Source : Mediapart, Marine Turchi, 25-03-2020
Des personnalités politiques, médiatiques, sportives sont dépistées alors même que le personnel soignant, en première ligne, n’est plus testé massivement. D’autres se vantent d’être traités à la chloroquine, protocole expérimental controversé. Y a-t-il des passe- droits ? Mediapart s’est penché sur plusieurs cas à travers la France.
Dépistages, accès aux soins, traitements, liberté de circuler durant le confinement. Avec l’épidémie de Covid, la question des éventuels privilèges pour les personnes en position de pouvoir se pose, plus que jamais. Parmi les citoyens et le personnel soignant, le mécontentement monte en découvrant, chaque jour, que des personnalités – politiques, médiatiques, sportives, etc. –, bénéficient en un claquement de doigts du dépistage ou du traitement (expérimental et controversé) à la chloroquine, quand eux se les voient souvent refuser.
Les passe-droits sont d’autant plus possibles que les consignes officielles, imprécises, permettent à des « VIP » de s’engouffrer dans la brèche. Que dit la doctrine française s’agissant des tests Covid ? Au stade 2 de l’épidémie (du 28 février au 14 mars) sont dépistées les personnes manifestant des symptômes après avoir été en contact avec des malades avérés. Au stade 3 (depuis le 14 mars), « les tests ne seront plus réalisés de manière systématique », expliquait le site du gouvernement dédié au virus, et « seront destinés en priorité à quatre types de population » qui présenteraient des « symptômes évocateurs du Covid-19 » : « les personnes fragiles, à risque de développer des complications » ; « les deux premières personnes » touchées « dans les structures médico- sociales » telles que les « maisons de retraite » ; « les personnes hospitalisées » et « les professionnels de santé ».
Dans la pratique pourtant, les tests sont aujourd’hui très rares, y compris pour les soignants, en première ligne. Nombre d’entre eux, interrogés par Mediapart à différents endroits du pays, expliquent ne plus pouvoir être testés. Sans vouloir se prononcer sur des cas précis, la Direction générale de la santé (DGS) assure à Mediapart qu’« il n’y a pas de dépistage de VIP. Au stade 3, on ne dépiste plus automatiquement, mais seulement les cas vraiment graves et notamment les difficultés respiratoires, à l’appréciation du personnel de santé ».
Sont testés « les patients avec des signes d’infection pulmonaire nécessitant une hospitalisation et les personnels soignants quelle que soit la sévérité des symptômes », indique aussi à Mediapart l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le premier groupe hospitalier de France. Il s’agit donc désormais de « se focaliser sur les plus symptomatiques nécessitant une hospitalisation ».
L’AP-HP explique avoir « massivement dépisté des centaines de soignants » : à titre d’exemple, au centre de dépistage ouvert à l’Hôtel-Dieu, dans le centre de Paris, « sur 1 500 tests PCR, 98 % concernaient des soignants (AP-HP et hors AP-HP) ». Pour autant, le groupe hospitalier reconnaît auprès de Mediapart que « de nombreuses demandes et pressions » ont été « exercées par certains à tous les niveaux pour obtenir des passe-droits ». Mais « personne n’a eu de traitement privilégié à l’AP-HP via la direction générale », nous assure-t-on.
Y a-t-il des passe-droits ? Mediapart a voulu vérifier et s’est penché sur plusieurs cas à travers la France.
• Dans le monde médiatique
Parmi ceux qui tentent d’obtenir des dépistages via leurs réseaux, on trouve des journalistes. Le 11 mars, une infectiologue de l’AP-HP a par exemple sermonné Gérald Kierzek, un urgentiste parisien et chroniqueur sur TF1 et LCI, qui avait utilisé la ligne spécifique du Samu (le 112.39) « pour demander un dépistage pour un patient au motif qu’il est responsable d’une chaîne de télévision ». Dans un courriel, que Mediapart s’est procuré, la médecin estime que son confrère a voulu « imposer » un dépistage « pour des motifs non médicaux ». « Après 10 minutes de discussion, mon collègue a fini par accepter pour libérer la ligne, dont je vous rappelle qu’elle est utilisée par le Samu pour nous joindre », lui écrit-elle.
