Itinéraire d’un fils de médecin militaire vendéen.
Henri Laborit naît le 21 novembre 1914 à Hanoï (Tonkin) où son père, officier médecin de la Coloniale, était en poste. Interne à 22 ans, il deviendra chirurgien de la Marine juste avant la guerre et embarque en 1940 sur le torpilleur Sirocco qui sera coulé en mai au large de Dunkerque. Il opérera jusqu’à la fin de la guerre de nombreux blessés graves. Ces années de confrontation avec la douleur et la mort le pousseront à vouloir analyser les mécanismes biologiques du choc traumatique et le dirigeront vers la recherche.
Après la guerre, il oriente donc son travail vers la biochimie et la pharmacologie ; son approche transversale lui permet de développer de nombreuses molécules (chlorpromazine, Gamma OH, etc.) et méthodes (hibernation artificielle) qui révolutionneront des disciplines comme l’anesthésie ou encore la psychiatrie et lui vaudront en 1957 le prestigieux prix Albert Lasker de la recherche médicale, équivalent américain du Nobel de médecine.
C’est logiquement que ses travaux et son insatiable soif de comprendre l’amèneront à créer en 1958 le laboratoire d’eutonologie (qu’il définit comme l’étude du comportement humain), dont il sera le directeur jusqu’à sa mort en mai 1995.
De l’inhibition de l’action à l’établissement des hiérarchies de dominance sociale
Pionnier de la cybernétique en biologie, il défend une approche systémique (poly-conceptualiste) par « niveau d’organisation » dont le contrôle se fait par des servomécanismes au niveau d’organisation supérieur.
Inspiré par les travaux de Mac Lean qui décrit dans « Triune Brain » les 3 niveaux d’organisation du système nerveux central (Cerveau reptilien, Système limbique et Néocortex), il résumera ainsi les comportements de base : « Boire, manger pour maintenir sa structure, et copuler pour maintenir l’espèce. ». Et ajoutera : « Confronté à une épreuve, l’homme ne dispose que de trois choix : 1) fuir ; 2) combattre ; 3) ne rien faire ». Ses études notamment sur le comportement des rats l’amèneront à définir l’inhibition de l’action comme « le résultat de la non-possibilité pour un individu de contrôler son environnement au mieux de son plaisir, de son équilibre biologique et de son bien-être ».
Ces travaux seront utilisés par Alain Resnais dans le film Mon Oncle d’Amérique (1980) dont voici quelques extraits :
L’observation des conséquences de l’inhibition de l’action à l’échelle de l’individu l’amène à critiquer vivement le productivisme et ses conséquences pour les sociétés humaines et la biosphère.
Partagé entre un certain fatalisme sur l’incapacité de l’Homme à dépasser le stade des hiérarchies de dominance et une énergie vitale dont la source est certainement à chercher dans ses combats contre la mort et la souffrance pendant la guerre, Henri Laborit s’est rapproché de la politique en fondant avec Robert Buron, Jacques Robin et Edgar Morin le Club des Dix à la fin des années 60. Ces réunions informelles qui dureront jusqu’en 1976 lui permettront de côtoyer d’autres chercheurs dans des disciplines variées (sciences humaines, mathématiques, etc.), des hommes politiques comme Michel Rocard et d’approfondir ses connaissances sur la Théorie de l’information.
Dans le Groupe des Dix, Henri Laborit, René Passet (premier président du conseil scientifique d’ATTAC, dans « L’économique et le vivant », 1979), Edgar Morin, et bien d’autres, aboutissent rapidement à la conclusion que la croissance ne peut être qu’une impasse.
Alors que se dessine la notion d’équilibre socio-économico-technico-environnemental, Laborit ajoute les données bio-anthropologiques : si l’Homme a un effet sur son biotope, s’il est urgent de limiter sa capacité à le détruire, il semble indispensable d’éduquer nos enfants au respect de leur environnement. Mais même cette éducation pourra être encore détournée pour alimenter la compétition, il faut donc remonter aux déterminismes individuels, aux « mécanismes de fonctionnement de l’outil qui a permit de les établir dans leurs statuts actuels : le cerveau humain en situation sociale ».
