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1.juin.20241.6.2024 // Les Crises

Le gaz de schiste est une arnaque climatique et les consommateurs en font les frais

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Malgré le boom de la fracturation, le prix du gaz naturel a grimpé en flèche de +52 % depuis 2016 pour les ménages américains.

Source : Truthout, Mike Ludwig
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Des manifestants se rassemblent devant les bureaux du maire et du conseil municipal du district de Columbia pour protester contre PROJECTpipes [programme de remplacement accéléré des gazoducs sur 40 ans, mis en place par Washington Gas (WGL) pour moderniser le réseau de distribution de gaz naturel de 1 200 miles dans le district, NdT] et exige la transition vers des sources d’énergie renouvelables, le 9 juin 2023, à Washington. CHIP SOMODEVILLA / GETTY IMAGES

Malgré le boom de la fracturation qui a fait des États-Unis le premier producteur mondial de combustibles fossiles, le prix payé par les ménages pour le gaz naturel a grimpé en flèche de 52 % entre 2016 et 2023. Selon un nouveau rapport publié cette semaine par le groupe de surveillance Public Citizen, l’augmentation des factures d’énergie a été alimentée en partie par l’explosion des exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) vers les marchés étrangers, ce qui enrichit l’industrie nationale des combustibles fossiles

La production nationale de gaz naturel a augmenté de 45 % entre 2016 et 2023, mais le prix payé par les fabricants et autres entreprises pour ce gaz a augmenté de 31 % au cours de la même période. En juin 2022, les prix du gaz naturel ont chuté de 30 % à la suite d’un accident et d’une énorme explosion qui ont entraîné la fermeture d’un terminal d’exportation de GNL à Freeport, au Texas, soulignant ainsi le lien entre les exportations et les prix intérieurs.

Bien que les prix mondiaux du gaz naturel aient baissé depuis l’invasion russe de l’Ukraine qui a bouleversé le marché en 2022, selon le rapport, le coût du gaz naturel utilisé par les services publics pour produire de l’électricité reste supérieur de 17 % aux niveaux de 2016. Les ménages et les entreprises américains ont payé 106 milliards de dollars de plus pour l’électricité en 2023 qu’en 2016. Cette augmentation a plus particulièrement frappé de plein fouet les familles à faibles revenus, un ménage sur six ayant du retard pour payer ses factures d’énergie en janvier 2024.

Le rapport, basé sur les données de l’Administration américaine d’information sur l’énergie, montre comment le coût du gaz naturel affecte l’économie en se répercutant sur le prix de tous les produits, par exemple celui des engrais ou de l’électricité, ce qui a pour effet de faire grimper le coût de la production alimentaire et les prix à l’épicerie. Le prix des engrais est intimement lié à celui du gaz naturel – l’industrie pétrochimique dépend des combustibles fossiles – et pour les agriculteurs nord-américains, le coût a augmenté de 400 % entre 2016 et 2023 en raison de l’augmentation des exportations et de la volatilité du marché mondial.

Même les consommateurs des États où l’industrie des combustibles fossiles est bien implantée paient l’énergie plus cher, alors même qu’ils vivent dans l’ombre de la pollution engendrée par l’extraction, le transport, le raffinage et la combustion du gaz naturel.

Même les consommateurs des États où l’industrie des combustibles fossiles est bien implantée paient leur énergie plus cher, alors même qu’ils vivent dans l’ombre de la pollution engendrée par l’extraction, le transport, le raffinage et la combustion du gaz naturel. Les habitants du Texas et de la Pennsylvanie, les deux principaux États producteurs de gaz, ont vu leur facture de gaz naturel augmenter respectivement de 50 et 51 % entre 2016 et 2023. Dans l’Ohio, où l’élimination des déchets de fracturation menace l’eau potable, les particuliers paient en moyenne 148 dollars pour le gaz naturel chaque mois, ce qui place l’Ohio en deuxième position, derrière l’Alaska, pour ce qui est des factures de gaz les plus élevées du pays.

