Les fonds spéculatifs ont lancé le plus important pari contre les obligations des autorités italiennes depuis la catastrophe monétaire internationale, en raison de considérations croissantes sur les troubles politiques à Rome et la dépendance du pays aux importations de combustible russe.
Source : News NCR, Shehnaz Ali
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
La valeur totale des obligations italiennes empruntées par les acheteurs pour parier sur une baisse des cours a atteint ce mois-ci son niveau le plus élevé depuis janvier 2008, à plus de 39 milliards d’euros, selon les données de S&P Global Market Intelligence.
L’empressement des acheteurs à parier contre l’Italie s’explique par le fait que le pays est confronté à des difficultés financières croissantes dues à la flambée des prix des carburants en Europe, provoquée par les réductions des approvisionnements de la Russie, et à un climat politique tendu avec les élections qui se profilent en septembre.
« C’est le [pays] le plus exposé à l’évolution des prix du gaz, et la vie politique est difficile », a déclaré Mark Dowding, directeur financier de BlueBay Asset Management, qui gère environ 106 milliards de dollars de biens immobiliers. Il vend à découvert les obligations italiennes à 10 ans en utilisant des produits dérivés souvent appelés contrats à terme.
Le FMI a averti le mois dernier qu’un embargo russe sur le carburant entraînerait une contraction financière de plus de 5 % en Italie et dans trois autres pays, à moins que ces derniers ne partagent leurs propres réserves.
Les acheteurs considèrent également que l’Italie est l’un des pays les plus menacés par la décision de la Banque centrale européenne de mettre fin à ses programmes de relance en augmentant les taux d’intérêt et en interrompant les achats d’obligations qui ont soutenu l’énorme marché de la dette du pays.
L’intervalle de calme politique relatif inauguré par la nomination de Mario Draghi au poste de premier ministre en février 2021 a été rompu en juillet de cette année lorsque l’ancien directeur de la BCE a démissionné et que son gouvernement de coalition d’unité nationale s’est effondré.
Des élections anticipées sont actuellement prévues pour septembre, et la cheffe nationaliste Giorgia Meloni est considérée comme la favorite pour devenir le prochain Premier ministre. Mercredi, Draghi a appelé les candidats aux élections à respecter les engagements de l’Italie en matière de réforme monétaire.
Les eurosceptiques au sein de la coalition de droite, qui pourrait recueillir jusqu’à la moitié des voix le 25 septembre, selon les sondages, ont fait savoir qu’ils pourraient remettre en cause les principaux points du plan de redressement de l’Italie, financé par l’UE à hauteur de 200 milliards d’euros, ainsi que les autres réformes, telles qu’une toute nouvelle législation sur la concurrence, qui y sont liées.
« La crédibilité intérieure va de pair avec la crédibilité internationale », a déclaré Draghi.
Les obligations italiennes ont déjà été proposées ces dernières semaines, les acheteurs réagissant à l’incertitude croissante. Le rendement de la dette italienne à 10 ans est passé à 3,7 %, ce qui a creusé l’écart, ou spread avec la dette allemande – un baromètre clé de la menace – à 2,3 points, contre 1,37 point au début du mois.
Un investisseur massif dans des fonds spéculatifs a déclaré que « l’Italie semble être le pays le plus vulnérable » à l’aggravation de la situation financière, et que de tels paris sont désormais « très répandus », de nombreux gestionnaires profitant de l’écart entre les obligations allemandes et italiennes.
Différence entre les rendements des obligations d’État italiennes et allemandes à 10 ans.
Michael Hintze, père fondateur du fonds spéculatif CQS, a été l’un de ceux qui ont le plus parié sur les obligations italiennes au début du mois, selon des documents consultés par le Financial Times. CQS a refusé de commenter.
Parier contre la dette italienne a été jusqu’à présent un commerce extrêmement rentable pour les fonds spéculatifs en raison de l’incertitude politique de longue date et des craintes concernant les 2300 milliards d’euros d’obligations d’État que la nation a accumulés.
En 2018, alors que les marchés s’inquiétaient de savoir si un gouvernement de coalition allait ou non accroître le niveau d’endettement et relâcher les liens avec l’UE, les fonds spéculatifs ont augmenté leurs paris au plus haut niveau depuis la catastrophe monétaire, notamment Alan Howard, cofondateur de Brevan Howard. Cependant, les paris des hedge funds, en valeur absolue et en proportion de l’ensemble des émissions obligataires, ont maintenant dépassé les niveaux de 2018, ce qui donne une idée de l’orientation que les acheteurs pourraient donner aux rendements à partir de maintenant.
Certains gérants restent prudents vis-à-vis du commerce, affirmant que l’instrument de sécurité de transmission introduit il y a peu par la BCE limitera la hausse des rendements. Ce nouveau dispositif a été conçu pour empêcher les prix des emprunts dans les pays extrêmement endettés de la zone euro d’augmenter trop fortement par rapport aux pays clés comme l’Allemagne.