Henri Laborit dans Mon Oncle d’Amérique d’Alain Resnais (1980)
« Conscience, connaissance, imagination » bases d’une biopédagogie
Pour mettre sa grille à l’épreuve, Henri Laborit a cherché inlassablement à corréler comportement et recherche de la dominance en démystifiant ce qu’il appelait les « formules langagières », ou les « jugements de valeurs qui tentent de justifier les systèmes hiérarchiques de dominance ». Sa rigueur scientifique mêlée à une insoumission frisant souvent la subversion l’amenait à traiter de sujets que nous oublions trop souvent de remettre en cause.
Henri Laborit interviewé en avril 1975 sur RTS
(Attention, l’interview débute à partir de 7’04)
Cliquer sur la photo ou ici pour la voir
Ainsi, sur la liberté il écrivait dans La Nouvelle Grille :
« La liberté commence où finit la connaissance. Avant, elle n’existe pas, car la connaissance des lois nous oblige à leur obéir. Après elle n’existe que par l’ignorance des lois à venir et la croyance que nous avons de ne pas être commandées par elles puisque nous les ignorons. En réalité, ce que l’on peut appeler « liberté », si vraiment nous tenons à conserver ce terme, c’est l’indépendance très relative que l’homme peut acquérir en découvrant, partiellement et progressivement, les lois du déterminisme universel. Il est alors capable, mais seulement alors, d’imaginer un moyen d’utiliser ces lois au mieux de sa survie, ce qui le fait pénétrer dans un autre déterminisme, d’un autre niveau d’organisation qu’il ignorait encore. »
Il aimait à rappeler que quand Freud jeta les bases de la psychanalyse on ne connaissait pas même l’existence des hormones, sans pour autant invalider cette grille de lecture qu’il engloba dans une grille plus générale, La Nouvelle Grille (1974) qui reste certainement son ouvrage de référence dans lequel il définit l’inconscient comme « tout ce qui est automatisé par l’environnement social» plus que comme ce qui est refoulé.
Henri Laborit prônait une « biopédagogie » et se basait sur l’hypothèse qu’un être humain est « compétent ». Il participera en 1969 à l’université de Vincennes à l’invitation des étudiants en urbanisme, interventions dont il tirera un ouvrage, l’Homme et la ville, en 1971.
Son inquiétude pour le futur et son anarchisme traduisaient sa défiance vis-à-vis de la politique, mais pas une résignation. Il avait ainsi pour espoir que nous puissions transformer l’éducation afin de permettre aux prochaines générations d’échapper à ces strates de jugements de valeur, comme le montre cet extrait d’un exposé fait à l’invitation des inspecteurs généraux de l’éducation nationale sur le thème « Réforme de pensée et système éducatif » le 14 septembre 1994 :
« Mais quand on parle de l’éducation que tout le monde s’accorde à développer pour lutter contre la violence, les intégrismes, les jugements de valeur, l’intolérance, on ne précise jamais ce que doit contenir cette éducation. Or de plus en plus, il s’agit d’une information focalisée et les étudiants n’entrent à l’université que dans l’espoir d’y acquérir des connaissances réduites à une activité professionnelle capable de leur procurer un job.
Or je ne vois pas comment ce type d’éducation pourrait faire échec à la violence de la guerre économique qu’elle ne peut que renforcer en renforçant la compétition économique à tous les niveaux d’organisation des individus aux états. Même l’initiation universitaire aux sciences dites humaines (psychologie, sociologie, économie et politique) sera exploitée dans un but de rentabilité marchande au sein des entreprises et toujours dans l’ignorance totale des mécanismes de fonctionnement de l’outil qui a permis de les établir dans leurs statuts actuels : le cerveau humain en situation sociale. »
Pdf de l’intervention intégrale
Mur en trompe l’œil (fresque d’Alan Sonfist) dans le film Mon Oncle d’Amérique
« Alors Quoi ? » Quel futur ?
