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15.juillet.202015.7.2020 // Les Crises

Fermer la finance – par Frédéric Lordon

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Source : Le Monde Diplomatique

Donc (retour à l’épisode précédent) : pensons notre heure à partir de la proposition de Friot, et pour trois raisons. 1) Elle répond directement aux deux principes de soustraire les hommes à la précarité, et la planète à la destruction ; 2) Elle instaure au surplus la souveraineté des producteurs en abolissant la propriété lucrative ; 3) C’est une proposition macrosociale, donc à la hauteur des enjeux de la division du travail, mais pensée pour être diffractée à toutes les échelles et faire leur plein droit aux auto-organisations locales.

Dans cette proposition d’ensemble, des choses peuvent être mises en place instantanément : toutes celles qui ont à voir avec le statut de la propriété (abolition de la propriété lucrative, instauration de la propriété d’usage), la suppression du marché du travail capitaliste et son remplacement par le système « salaire à vie / qualification », l’institution juridique de la souveraineté politique des collectifs de production.

D’autres choses offrent des difficultés plus importantes, notamment tout ce qui relève de la transformation radicale du financement de l’investissement. Car, radical, le schéma de Friot n’oublie pas de l’être en cette matière qui propose de confier la totalité du financement à la cotisation, via une caisse dédiée (la caisse économique), c’est-à-dire d’en finir purement et simplement avec la dette.

Il y a de très sérieuses raisons à l’appui de cette radicalité. Pour autant, l’idée d’une « économie » dans laquelle il n’y aurait plus ni marchés financiers ni même simples banques de crédit, fait partie de ces choses que le poids de l’histoire du capitalisme et surtout le matraquage idéologique des « évidences » nous ont rendues impensables, et infigurables. Ici, la vertu du « déjà-là » est d’un grand secours, puisque le précédent de l’investissement hospitalier intégralement financé par la seule cotisation (jusqu’à ce que le néolibéralisme décide de détruire l’hôpital par la dette obligataire, précisément) atteste une possibilité.

Mais cette attestation a été brouillée avec le temps dans la conscience commune, et le règne de la finance s’est imposé comme une nécessité quasi-naturelle — si l’on tient Alain Minc, il est vrai au milieu de beaucoup d’autres candidats sérieux, pour l’idiot canonique du néolibéralisme, il suffira de l’entendre répétitivement évoquer « la loi de la chute des corps » pour comprendre ce que « naturalisation des faits sociaux » veut dire.

C’est pourquoi il n’est pas inutile, pour armer les résolutions, de commencer par redire un peu précisément le poison qu’est la finance néolibérale, afin d’établir comme un impératif catégorique l’idée d’en euthanasier les institutions. Et d’ancrer l’idée suivante qu’il n’y a aucun progrès social possible hors leur complète destruction. Codicille au passage : le tiers du quart de ce qui suit vaut expulsion de l’euro, ça va sans dire. C’est tant mieux : aucune perspective progressiste, a fortiori anti-capitaliste, ne peut avoir l’idée aberrante d’y rester.

Les fléaux de la finance néolibérale

On ne mesure pas toujours en effet le caractère absolument névralgique de la finance dans la configuration institutionnelle d’ensemble du néolibéralisme, et ses propriétés d’intensification de tous les mécanismes de la coercition capitaliste. Elle est presque à elle seule — il y a la concurrence aussi — la source du double fléau néolibéral, celui qui détruit les salariés du privé sous la contrainte de la rentabilité, celui qui détruit les services publics sous la contrainte de l’austérité. Le premier est lié au pouvoir des actionnaires formé dans le marché des droits de propriété, le second au pouvoir des créanciers formé dans les marchés obligataires.

Contrairement à ce qu’on croit spontanément, le pouvoir des actionnaires n’est pas un pouvoir de bailleurs. À l’envers de ce qui est répété par tous les appareils de l’idéologie néolibérale, les actionnaires apportent finalement si peu d’argent aux entreprises que celles-ci ne dépendent que marginalement d’eux pour leur financement (1). Mais alors par où chemine la coercition actionnariale ? Par les voies souterraines des transactions sur le marché des actions où se joue le contrôle de la propriété. Donc par les voies de la soumission aux décrets de l’opinion financière.

Comme on le verra plus encore avec la disciplinarisation des politiques économiques par les marchés obligataires, les marchés de capitaux, en plus d’être les lieux de l’enrichissement spéculatif, sont de très puissantes instances de normalisation. Armés d’une idée de ce que doivent être les « bons » comportements économiques — une idée, faut-il le dire, formée au voisinage immédiat de leurs intérêts —, ils disposent des moyens de l’imposer aux agents, privés comme publics, c’est-à-dire de sanctionner les écarts.

Dans le cas des marchés d’actions, la sanction en cas de dissentiment, passe par la vente des titres de l’entreprise considérée, d’où suit l’effondrement de son cours qui la rend vulnérable à une OPA hostile. À laquelle l’équipe dirigeante en place sait parfaitement qu’elle ne survivrait pas. Or elle veut survivre. Donc elle fera ce que l’opinion actionnariale lui demande — pour maintenir son cours le plus haut possible et décourager les assaillants. L’opinion actionnariale demande-t-elle une rentabilité des capitaux propres de 15 % ? On la lui donnera. Demande-t-elle, en conséquence, qu’on ferme les sites économiquement viables, profitables même, mais qui ne sortent que du 5 % ? On les lui fermera.

