Suite du billet sur les impacts des refinancements bancaires sur le bilan de la BCE.
Les dépôts des banques à la BCE
Nous avons vu que l’argent prêté par la BCE aux banques commerciales est en fait redéposé par elles à la BCE.
Analysons donc ces dépôts par pays – ce qui est très rarement fait :
Dans les pays ayant peu participé aux VLTRO, on note pourtant une notable hausse des dépôts de la Finlande, du Luxembourg et de l’Autriche.
Dans les pays ayant plutôt participé aux VLTRO, on note une explosion des dépôts en Allemagne, une nette hausse en France et aux Pays-Bas et rien de marquant en Italie.
On note bien le caractère historique et exceptionnel de ces mouvements sur le graphique de synthèse suivant :
Les concours nets de la BCE
Nous avons analysé les sommes empruntés par les banques à la BCE puis les sommes qu’elles ont déposées.
Globalement, les sommes sont identiques – par définition.
Toutefois, nous avons constaté qu’il y avait d’importantes différences suivant les pays.
Analysons donc ce que je définis comme le « concours net de la Banque centrale », à savoir la différence entre les montants empruntés et déposés :
On observe que les banques d’Irlande, de Grèce et du Portugal ont recours à des niveaux importants de refinancement, mais qu’elles n’ont pas eu le besoin d’augmenter notablement celui-ci par les VLTRO. Les Pays-Bas voient au contraire leur bonne situation de liquidité franchement s’améliorer, au point qu’ils disposent de bien plus de monnaie centrale qu’ils n’en ont emprunté (nous verrons pourquoi…).
On observe ici que le phénoménal besoin d’aide de l’Espagne et de l’Italie, et le gigantesque basculement de l’Allemagne depuis 2010.
Si on cumule ces concours, on arrive à ce graphique :
La rupture est à peine croyable : on passe d’une situation « normale » ou chaque Banque centrale soutient plus ou moins fortement la liquidité de son système bancaire, à une situation de dérèglement majeur, avec une divergence phénoménale entre pays créanciers et débiteurs…
Prenons plus de recul pour juger du phénomène :
On note bien le caractère exceptionnel de tels « concours négatifs », à savoir le fait que des pays aient bien plus de liquidités en monnaie centrale que ce qu’ils ont emprunté.
On observe bien l’impact global si on additionne la situation des 5 plus grands pays en terme de flux :
Là encore, le passage d’une période « normale » de soutien des Banques centrales à une situation « hors norme » de systèmes bancaires créditeurs est frappante… La chute a d’ailleurs été précédée d’une bulle marquée de monnaie centrale.
On comprend dès lors que la monnaie centrale a fortement circulé entre pays.
Le prochain billet sur les fameux soldes TARGET2 va nous éclairer…
37 réactions et commentaires
Le basculement des besoins de liquidité Allemande en 2010, ne correspond-il pas à la fin des payements des dommages de guerre?
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AlerterMeci et bravo pour ce post,
faut s’accrocher, avec vous, j’ai l’impression d’avoir repris mes études.
et attention si on loupe un cours, mais l’important c’est de se sentir moins con chaque jour.
je fais votre promo dans mon entourage, mais c’est vrai que faut être motivé, vous ne nous livrez pas du « pret à digérer », pas question de vous lire avec la télé qui marche…
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AlerterOui, suivre demande quelques efforts, mais c’est pas grand chose par rapport au travail fournit par Olivier, et ça apporte tellement 🙂
Si seulement plus de nos élus et journalistes faisaient cet effort au lieu de s’arrêter au niveau de la couleur des chaussettes des uns et des autres…
C’est peut être pas du « pret a digérer », mais c’est bien préparé, bien assaisonné et bien présenté, ca donne envie, ca se déguste sans faim et avec grand plaisir 🙂
Du 3 étoiles, du Duchemin, pas du Tricatel 😛
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AlerterJe ne vois pas ce que l’on va chercher avec cette monnaie banque centrale européenne.
Les flux de chaque pays proviennent de trois facteurs et d’un truc bizarre :
F1° Flux selon les balances commerciales internationnales de chaque pays.
F2° Flux selon la prévoyance sociale (marché international).
F3° Flux selon les emprunts / remboursement des dettes de chaque bays.
Le truc bizarre c’est le mécanisme du prêt aux banques publiques (banques secondaires), que je n’ai pas compris.
Olivier, j’attend donc la suite avec patience, puisque tu semble mettre tant d’énergie à nous montrer ces mécanismes, je me dis qu’il doit y avoir quelque chose d’important derrière …
Merci et bonne journée, Patrick Luder
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AlerterFinalement je sais quels sont les « manuels d’économie pour les nuls » qui vous plairaient, mais ils sont en anglais
Understanding Modern Money de L. R. Wray, 1998. Mon préféré, avec une histoire de la monnaie beaucoup plus crédible que ce que les libéraux nous racontent sur le troc.
