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20.mars.202520.3.2025 // Les Crises

Donald Trump revient sur les règles de sécurité des pipelines dans l’intérêt des compagnies pétrolières et gazières

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La rupture en 2020 d’un pipeline de dioxyde de carbone dans un village du Mississippi, ce qui a empoisonné des dizaines de personnes, a inspiré une série de nouvelles règles de sécurité, proposées au cours de la dernière semaine de la présidence de Joe Biden. Donald Trump a supprimé les règles proposées.

Source : Jacobin, Emily Sanders, Dana Drugmand
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le président Donald Trump applaudit après la prestation de serment de Howard Lutnick au poste de secrétaire au Commerce dans le bureau ovale de la Maison Blanche, le 21 février 2025, à Washington. (Win McNamee / Getty Images)

L’administration Trump a retiré une série de propositions de réglementations sur la sécurité du dioxyde de carbone inspirées par la défaillance d’un gazoduc qui a envoyé près de cinquante personnes à l’hôpital avec des symptômes de type « zombie », le nouveau régulateur chargé de superviser ces questions a précédemment travaillé comme lobbyiste pour l’industrie des oléoducs.

Les mesures prises par le président Donald Trump pourraient exposer les populations à des dangers sans précédent, alors que les compagnies pétrolières et gazières s’empressent de construire un vaste réseau de pipelines de ce type dans le pays afin d’obtenir des crédits d’impôt fédéraux et de prolonger au maximum l’exploitation des combustibles fossiles.

Le projet de réglementation des pipelines, présenté par le ministère des Transports au cours de la dernière semaine de la présidence de Joe Biden, a été obtenu de haute lutte et a mis longtemps à voir le jour. Les défenseurs et les experts avaient réclamé un renforcement des exigences de sécurité depuis la rupture d’une conduite de dioxyde de carbone près du village de Satartia, dans le Mississippi, il y a cinq ans – une catastrophe qui avait semé la confusion au sein des services d’urgence locaux, immobilisé des véhicules et empoisonné des victimes sans méfiance qui, des années plus tard, font état de séquelles respiratoires, cognitives et neurologiques persistantes.

Les fuites de dioxyde de carbone sous haute pression peuvent entraîner des états de confusion, une perte de conscience, des convulsions, le coma puis la mort en quelques minutes, en fonction de la concentration et de la durée d’exposition. À Satartia, le gaz asphyxiant a provoqué des malaises de dizaines de personnes, tandis que d’autres ont commencé à suffoquer et à tituber, trop sonnées pour se mettre à l’abri, jusqu’à ce qu’elles soient aidées par les premiers secours.

Après une enquête de plusieurs années sur l’incident, les autorités de régulation ont annoncé ce qu’elles espéraient être « les normes les plus strictes et les plus complètes au monde pour le transport du dioxyde de carbone », selon l’administrateur adjoint de l’époque, Tristan Brown, de la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration, l’agence fédérale responsable de la sécurité des pipelines.

Ces projets sont désormais en suspens après que le règlement a disparu du site web de l’agence avant d’être inscrit au Registre fédéral, qui enregistre toutes les modifications officielles apportées à la législation fédérale américaine. Le 20 janvier, un décret de Trump a exigé que tous les ministères et agences fédérales retirent tous les règlements introduits mais non encore publiés au Registre fédéral, « afin qu’ils puissent être revus et approuvés » par le nouveau responsable du ministère ou de l’agence nommé par le président.

Un nouveau décret d’envergure sur la déréglementation, signé par Trump le 19 février, enjoint désormais les chefs d’agence d’identifier et de classer toutes les réglementations selon divers critères, notamment celles qui « impliquent des coûts importants pour les acteurs privés » et qui « entravent de manière injustifiée l’innovation technologique, le développement des infrastructures », ainsi que d’autres priorités. L’objectif apparent est de trouver des réglementations qui devront être annulées ou modifiées.

