La Commission estime que les États-Unis devraient envisager de construire et de déployer davantage d’armes nucléaires.
Source : Responsible Statecraft, William Hartung
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Le monde est en guerre, avec des conflits actifs ou larvés en Ukraine, en Israël-Palestine, en Somalie, en Éthiopie, au Soudan, en Libye, en Syrie, au Yémen et au Nagorno-Karabakh ; des coups d’État déstabilisateurs au Niger, au Burkina Faso, en Guinée, au Tchad et au Mali, et d’autres nations au bord de conflits civils ou interétatiques. La dernière chose dont nous ayons besoin dans cet environnement sécuritaire instable est une accélération de la course aux armements nucléaires des superpuissances.
Mais ne dites pas cela aux membres de la commission du Congrès sur la posture stratégique des États-Unis, qui a passé l’année dernière à examiner les défis actuels auxquels sont confrontés les États-Unis et à proposer une solution qui ferait paraître désuète la compétition militarisée de l’époque de la Guerre froide.
Le rapport de la commission rappelle le fameux film de Stanley Kubrick datant de 1964, « Dr Folamour : Comment j’ai cessé de m’inquiéter et appris à aimer la bombe ». Le film soulignait l’absurdité des doctrines nucléaires de l’époque et la folie de l’état d’esprit qui avait saisi les dirigeants politiques et militaires de l’époque, dans une approche parfois humoristique d’un sujet dont l’impact potentiel est mortellement grave. Le nouveau rapport de la commission du Congrès laisse entendre que l’environnement stratégique actuel est plus dangereux qu’à l’apogée de la Guerre froide, et il adopte un état d’esprit tout aussi dangereux en abordant cette prétendue situation. Quoi que l’on pense de l’évaluation de la commission, ses recommandations augmenteraient les risques de guerre entre les superpuissances, au lieu de les réduire.
L’analyse et les recommandations de la commission reposent sur une vision alarmiste du paysage géopolitique actuel qui s’écarte considérablement de la réalité. Au début du rapport, la commission évalue comme suit les défis auxquels sont confrontés les États-Unis :
« Le nouvel environnement mondial est fondamentalement différent de tout ce que nous avons connu par le passé, même pendant les jours les plus sombres de la Guerre froide. Aujourd’hui, les États-Unis sont sur le point d’avoir non pas un, mais deux adversaires nucléaires, chacun ayant l’ambition de modifier le statu quo international, par la force, si nécessaire : une situation que les États-Unis n’ont pas anticipée et à laquelle ils ne sont pas préparés. »
Tout d’abord, il n’est pas évident que la Russie ou la Chine cherche ou puisse parvenir à une domination mondiale basée sur l’utilisation de la force. Quelles que soient les aspirations de Vladimir Poutine, la guerre en Ukraine a révélé de profondes failles dans les capacités militaires de la Russie qui montrent clairement qu’elle n’est pas en mesure de menacer l’un des 31 membres de l’alliance de l’OTAN, et encore moins d’opérer à l’échelle mondiale. Il est essentiel de continuer à fournir à l’Ukraine l’assistance dont elle a besoin pour se défendre, mais les affirmations selon lesquelles la Russie est prête à remodeler l’ensemble du système international « par la force » à la lumière de ce conflit sont exagérées.
Quant à la Chine, les principaux défis qu’elle lance aux États-Unis sont d’ordre politique et économique, et non militaire. Sa puissance militaire croissante est principalement axée sur sa propre région, y compris sur la possibilité de prendre Taïwan par la force à une date future non précisée. Mais le meilleur moyen d’éviter un conflit entre les États-Unis et la Chine au sujet de Taïwan est de rétablir une compréhension commune de son statut, selon les principes de la politique de la « Chine unique » qui a maintenu la paix dans le détroit de Taïwan pendant cinq décennies. Cela signifierait que les États-Unis ne soutiendraient pas l’indépendance politique de Taïwan et que la Chine renoncerait à chercher à s’unir à l’île par la force. Une meilleure communication en cas de crise et une approche du « bien commun » pour résoudre les différends – comme le propose mon collègue de l’institut Quincy, Jake Werner, dans une récente note d’information – devraient compléter le retour à une vision commune sur Taïwan. La coopération dans la lutte contre les menaces existentielles potentielles, telles que le changement climatique et la prévention des pandémies, devrait prendre le pas sur l’agressivité et la rhétorique belliqueuse. Les coups de sabre et les renforcements militaires rendront plus probable une guerre à propos de Taïwan, avec des conséquences désastreuses pour toutes les parties concernées.
