont en fait été tués, les nommant ainsi : Ahmed Abdullah Al Assamee Al-Shehhi, Ahmed Saeed Sultan Al Assamee Al-Shehhi et Ali Ahmed Shames Al-Shehhi.
En fin de compte, cependant, la plupart des combats contre le sultan Qaboos et ses soutiens britanniques ne se dérouleront pas dans la péninsule de Musandam, mais dans le Dhufar, une autre région montagneuse à l’extrémité opposée d’Oman, avec sa propre tendance séparatiste.
Les troupes et les mercenaires britanniques continueraient à combattre les guérilleros du Dhufar pendant de nombreuses années. Mais l’ambassadeur britannique à Muscat expliquera en 1980 que Musandam, « avec son contrôle du détroit d’Ormuz, important pour le pétrole, est l’enjeu de la guerre de Dhufar. »
Musandam est aujourd’hui pratiquement interdit aux étrangers, à moins qu’ils n’aient la bonne autorisation de sécurité. En 2019, le prince William a visité la péninsule et des exercices militaires britanniques ont eu lieu – sur fond de craintes qu’elle ne devienne un point chaud si l’Iran tentait de bloquer le détroit d’Ormuz.
En raison de son emplacement stratégique, l’agence d’espionnage britannique GCHQ aurait construit une station de surveillance quelque part à Musandam, afin d’intercepter les communications provenant de l’autre côté du Golfe. Le sultan Qaboos a laissé une société dirigée par un ancien officier de la CIA construire la plupart des infrastructures de la péninsule.
Les habitants de Musandam se plaignent que les autorités omanaises continuent d’empiéter sur leurs terres tribales et de démolir leurs maisons. Mais les sanctions pour avoir parlé sont extrêmement sévères.
Lorsque six des Shihuh ont partagé des messages sur leur situation sur WhatsApp et ont contacté Amnesty International, ils ont été rapidement arrêtés et, en 2018, condamnés à la prison à vie.
Bien que les Émirats arabes unis voisins soient parfois soupçonnés d’attiser les sentiments séparatistes à Musandam, ils ont coopéré avec Oman dans la détention de ce qui est devenu les 6 Shihuh.
Ces hommes n’ont été graciés qu’à la suite d’une campagne de lobbying menée par des députés britanniques, au cours de laquelle l’ambassadeur d’Oman à Londres a affirmé de manière peu convaincante : « Il n’y a aucune discrimination contre les membres de la tribu Shihuh. »
L’annexion permanente de Musandam à Oman n’est pas le seul héritage de l’Opération Intradon. Après les manifestations du Printemps arabe en 2011, de nouveaux rapports de torture ont émergé, d’une familiarité frappante.
Le Gulf Center for Human Rights a accusé les forces de sécurité omanaises d’utiliser « l’encagoulage, la soumission à de la musique forte jouée 24 heures sur 24, la privation de sommeil et l’exposition à des températures extrêmes » lors des interrogatoires des détenus.
Mais si ces « méthodes de torture » sont toujours à la mode chez les autorités omanaises, elles ont fait l’objet d’un nouvel examen en Irlande du Nord ces dernières années. Mary McKenna, dont le père Sean est mort prématurément à la suite de son interrogatoire, a porté la question devant la Cour suprême du Royaume-Uni.
Les Chagossiens, quant à eux, ont obtenu un certain degré de compensation de la part du Foreign Office pour leur déplacement alors que la Cour internationale de justice a statué en 2019 que les îles n’appartiennent pas à la Grande-Bretagne. Le gouvernement britannique a ignoré le verdict, mais l’ONU et l’opinion publique mondiale sont maintenant fermement du côté des habitants des îles Chagos.
Les Shihuh, eux, continuent de croupir dans l’obscurité. Et une nouvelle loi adoptée cette année par le gouvernement de Boris Johnson leur rendra encore plus difficile l’accès à la justice. La loi sur les opérations à l’étranger (Overseas Operations Act) a introduit une limite de temps pour les demandes d’indemnisation contre le ministère de la Défense, exigeant qu’elles soient déposées dans les six ans suivant un incident. Cela confère effectivement à l’armée britannique une immunité pour les abus historiques commis à l’étranger, comme l’Opération Intradon.