Le nouvel administrateur par intérim de la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration, Ben Kochman, était jusqu’au mois dernier directeur de la politique de sécurité des pipelines au sein du groupe commercial Interstate Natural Gas Association of America – un rôle qui consistait à promouvoir une politique fédérale de sécurité « performante » pour le compte de l’industrie des gazoducs.

Au début de ce mois, Trump a nommé Paul Roberti, avocat en chef de l’agence pendant le premier mandat de Trump, à ce poste et ce, de manière permanente. Cette décision a été saluée par les groupes de pression de l’industrie, notamment la Liquid Energy Pipeline Association, qui s’est battue pour réduire les règles de sécurité concernant les conduites de dioxyde de carbone.

Trump a également choisi comme nouveau secrétaire du ministère des Transports, où se trouve l’agence des pipelines, Sean Duffy, animateur de Fox News et ancien membre républicain du Congrès qui a déjà été lobbyiste pour l’exploitant de pipelines Enterprise Products.

Alors que les nouvelles règles de sécurité pour les pipelines de dioxyde de carbone sont en suspens, l’industrie des combustibles fossiles forme de nouveaux projets de capture du carbone – lesquelles nécessitent des pipelines pour transporter le dioxyde de carbone depuis les centrales électriques, puis de le stocker sous terre ou, plus souvent, l’utiliser pour extraire davantage de pétrole. Cela signifie que les pipelines existants continueront d’être utilisés et que des dizaines de milliers de kilomètres de nouveaux pipelines pourraient être construits, bien avant que des règles de sécurité complémentaires ne soient mises en œuvre.

Les défenseurs de la sécurité et les principaux intéressés ont prévenu qu’une surveillance et une réglementation accrues étaient nécessaires pour tenir compte des risques posés par ces gazoducs. Mais les compagnies pétrolières et gazières affirment qu’elles gèrent elles-mêmes ces risques. Comme l’ont rapporté Lever et ExxonKnews l’année dernière, les compagnies pétrolières et les agences commerciales ont pendant l’administration Biden, exercé de fortes pressions sur le Congrès et les régulateurs pour limiter la portée de la nouvelle règle, arguant qu’elle pourrait retarder la mise en place de projets de capture de carbone.

À Satartia, le gaz asphyxiant a provoqué des malaises de dizaines de personnes, tandis que d’autres ont commencé à suffoquer et à tituber, trop sonnées pour se mettre à l’abri, jusqu’à ce qu’elles soient aidées par les premiers secours.

Le mois dernier, l’agence de sécurité des pipelines a affirmé dans un nouvel avis que des employés de Denbury, l’exploitant du pipeline responsable de la rupture à Satartia, ont harcelé et entravé les enquêteurs fédéraux qui, des années après la fuite catastrophique, tentaient de garantir la sécurité du pipeline. Les avocats affirment que ces faits rendent encore plus urgente la mise en place d’une surveillance fédérale rigoureuse.

Un porte-parole de la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (administration chargée de la sécurité des pipelines et des matières dangereuses) a refusé de répondre aux questions concernant le harcèlement ou à celles relatives aux règles de sécurité prévues pour les pipelines.

Bill Caram, directeur exécutif du groupe de pression non partisan Pipeline Safety Trust, a souligné que laisser la surveillance et la réaction aux défaillances des pipelines aux mains des exploitants n’était pas suffisant.

« Nous ne devrions pas avoir à compter sur la bonne volonté d’une entreprise pour faire ce qu’il faut », a déclaré Caram. « C’est la loi qui devrait permettre de faire ce qu’il faut et ainsi garantir la sécurité des populations vivant autour [de ces canalisations]. »

« Lâchés dans la nature »

Jack Willingham, directeur des services de gestion des urgences du comté de Yazoo, dans le Mississippi, et son équipe ont été « complètement abasourdis » lorsqu’ils ont reçu le premier appel concernant un brouillard vert qui entourait le village de Satartia en février 2020. Les secouristes ont réagi rapidement pour évacuer plus de 250 personnes, mais à l’époque, ils n’avaient ni la formation ni l’équipement nécessaires pour intervenir en cas de rupture d’une conduite de dioxyde de carbone.