Il a fallu presque 200 ans après le début de la révolution industrielle pour que l’Homme prenne conscience des déterminismes environnementaux et des dangers que sa logique expansionniste cause à la biosphère. Combien de temps faudra-t-il pour que l’Homme comprenne que ces déterminismes sont le fruit d’autres déterminismes, biologiques, ancrés dans son cerveau et qui jusqu’ici l’ont toujours poussé à un comportement de dominance ?
Dans un siècle où l’on nous vend de la liberté, parler de déterminisme, qui plus est biologique, dérange. Faut-il y voir la raison pour laquelle Laborit est aujourd’hui savamment ignoré ? A moins que la cause ne soit sa relecture volontairement provocatrice des évangiles ou encore son aversion pour les « bons sentiments » d’un « humanisme de bon ton »…
Sommes-nous encore capables d’accepter que la liberté, telle qu’elle nous est présentée (l’absence de limites ou de contraintes ; la « technologisation » sans fin) est un mythe qui nous enferme et nous asservit plus qu’il ne nous libère ?
Avons-nous renoncé à utiliser l’incroyable potentiel de l’imaginaire issu de notre cortex associatif pour ainsi refuser d’en accepter ses quelques déterminismes ?
Il devient urgent que les parents, les professeurs incluent à leurs enseignements des notions comme « système », expliquent le fonctionnement du cerveau, des régulations, des hormones.
« Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change. »
Henri Laborit prônait que toute personne passe 2h par jour de son temps libre « pour accroître ses connaissances sur les relations interhumaines sous toutes leurs formes (biologique, psychologique, sociologique, économique, politique) » afin que « la politique devienne son activité fondamentale ». Plus qu’une intuition, Henri Laborit a démontré que si l’on ne raisonne pas en transversal et en transgressant les niveaux d’organisation auxquels nous sommes confinés d’un point de vue sociétal, on ne peut imaginer effectuer de contrôle sur un système. En cela, son travail devrait inspirer toutes les dissidences.
A nous de ne pas laisser le travail de cet exceptionnel penseur de côté, de nous en inspirer pour imaginer ensemble le monde de demain avant que d’autres pressions ne nous fassent revenir aux urgences de la (sur)vie… et aux hiérarchies de dominance.
David Batéjat
Administrateur de www.nouvellegrille.info
Remerciements :
- Jacques Laborit,
- Claude Grenié,
- Bruno Dubuc.
Sites dédiés à Henri Laborit :
- www.nouvellegrille.info démarche coopérative pour une vision politique de l’œuvre de Laborit
- www.elogedelasuite.net mis en service à l’occasion des 100 ans de la naissance d’Henri Laborit
Vidéos, audios et autres nombreuses ressources à consulter sur ces sites
Livres d’Henri Laborit (entre autres) :
- Une Vie – Derniers entretiens avec Claude Grenié (Ed. du Félin, 1996)
- La Nouvelle Grille (1974)
- Éloge de la Fuite (1976)
- L’Homme et la ville (1971)
- La Colombe assassinée (1983)
Livres sur Henri Laborit :
- Le Groupe des Dix (Brigitte Chamak, Ed. du Rocher, 1995)
- Henri Laborit, pour quoi vous dire (François Joliat, 1997)
Film : Mon Oncle d’Amérique (Alain Resnais, 1980)
Commentaire recommandé
Je ne peut que m’associer et encourager la lecture d’Henri Laborit. C’est un peu dur pour l’ego et les illusions sur soi. Le paradoxe de cette approche scientifique du fonctionnement humain est à la fois de réduire les prétentions narcissiques à se croitre libre, différent, spécial, donc des structures biologiques universelles; et en même temps de montrer un chemin, celui de l’imagination, des rêves, de la créativité, fonction individuelle s’il en est.
Les deux parties, espèces animale humaine et pensée individuelle étant bien sur déterminées, mais la seconde forcément pleine de surprises, une aventure.
Celle de la dissidence.
39 réactions et commentaires
« L’éloge de la fuite » fut mon premier bouquin de Laborit, acheté dans un kiosque en attente d’un train, en 1977. J’ai failli raté la station, 550 kms plus loin. Littéralement scotchée. Puis « L’agressivité détournée » et d’autres. Bizarrement, les bouquins les plus pertinents (pour moi), je les ai trouvé dans des gares : coup de bol !