Ce n’est pas ce qu’on nous avait promis. Alors que le boom de la fracturation hydraulique déferlait sur tout le pays et faisait des États-Unis le premier producteur mondial de combustibles fossiles, l’industrie a passé des années à convaincre le public que le boom de la production de gaz « naturel » était gagnant-gagnant. En mettant à jour de vastes formations de schiste, la fracturation permettrait au pays de gagner en indépendance énergétique et de fournir une énergie bon marché, tout en remplaçant le charbon par un « combustible de transition » qui brûle plus proprement et produit moins d’émissions responsables du réchauffement climatique.

Cependant, selon une enquête de plusieurs années du Congrès publiée cette semaine, le concept de « combustible de transition » s’est avéré être un leurre parmi d’autres,. Même les cadres supérieurs de BP savaient déjà en 2017 que les réseaux de combustibles fossiles libèrent une telle quantité de méthane directement dans l’atmosphère que le gaz n’est pas plus propre que le charbon lors de son cycle de vie. Une étude récente a établi que la pollution engendrée par les puits de pétrole et de gaz, les pipelines et les compresseurs entraînait des dommages associés au dérèglement climatique à hauteur de 9,3 milliards de dollars par an, et ce avant même que les combustibles fossiles produisent de l’énergie.

Les scientifiques d’ExxonMobil ont déterminé il y a plusieurs dizaines d’années que leur consommation de combustibles fossiles était à l’origine du changement climatique, mais ils n’ont rien dit. Des experts ont déclaré mercredi à la commission sénatoriale du budget que l’industrie était passée au fil des ans d’un déni flagrant du dérèglement climatique à une stratégie plus sophistiquée de « tromperie, désinformation et double langage » qui dépeint à tort le gaz « naturel » comme une énergie plus propre.

« Maintes et maintes fois, les plus grandes sociétés pétrolières et gazières tiennent à l’intention du public un discours donné, mais font tout autre chose pour protéger leurs profits », a déclaré Jamie Raskin, le principal Démocrate de la commission de surveillance de la Chambre des représentants, lors d’une audition qui s’est déroulée mercredi. « Les responsables de l’entreprise sont prêts à admettre à huis clos la terrifiante réalité de leur modèle d’entreprise, mais tiennent des propos totalement différents, mensongers et lénifiant vis-à-vis du public . »

Les Républicains se plaignent constamment de la hausse des prix que les initiatives en faveur du climat entraînent pour les consommateurs, mais c’est plutôt l’empressement de l’industrie à développer les infrastructures d’exportation de GNL qui fait grimper les prix – et garantit les profits.

La Maison Blanche étant contrôlée par les Démocrates, l’Agence pour la protection de l’environnement a finalisé en décembre de nouvelles réglementations qui obligent les compagnies pétrolières et gazières à moderniser leurs infrastructures et à réduire la pollution par le méthane. Le méthane est essentiellement du gaz naturel non raffiné.

Les États-Unis produisent plus de gaz naturel que tout autre pays, mais le boom des exportations permet de maintenir les prix à un niveau élevé pour les industries et les consommateurs nationaux, selon Tyson Slocum, directeur du programme énergétique de Public Citizen. Les Républicains se plaignent constamment de la hausse des prix que les initiatives en faveur du climat entraînent pour les consommateurs, mais c’est plutôt l’empressement de l’industrie à développer les infrastructures d’exportation de GNL qui fait grimper les prix – et garantit les profits.