En effet, Denbury, une société texane qui exploite des oléoducs et des gazoducs sur la côte du golfe du Mexique et dans l’ouest des États-Unis et qui appartient désormais à Exxon, avait omis de communiquer avec le département au sujet du gazoduc de dioxyde de carbone qui traversait leur région, de les informer de sa fuite au cours de cette soirée-là et de leur donner le moindre conseil quant à la marche à suivre pour intervenir ou prendre en charge les victimes de l’empoisonnement après un tel incident.

Une enquête menée par les autorités fédérales de régulation des pipelines a révélé que Denbury n’avait, lors de la construction et de l’exploitation du pipeline destiné à faciliter la collecte du pétrole, pas non plus pris en compte les risques susceptibles de provoquer un accident. Elle a notamment négligé de modéliser de manière adéquate la dispersion potentielle du gaz pour tenir compte du village de Satartia, en exploitant le pipeline à un niveau de pression plus élevé que nécessaire et sans anticiper l’augmentation des précipitations et le glissement de terrain qui à terme ont affaibli la structure du pipeline. En 2023, les autorités de régulation ont infligé à Denbury une amende de 2,9 millions de dollars, initialement prévue pour un montant de 3,9 millions de dollars, pour négligence, soit la deuxième amende la plus importante de l’histoire de l’agence.

« Ma plus grande question pour [Denbury] était de savoir pourquoi nous devions vous contacter », a déclaré Willingham. « Les exploitants de pipelines sont bien connus pour leur devise : « Moins on en dit, mieux c’est. » C’est là que j’ai commencé à dire : « Ça ne va pas marcher. »

Une enquête menée par les autorités fédérales de régulation des pipelines a révélé que Denbury n’avait, lors de la construction et de l’exploitation de l’oléoduc, pas non plus pris en compte les risques susceptibles de provoquer un accident.

L’agence de sécurité des pipelines a annoncé en 2022 qu’elle lancerait un nouveau processus d’élaboration de règles afin de mettre à jour les normes de sécurité fédérales pour les pipelines de dioxyde de carbone, en s’appuyant sur les contributions d’un large éventail de parties prenantes, y compris les services de première intervention comme Willingham, les défenseurs de la sécurité des pipelines, les membres des populations concernées et les représentants de l’industrie. Par courrier électronique, Brown, l’ancien régulateur de la sécurité des pipelines a déclaré que « Le projet de régulations proposé permettrait de résoudre chacun des problèmes survenus [à Satartia] et de réduire les risques pour le public et les premiers secours. »

En 2025, quelques jours avant le début de la nouvelle administration Trump, l’agence a publié la proposition de règlement de sécurité tant attendue pour les pipelines de dioxyde de carbone. Les nouvelles exigences visaient à mettre en œuvre des mesures complémentaires pour garantir un développement, une maintenance, une surveillance et une exploitation plus sûrs des pipelines transportant du dioxyde de carbone, ainsi que la formation et l’équipement des premiers secours et la communication avec le public en cas d’urgence.

Le projet de règulation comprend de nouvelles normes pour le transport du dioxyde de carbone gazeux et liquide, qui n’est actuellement pas réglementé ; une obligation pour les exploitants de gazoducs d’effectuer des analyses de « dispersion des vapeurs » qui aideraient à anticiper le trajet du gaz ; de nouvelles exigences en matière de systèmes de détection des fuites ; des seuils pour les contaminants qui pourraient provoquer de la corrosion ; l’obligation pour les exploitants d’établir des zones de planification d’urgence couvrant trois kilomètres de part et d’autre du gazoduc, etc.