+13
AlerterJe ne peut que m’associer et encourager la lecture d’Henri Laborit. C’est un peu dur pour l’ego et les illusions sur soi. Le paradoxe de cette approche scientifique du fonctionnement humain est à la fois de réduire les prétentions narcissiques à se croitre libre, différent, spécial, donc des structures biologiques universelles; et en même temps de montrer un chemin, celui de l’imagination, des rêves, de la créativité, fonction individuelle s’il en est.
Les deux parties, espèces animale humaine et pensée individuelle étant bien sur déterminées, mais la seconde forcément pleine de surprises, une aventure.
Celle de la dissidence.
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Alerter« C’est un peu dur pour l’ego et les illusions sur soi. » OUI ! D’ailleurs nombres « d’humanistes de bon ton » n’arrivent pas à le lire car il réduit à néant leurs alibis inconscients.
Je trouve que Laborit force à ne pas « croire » mais à « chercher » (à comprendre).
En cela, il est très intéressant dans une époque où nombre de rejets du système se traduisent par des croyances généralement excluantes.
+5
AlerterLorsqu’une civilisation s’effondre, il n’y a pas de problème que la violence ne puisse régler.
+1
AlerterSauf celui de la violence peut etre…
+3
AlerterC’était bien évidemment de l’ironie (un peu triste). J’ai l’impression que l’humanité va avoir de plus en plus de frustrations à gérer, et je la vois mal sublimer ça en autre chose que de la violence. Mais peut-être que je lis trop de blogs.
+8
AlerterBonjour,
l’expérience de Laborit sur les rats, voir la vidéo, montre : – i) le rat seul puni et sans échappatoire déprime et somatise – ii) le rat avec un co-détenu devient agressif mais n’est plus déprimé ni malade.
Toute ressemblance avec les discours et agressions racistes n’est pas fortuite.
Toute similitude avec la déprime économique et sociale non-plus.
L’agressivité contre le Diabolique Putin est un bon défouloir contre l’impasse politique du BAO. En plus il est loin.
L’homme un roseau pensant ?
+13
AlerterConnaitre le fonctionnement du cerveau humain est un enjeu crucial pour comprendre ce que nous sommes. Un domaine de recherche a ne surtout pas laisser a un quelconque agent prive. Toute recherche sur le sujet devrait tomber immédiatement dans le domaine public, ou nous allons au devant d’immenses dangers. Nous y sommes déjà.
Mais l’acceptation de ces découvertes, indispensable a leur diffusion, est une entreprise ardue qui va contre des milliers d’années d’errements métaphysiques et la croyance enracinée tout au fond, que nous avons un esprit libre de contraintes et sommes seuls maîtres de nos décisions.
Intéressant aussi, de faire le rapprochement entre Laborit et Spinoza. On se rend compte de la formidable justesse des intuitions du philosophe (pas de neurologie a l’époque). Antonio Damasio, autre neurologue, a fait des bouquins passionnants sur la comparaison entre découvertes neurologiques récentes et la philosophie de Spinoza.
+10
AlerterLaborit, Homme d’Exception.
Savant et Chercheur ,dont les découvertes ouvrent la voie de l’Anesthésie,telle que nous la connaissons.
Médecin de la Faculté de Médecine et de l’Ecole de Santé Navale à Bordeaux .
Donne à la Médecine Française des lettres de noblesse , tant les applications des résultats de ses travaux sont de portée universelle.
+5
AlerterPour répondre sur la violence il faut bien se rendre à l’évidence : En face d’une société hyper violente comme la nôtre, il n’y aura pas d’autre alternative que sa destruction.
Et cette destruction ne se fera pas en défilant gentiment dans la rue avec drapeaux et fanfares …
Relisez l’histoire et vous verrez que les parasites qui se paient sur la bête que nous sommes sont prêts à en sacrifier un maximum pour faire perdurer leur parasitage.
Dès lors, il n’y aura pas d’autre alternative hélas !