On a compris, dans cette affaire, que la coercition actionnariale qui, en première instance, pèse sur les équipes dirigeantes, est aussitôt passée aux salariés, qui porteront seuls le poids de tous les ajustements. Et ceci d’autant plus que les dirigeants ont été « convertis » au point de vue actionnarial à coup de stock-options — rien de tel pour lui faire voir le monde comme un actionnaire que de transformer le dirigeant en actionnaire. De là le gavage des oies.

Si le pouvoir des actionnaires s’exerce par les médiations subtiles du contrôle capitalistique, celui des créanciers, lui, procède par les voies usuellement brutales de l’apporteur de fonds : le prêteur. Et par un autre compartiment de la finance : le marché obligataire. Compartiment différent mais coercition semblable par la normalisation : une fois que les investisseurs se sont fait leur idée de ce que doit être une bonne politique économique, les gouvernements qui ne s’y plient pas connaîtront des taux d’intérêt en folie — et la certitude de l’échec.

James Carville, directeur de la campagne de Bill Clinton en 1992 puis conseiller à la Maison Blanche, qui, donc, en connaissait un rayon en matière de « pouvoir », et à qui l’on demandait sous quelle forme il voudrait revenir par réincarnation, répondait aussitôt : « en marché obligataire ». C’est cette chose-là que le socialisme de Mitterrand-Delors-Bérégovoy a installé en France au milieu des années 1980, précipitant la société entière dans une nouvelle période de son histoire, dont la destruction continue du service public, jusqu’à l’hôpital d’aujourd’hui, a été l’inexorable effet. Tout ce que la société présente compte de malheur, malheur des salariés maltraités, malheur des fonctionnaires « néomanagés », malheur des services publics détruits remonte pour l’essentiel à ces deux formes du pouvoir de la finance. En première instance, donc, « la finance », c’est ça. Et « ça » doit être fermé.

La finance capitaliste comme logique de l’avance

Cependant « la finance » est une catégorie trompeuse, faussement simple, et qui donne trop vite le sentiment de « voir ce qu’on veut dire ». Dans son concept, la finance ne s’identifie pas au barnum de la finance néolibérale, la finance des marchés de capitaux déréglementés. Conceptuellement parlant, par finance, il faut entendre l’ensemble des institutions et des procédés qui permettent temporairement à certains agents économiques de dépenser plus qu’ils ne gagnent. Et c’est tout.

En ce sens le plus fondamental, la finance est consubstantielle au capitalisme lui-même, indépendamment de ses formes historiques : car l’impulsion du cycle capitaliste de la production suppose l’avance. Impossible, en effet, de produire avant d’avoir réuni les moyens de produire : équipements, consommations intermédiaires, salaires à verser. Il faudra attendre d’avoir produit, et puis surtout vendu, pour toucher le premier sou. Mais alors comment produire, c’est-à-dire avoir payé les moyens de produire, sans ce « premier sou » ? C’est à cette question que répond toute la logique de l’avance — qui est la logique de la finance.

Dès ce moment-là, le ver est dans le fruit. Car, dans le capitalisme comme univers d’agents privés, il s’en trouvera sans doute certains capables, ou désireux, de dépenser moins qu’ils ne gagnent (on les appellera des épargnants, plus tard des « investisseurs ») pour accepter de financer les autres qui ont besoin de dépenser plus qu’ils ne gagnent.

Bien sûr ce « plus » ne peut être que temporaire : à un moment il faudra rendre. C’est que les apporteurs de l’avance ne se contenteront pas du sourire de l’entrepreneur. Ils apportent leur argent, c’est entendu, mais précisément : c’est leur argent. Alors ils veulent leur retour — davantage même : leur retour augmenté. Ce sera l’intérêt ou le dividende, selon la forme de l’avance : dette (obligations) ou fonds propres (actions). La tenaille de l’avance, tenaille des « apporteurs », est formée, on n’en sortira plus. Servitude débitrice ou servitude actionnariale, les « avancés » seront bien avancés : ils connaitront la servitude.

La dette comme servitude et comme « cliquet à croissance »

La servitude des « avancés » est le symétrique du règne des « avanceurs » — du règne de la finance. En général. Car la dureté de ce règne varie en fonction de ses configurations historiques. Il devient tyrannie sans limite quand la configuration des institutions de la finance est centrée sur les marchés — dont on a vu par quels mécanismes ils œuvrent. Le despotisme est plus modéré (relativement parlant…) quand il est coulé dans des formes exclusivement bancaires, où l’avance prend la forme unique (ou dominante) du crédit. Moindre mal si l’on veut, mais mal quand même — les consommateurs endettés ou les petites entreprises sont bien placés pour le savoir. Pour avoir été dispensé de toute la folie des marchés de capitaux dérégulés, le fordisme n’en a donc pas moins connu « la finance ».