Il est à noter que la directive ne prescrit pas l’ajout d’un produit odorant dans le gazoduc pour avertir les résidents en cas de fuite – une disposition que les groupes de défense de l’environnement et de la santé publique avaient demandée, dans la mesure où le dioxyde de carbone est inodore et incolore. Les pipelines de méthane sont tenus de transporter des substances odorantes, ce qui leur confère une odeur de soufre caractéristique qui facilite la détection d’une fuite.

Les défenseurs de la sécurité estiment néanmoins que le règlement proposé constituerait une amélioration significative du système réglementaire existant pour ces gazoducs. « Cette règle signifie-t-elle que tous les pipelines de dioxyde de carbone seront totalement sûrs ? Certes non, cependant elle modernise de façon satisfaisante la réglementation », a déclaré Caram dans un communiqué.

Avec le retrait de la règle de sécurité dans le cadre du gel des réglementations imposé par Trump, les avocats craignent que les populations se trouvant sur la trajectoire de l’expansion prévue pour les pipelines – en grande partie des gens à faible revenu et des gens de couleur, dont beaucoup vivent déjà à proximité d’infrastructures de combustibles fossiles et de produits pétrochimiques – se retrouveront sans protection appropriée.

« Les réglementations n’ont pas été adaptées pour tenir compte des développements en cours. Ces pipelines vont être posés sous terre et n’auront pas à se conformer rétroactivement à la réglementation », a déclaré Maggie Coulter, avocate principale à l’Institut du droit du climat du Centre pour la diversité biologique, une organisation à but non lucratif.

« Nous sommes en quelque sorte lâchés dns la nature », a déclaré Carolyn Raffensperger, avocate spécialiste de l’environnement de l’Iowa et directrice exécutive de l’organisation à but non lucratif Science and Environmental Health Network (Réseau pour la science et la santé environnementale). « Si les entreprises continuent de poser des pipelines de dioxyde de carbone qui ne respectent pas les normes de sécurité telles que prévues dans ce projet de règlementation, il me semble qu’elles exposent le public à des risques inacceptables. »

Nouvelles constructions

Les États-Unis disposent actuellement d’environ huit mille kilomètres de pipelines de dioxyde de carbone, qui traversent principalement des petites localités et acheminent le produit vers les champs pétrolifères où il est utilisé pour la récupération du pétrole, cela consiste à injecter du dioxyde de carbone dans les puits de pétrole afin d’extraire le pétrole brut quand celui-ci est difficile à récupérer. Une grande partie de l’expansion prévue concerne l’Iowa, la Louisiane et d’autres États du Midwest et de la côte du Golfe du Mexique. Selon un rapport publié en 2023 par le Congressional Budget Office, le nombre de ces infrastructures de pipelines pourrait être multiplié par dix d’ici à 2050 si les projets actuels de ce secteur se réalisent.

Incités par les juteux crédits d’impôt fédéraux qui rémunèrent les entreprises à la tonne de dioxyde de carbone capturé et séquestré, ou utilisé pour la récupération du pétrole – cette dernière utilisation pourrait augmenter dans le cadre d’un nouveau projet de loi présenté par les Républicains du Sénat – les promoteurs de l’industrie ont annoncé une multitude de nouveaux projets de captage du carbone. Ces projets sont ostensiblement conçus pour atténuer les émissions de carbone provenant de sources polluantes telles que les centrales électriques et les usines pétrochimiques. Les scientifiques, les militants et même les documents internes des entreprises alertent cependant sur le fait que ces technologies ne permettront jamais de réduire suffisamment les émissions pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux et ne feront que prolonger les activités des industries pétrolière et gazière.

Les compagnies pétrolières ont toujours soutenu les crédits d’impôt fédéraux pour la récupération assistée du pétrole – et ont récemment fait clairement savoir qu’il s’agissait là de leur priorité pour les nouveaux aménagements en matière de capture du carbone. Certains experts estiment que Trump est fin prêt à renforcer ces politiques, comme il l’avait fait lors de son premier mandat.