Au même moment, Gérald Kierzek appelait pourtant, sur son compte Twitter, « à réserver aux cas graves les tests » (exemples ici, là ou là).« Arrêtons de faire des tests, ça ne sert à rien ! Ça va engorger et ça affole », lançait-il déjà le 29 février.
Questionné par Mediapart, Gérald Kierzek réfute tout « passe-droit » ou « test de confort », et explique qu’il aurait « évidemment » agi de la même manière avec un patient lambda. Se retranchant derrière « le secret médical », il refuse de s’exprimer sur « un cas précis », mais il souligne que sa demande « se justifiait » parce qu’elle intervenait « avant le stade 3 ». « Mes décisions sont exclusivement médicales et conformes aux recommandations officielles du ministère. En stade 1 et 2, quand les patients sont cliniquement symptomatiques, on les fait tester, car il y a un risque de dissémination ».
Ce n’est en tout cas pas l’avis de l’infectiologue. Dans son courriel, elle précise que, « d’après les informations à [sa] disposition », « il n’y avait aucune indication, car il ne s’agit ni d’un soignant symptomatique ni d’un patient avec comorbidités sévères nécessitant une attention particulière ». « Il nous arrive de faire des exceptions pour les personnes indispensables au maintien du fonctionnement de l’État (forces de l’ordre, etc), ce qui ne me semble pas être le cas ici », ajoute-t-elle. Elle souligne que les « consignes » sont « très claires », et qu’il est « important de ne pas s’en départir, surtout dans ce contexte difficile ».
« Tout le monde est sous l’eau, balaye Gérald Kierzek. Comme je ne suis pas spécialiste, j’appelle des infectiologues, comme tout le monde. » Le médecin dit être assailli quotidiennement de demandes de « gens de tous horizons, des amis, des journalistes, etc. », « qui sont flippés et veulent tous avoir un test » : « Je fais des tests quand il y a besoin, qu’ils soient VIP ou pas VIP. » Selon lui, c’est « la politique de test qui n’est pas claire : qui on dépiste, qui on ne dépiste pas ? Même les médecins ne savent plus ce qu’il faut faire. On dit aux gens “ne vous faites pas tester”, et de l’autre côté des personnalités s’annoncent positives… Les gens ne comprennent plus. Notre job, c’est de calmer cette psychose. »
• Le directeur du centre hospitalier d’Angoulême
La question des traitements différenciés se pose aussi parmi le personnel des hôpitaux eux-mêmes. C’est le cas par exemple à Angoulême. Dans un courriel daté du 19 mars, que Mediapart s’est procuré, le directeur général du centre hospitalier, Hervé Léon, annonce à l’ensemble du personnel qu’il a été « détecté positif au Covid-19 » et qu’il « piloter[a] l’hôpital de [son] domicile ». « L’ensemble du personnel hospitalier se prépare à supporter la crise avec courage, professionnalisme et sérénité. Je suis fier de vous et je vous assure que vous allez me manquer pendant les 14 jours de mon confinement », ajoute-t- il. Ce message, et notamment cette dernière phrase, a été accueilli avec « énervement et incompréhension » par une partie du personnel, assure à Mediapart une infirmière, qui y voit « la cerise sur la gâteau » dans un contexte qui est « tout sauf “serein” comme il le dit ». « Notre directeur est testé alors qu’on refuse le test à des soignants. Plusieurs de mes collègues sont atteints du Covid. La consigne, c’est de revenir travailler même avec des symptômes, si on tient sur nos jambes. La solution hydroalcoolique, on n’en a plus. On ne nous donne pas les moyens de nous protéger. Franchement, on se demande si on n’est pas de la chair à canon ».
Questionné par Mediapart, Hervé Léon explique avoir été dépisté parce qu’il s’est rendu, mi-mars, dans le cadre de ses fonctions, à Paris, « déjà considérée comme une zone à risques », et qu’il présentait des symptômes évocateurs du Covid – « fièvre, toux, rhinites, gêne respiratoire ». « Je rentrais donc dans les critères en vigueur à ce moment-là. Il n’y a pas eu de privilège », assure-t-il, précisant s’être confiné pour respecter « les consignes de l’Agence régionale de santé (ARS) ». Et son personnel soignant présentant des symptômes ? Selon lui, ils sont testés au stade 3, « mais les capacités de l’équipe de dépistage sont limitées, ce qui prend du temps » (lire sa réponse intégrale ici). D’après nos informations, le directeur a demandé que tous les soignants symptomatiques soient désormais testés, par le biais d’un système « de drive », « vitre baissée ».