Pour les entreprises, la servitude de la dette devient un esclavage de la croissance. Car, de la dette, il n’y a de sortie que par le « haut » — à supposer que la métaphore verticale soit la bonne : on pense plutôt à la cage du hamster. En effet, passé le moment de son lancement, c’est-à-dire de l’avance en quelque sorte « originelle », une entreprise ne contracte de la dette (hors motifs de trésorerie et de survie) que pour investir. C’est-à-dire aller à la rencontre d’une extension anticipée de ses marchés. Donc croître. Mais cette croissance est un aller sans retour.

Car dans ce mouvement d’extension, l’entreprise se charge de nouveaux coûts fixes, nouvelles capacités de production évidemment mais aussi service de la dette, dont l’amortissement nécessite que ses marchés ne rétrécissent pas — et même, si possible, s’étendent à nouveau. Quitte d’ailleurs à ce que, au nom de second tour d’extension, on contracte un second tour de dette. Etc. La dette est le cliquet caché de la croissance, l’aiguillon de la fuite en avant permanente. Or la dette est l’instrument capitaliste du financement des producteurs. Et cela même qui les enchaîne à l’obligation de croître. Les amis de la « décroissance » qui ne sont pas capables d’articuler « sortie du capitalisme » sont des rigolos.

Contre la finance : la subvention

Le système de la cotisation générale, lui, ne rompt pas seulement avec la finance néolibérale, dominée par les marchés de capitaux, bras armé des investisseurs et du pouvoir actionnarial. Il rompt avec la finance tout court, comme système de l’avance en attente de retour. Donc avec l’infernal cliquet à croissance. On pouvait déjà démontrer, mais depuis l’intérieur de la logique capitaliste et du point de vue des entreprises même, la possibilité de fermer la Bourse (stricto sensu la Bourse désigne les seuls marchés d’actions), donc d’en finir avec le pouvoir des actionnaires.

Au point où nous en sommes, la satisfaction intellectuelle des arguments a fortiori n’est plus tout à fait indispensable. Il faut fermer la Bourse, point. Et pas qu’elle : les marchés financiers de toutes les autres sortes. Et puis le système de l’avance repayable dans sa totalité.

Autant l’expérience de pensée de « Fermer la Bourse » que l’expérience réelle du subventionnement par la cotisation de l’investissement hospitalier après-guerre disent cette possibilité. Dans le système de la cotisation générale qui, rappelons-le, prélève non pas une fraction des salaires mais la totalité de la valeur ajoutée, la ressource est redistribuée par un système de caisses : caisse des salaires, caisse des services publics, caisse économique enfin. Cette dernière, on l’a compris, devient l’institution en charge du subventionnement des projets.

Du subventionnement et non du financement. Tant qu’on demeure dans un système où la division du travail reste en partie complétée par l’échange monétaire marchand, la nécessité de l’avance perdure : par définition, la validation sociale vient après la production privée. Il faut donc avoir eu préalablement les moyens de lancer le cycle de la production — une avance. Mais toute la différence entre l’avance-financement et l’avance-subventionnement vient de ce que l’une est remboursable, et à intérêt, l’autre non. Une subvention est de l’argent alloué non recouvrable.

En l’occurrence alloué par la caisse économique. Qu’on ferait d’ailleurs mieux de mettre au pluriel : les caisses économiques. Ou le système de caisses économiques. Car il est bien sûr hors de question qu’une Gos-caisse (pour ne pas dire une Grosse caisse) trône à Paris et décide de tout : sur le même modèle que le conventionnement, le réseau des caisses doit être déployé à toutes les échelles territoriales pertinentes –- quoique, non moins évidemment, sous un schéma global d’allocation sectorielle et géographique déterminé au niveau le plus haut de la communauté politique. En tout cas voilà : le financement sous logique de rentabilité capitaliste est aboli et remplacé par le subventionnement sous principe de délibération politique.

Abattre les institutions de la finance

Finalement, le problème, ou le reste à penser, n’est pas tant l’état final que la transition pour y parvenir depuis là où nous sommes. Problème moins simple que celui de l’institution immédiate des nouvelles formes de la propriété productive : car, par construction, la finance capitaliste nous laisse sur les bras ses stocks. À savoir les dettes des uns et les épargnes des autres. Or les stocks demandent du temps pour être résorbés.

Encore faut-il faire quelques distinctions : les stocks de qui ? D’abord il y a les banques, et plus généralement les institutions de l’industrie financière : fonds variés, investisseurs institutionnels. Tous ces agents sont interconnectés sur les marchés par des liens de contreparties et de dettes-créances croisées d’une épouvantable complexité. Défaire ce nexus pour finir par annuler les dettes sans tout mettre par terre est une effroyable gageure. Ça n’a aucune importance. On se souvient comment le nœud gordien a été « résolu » : tranché par un coup de sabre. Ici, pareil. C’est que toutes ces institutions, à la fin des fins, il s’agit de les faire crever. Mais alors si tel est l’état terminal désiré, autant y procéder dès le début du début.

