Un nouveau rapport explique comment le capitalisme d’investissement continue de menacer le bien-être de milliards de personnes.
Source : Truthout,Sam Knight
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Cela fait un petit peu plus d’un an que JPMorgan Chase a annoncé que son activité commerciale serait neutre en émissions de carbone d’ici 2050, et il est maintenant largement reconnu que l’on doit une excuse aux sceptiques.
La banque, qui est depuis longtemps connue pour ses liens avec les producteurs d’énergies fossiles, a pris cet engagement en octobre 2021, et essayé de le justifier en diffusant le témoignage d’un employé portant le titre de « responsable global pour un développement durable », qui se réjouit à propos de cet engagement et de « l’ambition d’une plus grande action climatique. »
« Le changement climatique est l’un des enjeux critiques de notre époque, et nous nous engageons à remplir notre part pour y faire face » a déclaré Marisa Buchanan, la responsable du développement durable global, dans une annonce faite avant le sommet des Nations Unies pour le changement climatique à Glasgow, en novembre dernier. Quelques semaines plus tard, sans communiqué de presse ni fanfare, JPMorgan Chase a prêté 788 millions de dollars à Vedanta Resources, une entreprise dont les activités incluent le développement de mines de charbon en Inde, afin de garantir le droit de sécuriser et vendre la dette sur les marchés financiers.
La décision de la banque d’accorder ce prêt seulement quelques semaines après avoir annoncé son engagement pour le zéro-carbone a été soulignée dans un rapport publié le 17 janvier 2023 par une organisation environnementale nommée Reclaim Finance [Récupérons la finance, NdT]. Le rapport expose le manque de crédibilité des engagements pris par l’industrie de la finance, comme ceux pris par JPMorgan Chase, et met en lumière les manquements de la coalition affiliée aux Nations Unies portant le nom d’Alliance financière de Glasgow pour le zéro-carbone (GFANZ). Le prétendu but de la coalition GFANZ, établi en avril 2021, est d’aider les gouvernements du monde entier à atteindre leurs objectifs en terme de réduction d’émissions définies sous l’égide de l’ONU lors des accords de Paris. Les membres de l’alliance prétendent gérer collectivement 150 000 milliards de dollars, soit 40 % de toutes les richesses privées mondiales.
Cependant, comme le montre l’étude de Reclaim Finance, qui détaille les nombreux accords commerciaux grâce auxquels les membres de la GFANZ et les entreprises ont augmenté la production de charbon, l’impact de l’alliance sur les pratiques commerciales a été minime. En août 2022, les dirigeants de la GFANZ ont appelé leur membres à limiter tout nouvel investissement qui conduirait à l’augmentation de la production de charbon, pointant du doigt l’industrie comme étant « à elle seule la plus grande source des émissions de carbone mondiales. »
« Nous voulons être sans équivoque sur ce point : il n’y a pas de financement rationel possible pour de nouveaux projets d’exploitation du charbon » ont affirmé les dirigeants de la GFANZ. « Le consensus, à travers toutes les méthodes scientifiques rigoureuses, est que de nouvelles capacité en charbon (que cela concerne l’extraction ou la génération de courant) est incompatible avec l’objectivité de neutralité carbone et de limitation du réchauffement climatique mondial à 1,5°C. »
Les accords de Paris, en soutien desquels la GFANZ a été formée, attestent que les pires conséquences du changement climatique pourraient être évitées si la température mondiale post-industrialisation n’augmente pas de plus de 1,5°C d’ici 2050.
Reclaim Finance a aussi remarqué l’émergence d’un consensus scientifique mondial comme quoi les gouvernements et les acteurs commerciaux devraient ralentir toute nouvelle production de gaz ou de pétrole afin d’atteindre les objectifs de Paris. Cependant la GFANZ a exclu cette possibilité alors que 3 des plus grandes banques basées aux Etats-Unis – JPMorgan Chase, Bank of America et Morgan Stanley – ont menacé de se retirer de l’alliance. En septembre 2022, l’organisation a apaisé le trio en retirant discrètement l’obligation des membres de soutenir la course à la Neutralité soutenue par l’ONU, une campagne qui exigeait « un plan d’action transparent et de solides objectifs à court-terme. »
En conséquence, comme le souligne le rapport, l’investissement du capital continue de menacer le bien-être de milliards de personnes plutôt que d’avancer vers la décarbonation en « construisant des batteries et composés renouvelables, développant de nouvelles chaudières électriques en acier, ou en aidant simplement à financer l’arrêt progressif des centrales à gaz et à charbon. »
« En continuant à financer l’expansion fossile, les membres de la GFANZ envoie un message au reste du secteur financier, à l’industrie et aux gouvernements, que tant que les entreprises du secteur fossile veulent continuer de détruire le climat dont nous sommes tous dépendants, la finance sera là pour les soutenir » a ajouté l’étude. Reclaim Finance a découvert qu’entre la date de leur entrée dans le groupe et août 2022, les banques membres de la GFANZ ont augmenté d’au moins 269 milliards de dollars les crédits accordés pour augmenter leur production de combustibles fossiles.