Dans le cadre des projets de captage du carbone, des gazoducs sont nécessaires pour transporter le dioxyde de carbone piégé jusqu’aux sites où il est injecté sous terre. La société Summit Carbon Solutions, implantée dans l’Iowa, envisage de construire un pipeline de quelque 3500 kilomètres traversant cinq États de l’Upper Midwest et de la Corn Belt, en l’absence de règles de sécurité actualisées et malgré les réticences des propriétaires terriens, tandis qu’ExxonMobil a annoncé plusieurs projets de capture et de stockage du carbone le long de la côte du Golfe. On y compte un projet dans le comté de Yazoo, dans le Mississippi, là même où s’est produite la catastrophe de Satartia.

L’année dernière, l’organisation à but non lucratif Oil and Gas Watch a signalé que les gazoducs de dioxyde de carbone appartenant à Denbury – qui en exploite plus de 1 800 km dans les montagnes Rocheuses et sur la côte du Golfe – sont plus susceptibles de fuir que les pipelines de n’importe quelle autre entreprise. Exxon a acquis Denbury en novembre 2023 dans le cadre de ses projets d’expansion concernant des projets de capture du carbone à travers le pays.

Exxon affirme que son stockage de carbone capté et ses pipelines sont « correctement encadrés et conçus pour minimiser les risques. » La société a récemment étendu son programme de formation à la sécurité des pipelines pour y inclure les pipelines de dioxyde de carbone et a déclaré que les premiers secours du comté de Yazoo ont participé à une formation au printemps dernier.

Et pourtant, lorsque le gazoduc de dioxyde de carbone d’Exxon (anciennement propriété de Denbury) a fui à Sulphur, en Louisiane, l’année dernière, aucun opérateur n’était sur place et la caméra qui surveillait l’installation ne fonctionnait pas. Près de deux heures se sont écoulées avant qu’un opérateur n’arrive sur les lieux et ne répare la fuite. De nombreux habitants n’ont pas été prévenus de la fuite et d’autres, dont les voitures seraient tombées en panne s’ils avaient tenté d’évacuer les lieux, ont reçu l’ordre de chercher un abri sur place.

Caram, du Pipeline Safety Trust, a qualifié le programme de formation d’Exxon de « première étape importante », mais a fait remarquer que ce programme ne tenait pas compte des nombreuses exigences supplémentaires en matière de sécurité auxquelles les nouvelles réglementations gouvernementales sont censées répondre.

« Il est déconcertant de voir se développer de nouveaux projets [de capture de carbone] avant que ces réglementations de sécurité ne soient élaborées et entrent en vigueur », a-t-il déclaré.

« Un mépris flagrant en matière de sécurité »

Deux jours après la publication de la proposition de règulation sur le dioxyde de carbone en janvier, les régulateurs fédéraux de l’agence de sécurité des pipelines ont adressé un avis à Denbury et à Republic Testing Laboratories – le soudeur sous contrat de l’exploitant du pipeline – pour dénoncer une probable violation, ces derniers ayant apparemment empêché les inspecteurs du gouvernement d’effectuer une enquête de routine concernant la section du pipeline qui s’est rompue à Satartia, et qui était en cours de remplacement.

Selon l’avis, des employés de l’entreprise ont harcelé verbalement, bloqué physiquement et refusé des entretiens, l’accès et des données aux inspecteurs lors d’une vérification des procédures de soudure sur le site de Republic à La Porte, au Texas, en 2023.

Dans l’un des cas décrits dans l’avis, un employé de Republic se serait moqué des inspecteurs qui tentaient d’évaluer un échantillon et aurait fait un commentaire sexiste à l’égard d’une inspectrice, qui a alors décidé de quitter les lieux pour des raisons de sécurité. Dans un autre cas, Denbury et Republic auraient physiquement empêché un inspecteur d’interroger un soudeur, le repoussant et l’interrogeant avec agressivité pour empêcher l’entretien.