Hervé Léon regrette que la dernière phrase de son courriel « ait pu être interprétée différemment » : « [Elle] voulait simplement dire que je préfère être sur le terrain que sur le banc de touche. C’est frustrant de ne pas être sur le terrain, je culpabilise. » Il dit espérer « réussir à réduire son temps de confinement ». Ce dépistage a d’autant plus agacé que dans une commune voisine, Soyaux, c’est le maire, François Nebout, qui a pu bénéficier le 21 mars, en plein stade 3, d’un test, en étant touché par une « forme bénigne » du Covid. « Pas de piston ! », a cru bon de préciser l’élu sur sa page Facebook :
« Pourquoi Estrosi a-t-il bénéficié d’un test et pas moi? »
• Un eribambelle d’élus duS ud-Est testés et traités à la chloroquine
À Marseille, de nombreux élus et candidats aux municipales ont été dépistés, parmi lesquels plusieurs chefs de file des Républicains : l’actuel maire Jean-Claude Gaudin (testé négatif, selon France Bleu), la candidate à sa succession, Martine Vassal, son colistier Yves Moraine (qui a déclaré n’avoir pratiquement aucun symptôme), les députés Guy Teissier (qui avait ressenti « une bonne fièvre ») et Valérie Boyer (qui n’a « pas de fièvre » et n’est « pas sous assistance respiratoire »), testés positifs. La plupart ont été dépistés dans l’institut privé de l’infectiologue marseillais Didier Raoult (IHU Méditerranée infection), qui a toute latitude pour mener ses tests.
À Nice, le dépistage du maire Christian Estrosi et de sa femme, la journaliste Laura Tenoudji, en plein stade 3, a suscité de nombreuses réactions. Le 16 mars, le couple a été testé positif « au CHU de Nice». « Je vais bien », a annoncé le lendemain, sur France 3, depuis son domicile, l’ancien ministre, précisant qu’il « conserv[ait] toute [son] énergie et l’essentiel de [son] temps à travailler ». Depuis, pas une journée sans qu’il n’apparaisse dans les médias. Questionné par Mediapart, il affirme n’avoir bénéficié d’« aucun privilège particulier » et avoir répondu, « comme tout le monde », à « un questionnaire par téléphone sur les symptômes ». Ceux-ci (« courbatures, céphalées, fièvre, nez qui coule, mal à la gorge ») ne rentrent pourtant pas dans les critères d’un dépistage au stade 3.
« Je n’ai privé personne de faire un test, assure l’élu. Si j’étais dans une zone où on était à saturation, comme Mulhouse, la question aurait pu déontologiquement se poser. » Le maire de Nice justifie surtout ce dépistage par sa fonction, sa « mission de service public », et la nécessité d’être « opérationnel », sans « affaiblir la collectivité ». « J’ai été détecté, comme d’autres ministres l’ont été, qui sont aux commandes de choses importantes, dans la cinquième ville de France et la troisième métropole dont j’ai la charge, président du centre hospitalier universitaire dont j’ai la charge », dit-il. « Qu’est-ce qui était une menace : que je sois testé ou que je le transmette à d’autres qui exercent des responsabilités hiérarchiques importantes ? »
Sa femme a été plus explicite. Dans Le Parisien, la journaliste a reconnu que, considérant les fonctions de Christian Estrosi, « c’était important de savoir » et que « le fait qu’il soit président du conseil de surveillance du CHU a joué aussi ». Sur son compte Instagram officiel, elle explique qu’elle n’a, pour sa part, « ni fièvre, ni symptômes particuliers, si ce n’est une très légère toux épisodique », mais qu’ayant « côtoyé des personnes porteuses du Covid-19 et étant une personnalité exposée, [elle a] pu faire le test ».