Enfin, le stock nucléaire actif des États-Unis, qui compte 4 500 armes nucléaires à longue portée, dont plus de 1 600 déployées, est plus que suffisant pour dissuader la Russie ou la Chine d’attaquer les États-Unis, de peur de voir leurs sociétés dévastées en retour. Mais un arsenal déployé en grand nombre pose le risque d’une confrontation nucléaire par accident ou par erreur de calcul, et un environnement de course aux armements du type de celui recommandé par la commission du Congrès ne ferait qu’aggraver les choses.
Malheureusement, une fois que la commission a adopté sa vision excessivement pessimiste des capacités et des intentions de la Russie et de la Chine, ses recommandations en faveur d’une attitude plus combative des États-Unis ont suivi de près. Le Pentagone est déjà engagé dans une initiative de 2 000 milliards de dollars, étalée sur trois décennies, visant à construire de nouveaux missiles, bombardiers et sous-marins dotés d’armes nucléaires, ainsi que de nouvelles ogives pour les accompagner. Fait étonnant, la commission affirme que ces investissements ne sont pas suffisants et que les États-Unis devraient envisager de construire et de déployer davantage d’armes nucléaires, tout en approuvant des mesures dangereuses et déstabilisantes telles que le retour à l’époque des missiles terrestres à ogives multiples et le placement de missiles à tête nucléaire en Asie de l’Est. Ces mesures ne feraient qu’introduire plus d’incertitude dans les calculs de la Chine et de la Russie, rendant une confrontation nucléaire plus probable.
Outre l’augmentation des risques nucléaires à un prix certainement exorbitant – une question que le rapport mentionne mais refuse d’aborder en détail –, le document plaide pour que les États-Unis développent d’abord leur arsenal nucléaire et se préoccupent ensuite de conclure des accords significatifs de contrôle des armements. Cette approche est précisément rétrograde et pourrait déclencher une course aux armements à trois qui ferait disparaître le contrôle des armements de l’ordre du jour pour les années à venir.
Parfois, les commissions du Congrès vont et viennent sans laisser d’empreinte substantielle sur la politique gouvernementale. Espérons que les recommandations de la commission sur la posture stratégique entrent dans cette catégorie. Mais le résultat le plus probable sera que les faucons nucléaires – et même les modérés qui devraient être mieux informés – brandiront le rapport dans leurs efforts pour promouvoir un renforcement nucléaire qui est à la fois extrêmement risqué et immensément coûteux. Les membres du Congrès, l’administration et le grand public doivent entendre haut et fort les réactions des partisans de la réduction des armements nucléaires. Nous avons survécu à la course aux armements nucléaires de la Guerre froide en partie par pure chance – nous ne devrions pas prendre ce risque à nouveau.
William D. Hartung est chercheur principal au Quincy Institute for Responsible Statecraft. Ses travaux portent sur l’industrie de l’armement et le budget militaire américain.
Source : Responsible Statecraft, William Hartung, 16-10-2023
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
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« la guerre en Ukraine a révélé de profondes failles dans les capacités militaires de la Russie qui montrent clairement qu’elle n’est pas en mesure de menacer l’un des 31 membres de l’alliance de l’OTAN, et encore moins d’opérer à l’échelle mondiale. »
Ce n’est pas ce que j’ai entendu ou vu depuis un moment déjà sur pas mal de média non-alignés mais je l’ai entendu sur LCI hier (13/11/2023), obligée de se renier encore une fois.
11 réactions et commentaires
En fait à ce niveau du nombre d’ogives cela devient quasiment un aveu d’impuissance, une reconnaissance des échecs d’une armée qui a failli dans toutes ces interventions depuis la fin de la seconde guerre mondiale malgré sa supériorité technologique.