Full Employment Abandoned, de W. Mitchell et J. Muysken, 2008. Très bon aussi, avec une histoire de la pensée du plein emploi (et du chômage) après-guerre.
Si vous hésitez, il y a le blog de William Mitchell et celui où officie L. R. Wray le plus souvent. Voilà, je crois que vous êtes suffisamment à l’aise en anglais pour que vous n’ayez plus d’excuses sur les questions macroéconomiques à l’avenir ;¬P
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AlerterMerci Olivier pour ces explications qu’on ne voit nulle part ailleurs. J’ai quand même une question, même si elle n’est pas liée à la crise actuelle : comment s’explique le manque de liquidités des banques allemandes durant 10 ans (et probablement plus puisque le graphique ne va pas plus loin) ? Je me souviens bien que les banques allemandes ne faisaient pas les fières au début de la crise en 2008, mais qu’elles aient été en manque chronique de liquidités depuis avant même la création de l’euro est surprenant (pour moi en tout cas).
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AlerterVendredi 25 mai 2012 :
Une sortie de la Grèce de l’euro déstabiliserait l’économie mondiale.
Le directeur général de l’organisation bancaire mondiale IIF, Charles Dallara, juge qu’une sortie de la Grèce de l’euro déstabiliserait l’économie mondiale et appelle l’Europe à se doter d’un mécanisme de garantie des dépôts bancaires, vendredi dans Il Sole 24 Ore.
Il est erroné de penser qu’une sortie de la Grèce de la zone euro n’aurait pas de très lourds effets sur les banques européennes, sur la BCE, sur des pays comme l’Italie, l’Espagne et le Portugal à cause de la contagion. En outre, cela déstabiliserait l’ensemble de l’économie mondiale, estime-t-il dans un entretien accordé au quotidien économique italien.
Le patron de l’IIF appelle en outre les Européens à se doter d’un mécanisme de garanties des dépôts bancaires, une mesure qu’il qualifie d’urgente.
Les dirigeants européens ont chargé mercredi le président de l’UE, Herman Van Rompuy, de plancher notamment sur ce sujet.
Il n’existe pas pour le moment de risque d’une fugue des capitaux à grande échelle mais on a laissé l’incertitude sur la Grèce toucher d’autres pays comme l’Espagne, au point qu’aujourd’hui le marché ne sait pas différencier de manière adéquate la solidité des trois grandes banques – Santander, BBVA et Caixa – des caisses d’épargne, souligne M. Dallara.
http://www.romandie.com/news/n/_Une_sortie_de_la_Grece_de_l_euro_destabiliserait_l_economie_mondiale_RP_250520121045-24-184630.asp
Garantir les dépôts bancaires de la zone euro ?
Oui, ce serait bien.
Garantir les dépôts bancaires de la zone euro.
Mais avec quel argent ?
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AlerterFlippant, mais pas sur d’avoir tout saisi. Je ne suis pas sur que « manque de liquidités » soit le vrai terme.
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Alerterje rêve où il y a un article qui a disparu le comte rendu du G8 ?
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Alerter@BA
Si je suis bien, le problème que semble soulever Charles Dallara serait celui d’un « bank run » actuellement en cours en Grèce et qui pourrait se propager aux autres pays périphériques.
Les grecs ayant peur que leur pays ne sorte de l’euro et repasse à la drachme s’empressent de sortir leurs euros de leurs comptes en banque. En effet, en cas de sortie de l’euro, leurs comptes seront transformés en drachmes (1 drachme = 1 euro), puis la drachme sera dévaluée d’environ 50%. Avec les billets libellés en euros dans leur matelas, les grecs sauvegarderont une partie de leur patrimoine.
Comme la banque ne peut pas disposer des liquidités pour couvrir l’ensemble de ses comptes clients, cela mène à la faillite de la dite banque (enfin je crois). C’est en raison de la crise de 1929 que la garantie des dépôts bancaires par l’État a été mise en place (en 1933 je crois), afin d’éviter le fameux « bank run ».
La solution: que l’État grec (s’il le peut) garantisse les dépôts grecs actuels à leur valeur en euros et non pas en drachmes. Pas forcément très simple ni même faisable, mais le « bank run » est en cours.
Enfin, la Grèce n’aurait jamais due entrer dans la zone euro. Cet exemple montre bien que le « politique » ne peut pas faire comme si l' »économique » n’existait pas.
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AlerterEnfin, la Grèce n’aurait jamais due entrer dans la zone euro. Cet exemple montre bien que le “politique” ne peut pas faire comme si l’”économique” n’existait pas.
C’est rigoureusement le contraire qui c’est passé avec la création de l’Euro, tout de même.