Outre le dépistage, Christian Estrosi, Laura Tenoudji, et plusieurs élus LR de la région ont bénéficié du fameux traitement à la chloroquine expérimenté par le professeur Didier Raoult, qui divise les chercheurs et n’est pas validé scientifiquement, faute de recul. Le maire de Nice a multiplié les interventions médiatiques (Nice-Matin, BFMTV, Le Point, etc.) pour vanter les mérites de ce protocole qui reste à la fois controversé et inaccessible à la majorité. L’élu assure à Mediapart « avoir veillé auprès du président de Sanofi à ce que le CHU de Nice soit largement approvisionné, ce qui est le cas ».
Sur ses deux comptes Instagram, son épouse en a également fait la publicité, suscitant des commentaires d’internautes. « Je me pose la question du traitement que vous avez eu la chance de recevoir, des centaines de malades sont chez eux sans soins… Comment faire pour en bénéficier ? », demande l’une. « Du coup y a ceux qui sont sans symptômes graves à la maison avec du Doliprane. Et y a ceux qui sont sans symptômes graves à la maison qui ont reçu les antipaludiques. OK les gars. Merci de nous ramener à notre statut de rien mortel », s’indigne un autre.
Ces personnalités ont-elles bénéficié, dans les dépistages comme dans le traitement, de privilèges ? Contactée par Mediapart, l’ARS de Provence-Alpes- Côte d’Azur n’a pas donné suite. Dans La Provence, le 18 mars, son directeur, Philippe de Mester, affirmait qu’« il n’y a[vait] pas de passe-droit, pas de test de confort ». Si les personnalités politiques « ont été dépistées, c’est qu’elles ont eu des contacts », assurait- il.
Pourtant, plusieurs habitants de Nice et de la région affirment à Mediapart – après notre appel à témoins –, s’être vu refuser le test dans les mêmes dates. Voici quelques exemples parmi d’autres.
Le 9 mars, une semaine avant Christian Estrosi, Alice, 35 ans, professeure documentaliste à Nice, cumule « maux de tête, fièvre et courbatures ». SOS Médecins lui « prescrit un test Covid-19 » mais au CHU, le test lui est refusé après quelques questions : « On m’a dit que je n’étais pas une personne à risque. » Elle dit avoir « bien précisé qu’en tant qu’enseignante en collège », elle croisait « environ 150 élèves par jour ».
Le même jour, Sophie, enceinte de cinq mois, son mari et son fils de 3 ans sont tombés malades à l’issue d’un week-end de concerts avec sa chorale à Nice (« fièvre », « toux », « grosse fatigue » notamment). Selon elle, « huit des vingt choristes » ont manifesté les mêmes symptômes, et « plus de la moitié des trente collègues » de l’un d’eux. « Pour autant, notre médecin ne nous a pas testés le 11 mars. À notre connaissance, aucune des personnes que nous avons su malades n’a été testée. Ne s’appelle pas Estrosi qui veut ! »
Le lendemain du dépistage de Christian Estrosi, Marion*, hôtesse de l’air, s’est, elle, vu refuser le test à Nice, alors qu’elle cumulait « toux, fatigue, courbatures et difficultés à respirer » depuis 24 heures. Le 17 mars, son médecin lui explique « qu’il suspecte le coronavirus mais que ne sont testés que les cas à risque ou nécessitant une hospitalisation ».
Enseignante dans un collège de Nice, et mère de deux enfants, Mélanie*, 44 ans, raconte à Mediapart dix jours « très pénibles et douloureux », « dans un méli- mélo de procédures changeantes » et un « sentiment d’abandon ». « Étant au contact de nombreux élèves, il me semblait primordial de savoir », relate-t-elle, d’autant que dans son collège « plusieurs personnes s’étaient rendues en Italie pendant les vacances scolaires ». Mais depuis le 12 mars, impossible selon elle de bénéficier d’un diagnostic clair et d’un test Covid, malgré ses sollicitations successives auprès de sa médecin généraliste, le Samu, les urgences. Ses premiers symptômes (« toux, mal de tête, oppression thoracique ») sont allés crescendo dit-elle, (« poumons qui brûlent, sensation d’étouffement », « malaises », « vertiges », « toux accentuée »). On lui répond qu’« on ne teste que les cas graves », qu’elle n’est « pas en détresse respiratoire puisqu’elle parle », ou encore qu’elle n’a « pas de fièvre». Le 18 mars, SOS Médecins « reconnaît les symptômes du Covid » et la confine vingt jours, ainsi que toute sa famille, avec une boîte de Doliprane. « Pourquoi Estrosi a-t-il bénéficié d’un test et pas moi ? Pourquoi Estrosi a-t-il eu accès à la chloroquine et pas moi, ni probablement les autres malades lambda du Covid-19 ? », interroge-t-elle.