Il ne faut pas cacher le léger désordre que le coup du nœud gordien propagera partout où les structures financières néolibérales, et son ordre de la dette, sont maintenus, c’est-à-dire à l’extérieur — en première approximation on n’y prêtera pas grande attention parce que pour l’instant, on s’occupe de ce qu’on peut faire là où on peut le faire et, par hypothèse, c’est ici.

Sans doute aussi, il y aura du trader et du banquier d’affaire sur le carreau — mais on peut songer aux armées de chômeurs, de précaires et de suicidés qu’ils auront contribué à former pendant les décennies de leur toxique industrie, et retenir ses larmes. D’ailleurs la société communiste, bonne fille, leur accordera, comme à tout le monde, les droits du salaire à vie — enfin à ceux qui n’auront pas fui à l’étranger, que nous ne regretterons pas, à qui même nous aurons tenu la porte.

Les épargnes et les dettes

Et puis il y a les agents non-financiers — qu’on trouve des deux côtés du rapport dette/créance. Inutile de dire que, du côté des débiteurs, les ménages viennent en premier sur la liste des annulations de dettes, sans que nous n’ayons à nous soucier des conséquences fâcheuses pour ces pauvres banquiers qui sont leurs créanciers, du moment que le projet avéré est bien de mettre à bas les institutions de la finance.

Mais dans l’état des stocks que nous léguera le capitalisme, il y a aussi tous les emprunts hors crédit bancaire : les dettes obligataires. Rappelons que, dans cette catégorie, outre l’État, on trouve essentiellement des entreprises. C’est-à-dire ces entités destinées à devenir des collectifs de production, hors propriété lucrative et sous la conduite des producteurs associés souverains.

Il n’est pas exactement question de continuer de les soumettre à la dette héritée de leur passé capitaliste. Par conséquent on annulera leur dette — comme on a annulé la dette de crédit bancaire des ménages. Et de même, à plus forte raison, pour la dette publique — sur laquelle on déclarera le défaut complet.

Inutile de dire, là encore, le chambard en cinémascope qui s’en suivra sur les marchés internationaux de capitaux. Mais de nouveau : ça n’est plus notre affaire. Que le monde (resté) capitaliste se débrouille avec ses problèmes. Cependant, ces annulations massives de dette ne sont pas non plus sans effet sur notre situation intérieure. Car, pour une part (la part résidente), de l’autre côté de la dette non-bancaire de l’État et des entreprises (comme de toutes les formes d’avance, y compris actionnariales), il y a des épargnants.

Or l’euthanasie des rentiers (selon Keynes) est une chose (rappelons cependant qu’elle procédait principalement par les voies insensibles de l’inflation), mais un décret de ruine soudaine de tous les épargnants en est une autre. C’est que, dans « les épargnants », il n’y a pas que des Niel ou des Arnault, il y a aussi toute la population des petits livrets (et pas mal de cas intermédiaires). Une révolution qui part d’emblée en ruinant les petits épargnants se sera rendue si vite odieuse qu’elle n’ira pas très loin.

C’est qu’il y a des ressorts très profonds qui lient l’épargnant à son épargne, même quand il n’est pas fortuné. On épargne d’abord par précaution — un motif qui nécessitera un peu de temps pour tomber, mais qui tombera quand les gens se seront installés dans la sécurité du salaire à vie. On épargne ensuite pour transmettre. Si c’est pour transmettre de la « sécurité », retour à l’argument précédent. Si c’est pour transmettre au-delà, il faudra avoir une doctrine de l’héritage. On épargne enfin pour acquérir des biens durables que le seul revenu courant ne permet pas d’acheter (électroménager, voiture, logement).

On voit mal que ce dernier motif puisse disparaître, même si ceci n’entraîne pas de lui faire droit en tout : par exemple, dans une société entièrement déprécarisée, le mobile propriétaire en matière de logement tombe pour une part — ce qui ne veut pas dire totalement : il y a aussi des investissements affectifs, familiaux, d’appropriation psychique, dans l’habitation, et ils méritent d’être considérés.

Le règlement de la question de l’épargne commencera donc sans doute avec des plafonds. En dessous desquels les épargnes resteront à leurs épargnants. Et au-dessus desquels, quoi ? Confisquées ou annulées ? La cohérence plaiderait pour l’annulation : le seul motif de la confiscation (par la puissance publique) serait un motif de « réserve » comme capacité de financement, mais il est contradictoire avec l’idée de s’affranchir radicalement de la logique de l’avance avec retour.

De la réserve pour quoi si tous les investissements sont, non plus financés, mais subventionnés par les caisses ? Et s’il était besoin d’un supplément d’allocation, au-delà des ressources de la caisse économique, une pure création monétaire scripturale ferait l’affaire, parfaitement équivalente puisqu’il s’agirait dans les deux cas d’injections de pouvoir d’achat hors du circuit de la cotisation et (dans un cas comme dans l’autre) hors toute contrainte de remboursement (2).

Les épargnes du passé (du moins celles d’entre elles qui n’auront pas été annulées) n’entreront plus dans aucun circuit de financement, elles seront simplement restituées et conservées, telles quelles, par quelque institution ad hoc de pur dépôt (custodian), pour ne répondre qu’au motif d’acquisition future de biens durables par les personnes privées. Et de même les épargnes qui continueront d’être formées à partir du revenu du salaire à vie.