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AlerterDraxredd Pour être exact l’europe a été conçu autour de l’économique conçu comme un marché économique ouvert sans barrière ! Mais en ignorant le politique, le social, le fiscal, la démocratie (en s’asseyant deçu quand le résultat ne convenait pas).
Résultat quand l’économie et ébranlé par la crise rien ne vient contrebalancer la situation, l’euro a été conçu pour favoriser l’économie, sans les supports que connaît une monnais standard en pensant que le reste suivrait (et encore je doute parfois) mais non on s’est arrêté au milieu du Gué et on peut « admirer » le résultat.
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AlerterVendredi 25 mai 2012 :
Les banques préparent des plans d’urgence sur la Grèce.
Les banques françaises, qui font partie des établissements bancaires étrangers les plus exposés à la Grèce, préparent dans le plus grand secret des plans d’urgence dans l’éventualité d’une sortie de la République hellénique de la zone euro, ont indiqué à Reuters des sources informées des préparatifs.
D’après des responsables de la zone euro, le comité de préparation de l’Eurogroupe avait demandé aux gouvernements de la zone de préparer chacun de leur côté des plans d’urgence pour se préparer au retour de la drachme en Grèce.
« Chaque banque a désormais une équipe spéciale chargée de regarder les conséquences possibles d’un retour de la drachme », a dit à Reuters un banquier parisien sous couvert d’anonymat.
Ni BNP Paribas, ni le Crédit agricole, de loin la banque française la plus exposée à la Grèce, ni la Société générale n’ont souhaité faire de commentaires.
(Dépêche Reuters)
http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/reuters-00445699-les-banques-preparent-des-plans-d-urgence-sur-la-grece-327366.php
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AlerterEn attendant, la France profite de taux qui n’ont jamais été aussi bas pour se financer.
Les investisseurs fuyant les pays du Sud se reportent naturellement sur l’Allemagne et … la France.
Quand le malheur des uns fait le bonheur des autres.
Bon d’accord, ça va pas durer …
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AlerterBravo et merci pour cet article de qualité.
L’avant dernier graphe montre bien ce qui ne peut qu’arriver : l’éclatement de la zone euro en 2 zones
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AlerterLes apprenti-sorciers se sont mis dans une situation qui ne peut être réglée que par la mutualisation des pertes c est a dire le fédéralisme. Mais comme les peuples ne en veulent pas la dictature est en marche.
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Alerter« une situation qui ne peut être réglée que par la mutualisation des pertes »
Pas trop envie de partager l’irresponsabilité des autres … Je préfère largement que les cancres fassent faillite, et tant pis pour ceux qui leur ont prêté => c’est plus franc, plus direct et cela servira mieux de leçon …
Il n’ y aura pas de dictature possible dans nos régions, le peuple est trop informé et et heureusement encore assez réactif …
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AlerterJ’ai quand même tiqué sur le passage du dernier article de F. Lordon où il avance qu’au besoin la BCE pourrait « s’auto-recapitaliser par création monétaire » si ses pertes venaient à entamer ses fonds propres !
D’abord j’ai de sérieux doutes que cela soit compatible avec la loi et les traités.
Ensuite le risque de décrédibilisation du système tout entier est comptétement négligé.
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Alerter@Flo: vous n’avez pas compris Lordon ! Il ne dit pas que la BCE pourrait se recapitaliser elle-même, mais que l’idée-même de se récapitaliser est dans son cas une absurdité. Je cite : « En effet, tout ça n’est pas sérieux, à ceci près que le « ça » en question renvoie moins aux supposés périls auxquels la BCE se serait déraisonnablement exposée qu’aux divagations du commentateur qui n’a pas tout à fait compris qu’il était de la dernière ineptie d’appliquer les catégories ordinaires de l’économie financière à la banque centrale, entité par construction absolument dérogatoire du « droit commun ».«
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AlerterAlors si j’ai bien compris, la BCE ouvre des lignes de crédits « faciles » aux banques européennes, de manière à ce que les excès de liquidités des uns couvrent les besoins en liquidités des autres. Et dans 3 ans, on fait le bilan en espèrant que la situation se sera améliorée d’ici là.
Mais il se passe quoi si:
– les cures d’austérités infligées aux pays en galère ne fassent que plomber encore plus les économies concernées ? On repart pour un tour ? Les « bons joueurs » sortent leurs billes du jeu et tout s’écroule ?
– les actifs déposés à la BCE contre monnaie centrale se cassent la gueule pour une raison X ou Y dont le marché a le secret ?
Et comment justifier le côté « ca va bien se passer » avec les banques d’un côté, qui pourtant ont parfois des ratios dette/fonds propres qui laissent rêveur, alors que les états galèrent sur le marché obligataire, eux qui pourtant sont censés être relativement sûrs ?
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AlerterUne mise à jour serait bienvenu étant donné les divergences exponentielles constatées il y a seulement 6 mois …
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