Élève infirmier dans les Hautes-Alpes, Richard*, 44 ans, a manifesté une « toux sèche » et « trois des cinq infirmiers du service » dans lequel il effectue son stage ont été testés positifs. Après que sa directrice lui a demandé d’être dépisté, il contacte un médecin des urgences, qui lui refuse le test le 17 mars : « On ne vous testera pas à moins d’avoir des signes manifestes. »
Inès*, 54 ans journaliste indépendante à Aix-en- Provence, a elle été saisie, dès le 3 mars, « de 40° de fièvre, fortes courbatures, mal de tête, mal de gorge, toux sèche, forte tétanie », puis la toux « s’est aggravée» et ses poumons la « brûlaient ». À deux reprises, elle appelle SOS Médecins, qui lui propose « le test de la grippe » mais pas celui du Covid, réservé, dit-il, à ceux « ayant été en contact avec des personnes rentrant de Chine ou d’Italie ». Les symptômes se sont poursuivis pendant 18 jours, et en stade 3, « impossible de joindre le moindre médecin, tous les téléphones sont occupés en permanence ». Elle a fini par obtenir une ordonnance pour un test le 23 mars : trois semaines après le début des symptômes.
« Cela dépend vraiment de l’appropriation des consignes nationales par les autorités locales »
• Les ministres
Les membres du gouvernement doivent-ils bénéficier d’office d’un traitement de faveur ? La question est légitime. On pourrait penser que, du fait de leurs fonctions et en raison du nombre de gens qu’ils rencontrent chaque jour, l’exécutif et les ministres doivent être testés. Contacté par Mediapart, Matignon estime que non, et affirme que « les règles […] sont les mêmes pour les ministres que pour tous les Français ».
Dans la pratique, c’est pourtant bien plus complexe. Quatre ministres ont annoncé publiquement avoir été testés, à des stades différents de l’épidémie. Le ministre de la culture, Franck Riester, a rempli les critères d’un dépistage au stade 2. Il dit avoir été en contact « très certain », la semaine du 2 mars, avec des personnes contaminées à l’Assemblée nationale, lors de la commission des affaires culturelles et à la buvette. Son cabinet assure à Mediapart que le ministre « a attendu d’avoir des symptômes (courbatures, fièvre, toux) », le 9 mars, pour se faire tester à l’hôpital militaire Bégin, à Saint-Mandé, après être passé par l’ARS en Ile-de-France. « Il a appliqué ce que tous les Français doivent appliquer : le confinement pendant 14 jours. »
Deux jours plus tôt, Olivier Véran a lui été testé négatif. Le ministre de la santé a été dépisté alors qu’il n’avait pas de symptômes importants (juste « un petit début de rhume »), mais il s’était rendu « dans plusieurs endroits où circule activement le virus, notamment dans l’Oise ». « J’ai voulu éliminer tout risque », a-t-il fait valoir sur BFMTV. Contacté, son cabinet n’a pas répondu.
Le cas de la secrétaire d’État à la transition écologique Brune Poirson est moins limpide encore. Le 14 mars, au moment du passage au stade 3, son cabinet a indiqué qu’elle avait été testée positive, mais que son état de santé «ne présent[ait] pas de signe inquiétant». Quels éléments ont justifié un test ? Questionnée par Mediapart, elle n’a pas répondu. De son côté, Matignon explique : « Lors du stade 2, le test interven[ait] si la personne avait des symptômes suite à des contacts avec des malades avérés. Une fois le médecin contacté par la personne, il lui revenait donc de décider ou pas le dépistage. Ce qui est le cas de Mme Poirson. »
La situation de la secrétaire d’État à l’écologie Emmanuelle Wargon est plus problématique. Elle a été testée (positive) le 22 mars, dès le premier jour de ses symptômes, qui n’étaient que «bénins à ce stade », comme elle l’a elle-même admis sur Twitter, déclenchant de nombreuses réactions d’indignation d’internautes.