Et le système a bien compris ceci puisqu’il prône pour les gens la soumission, la non violence, la détente, l’échange pacifique…bref exactement le contraire de ce qu’il fait subir tous les jours !
« Le Mal est dans la chose même et le remède est violent. Il faut porter la cognée à la racine. Il faut faire connaître au peuple ses droits et l’engager à les revendiquer ; il faut lui mettre les armes à la main, se saisir dans tout le royaume des petits tyrans qui le tiennent opprimé, renverser l’édifice monstrueux de notre gouvernement, en établir un nouveau sur une base équitable. Les gens qui croient que le reste du genre humain est fait pour servir à leur bien-être n’approuveront pas sans doute ce remède, mais ce n’est pas eux qu’il faut consulter ; il s’agit de dédommager tout un peuple de l’injustice de ses oppresseurs. »
Jean-Paul MARAT
+7
AlerterArrêtez avec votre « relisez l’histoire ». S’il y a quelque chose que l’histoire nous enseigne, c’est que la violence engendre la violence et que la loi du plus fort est rarement la meilleure.
Il y a pas un fight club dans votre quartier?
+5
AlerterJusqu’à ce que le combat arrête, faute de combattant…
+0
AlerterMerci.
Mais.
Rédiger un article entier en ne citant l’« Éloge de la Fuite » que dans un bout de la liste des titres de Laborit laisse penser que cet ouvrage continue de gêner ;-))
& merci à « Chris ». Voilà exactement l’envoûtement de ce livre (comment régler leur compte à un wagon d’illusions sans en mourir pour autant, au contraire) !
S’il est possible sans embrouille de citer un court extrait (sinon, merci de ne modérer que ce qui suit, mais cet extrait ne peut qu’inciter à lire tout l’ouvrage ;-), en voici l’avant-propos :
« Quand il ne peut plus lutter contre le vent et la mer pour poursuivre sa route, il y a deux allures
que peut encore prendre un voilier : la cape (le foc bordé à contre et la barre dessous) le soumet à la dérive du vent et de la mer, et la fuite devant la tempête en épaulant la lame sur l’arrière, avec un
minimum de toile. La fuite reste souvent, loin des côtes, la seule façon de sauver le bateau et son
équipage. Elle permet aussi de découvrir des rivages inconnus qui surgiront à l’horizon des
calmes retrouvés. Rivages inconnus qu’ignoreront toujours ceux qui ont la chance apparente de
pouvoir suivre la route des cargos et des tankers, la route sans imprévu imposée par les compagnies de transport maritime.
Vous connaissez sans doute un voilier nommé “Désir”. »
+7
Alerter« Éloge de la fuite » est la référence la plus répandue, qui plus est un essai sur commande (de l’armée), il est intéressant de montrer d’autres aspects de son œuvre.
« La Nouvelle Grille » est son ouvrage de référence de vulgarisation. Un peu moins accessible peut-être car démarre avec 3 chapitres pour poser les bases scientifiques de son approche (description du système nerveux et systémique). Tout biologiste, à fortiori les profs de SVT, devrait l’avoir lu (…)
+5
AlerterBonjour,
Merci pour le billet. C’est évidemment complémentaire avec mr Chomsky (dont nous apprécions la grille). Il a le courage de mettre en lumière publiquement les réalités contemporaines. Il permet de mieux comprendre l’ingénierie sociale. Espérons que les dérives de la propriété intellectuelle nous laissent cette liberté de ton. C’est une mise garde avec une tentative de donner les bons codes de lecture. Ceci afin de procéder à une anticipation pour la défense de nos libertés qui sont effectivement menacées. C’est un défenseur de la créativité….
Cdlt
ps : très réaliste.
+3
AlerterUne page où il est question de l’« Éloge de la Fuite »:
http://www.elogedelasuite.net/?p=185
+1
AlerterCe billet fait vraiment plaisir, comme Allais, Bourdieu et autres Nizan, Laborit est largement boudé par l’intelligentsia française qui leur préfère les botul en tout genre, exit la pensée critique.
En complément à l' »éloge de la fuite », qui a marqué mes premiers pas dans la compréhension de ce que nous sommes, je recommande la lecture de l' »agression » de Konrad Lorenz.
