Source : Reuters, Mathieu Rosemain
Traduit par les lecteurs du site Les Crises
PARIS (Reuters) – Google a accepté de verser 76 millions de dollars sur trois ans à un groupe de 121 éditeurs de presse français pour mettre fin à une bataille sur les droits d’auteur qui dure depuis plus d’un an, selon des documents présentés par Reuters.
L’accord entre Google et l’Alliance de la presse d’information générale (APIG), un groupe de pression représentant la plupart des grands éditeurs français, a été annoncé précédemment, mais les conditions financières n’ont pas été divulguées.
Cette décision a provoqué l’indignation de nombreux autres distributeurs français, qui l’ont jugée injuste et opaque. Les éditeurs des autres pays vont examiner attentivement l’accord français, le plus visible au monde dans le cadre du nouveau programme de Google visant à compenser les extraits de presse utilisés dans les résultats du moteur de recherche.
L’Agence France-Presse (AFP) et d’autres fournisseurs d’information français qui n’appartiennent pas à ce groupe ne font pas partie de l’accord et poursuivent diverses actions contre Google.
L’accord fait suite à la mise en œuvre par la France de la première règle de droit d’auteur édictée dans le cadre d’une récente loi de l’Union européenne qui crée des « droits voisins », obligeant les grandes plateformes technologiques à ouvrir des discussions avec les éditeurs qui cherchent à obtenir une rémunération pour l’utilisation des contenus d’actualité.
En Australie, les législateurs ont rédigé une proposition de loi qui obligerait Google et Facebook à payer les éditeurs et les diffuseurs pour leurs contenus. Google a menacé de fermer son moteur de recherche en Australie si le pays adopte cette approche, que la société a qualifiée d’« impraticable ».
Les documents français vus par Reuters comprennent un accord-cadre dans lequel Google versera 22 millions de dollars par an pendant trois ans à un groupe de 121 publications d’information françaises nationales et régionales après avoir signé des accords de licence individuels avec chacune d’entre elles.
Le deuxième document est un accord de règlement en vertu duquel Google accepte de payer 10 millions de dollars au même groupe en échange de l’engagement des éditeurs à ne pas intenter de procès pour des revendications de droits d’auteur pendant trois ans.
Les éditeurs s’engageraient à lancer un nouveau produit appelé Google News Showcase [Vitrine infos Google, NdT], qui leur permettrait de créer des contenus et de fournir un accès limité à des articles payants.
Google a refusé de commenter les termes de l’accord.
En janvier, l’agence de presse Reuters, une division de Thomson Reuters Corp, a conclu un accord avec Google pour être le premier fournisseur mondial d’informations de Google News Showcase.
Le rival français de Reuters, l’AFP, a maintenu sa plainte auprès de l’organisme français de surveillance de la concurrence contre Google, selon une source interne. Le mois dernier, le directeur général de l’AFP, Fabrice Fries, a salué l’accord entre Google et l’APIG, mais a appelé la société technologique à étendre ces accords de droits d’auteur aux agences de presse.
FAIRE PAYER GOOGLE
La pression sur Google s’accroît au niveau mondial pour qu’il paie les contenus d’actualité, depuis que la publicité et les revenus du secteur ont chuté avec l’essor des plateformes numériques.
En Espagne et en Allemagne, les éditeurs ont essayé, mais sans succès, de faire payer Google pour l’affichage d’extraits, ou de brèves. Les éditeurs allemands ont perdu une bataille juridique en 2019 pour obtenir un milliard d’euros de droits d’auteur depuis 2013.
Le texte de la règle de l’UE sur les « droits voisins » visait à créer un nouveau flux de revenus durable pour les éditeurs de presse.
Aux États-Unis, l’industrie de l’information soutient une mesure législative qui lui permettrait de négocier collectivement avec les grandes plateformes sans violer la loi antitrust. Au Congrès, les législateurs ont récemment publié un rapport affirmant que les entreprises technologiques dominantes ont porté préjudice à l’industrie de l’information parce qu’elles « peuvent imposer des conditions unilatérales aux éditeurs, telles que des accords de partage des revenus à prendre ou à laisser ».
Andrew MacLeod, directeur général de la société canadienne Postmedia, a déclaré que les éditeurs de ce pays suivent les discussions dans d’autres parties du monde. « Nous cherchons une issue qui nous permette de grandir et de construire notre avenir plutôt que de nous reposer sur une aumône ».