Le ministère de la Défense n’a pas répondu à une demande de commentaire.
A propos de l’auteur :
Phil Miller est le reporter en chef de Declassified UK. Suivez-le sur Twitter à @pmillerinfo
Source : Declassified UK, Phil Miller, 22-10-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
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Commentaire recommandé
Opération Pike, opération Unthinkable, opération Intradon, les britanniques sont connus pour leurs opérations tordues. Ils se donnent tous les droits, au nom des « droits humains », bien entendu. Et je ne parle même pas de Dresde. Ils n’ont jamais été condamnés, fut-ce devant l’opinion publique, pour leurs crimes contre l’humanité (par exemple l’extermination des Tasmaniens). Ils sont sans aucun scrupule. Et leurs crimes n’ont jamais profité qu’à leur aristocratie.
A propos où est Yulia Skripal, morte ou vivante? Une autre opération du MI6 qui a foiré.
6 réactions et commentaires
Opération Pike, opération Unthinkable, opération Intradon, les britanniques sont connus pour leurs opérations tordues. Ils se donnent tous les droits, au nom des « droits humains », bien entendu. Et je ne parle même pas de Dresde. Ils n’ont jamais été condamnés, fut-ce devant l’opinion publique, pour leurs crimes contre l’humanité (par exemple l’extermination des Tasmaniens). Ils sont sans aucun scrupule. Et leurs crimes n’ont jamais profité qu’à leur aristocratie.
A propos où est Yulia Skripal, morte ou vivante? Une autre opération du MI6 qui a foiré.
+26
Alerterque pouvons nous faire? consommer moins pour que le benefice de ce genre d’operation soit moins evident et que cela conduise a une moindre reccurence?santionner les politiques qui se lancent dans des aventures a l’exterieur (quoique celle la etait secret defense)?
+2
AlerterDifficile de se cacher que les blancs en général et les anglo-saxons en particulier ne connaissent que la violence et le vol comme moyen de gérer les relations avec « les races inférieures », c’est à dire tous ceux qui ne sont pas comme eux. Cela va des Irlandais aux natifs d’Australie en passant par l’Inde et la Chine, l’Afrique et l’Arabie. L’obéissance aveugle y est la seule vertu reconnue pour les exécutants, l’arrogance celle des dirigeants.
Les différends génocides dont ils se sont rendus coupables vont dans la droite ligne de ce mode de pensée égocentrique et n’accordant aucune place à l’humain ni à l’humanité. L’opium fut imposé à la Chine et l’utilisation des gaz de combat fut préconisé par Churchill contre les africains dans l’entre-deux guerre même si ce sont les Italiens qui les ont utilisés en Abyssinie un peu plus tard.
+12
AlerterLes Français (petain après Lyautay) aussi ont joué aux cons avec des obus à gaz avec les brigades du général francisco franco pendant la guerre du rif.
Enfin toute la période coloniale est perlée de conflits plus ou moins violents et le schema de base des bidasse loin de leur métropoles qui font les barbares est encore d’actualité. Tiens l’armée Australienne vient d’être déployée dans une des îles des Salomons pour « mater des contestations » …pas en 1970 queque chose hein : hier. On va pas parler des Antilles où Darmanain envoie le GIGN.
Bref : on a pas finit d’entendre parler d’opérations armées de la part de coloniaux sous les tropiques.
+8
AlerterAu Monsieur dont le surnom est Doe.
=> Merci de ne pas inclure tous les blancs, car il y a des criminels, minoritaires, dans TOUTES les nationalités et les couleurs de peau.
Généralisation abusive (et racisme anti blanc potentiel) donc.
+11
AlerterMerci…je viens d’apprendre que Gengis khan, Tamerlan,les Ottomans , les Hutus et les Aztèques et bien d’autres étaient blancs…on apprend à tout âge.
+0
AlerterLes commentaires sont fermés.