Des employés de l’entreprise ont harcelé verbalement, bloqué physiquement et refusé des entretiens, l’accès et des données aux inspecteurs lors d’une vérification des procédures de soudure sur le site de Republic à La Porte, au Texas, en 2023.

« Face à ce type de comportement, les citoyens ne devraient guère avoir confiance pour leur sécurité », a déclaré Ted Schettler, expert en santé publique et directeur scientifique du réseau à but non lucratif Science and Environmental Health Network.

Denbury et Republic, qui appartiennent à Exxon, disposent de trente jours pour analyser la notification, qui leur inflige une nouvelle amende de 2,3 millions de dollars. L’amende pourrait être contestée ou révoquée par l’agence.

Exxon et Republic n’ont pas répondu aux demandes de commentaires.

Caram, du Pipeline Safety Trust, a déclaré qu’il n’avait « jamais lu une mesure exécutoire détaillant le type de mépris flagrant concernant la surveillance de la sécurité tel que décrit dans cette notification. Cela m’a choqué. »

Il a ajouté : « J’espère que ce type de comportement sera considéré comme inexcusable et méritant d’être sanctionné, indépendamment de tout vent politique. »

Et maintenant

Ce qu’il va se passer concernant la proposition de règlementations de sécurité pour les pipelines de dioxyde de carbone n’est pas clair. L’administration Trump pourrait la soumettre de nouveau au registre fédéral telle quelle, la modifier et la soumettre à nouveau, ou ne pas la soumettre du tout.

Les liens que les personnes nommées par la nouvelle administration pour occuper des postes clés dans la réglementation de la sécurité des pipelines entretiennent avec ce secteur de l’industrie remettent également en question le fait que l’agence de sécurité des pipelines maintiendra sa mesure exécutoire et la sanction administrative infligée à Denbury pour avoir fait obstruction à la tâche des inspecteurs fédéraux. Selon une analyse récente, les groupes d’intérêt du secteur des combustibles fossiles ont dépensé 96 millions de dollars en dons directs pour soutenir la campagne présidentielle de Trump.

Kochman, le nouveau directeur intérimaire de l’agence fédérale de sécurité des pipelines, et Roberti, le candidat choisi par Trump pour en être le prochain administrateur, ont tous deux travaillé au sein de l’agence pendant le premier mandat de Trump. Au cours de cette période, l’agence a proposé des modifications aux règles de sécurité des gazoducs afin de « réduire la charge réglementaire inutile », conformément aux décrets du président. L’agence a également publié une règle autorisant le transport en vrac de gaz naturel liquéfié, potentiellement explosif, par rail. Malgré les contestations juridiques des groupes de défense de l’environnement et de certains États, l’administration Biden a maintenu la règle des « trains-bombes. »

En 2021, Kochman est devenu directeur de la politique de sécurité des pipelines à l’Interstate Natural Gas Association of America, un groupe de pression qui compte parmi ses membres des compagnies de gaz et des sociétés d’oléoducs et de gazoducs telles que TC Energy et Williams Companies. Des représentants de ces deux entreprises étaient présents lors d’une réunion organisée en mars 2024 au sujet de la proposition de règlementation de sécurité pour les pipelines de dioxyde de carbone. Pendant le mandat de Kochman, le groupe a assigné les autorités de régulation en justice au sujet des normes de sécurité des gazoducs adoptées par l’agence en dépit des objections du secteur.