« J’ai l’impression que c’est comme jouer au chat et à la souris avec la BCE », a déclaré Decio Nascimento, directeur financier du fonds spéculatif Norbury Partners, qui évite le marché.
Cependant, Dowding, de BlueBay, soutient que l’IPT [instrument de protection de la transmission, NdT] n’est guère dissuasif pour engager un pari baissier.
« La BCE ne peut pas simplement acheter l’Italie », a-t-il déclaré, ajoutant qu’un tel transfert serait le signe que l’institution financière centrale offre son aide aux pays qui ne respectent pas les restrictions budgétaires.
Shehnaz est experte en communication d’entreprise par profession et écrivain par passion. Elle possède une expérience de plusieurs années dans ce domaine. Sa formation en communication de masse lui a donné une large base à partir de laquelle elle peut aborder de nombreux sujets. Elle adore écrire sur les relations publiques, la communication d’entreprise, les voyages, l’entrepreneuriat, les assurances et la finance, entre autres.
Source : News NCR, Shehnaz Ali, 25-08-2022
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation.
Commentaire recommandé
Étonnant que personne ne relève depuis déjà la Grèce que l’euro était censé nous protéger de ce type de spéculation à moins que Van der Leyen veuille faire payer aux italiens leur droit démocratique de voter comme il leur semble malgré les menaces d’une autocrate.
11 réactions et commentaires
Les financiers ne parient pas contre la dette italienne, ils regardent la réalité de la situation monétaire, financière et économique de l’Italie. L’euro italien est surévalué de 30 à 40% par rapport à l’euro allemand.
Pour sauver le système idéologique de parité fixe entre les différents euros, les européistes fanatiques ont demandé à la BCE, et notamment Draghi, de faire marcher la planche à billets (2 000 milliards) pour racheter les dettes des 5 pays du sud.
Cette course en avant est vouée à l’échec et c’est cette fin de partie que les financiers anticipent. La fin inéluctable de la parité fixe avec les dévaluations attenantes permettant de sauver l’économie italienne se traduit par une hausse des taux d’intérêts.
Les financiers savent que l’euro n’est pas une monnaie unique mais le nom donné à plusieurs monnaies différentes liées par une parité fixe et une banque commune, la BCE.
+17
AlerterC’est la dette italienne qui est responsable de cette situation pas l’euro.
Mettre en place une monnaie nationale veut dire dévaluer et veut dire aussi subir une augmentation de 40 % de toutes vos importations dont l’énergie…qui va se traduire par une inflation massive.
Le rachat des dettes a été la politique de la BCE pour tous les états déficitaires dont la France. De fait les taux étaient négatifs.
La Turquie qui a une monnaie nationale et qui a été totalement inconsciente, abaissant les taux de base..a une inflation réelle de 80 % et la lira a perdu par rapport au $ us..350 % de sa valeur en 5 années.
+0
AlerterVous dites presque la même chose que patrique sans le savoir. A partir du moment où la monnaie italienne (appelée Euro) est surévaluée de 30 a 40% par rapport à la monnaie allemande (appelée Euro aussi, mais s’agît il de la même ?), l’économie italienne ne peut que a) petit à petit perdre sa compétitivité sans espoir de restauration puisque la surévaluation structurelle fait fuir les capitaux qui savent que la monnaie ne peut pas s’ajuster et b) générer des déficits, lesquels induisent inéluctablement une hausse de l’endettement. L’euro ne représente rien d’autre qu’un super SME, en encore plus rigide, lequel avait explosé parce que trop rigide justement. Raison pour laquelle les Britanniques, qui avaient tant souffert du SME, ont refusé de rejoindre ce super SME, certes plus dur à faire exploser, mais qui quand il explosera, le cas échéant, fera des dégâts considérables
+6
AlerterÉtonnant que personne ne relève depuis déjà la Grèce que l’euro était censé nous protéger de ce type de spéculation à moins que Van der Leyen veuille faire payer aux italiens leur droit démocratique de voter comme il leur semble malgré les menaces d’une autocrate.
+24
AlerterQuand il s’agit de spéculer sur la misère des autres vous avez la certitude que tous les charognards rappliquent au pas de course.
Et comme ces charognards sont aussi les « amis » de la Kommission il est normal que cette dernière sonne l’hallali pour que commence la curée.
Ken Livingstone, ancien maire de Londres,avait tout compris quand il avait proposé de «pendre un banquier par semaine jusqu’à ce que les autres s’améliorent»…
N’oublions jamais que les spéculateurs sont bel et bien les banques, qu’elles soient « d’affaires » ou comme en France « généralistes », c’est à dire jouant avec le fric déposé sur vos comptes courants (votre argent ne vous appartient plus, vous n’avez plus qu’une CRÉANCE de la banque qu’elle peut honorer… ou pas).
La devise des financiers (surtout les banques) est « pile je gagne, face tu perds (et je te dépouille) ».