Le problème c’est l’usage d’un tel arsenal juste dissuasif ou des qu’un échec est en cours ou autre.
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AlerterVoilà qui va rassurer nos écologistes de salon …..
Des bombes A en veux tu, en voilà ….
Le gros avantage de ces armes c’est que leur explosion ne libère pas de CO2 ce gaz d’une toxicité absolue, contrairement à toutes ces armes classiques qui explosent par milliers de tonnes en Ukraine ou au Moyen Orient en émettant des tonnes de CO2
+9
Alerter« la guerre en Ukraine a révélé de profondes failles dans les capacités militaires de la Russie qui montrent clairement qu’elle n’est pas en mesure de menacer l’un des 31 membres de l’alliance de l’OTAN, et encore moins d’opérer à l’échelle mondiale. »
Ce n’est pas ce que j’ai entendu ou vu depuis un moment déjà sur pas mal de média non-alignés mais je l’ai entendu sur LCI hier (13/11/2023), obligée de se renier encore une fois.
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Alerter« La Russie pas en mesure de menacer l’un des 31 membres de l’alliance de l’otan »?
C’est quoi ce délire, alors que des pays comme la France seraient à court de munitions en quelques jours ou semaines en cas de conflit
https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/industries/en-cas-de-conflit-la-france-sera-t-elle-vraiment-a-court-de-munitions-en-quelques-jours_AN-202203180030.html
(l’article se tortille pour dire que oui mais non c’est normal)
et alors que les Russe en tirent autant qu’autant depuis 21 mois, ce qu’on lit un peu partout (sauf évidement dans la presse française, la pire du monde actuellement, par exemple, titre de Libération le 23 mars 2022 : « A ce rythme les russes n’ont plus de munitions dans 3 semaines » !) ?
On ne tiendrait qu’un front de 80 km, même selon la presse française :
https://www.lepoint.fr/societe/armees-en-cas-de-guerre-la-france-ne-tiendrait-qu-un-front-de-80-km-06-10-2022-2492686_23.php
Ou les anglais :
https://www.telegraph.co.uk/world-news/2023/10/02/britain-run-out-of-arms-send-to-ukraine-says-military-chief/
Sans même parler du classement des armées :
https://www.globalfirepower.com/countries-listing.php
Les russes sont en train de muscler leurs capacités en production d’armes et surtout de munitions, ce qui n’est pas le cas dans l’u€, où les objectifs affichés sont plus lointains.
Ca fait plus que douter du sérieux de l’article, ou du moins de son auteur.
BM
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AlerterQui sont « les membres de la commission du Congrès sur la posture stratégique des États-Unis »?
Comment et par qui cette « commission » est-elle constituée?
Le problème n’est-il pas surtout la perversion crapuleuse systématique des institutions?
« Les membres du Congrès, l’administration et le grand public doivent entendre haut et fort les réactions des partisans de la réduction des armements nucléaires. »
Heu… pour les entendre, il faudrait surtout qu’elles puissent s’exprimer et être relayées « haut et fort », alors qu’elles ne sont généralement évoquées que pour être moquées.
NUCLÉAIRE, NON MERCI! Autant dans le domaine militaire que civil, les nuisances « éternelles » de l’utilisation du nucléaire sont décrites et documentées intelligemment depuis des décennies, mais ce n’est certainement pas la France de Macron (avec sa grotesque ambition de « défense européenne » et de fourniture d’énergie « propre ») qui se fera le porte-parole de ces nuisances.
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AlerterGrd-mère Michelle :
Se passer des énergies fossiles est un « luxe » qui se paie très cher :
_la terre ne peut fournir suffisamment de terre rares pour les batteries.
_la terre ne peut fournir suffisamment de sable pour couler le béton qui sied si bien au bloc d’assises des éoliennes par exemple mais aussi de silice pour ce qui concerne le photo voltaïque notamment.
_La terre ne contient pas assez d’énergies dites fossiles pour faire face à la croissance mondiale démographique et technologique.
_L’hydrogène si prometteur montre de réelles limites techniques.