Aucune de ces épargnes ne sauraient en effet, en attendant le moment de leur dépense effective, être transférées (i. e. prêtées) à d’autres agents, sauf à recréer les catégories de la créance et de la dette, donc les figures du débiteur et du créancier : car celui à qui l’épargne aurait été transférée aurait bien à rembourser celui qui la lui aurait transférée, au moment où ce dernier voudrait en recouvrer l’usage, bref l’un serait (re)devenu débiteur, et l’autre créancier. Et c’est précisément ce dont il ne saurait plus être question.

En tout cas, là où il y avait des banques en face des ménages endettés (et l’on prenait le parti de les laisser choir), cette fois la situation se joue à front renversé : en face des entreprises endettées il y a (entre autres) des ménages épargnants. Qu’il s’agit de ne pas spolier : leurs comptes custodian seront donc recrédités pour le montant de leur créance à sa valeur d’acquisition, évidemment sous le plafond général, éventuellement corrigée de l’inflation survenue entre temps, et de toute façon en renoncement des intérêts futurs qui auraient couru jusqu’à la maturité dans les conditions capitalistes normales. À peu de choses près, on procéderait de même avec les actions, qui seraient annulées et restituées sous forme monétaire aux épargnants à leur valeur historique (corrigées dans les mêmes conditions que les créances obligataires).

Mais l’on voit aussitôt ce que ces annulations de dettes-actions sans spoliation des épargnants (hors la clause du plafonnement, mais qui ne concernera que les très riches) ont de potentiellement inflationniste : le paiement des intérêts et des dividendes, comme le remboursement du principal, étaient gagés par un supplément de valeur ajoutée future, sur lequel ils allaient être tirés.

La restitution des épargnes finalement par des voies purement scripturaires consiste en réalité en une augmentation de masse monétaire, et pour des encours considérables : début 2020, celui du seul Livret A dépassait les 300 milliards d’euros, celui de l’assurance-vie est proche de 1 800 milliards d’euros. Il est impensable de laisser des masses de pouvoir de dépense aussi colossales débouler comme ça dans l’économie, à plus forte raison dans une économie dont les niveaux de production de biens finaux seront considérablement (et délibérément) abaissés.

En conséquence, si les anciennes épargnes financiarisées, quelles que soient leurs formes, sont restituées sous forme monétaire, on ne fera sans doute pas l’économie d’une formule de contingentement à l’accès dont la définition promet de n’avoir rien d’évident : formule de tirage limité sur une certaine période ? — mais c’est une toise brutale qui ignore les besoins particuliers contingents (devoir racheter de l’électroménager ou une voiture…). Vérification de la nécessité de ces achats ? Mais par qui, et comment éviter que ces vérifications ne sentent trop le « comité inquisiteur » ?

Les corralitos (c’est ainsi qu’on a appelé en Argentine les mesures de restriction de l’accès des ménages à leurs fonds) ne sont pas très populaires — même si ces restrictions ne s’appliqueraient en rien aux comptes courants, et ne concerneraient que les comptes ad hoc (custodian) créés à part, précisément, pour accueillir la restitution des épargnes converties en argent… et pour rendre possible une forme ou une autre de régulation de leurs usages pendant une certaine phase de transition.

De la conséquence

Il se pourrait toutefois que ce problème de régulation trouve une partie de sa solution dans les propriétés plus générales du nouvel agencement social d’ensemble. Car on peut aussi imaginer que la restriction de la dépense des épargnes restituées viendra pour partie du côté de l’offre de biens : devenue délibérément limitée, voire non attrayante, en tout cas défaite des ressorts pulsionnels que le capitalisme a si bien su mettre dans la marchandise, bref propre à calmer la frénésie acheteuse. Finie l’arrivée continuelle sur « le marché » de voitures clinquantes farcies d’options ineptes, finis les téléphones portables à performances aussi mirifiques qu’inutiles, ou les frigos connectés.

À ceux qui vont s’évanouir de voir revenir « l’austérité du socialisme », il faut rappeler les termes du deal — qui est un lot : d’un côté, en effet, le renoncement aux attractions de la marchandise capitaliste (dès lors que l’essentiel est garanti), l’abandon du dernier cri, l’effort de trouver avec quoi d’autre remplir les existences ; de l’autre en finir avec la hantise de l’existence matérielle précarisée par l’emploi capitaliste, avec la dépossession de toute capacité politique (dans la vie collective et dans la production), avec la servitude pour dette, avec la démolition des services publics, avec l’insolente obscénité des grandes fortunes, avec la soumission entière de l’existence à la tyrannie du chiffre, avec le saccage des lieux où nous vivons, avec les pandémies que la dévastation de la planète nous promet déjà.

On rappellera donc que toute cette série a été mise sous condition d’un « exercice de méthode et de conséquence ». Et puis (bientôt) on tordra le cou à « l’austérité » et à la « grisaille » auxquelles nous nous condamnerions en sortant du capitalisme : l’un des arguments-menaces préférés du capitalisme. Aussi mensonger que le reste.