L’éthique et le respect des autres c’est juste bon pour les cons. Ils sont là pour faire un max de pognon et pour ce faire il ne faut surtout pas perdre son temps (et ses profits) dans des considérations inutiles.
+2
AlerterCa devrait s’arranger de fait.
La différence entre obligations d’état italiennes et allemandes va diminuer… Car maintenant que l’Allemagne est coupée à coup sûr pour un bon bout de temps des approvisionnements en gaz russe avec l’attentat sur les deux North Streams, l’industrie teutonne va prendre cher et ça va secouer dans les mois qui viennent.
S’il reste une industrie allemande bien sûr :
« Avec la guerre en Ukraine et l’envolée du prix de l’énergie, de plus en plus d’industriels allemands envisagent de délocaliser une partie de leur production. Les États-Unis espèrent profiter d’une partie de ces investissements et démarchent activement en Allemagne, à la recherche d’industriels désabusés et prêts à franchir l’Atlantique. »
https://www.rfi.fr/fr/europe/20220928-les-industries-allemandes-tent%C3%A9s-par-une-fuite-dans-le-sud-des-%C3%A9tats-unis
Italie et Allemagne se tiendront compagnie au fond de l’océan après avoir heurté tous les deux un iceberg, mais pas le même.
Et peut-être même qu’on ira plonger avec eux si nos génies de la finances (à savoir mac rond et bruno « on va détruire l’économie russe » le maire) veulent compatir en livrant de notre gaz à l’Allemagne au titre de la solidarité entre naufragés de l’uE.
BM
+14
AlerterDans trois mois si les Français ne sont pas sages et n’adoptent pas la réforme des retraites et l’abandon des services publics à la concurrence, les fonds spéculatifs et en premiers européens s’attaqueront de la même manière à la France. Non mais alors !!!
+8
AlerterJe ne vois pas en quoi les spéculateurs sont responsable de ce qu’a fait l’Europe et la BCE !
Il faudrait peut être remettre les choses dans leur contexte…
On ne finira pas sans rien a cause des spéculateurs, mais a cause des politiques et technocrates européen…
C’est bien l’Europe le problème. Les spéculateurs, eux, ils profitent du problème, et ils ont raison au final.
Vu que l’euro est une stupidité, ils vont essayer d’aspirer le jus jusqu’à ce qu’a ce que la BCE n’arrive plus à en fournir. C’est triste à dire, mais la solution au problème, c’est justement les spéculateurs…
Tant que la BCE arrive a fournir du jus, le système perdure !
Les spéculateurs ne seront qu’un catalyseur, provoquant une chute plus rapide que prévue, mais celle-ci est bien prévisible.
A partir de ce moment la, quand on a compris ça, on ne garde pas ses économies en euro, et on raisonne de façon à sauver ses propres plumes. Mais dans ce genre de cas, nous devenons nous aussi des spéculateurs…
Le mot « spéculateur » est bien trop vaste pour en faire un coupable, car nous le sommes tous plus ou moins, même quelqu’un qui ne veux pas gagner de l’argent et juste sauver sa peau, voila ou je veux en venir !
+5
AlerterEt ceci n’est pas lié ?
https://www.reuters.com/article/bce-politique-fragmentation-idFRKBN2QR1DC
« La Banque centrale européenne (BCE) n’activera pas son nouvel outil anti-fragmentation IPT (Transmission Protection Instrument ou Instrument de protection de la transmission) pour alléger les coûts d’emprunts des Etats membres si ceux-ci grimpent en raison d’erreurs de politique intérieure, a déclaré lundi Christine Lagarde. »
+2
AlerterBonsoir,
Les quantitatives easing, dérégulés par l’achat massif de stock options, ont fait flamber les liquidités et surtout les prélèvements forfaitaires libératoires, ce qui de fait oblige les états à recapitaliser en benchmark leurs crédits évitant ainsi les haircut sur fonds obligataires.
Il suffit de faire confiance à nos dirigeants qui dans leur majorité veulent notre bien, tel Bruno qui recommande pour cet hiver le col roulé ou Borne, la doudoune. Sans oublier Panier-Runacher et la batterie de sa voiture électrique qui va faire tourner le chauffage !
Et après on va se plaindre. Vas-y Manu avec ta retraite qui va faire un bon bilan « écolo ».
Nous sommes sur le Titanic, avons déjà heurté l’iceberg. Combien de canots de sauvetages ?
Adieu !
+6
Alerter« Les quantitatives easing, dérégulés par l’achat massif de stock options, ont fait flamber les liquidités et surtout les prélèvements forfaitaires libératoires, ce qui de fait oblige les états à recapitaliser en benchmark leurs crédits évitant ainsi les haircut sur fonds obligataires. »
Incompréhensible. Que viennent faire les « stocks options » avec le « quantitative easing » ? Outre que les volumes ne sont pas comparables. Cette phrase est un gag parodiant le sabir boursier. Assez drôle, les votes positifs.
+1
AlerterLes commentaires sont fermés.