UN MANQUE DE TRANSPARENCE
Les éditeurs français n’ont pas eu d’autre choix que d’accepter l’accord, trois sources proches du sujet ayant invoqué des pressions de la part des actionnaires.
Les mêmes sources ont déclaré que certains éditeurs étaient mécontents que Google refuse de donner accès aux données montrant les revenus générés à partir des actualités.
« Ces accords opaques ne garantissent pas un traitement équitable de tous les éditeurs de presse, puisque la formule de calcul n’est pas rendue publique », a déclaré cette semaine le syndicat des éditeurs de presse en ligne indépendants Spiil. « Google a profité de nos divisions pour faire avancer ses intérêts ».
Les honoraires vont de 1,3 million de dollars pour le quotidien de référence français Le Monde à 13 741 dollars pour l’éditeur local La Voix de la Haute Marne, selon les documents. Ils ne précisent pas comment les montants ont été calculés.
Les grands quotidiens nationaux Le Monde, Le Figaro et Libération et leurs groupes ont négocié environ 3 millions d’euros (3,6 millions de dollars) chacun par an en plus de la redevance prévue dans l’accord, notamment en acceptant en novembre de vendre des abonnements via Google, a déclaré une source proche du dossier.
Le directeur du Groupe Le Monde, Louis Dreyfus, et le patron de Libération, Denis Olivennes, ont refusé de commenter. Les représentants du Figaro n’ont pas été immédiatement disponibles pour commenter.
Le chef de l’APIG, Pierre Louette, n’a pas répondu aux messages demandant de commenter.
(1 dollar = 0,8247 euro)
Reportage de Mathieu Rosemain ; Reportage complémentaire de Paresh Dave et Helen Coster ; Montage de Kenneth Li et Jonathan Weber ; Montage de David Gregorio
Source : Reuters, Mathieu Rosemain, 12-02-2021
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Commentaire recommandé
Google News ???
Bon ben c’est plié au niveau liberté de la presse et hégémonie de l’information dans les 10 prochaines années, alors… Quand je vois ces petits bras qui mendient quelques millions au lieu de résister au rouleau compresseur qui va bientôt les faire disparaître, ça me fait doucement rigoler. Vivement Apple News et Facebook News pour « varier » un peu les saveurs et enfoncer le clou.
Du coup, comme c’est parti, je vois bien débarquer aussi Google Bank, tant qu’on y est, pour bien verrouiller les pouvoirs les plus importants et on sera cuit juste à point.
5 réactions et commentaires
76 millions c’est une somme ridiculement faible
je ne comprends pas que les éditeurs aient pu s’abaisser aussi bas
ce n’est pas pas une reddition, ce n’est même pas une capitulation
c’est de la pure COMMUNICATION pour faire accroire aux pauvres français qui n’y voient que POUIK
VOUS VOYEZ on a tordu le BRAS au DIABLE
le sus nommé doit bien RIRE dans son coin, un RIRE de mépris et de dédain !!!
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AlerterOui tout à fait,
De plus ça va profiter à quelques uns. Les autres auront leurs yeux pour pleurer, puisque Google aura payé pour toutes les sources d’informations (et désinformations) françaises.
Nous sommes un état vassal, et le roi distribue quelques pièces d’or pour arranguer la foule !
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AlerterCe qui serait intéressant, c’est de voir évoluer les critiques de ces éditeurs vis-à-vis de Google. À suivre…
+2
AlerterGoogle News ???
Bon ben c’est plié au niveau liberté de la presse et hégémonie de l’information dans les 10 prochaines années, alors… Quand je vois ces petits bras qui mendient quelques millions au lieu de résister au rouleau compresseur qui va bientôt les faire disparaître, ça me fait doucement rigoler. Vivement Apple News et Facebook News pour « varier » un peu les saveurs et enfoncer le clou.
Du coup, comme c’est parti, je vois bien débarquer aussi Google Bank, tant qu’on y est, pour bien verrouiller les pouvoirs les plus importants et on sera cuit juste à point.
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AlerterDonc si j’ai bien compris : on a la première régie publicitaire privée mondiale qui a promis de subventionner à minima des véhicules de propagande privée payés par leurs clients annonceurs privés et le contribuable…
Les éditeurs Allemands réclamaient 1.3G/6ans = 210M/ans ; ils les ont pas eut, la presse Française a obtenu la promesse de 22M/ans ; j’ai comme l’impression que la négociation Française s’est faite à coup de louches de préparation H.
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