À suivre

Frédéric Lordon

(1) Quand les flux nets ne vont pas carrément dans l’autre sens — des entreprises vers les (mal-nommés) « investisseurs » — notamment du fait des rachats d’actions (buy-back).

(2) Ici on va un peu vite en besogne : parler de création monétaire, même d’appoint, dans une économie refaite de cette manière, recalée à des niveaux de production très abaissés (délibérément), expose à de réels risques inflationnistes et pose tout de même de sérieux problèmes de régulation.

Source : Le Monde Diplomatique

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Commentaire recommandé

Pierre Darras // 15.07.2020 à 10h07

Il y a quelque chose de dérisoire, de pathétique dans ces mots pourtant de bon sens.
Quand je lis ça, je ne peux m’empêcher de voir un membre du conseil des anciens d’une tribue des plaines des USA de 1866. Il vient de tirer une énorme taf de calumet et annonce que pour que tout soit peinard, il suffit d’interdire aux blancs de passer le Mississipi.
Au même moment, terré dans le fin fond de sa grotte de Kabylie, Ahmed, avec les quelques rescapés de son village que les assassins de Bugeaud n’ont pas exterminé pour filer leur bonnes terres aux colons, crache dans le feu et déclare » il suffit d’interdire aux Roumis de débarquer. »
Lordon n’est pas neuneu je crois donc il connaît lui les sommets de violence, de scélératesse, de cruauté, de cynisme de monstruosité que déclencheront ceux qui profitent du système pour que ça perdure et empire. Et j’espère qu’il n’imagine pas que c’est avec une pétition, une manif ou un sitting qu’il obtiendra ça.Attention Lordon, tu me rappelle ces prerevolutionnaires exhaltés et généreux qui sont généralement les premiers que les révolutions dévorent.

21 réactions et commentaires

  • Copla // 15.07.2020 à 08h12

    Il faudrait se dépêcher car on veut nous vendre un Great Reset, sous couleur écologique et autres bonnes intentions, qui sera celui du peu de démocratie qui nous reste et de nos libertés par le passage à l’identité numérique.
    Le Grand Reset, réinitialiser le pouvoir mondial avant que les peuples ne le fassent :
    http://dondevamos.canalblog.com/archives/2020/07/13/38427976.html

      +9

    Alerter
    • Jean // 15.07.2020 à 11h24

      « Le capitalisme est intrinsèquement fasciste et il n’arrondit les angles que dans le cadre d’un rapport de forces. Or, ce n’est plus de cela que veulent les populations. Elles réclament un changement de paradigme, une société simplement humaine et cohérente avec l’intérêt général. Beaucoup ont compris que le problème, ce ne sont pas les arabes, les noirs, les anarcho autonomes, les chômeurs, les cathos, les Juifs, les bourgeois ou autre, mais le 0,1% de la population qui se gave littéralement sur le dos des autres et qui pour y parvenir est prêt à tout.

      Pour ces individus, l’enjeu est de conserver le pouvoir en contrôlant les populations par tous les moyens. La crise du coronavirus n’a pas été seulement l’occasion, d’usurper les derniers milliards avant le chaos, elle sera aussi l’occasion d’un renforcement du contrôle généralisé et individuel, et finalement de notre mise en esclavage. C’est du moins, malgré leur discours qu’il faut comme toujours interpréter par l’inversion, leur objectif. »

      Très bien votre article, merci.

        +17

      Alerter
      • Helene // 16.07.2020 à 12h27

        Ces gens-là ne vivent pas sur la planète Mars, que je sache… Ils sont assez faciles à trouver, et plutôt peureux lorsqu’ils sont découverts. S’indigner de leurs excès, chacun dans notre coin, n’est peut-être pas suffisant. https://youtu.be/rmPG-_K5IeE

          +0

        Alerter
  • Dominique Gagnot // 15.07.2020 à 09h23

    Une solution radicale passe par le contrôle citoyen de la monnaie et la gestion collective des Ressources premières.
    Ainsi la propriété collective de ces ressources permettrait, à travers la vente de droits d’usage privés, de financer l’entretien de la biosphère. (De même que les occupants d’un immeuble financent son entretien).
    Extrait de ce PDF à partager : http://bit.ly/tragédiecapitaliste

      +4

    Alerter
  • Pierre Darras // 15.07.2020 à 10h07

    Il y a quelque chose de dérisoire, de pathétique dans ces mots pourtant de bon sens.
    Quand je lis ça, je ne peux m’empêcher de voir un membre du conseil des anciens d’une tribue des plaines des USA de 1866. Il vient de tirer une énorme taf de calumet et annonce que pour que tout soit peinard, il suffit d’interdire aux blancs de passer le Mississipi.
    Au même moment, terré dans le fin fond de sa grotte de Kabylie, Ahmed, avec les quelques rescapés de son village que les assassins de Bugeaud n’ont pas exterminé pour filer leur bonnes terres aux colons, crache dans le feu et déclare » il suffit d’interdire aux Roumis de débarquer. »
    Lordon n’est pas neuneu je crois donc il connaît lui les sommets de violence, de scélératesse, de cruauté, de cynisme de monstruosité que déclencheront ceux qui profitent du système pour que ça perdure et empire. Et j’espère qu’il n’imagine pas que c’est avec une pétition, une manif ou un sitting qu’il obtiendra ça.Attention Lordon, tu me rappelle ces prerevolutionnaires exhaltés et généreux qui sont généralement les premiers que les révolutions dévorent.