« C’est là tout le sens de la campagne en faveur des exportations de GNL : faire en sorte que le [gaz] soit plus cher, parce que lorsqu’il est plus cher, les bénéfices sont plus importants », a déclaré Slocum lors d’une interview. « Aucune réduction n’est accordée aux habitants de la région. Ces gens-là s’en fichent. […] Ils se moquent bien de l’approvisionnement en gaz des communautés locales. »

Sous la pression des défenseurs du climat et des pêcheurs locaux de la côte du golfe du Mexique, là où les immenses terminaux de GNL chargent d’énormes navires-citernes de gaz liquéfié destiné à l’exportation, l’administration Biden a annoncé en janvier une « pause » dans l’octroi de permis pour de nouvelles installations de GNL, le temps que les autorités de régulation revoient la pertinence de ces exportations pour l’intérêt du public. Plus d’une douzaine de terminaux d’exportation sont déjà sources de pollution de l’air et au moins 17 autres attendent un permis fédéral. Seize États dirigés par ls Républicains ont intenté une action en justice au niveau fédéral en réponse à cette décision, affirmant que la suspension des permis pour les futurs terminaux d’exportation nuirait à l’économie d’États tels que la Louisiane et le Texas.

« Tout ce concept de ‘forons les enfants, forons’ pour avoir des prix plus bas est une pure fabulation », a déclaré Slocum. « Le but premier de la stratégie d’exportations est de faire gagner beaucoup d’argent aux producteurs de gaz. »

Mike Ludwig

Mike Ludwig est journaliste à Truthout, il vit à la Nouvelle-Orléans. Il est également l’auteur et l’animateur de « Climate Front Lines », un podcast dédié aux personnes, lieux et écosystèmes en première ligne de la crise climatique. Suivez-le sur Twitter : @ludwig_mike.

Source : Truthout, Mike Ludwig, 04-05-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

John V. Doe // 01.06.2024 à 08h31

Les consommateurs des USA paient leur gaz de schiste plus cher parce que leur gouvernement interdit à l’Europe d’acheter le gaz naturel russe, notamment en détruisant les gazoducs qui nous alimentaient. Tout le monde et la nature perdent pour que les compagnies pétrolières US gagnent.

4 réactions et commentaires

  • John V. Doe // 01.06.2024 à 08h31

    Les consommateurs des USA paient leur gaz de schiste plus cher parce que leur gouvernement interdit à l’Europe d’acheter le gaz naturel russe, notamment en détruisant les gazoducs qui nous alimentaient. Tout le monde et la nature perdent pour que les compagnies pétrolières US gagnent.

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  • Ecofil // 01.06.2024 à 20h10

    Les États-Unis ont un rapport à l’argent extrêmement discutable et ils ont contaminé l’Europe aussi à ce point de vue là, depuis déjà belle lurette. Le gaz russe a toujours été une aubaine pour l’Allemagne et l’Europe en général, ce qui a toujours provoqué un questionnement de la part des américains et aussi un pôle de dissension vis à vis de notre continent. La guerre en Ukraine est devenue tout à coup la solution et les États-unis ont depuis le dynamitage du gazoduc, l’assurance de pouvoir alimenter l’Europe avec leur propre gaz de schiste dont les réserves étaient devenues trop abondantes. L’industrie post-Covid américaine est une belle réussite, alors que l’Europe est en pleine stagnation pour ne pas dire plus. L’Europe qui a toute les capacités pour être une super-nation est dirigée non pas vraiment dans l’intérêt de ses citoyens mais plus pour supporter des intérêts étrangers. Cette constatation est à comparer à la structuration des États-Unis où toutes les grandes sociétés, groupes de pression, lobbies, banques etc (Goldman Sachs, les Gafam, le Pentagone, les industries des énergies, les industries de l’armement) ce qu’on appelle vulgairement le complexe militaro-financier industriel, sont tous reliés à un point central commun d’analyse qui s’appelle la CIA et qui est là pour défendre les intérêts privilégiés des États-Unis à travers le monde…Vive l’Europe, mais malheureusement pas celle là…

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    • chb // 03.06.2024 à 09h30

      Pas celle-là… Le scrutin de dimanche entérine pourtant un fonctionnement fort éloigné de la démocratie dont on rêve, et c’est pourquoi l’abstention sera catastrophiquement élevée. Serait-ce parce que  » le complexe militaro-financier industriel » a aussi structuré et verrouillé les institutions à son avantage ?

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  • nico // 05.06.2024 à 09h30

    Vous avez tt dit. Bravo. Sortie urgente des institutions gangrenées par l avidité financière…

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