Sollicité, son cabinet a fait savoir à Mediapart, comme au Huffington Post, que la secrétaire d’État avait été testée à l’hôpital en même temps que son mari médecin urgentiste, Mathias Wargon, « rentré samedi soir de l’hôpital avec des symptômes (fièvre, toux, fatigue) », parce qu’elle a vu apparaître « les mêmes symptômes » dimanche matin. Elle dit avoir été testée « pour que son mari puisse éventuellement continuer à travailler dans le cas où il n’aurait pas été positif ». Dans Le Monde, Mathias Wargon a dénoncé « le torrent de boue » subi par sa femme, et expliqué qu’elle avait « demandé au ministère la démarche à suivre » après qu’il a été testé positif, et « on lui a répondu qu’elle devait se faire tester ». Questionné sur ce cas, Matignon n’a pas fait de commentaires, répétant que « Mme Wargon a expliqué qu’elle avait fait l’objet d’un diagnostic en même temps que son mari médecin urgentiste. »
Autre cas : celui de Michel Barnier, négociateur en chef de l’UE pour le Brexit. L’ancien député de 69 ans a annoncé dans une vidéo avoir été testé positif au Covid-19, le 18 mars, tout en précisant qu’il « [allait] bien ».
Quels symptômes graves l’homme politique présentait-il pour justifier un dépistage ? Questionné par Mediapart via son porte-parole, Michel Barnier a fait savoir qu’il ne répondrait pas, évoquant des « questions de nature médicale ». « Il a eu des symptômes. Il a fait un dépistage, vu ses responsabilités, le grand nombre de collaborateurs avec qui il travaille et le grand nombre de personnes qu’il rencontre de manière quotidienne », répond son collaborateur Daniel Ferrie.
Ces dépistages posent question. Car au même moment, nombre de patients et surtout de soignants présentant des symptômes évocateurs n’ont, eux, pas été testés.
« On apprend chaque jour dans la presse que des personnalités sont testées… Pourquoi nous on n’est pas testés ? », interroge un soignant de l’hôpital Tenon, joint par Mediapart. «Au début, certains collègues ont été testés, plus maintenant, on n’a plus les capacités, on nous dit qu’on est tous positifs de toute façon… Un collègue aide-soignant avait des symptômes, sa cheffe lui a dit : “Viens et on verra si la température descend.” » S’agissant des patients, il explique que s’ils « ne présentent pas de détresse respiratoire et de fièvre au-dessus de 38, on ne teste pas ». Ce que nous confirme un urgentiste de Creil, la ville de l’Oise qui fut l’un des premiers clusters : « On ne teste vraiment pas tout le monde, on n’a pas les moyens. Ce qui rentre en ligne de compte actuellement, c’est la dangerosité pour le patient – s’il a des symptômes graves, s’il va être hospitalisé. » Pour ce médecin, il est assez clair qu’il y a « des passe- droits » : « C’est tout le temps. J’ai déjà vu arriver des administratifs qui avaient des lits réservés alors qu’on n’en avait plus… »
Médecin généraliste à Paris, Valérie Douillard n’a pas non plus été testée. Le 15 mars, deux jours après ses premiers symptômes (« fièvre, maux de tête, frisson, courbatures, rhume »), la médecin, qui dit n’avoir « pas été malade depuis dix ans », appelle le Samu. Elle explique qu’elle « a besoin de savoir si elle est contaminée, pour ne pas prendre de risques avec [ses] patients ». « J’ai eu des discours incohérents, résume- t-elle à Mediapart. D’abord on me dit “on ne peut pas le faire, restez 14 jours chez vous” ; puis on me dit “venez aux urgences, mais vous attendrez quatre heures” ; ensuite une infectiologue d’un centre de test me dit “ça ne sert à rien d’être testée, reprenez le travail quand vous n’avez plus de symptômes”. Donc j’ai repris avec un masque. »
• Les parlementaires
Après que cinq députés et plusieurs agents de l’Assemblée nationale ont été testés positifs, début mars, au stade 2, les parlementaires ayant été à leur contact ou bien présentant des symptômes, ont été testés. « Les parlementaires testés étaient dans un cluster », justifie l’AP-HP. II s’agissait alors d’identifier rapidement les élus contaminés au Palais- Bourbon pour éviter une dissémination. Mais après le passage au stade 3, ce dépistage n’a plus été automatique, comme le montre, par exemple, le cas de la députée LREM de l’Hérault, Coralie Dubost – par ailleurs compagne du ministre de la santé Olivier Véran.