Donc l’humanité pour pouvoir continuer à se nourrir, se chauffer, se déplacer et j’en passe et des meilleures doit absolument trouver une forme d’énergie transitoire multi directionnelle, or les contraintes sont telles que l’humanité ne peut se payer le luxe de se passer du nucléaire.
Le chaos nous menace et la voie du salut me semble bien mince mais renoncer à des alternatives réalistes et transitoires c’est contre productif je pense, on peut évidement envisager une société humaine beaucoup plus raisonnable et nous ne devrions pas y échapper mais fermer les portes à la technologie nucléaire est très court-termiste.
+1
AlerterLa croissance mondiale économique et technologique est un luxe qui va se payer très cher.
Faut-il rappeler les gigantesques gaspillages consentis dans les domaines alimentaires et de l’eau, du chauffage(ou du « rafraîchissement »), des déplacements(notamment de marchandises)? Ceux-ci ne le sont que pour huiler une machine (le système de « libre-échange » commercial) qui échappe à tout contrôle (en pervertissant, pourrissant, ce système « démocratique »-voir la décision de l’UE de prolonger les autorisations de pesticicides) et ne profite qu’à une infime partie des populations, écrasant comme des mouches la majorité des pauvres gens souffrants,manquant du strict nécessaire, dans des guerres/des conflits habilement provoqués, et des labeurs exténuants(dans les mines en Afrique, par ex.)
Bien sûr, cela se passe loin de nos riches contrées tempérées, mais ne me dites pas que vous ne le savez pas!
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Alerterje n’ai aucune leçon de morale à donner aux milliards de personnes qui aspirent au modernisme de la technologie de part le monde et qui ont envie d’y gouter.
C’est justement pour limiter la pression qu’il nous faudrait compter sur des énergies alternatives qui fonctionnent « vraiment » au regard de nos besoins actuels et futurs.
La lutte (involontaire) contre le consumerisme a déjà commencé : INFLATION.
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AlerterIl n’y a pas plus d’uranium infini que les autres ressources. Donc pourquoi le nucléaire plutôt qu’autre chose? L’illusion c’est de croire qu’on peut continuer ce modèle de société de production alors que la réalité dit autre chose.
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AlerterLe problême de «l’humanité pour se nourrir et se chauffer» n’est absolument pas technique, c’est un problème de répartition et de bonne gestion. Dans ces problématique, vous n’êtes absolument pas obligé de raisonner enfermé dans une petite boite, vous pouvez en sortir.
Par contre au vu de l’histoire, le vrai enfer de l’Humanité est l’Humanité qui est stupide, possède une convoitise sans limite, a une mémoire de poisson rouge et est incapable de se réformer tant qu’elle n’est pas rentrée dans le mur.
Bien entendue il y a dans l’Humanité des individus plus intelligents, mais ceux qui prennent le pouvoir ne sont intéressés que par le pouvoir et pense que plus ils écrasent de gens plus ils sont admirables et importants… et malheureusement il y a beaucoup d’intermédiaires et valets et autres moutons prêts a découper leur voisin à la machette pour les servir et gravir une marche sur «l’échelle sociale».
Tant qu’on n’aura pas réformé le mode de fonctionnement de notre société, acceptable a l’échelle d’une tribu de chimpanzés à qui on n’a aucune leçon a donner, on ira dans des épisodes de destruction toujours plus mortifères avec l’augmentation de la puissances des outils que l’on laisse entre les mains de singes au pouvoir.
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AlerterLe Docteur Folamour en question : Peter Sellers campe un ancien Nazi qui a encore le réflexe compulsif du « heil Hitler », vite réprimé, lorsqu’il doit répondre aux questions de la commission.
« Une situation que les USA n’ont pas anticipée et à laquelle ils ne sont pas préparés »… En fait ils s’y préparent depuis 1945 de toutes les manières possibles, quitte à avoir des chocs en retour. Un ouvrage de recherche très documenté, paru aux éditions Delga, décrit bien cette préparation « quoi qu’il en coûte » (Christopher Simpson : le boomerang américain). Jetant une lumière crue sur l’époque actuelle.
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