Le rapport a appelé à la révision des règles de la GFANZ afin de forcer les membres à « progressivement supprimer leur financement de l’expansion des énergies fossiles », affirmant que de tels changements étaient nécessaires pour que ce cadre puisse « être perçu comme crédible. »
Cependant, alors que ce cadre de travail peut manquer de crédibilité, les membres sont capables de gagner des points dans les relations publiques, ce qui semble être l’un des facteurs clés derrière la motivation des banques à s’engager publiquement pour le climat. En octobre 2022, Truthout a signalé comment la Bank Policy Institute, une organisation de commerce représentant les plus grandes banques basées aux États-Unis qui sont particulièrement proches de JPMorgan Chase, a demandé aux régulateurs de ne pas s’assurer que les engagements climatiques des banques sont compatibles avec leurs pratiques commerciales.
Dans un communiqué public sur la même proposition de règle proposée l’an dernier, d’autres groupes de lobbying de l’industrie financière ont remarqué que la Commission de la sécurité et des échanges (CSE) a parfaitement le droit de punir les sociétés cotées en bourse qui font de fausses déclarations sur leurs pratiques. Truthout a demandé si la CSE était au courant du rapport de Reclaim Finance et si ses conclusions ont soulevé des inquiétudes quant à d’éventuelles fraudes en transactions boursières. Un représentant de l’agence a refusé de commenter tout rapport externe.
Copyright © Truthout. Ne pas reproduire sans autorisation.
Sam Knight
Sam Knight est journaliste, éditorialiste et co-fondateur de The District Sentinel, une coopérative d’information sur Washington et la politique fédérale pour le compte de la gauche.
Source : Truthout, Sam Knight, 20-01-2023
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation.
Commentaire recommandé
Les premiers constructeurs et utilisateurs de centrales a charbon et aussi avec les plans les plus ambitieux pour l’ouverture de nouvelles centrales, l’Inde et la Chine.
Pas un hasard si ce financement concerne une centrale en Inde…l’Inde manque d’électricité, les coupures sont fréquentes, de nombreuses entreprises et hotels sont équipés de groupe électrogène de secours fonctionnant au diesel, etc.
Dans le monde la construction de 900 nouvelles centrales sont prévues, la quasi-totalité en Asie.
Il ne sert a rien d’utiliser des machins électriques si l’électricité nécessaire est produite à partir de charbon.
Les réserves de charbon sont estimées a 200 années.
Cet article se garde bien d’expliquer qu’il n’y a pas de moyens de substitutions crédibles a cette échelle de déploiement et de besoins.
4 réactions et commentaires
« JPMorgan Chase a annoncé que son activité commerciale serait neutre en émissions de carbone d’ici 2050 »
C’est du complotisme : JPMorgan Chase a promis d’avoir une activité commerciale neutre en 2050, donc il lui reste encore 27 ans pour ne plus investir dans les énergies polluantes.
Il faut savoir différencier le verre à moitié vide du verre à moitié plein.
Pour l’instant il n’y a strictement rien à reprocher à cette banque concernant ses engagements.
Concernant le coté environnemental, c’est différent, mais comme elle n’a pris aucun engagement à ce sujet on ne peut pas lui reprocher quoi que ce soit par rapport à ses engagements.
C’est peut-être un peu dur à avaler mais comme « le diable est dans les détails » et que sa communication est bien choisie elle est irréprochable concernant ses engagements.
Et ensuite, s’il s’avère qu’en 2050 les énergies fossiles restent très rentables il lui sera possible de créer une filiale obscure qui lui permettra de respecter ses engagements.
+3
AlerterJe suis pas sur que les gens qui ont écrit l’article aient bien conscience de ce qu’il faudrait faire pour passer de la com aux résultats…
Comment on demande à un banquier de s’assoire sur sa rentabilité ? On rétablit le contrôle des changes et des capitaux et on administre les prix ?
Êtes vous sur « camarades » ?
+0
AlerterLes premiers constructeurs et utilisateurs de centrales a charbon et aussi avec les plans les plus ambitieux pour l’ouverture de nouvelles centrales, l’Inde et la Chine.
Pas un hasard si ce financement concerne une centrale en Inde…l’Inde manque d’électricité, les coupures sont fréquentes, de nombreuses entreprises et hotels sont équipés de groupe électrogène de secours fonctionnant au diesel, etc.
Dans le monde la construction de 900 nouvelles centrales sont prévues, la quasi-totalité en Asie.
Il ne sert a rien d’utiliser des machins électriques si l’électricité nécessaire est produite à partir de charbon.
Les réserves de charbon sont estimées a 200 années.
Cet article se garde bien d’expliquer qu’il n’y a pas de moyens de substitutions crédibles a cette échelle de déploiement et de besoins.
+8
Alerteril est temps de revoir notre façon de consommer !!!!!
https://choisis-moi.fr/cest-quoi-le-greenwashing/
+0
AlerterLes commentaires sont fermés.