« D’une semaine à l’autre, je n’ai pas été traitée de la même façon », raconte à Mediapart la parlementaire. En contact avec trois députés contaminés, et présentant plusieurs symptômes (« 39 de fièvre, toux »), Coralie Dubost a d’abord bénéficié d’un test à Montpellier qui s’est révélé négatif. La poursuite des symptômes l’a conduite à retourner au CHU. « Entre temps, Montpellier avait changé de stade, et on ne testait plus les gens symptomatiques ou personnes contacts, mais seulement les cas graves et les soignants, donc l’infectiologue m’a dit “je ne vous dépiste pas par écouvillon, mais vu les symptômes persistants, je vous fais un diagnostic différentiel et vérifie avec un scanner des poumons si vous êtes en situation de pneumonie” ». Au bout du compte, il s’agissait d’« une maladie infantile rare pour les adultes ». « Il y a beaucoup de disparités territoriales, admet- elle. Cela dépend vraiment du stade épidémique et de l’appropriation des consignes nationales par les têtes de gondole des autorités locales – préfet et Agence régionale de santé –, chez nous ils sont super et coordonnés ».
À l’inverse, certains parlementaires, comme le député LR de Seine-et-Marne Christian Jacob, 60 ans, ont pu être dépistés au stade 3. Le 15 mars, celui qui est aussi le président des Républicains, a été testé positif à l’hôpital de Melun. La veille, il avait manifesté « de gros symptômes », « 39 de fièvre, mal à la gorge, mal à la tête, courbatures », explique à Mediapart sa collaboratrice, Cécile Richez. « Son médecin généraliste lui a dit d’aller aux urgences, où ils ont fait des prélèvements et ont voulu lui faire passer le test. » Le dossier médical de l’élu justifiait-il ce dépistage ou les médecins ont-ils favorisé un député du département ? «Ce n’est évidemment pas lui qui a exigé de passer le test. Je connais plusieurs personnes qui ne sont pas des politiques et ont passé le test », assure sa collaboratrice.
Lire la suite ici : Mediapart, Marine Turchi, 25-03-2020
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Commentaire recommandé
Bonjour,
Les passe-droits ont toujours existé ; c’est l’Ancien Régime mais en mieux. Une centaine de famille se sont jadis partagé la France après la Révolution, elles ont traversées Républiques, Empires, ont survécues aux sursauts monarchiques et se portent très bien sous la Vème. Demain, elles vont se partager ce qui reste de la France. La devise nationale n’a plus court : Liberté s’est envolé, l’Egalité ne vaut que si vous êtes bien né et la Fraternité faut pas rêver.
3 réactions et commentaires
Bonjour,
Les passe-droits ont toujours existé ; c’est l’Ancien Régime mais en mieux. Une centaine de famille se sont jadis partagé la France après la Révolution, elles ont traversées Républiques, Empires, ont survécues aux sursauts monarchiques et se portent très bien sous la Vème. Demain, elles vont se partager ce qui reste de la France. La devise nationale n’a plus court : Liberté s’est envolé, l’Egalité ne vaut que si vous êtes bien né et la Fraternité faut pas rêver.
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AlerterLeur de leur visite pour l’inauguration de « l’hôpital de campagne » de Mulhouse je crois,sur les vidéos tournées pour le bon peuple, Macron et les badernes qui le suivaient avaient des masques. Pourtant, l’hôpital était encore vide. Les soignants sont en contact avec les malades, mais ils n’ont pas besoin des masques eux.
+4
AlerterQuand j’étais petit, je jouais avec des petits soldats. J’avais une escouade de la Légion : une douzaine d’hommes du rang, sac au dos et à pied, et un officier, à cheval, sabre en main. Je me disais que l’expérience ne devait pas être la même… Je me demandais comment les fantassins supportaient cette injustice. Mais les fantassins supportent tout, apparemment.
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