      +20

    Alerter
    • gotoul // 15.07.2020 à 11h07

      L’Oncle Sam a ramené au Moyen Age quelques pays pour bien moins que ça. Son courroux risque d’être terrible pour le grand plaisir de son industrie militaire.

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      • Gévaudan // 15.07.2020 à 13h50

        Oui, il y a du pathétique, dans l’impeccable (et justifiée) démonstration de Frédéric Lordon.

        Ne serait-ce pas un certain aveuglement sur la nature humaine ? En fait, la négation du caractère implacable de ses pulsions de prédation, de possession, d’accaparement du(des) pouvoir(s), sur fond de besoin de protection(s) ?
        Certes, l’autre face humaine contrebalance, en théorie : altruisme, don de soi, dévouement, amour…

        Mais Lordon, comme de très nombreux théoriciens, survalorise la performance de l’altruisme humain contre celle de la prédation-possession.

        Il donne aussi l’impression d’oublier que le progrès humain s’est péniblement construit, après de très violentes éruptions collectives (guerres, révolutions, dictatures…) dans la petite période de sidération qui leur succède, période féconde où le rapport de force domination/altruisme s’inverse, mais très brièvement.

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      • Fernet Branca // 15.07.2020 à 16h37

        Pas au moyen-âge à l’âge de pierre suivant l’expression consacrée : « bomb them back to the stone age ».

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    • birin // 16.07.2020 à 11h34

      Je suis à chaque fois surpris par les réactions à cette série de Lordon.
      Pourtant, si je comprends bien, Lordon n’est pas optimiste, pas du tout même.
      Il fait juste son job, analyser la situation et imaginer les solutions concrètes aux problèmes concerts.
      Les problèmes semblent effectivement insolubles, et les solutions concrètes sont donc radicales.
      Le problème de Lordon n’est pas de savoir si nous sommes assez nombreux à accepter d’assumer la radicalité des solutions nous permettant de sortir du carcan, ni même si nous sommes quelques uns.
      Son seul problème est de déterminer si oui ou non il existe des solutions.
      Il nous dit que oui, et il les décrit.
      A nous de savoir si elles nous intéressent ou pas.

      Mon impression (juste une impression) c’est que la puissance, assez jouissive, du mouvement des GJ s’est brisée, non sur la violence policière et juridique, mais sur l’absence de but concret.
      Pourquoi risquer sa vie, ses yeux ou sa liberté pour avoir écrit « mort aux vaches » à la craie, alors que l’on ne sait pas clairement pourquoi on se bat ?
      Ce mouvement est parti de la contestation d’une mesure inacceptée, a vite atteint une puissance phénoménale, … et a fini par DEMANDER le RIC.
      Un terreau fertile sans but précis et assumé = mouvement impressionnant mais facile à contenir.

      Lordon parie sur la possibilité que le même terreau, avec des buts clairs et compris, et potentiellement efficaces, marcherait sur la fliquaille pour atteindre les politicards, et même les marionnettistes.
      C’est ça son boulot, décrire les moyens concrets.
      Et ce qu’ils impliquent.

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  • Milsabor // 15.07.2020 à 10h08

    « Les amis de la « décroissance » qui ne sont pas capables d’articuler « sortie du capitalisme » sont des rigolos. » Or sans décroissance, point d’espoir d’améliorer le sort de la planète. Autrement dit, les écolos solubles dans l’UMPS et la macronie sont des rigolos.

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    • Fernet Branca // 15.07.2020 à 10h48

      Mais non voyons ! Prenez exemple sur Gabriel Attal qui passe depuis quelques années avec d’autres marcheurs des vacances en toute sobriété dans sa résidence secondaire de l’île aux Moines. Difficile de faire plus vert. Et un exemple pour la jeunesse posséder une résidence secondaire avant trente ans. La valeur n’attend pas le nombre des années.

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  • Denis Monod-Broca // 15.07.2020 à 11h19

     » Vérification de la nécessité de ces achats ? Mais par qui, et comment éviter que ces vérifications ne sentent trop le « comité inquisiteur » ? »

    La question est bien là. Se débarrasser de la finance est un beau programme, amplement justifié, mais comment faire sans « comités inquisiteurs » et décisions imposées ?

    Autrement dit, comment un sentiment commun d’adhésion à un projet aussi révolutionnaire pourrait-il bien advenir ?

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    • Fernet Branca // 15.07.2020 à 13h48

      On attend Torquemada ou Felix Dzerjinski.

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  • Facteur X // 15.07.2020 à 18h19

    Je trouve ces quelques commentaires qui précèdent déprimants. Au mieux déprimants de réalisme noir. Au pire de pessimisme glacial. Ce doit être cela, notre plus grande et plus complète défaite. Plus la moindre petite trace de naïveté optimiste et joyeuse.