Hier, la commission des transports et des infrastructures de la Chambre des Représentants s’est réunie pour discuter de la question de la « Promotion et l’amélioration de la sécurité et de l’efficacité du réseau de pipelines. » Il s’agit probablement d’une étape préalable à l’introduction d’un autre projet de loi visant à renouveler l’autorisation de l’agence fédérale de sécurité des pipelines, ou à déterminer ses missions légales et son financement, selon les soutiens de l’agence. Le dernier projet de loi présenté par cette commission a reçu un large soutien de la part des représentants de l’industrie.

Brown, qui vient de quitter ses fonctions à la tête de l’agence, a déclaré qu’il était fier du travail accompli par son équipe pour « élaborer la règle la plus aboutie du genre. »

« En fin de compte, quelle que soit la position de chacun concernant le transport ou le captage du dioxyde de carbone, il existe un consensus sur le fait que des règles plus strictes concernant les pipelines de dioxyde de carbone contribueront à améliorer la sécurité et seront bénéfiques pour les populations », a-t-il déclaré.

Alors que les règles de sécurité étaient en cours d’élaboration, les défenseurs de l’environnement et de la santé publique ainsi que certains membres démocrates du Congrès ont demandé à Biden de décréter un moratoire sur l’octroi de permis fédéraux pour tous les nouveaux gazoducs de dioxyde de carbone. Et même si un moratoire national ne s’est jamais concrétisé, plusieurs États ont tout de même adopté des interdictions temporaires relatives à l’approbation de nouveaux pipelines de dioxyde de carbone. En juillet dernier, l’Illinois a adopté un moratoire qui prendra fin au bout de deux ans ou lorsque l’agence chargée de la sécurité des pipelines aura établi de nouvelles règles, selon ce qui survient en premier. La Californie a imposé un moratoire sur les pipelines de dioxyde de carbone en 2022, il restera effectif jusqu’à ce que le processus réglementaire soit achevé.

« Des États comme la Californie sont attentifs à la proposition de réglementation que nous avons annoncée et à ses clauses, et ils continuent à travailler au niveau de l’État pour faire progresser la sécurité des pipelines », a déclaré Brown, qui travaillait auparavant pour l’administration de la sécurité des pipelines et des matières dangereuses (Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration). Les gouvernements des États disposent d’une certaine compétence en matière d’autorisation pour les pipelines de dioxyde de carbone et pourraient donc prendre en compte des considérations additionnelles ou décréter des moratoires jusqu’à ce que l’agence de sécurité des pipelines ait achevé son travail, a ajouté Brown.

Jane Patton, directrice de campagne en Louisiane pour le programme sur l’économie fossile du Centre pour le droit international de l’environnement, a affirmé que les pipelines de dioxyde de carbone ne pouvaient pas être exploités de manière réellement sûre.

« Cette règlementation était le strict minimum de ce qui aurait dû être mis en place pour ces pipelines, a déclaré Patton. Au bout du compte, aucun niveau de licence, d’autorisation ou de tolérance ne devrait être accordé à ces pipelines totalement inutiles et dangereux, un point c’est tout. »

Cet article a été publié en collaboration avec ExxonKnews.

*

Emily Sanders est journaliste, elle est spécialiste du climat et vit dans le Queens, à New York.

Dana est journaliste climatique indépendante, elle s’intéresse particulièrement aux questions de responsabilisation et de justice en matière de climat.

Source : Jacobin, Emily Sanders, Dana Drugmand, 26-02-2025

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

6 réactions et commentaires

  • RV // 20.03.2025 à 09h31

    Cet article peut être considéré comme une illustration parmi d’autres,
    du point de vue développé par Paul Jorion sur son blog :
    « Trump : Le brutal réveil devant les limitations du vote de protestation ! »

  • Savonarole // 20.03.2025 à 12h07

    On fait une loi pour obliger les exploitants d’hydrocarbures à diminuer leur émissions et dans le même temps on leur fait une autre loi pour qu’ils puissent se racheter une virginité en « stockant » les émissions des autres.
    Résultats : Ils n’ont pas diminué leur émissions et ont bricolés « à moindre coût » une solution de « stockage » qui leur permet de vider encore plus les puis et qui, étonnament pour un truc bricolé à l’arrache, pose plus de problêmes qu’il n’en résout.
    Au final personne ne pollue moins et on met en danger des populations. Mais c’est « écologique » et surtout très rentable. Ces histoires de crédits/taxes carbones ont engendré plus de pollutions qu’elles n’en ont jamais résolu tout en étant des gouffres à pognon.
    Ici : Trump fait comme Biden : il dérégule et dans tout les cas ça finit mal (East Palestine c’était pas propre non plus : la dérèglementation c’est comme les réglementations débiles : bi-partisan).

    • RV // 20.03.2025 à 12h16

      « Ces histoires de crédits/taxes carbones ont engendré plus de pollutions qu’elles n’en ont jamais résolu tout en étant des gouffres à pognon »

      Affirmation gratuite ou sourcée ?

      • Savonarole // 20.03.2025 à 12h40

        Très sourcée , en France par exemple c’est 1.4G€ qui se sont volatilisé en 2024, Mediapart avait fait un gros dossier sur cette histoire. Et il y a les mêmes dans d’autres pays , certains revoient les règles quasi annuellement pour éviter les fraude (L’Inde ou le Japon par exemple).
        Le truc est mondiale ; tout ceci sort des COP ; genre la COP21 : financée par Total Energy …
        Et vu que les émissions ne baissent pas (doux euphémisme) en dépit d’une consomation d’hydrocarbure globalement sur un plateau à 110Gb/J depuis 2005, on peut raisonablement conclure à des effets sur la resolution du problème initial négligeables , nuls, voir domageables.

      • RV // 20.03.2025 à 12h58

        en quelques clics :

        https://www.rexecode.fr/conjoncture-previsions/veille-documentaire/document-de-la-semaine/instrument-cle-de-la-transition-energetique-la-tarification-effective-du-carbone-reste-insuffisante-ocde
        Le tarif est rarement assez élevé pour être le moteur d’une véritable transition énergétique et de surcroît près de 60% des émissions de GES font l’objet d’une tarification nette du carbone nulle ou négative en raison des subventions. « Les subventions aux énergies fossiles et les taxes carbone sont d’ampleur équivalente, si bien que l’effet net des unes et des autres est quasiment nul en moyenne ».

        https://www.rexecode.fr/competitivite-croissance/a-noter/le-marche-carbone-principal-pilier-de-l-efficacite-de-la-politique-europeenne-pour-le-climat
        Entre 2008 et 2021, les émissions annuelles du périmètre couvert sont passées de 2.100 Mt à 1.300 Mt de CO2, soit une baisse de près de 40%. Dans le même temps, les émissions européennes sont passées de 4.400 Mt à 3.400 Mt, soit une baisse de 23%. Ainsi, les réductions d’émissions ont été deux fois plus importantes dans le périmètre du marché des quotas que dans le reste de l’économie.

        https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2024/05/21/global-carbon-pricing-revenues-top-a-record-100-billion
        Toutefois, malgré des recettes record et une croissance soutenue, les niveaux mondiaux du prix du carbone et l’étendue des instruments de tarification restent trop faibles pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. À l’heure actuelle, moins de 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont soumises à un prix direct sur le carbone égal ou supérieur à la fourchette recommandée par la Commission de haut niveau sur les prix du carbone pour parvenir à limiter la hausse de la température bien en deçà de 2 °C. Il faudra une volonté politique beaucoup plus forte, note le rapport, pour combler le fossé entre les engagements climatiques des pays et les mesures qu’ils mettent en œuvre.

  • Dominique65 // 20.03.2025 à 19h47

    «.le premier appel concernant un brouillard vert qui entourait le village de Satartia »
    Gaz vert ? Y’avait autre chose que du gaz carbonique dans les tuyaux. Il est surtout là le scandale.

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