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    • Jean // 16.07.2020 à 05h25

      Facteur X,

      Vous oubliez que nous sommes en guerre et que nous vivons dans un pays dépossédé de sa souveraineté et livré aux pillages de puissances étrangères. Notre plus grande défaite c’est d’avoir renoncé à l’idéal républicain pour épouser celui de la perfide Albion.

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  • alceste // 16.07.2020 à 11h41

    « le financement sous logique de rentabilité capitaliste est aboli et remplacé par le subventionnement sous principe de délibération politique »

    j’espère que Lordon nous proposera une explication détaillée de l’organisation de la « délibération politique ».
    On connait déjà trop bien les difficultés de « l’allocation d’actifs »:plus de subventions ou plus d’investissement? Plus d’investissement vers l’écologie ou vers de l’infrastructure? Qui, comment va-t-on trancher entre les alternatives?
    Est-ce qu’il persistera un marché des idées? Aurons nous encore le droit de militer pour d’autres programmes politiques?

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    • Floyer // 16.07.2020 à 20h38

      Et il faudra chercher un minimum de rentabilité, sinon le pétrole sera difficile à acheter. Dure réalité.

      Malheureusement si j’en crois https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_l'URSS l’URSS qui a essayé autre chose que le capitalisme était peu productif.

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  • Ernesto // 16.07.2020 à 21h29

    D’accord avec Facteur X, c’est vrai qu’à lire certains commentaires qui fileraient le bourdon à un régiment de jouisseurs professionnels, on finirait par se convaincre que les dés sont jetés, l’avenir écrit d’avance, le capitalisme définitivement installé comme horizon indépassable de l’humanité. Heureusement les faits sont têtus qui infirment ces sombres visions défaitistes. La « nature humaine » a bon dos pour justifier tous les renoncements et l’attente, arme au pied, de jours meilleurs. Si le petit peuple vietnamien avait suivi ces certitudes pour le moins pessimistes, il n’aurait pas vaincu (au prix de sacrifices inouïs) l’impérialisme guerrier de la plus puissante armée du monde, le peuple algérien n’aurait pas gagné son indépendance face à la puissance coloniale française, Nelson Mandela, prisonnier politique pendant plus de 27 ans, n’aurait pas cru possible sa libération et son accession à la présidence d’une Afrique du sud enfin débarrassée de l’ignoble apartheid, le monde civilisé aurait succombé à la barbarie nazie. Et on pourrait multiplier les exemples qui attestent que seuls sont perdus d’avance les combats qui n’ont pas été menés.

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  • Ernesto // 16.07.2020 à 21h39

    Moi, quand je lis ça (les analyses de Lordon), ça ne me donne pas le marasme, au contraire! je ne peux m’empêcher de penser que la lutte résolue au service de l’émancipation des peuples finit toujours par triompher, et je trouve pathétiques ceux qui, résignés et impuissants, s’avouent vaincus avant même avoir croisé le fer.

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  • Nanker // 17.07.2020 à 10h14

    « Lordon n’est pas neuneu je crois ».

    sans doute pas mais commencer un (long) papier en citant Bernard Friot ne démontre pas une perception du Réel tel qu’il est très exacerbée. Ce Friot nous « expliquait » il y a quelques mois dans un long article du « Diplo » qu’il avait toutes les solutions pour résoudre le problème des retraites… Fort bien, fort bien… sauf qu’il précisait à la toute fin de son papier et de façon lapidaire (quelques mots) que pour que ses solutions fonctionnent, il faudrait d’abord instaurer la collectivisation des moyens de production…
    Dit autrement il faudrait d’abord passer à un système communiste! Bon sang mais c’est bien sûr! On transforme la France en petite URSS et ensuite hop! la baguette magique du communisme nous aidera à remplir les caisses de retraite. Friot plane bien haut et Lordon n’est pas très loin derrière…

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  • jerome lemant // 17.07.2020 à 17h35

    Lordon est grand, et son papier bien plus technique qu’utopique, quand bien même pour reprendre ses phrases alambiquées qu’il parvient à simplifier avec le temps et j’imagine une certaine remise en question (au demeurant certainement douloureuse) de son style travaillé mais parfois quand même alambiqué…

    Il apporte ici et ainsi une explication exceptionnelle (au sens qu’elle n’est pas ou très peu lisible ailleurs, mais aussi par sa simplicité), à une alternative passionnante et certainement une des plus élégantes au financement de nos échanges de biens et services.

    Il explicite ainsi le raisonnement que Friot tente d’expliquer et pousse plus loin ou au moins d’une façon différente cette possibilité de financement de la production et des échanges de biens et services par la cotisation. Cela passe aussi comme expliqué (moins précisément) par l’abolition de la propriété lucrative, la disparition du crédit et le salaire à vie, la qualification à la personne plus qu’à l’emploi…

    C’est cela qu’on pourrait commenter, plus que de savoir si c’est de l’utopie… La réponse viendra aussi par l’enrichissement du débat et la focalisation (dans un premier temps)sur l’aspect technique, c’est je crois le message que Lordon voulait apporter ?

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