Plus léger, « le singe nu » de Desmond Morris, un tableau drôle et ravageur de nos sociétés « modernes » pour une introduction en douceur à l’éthologie 😉
Cette science par ailleurs dévoyée dont les apports n’intéressent guère le politique mais fait le bonheur du commercial…
+5
AlerterEn effet , lecture indispensable .
+1
AlerterMerci,
je pensais avoir rêvé, je me demandais si même j’avais lu un seul des ses bouquins !
J’ai eu la chance d’assister à une de ses conférence dans les années ’70, quel bonhomme !!!!
L’imposture des nuls règne en maître parmi les pseudos « intellectuels » français. BHL, Finkelkraut et autres Zemmour sont les nouveaux parangons de la médiasphère asservie par la ploutocratie.
C’est sûr, la pensée de Laborit c’est pas vendeur, coco !
Je vais de ce pas relire « la nouvelle grille », et enchainer par « l’éloge de la fuite ».
Bon dimanche
+4
Alerter« Une Vie » vaut aussi la lecture, l’entretien y est très bien mené par Grenié qui connaissait très bien Laborit.
+1
Alerter» …. quand Freud jeta les bases de la psychanalyse … » ???
» … Henri Laborit a démontré que si l’on ne raisonne pas en transversal … » ???
+0
AlerterCurieux que certains s’offusquent du déterminisme biologique alors qu’on en bouffe du technologique à longueur de journée (vous savez internet censé relier tous les êtres humains de la Terre et réduire les inégalités).
En tous cas on voit d’où Morin tire son inspiration pour sa systémique ; et j’ai tout de même du mal avec cette approche systémique (que ça soit Laborit ou Morin) car je trouve qu’elle bute sur une impasse épistémologique liée au langage naturel (indispensable en sciences humaines) ; comment parlez de choses aussi complexes, qui comportent un tout et son contraire avec un langage, malgré tout limité. C’est pour cette raison à mon avis que les théories systémiques semblent très ésotériques.
+3
AlerterJ’avoue ne pas encore avoir lu cet auteur. Au vu de ce billet, je passe demain à ma librairie de quartier pour commander « l’éloge de la fuite » et « l’homme et la ville ». Merci à M.Berruyer et aux intervenants pour ces conseils.
+3
AlerterJe me souviens du jour de sa mort, j’ai pleuré.
Je suis heureux qu’on se souvienne de lui, très heureux même.
+4
AlerterC’est bien de rappeler que les grilles d’analyse politique sont étrangement coupées des réalités psychosociologiques humaines…
On complétera utilement la lecture de Laborit par « La lutte des places » de Vincent de Gaulejac (and co)… Le bouquin qui a détruit mes dernières illusions marxistes, si j’en ai jamais eues….
+5
AlerterDans une perspective moins science dure et plus science humaine, je propose aussi « toujours plus » de François De Closet , le meilleur de ses livres, les autres étant plus fades, comme s’il ne voulait plus être l’homme de ce 1er livre.
Les 2 thèmes sont :
(1) une organisation poursuit son combat même une fois que ses objectifs sont remplis (syndicat de service publique/OTAN/CIA).
Elle le poursuit pour justifier son existence et , à ce moment là, au bénéfice de ses membres dirigeants (au sens large), et au préjudice des autres. Et d’autant plus facilement qu’un succès ne diminue pas sa force. Il s’agit presque d’un effet d’auto-renforcement. Et c’est sans fin.
Deuxième thème.
(2) on met les « fortes têtes » dans le même service, isolés des autres, comme ça ils ne peuvent plus que convaincre des convaincus, ce qui n’a pas grand sens.
C’est ce que je crains quand je vois ce blog isolé des médias de masse.
PS: l’organisation du site « les crises » est probablement du type autocratique, j’espère « de jure » seulement, et c’est pour ça qu’il est si bon.
Dans un groupe de 100 hommes, seul l’argent peut être le point commun.
+2
AlerterHenri Laborit est un peu oublié aujourd’hui, il n’est pas le seul : Pensons à Boris Cyrulnik, véritable phénomène des années ’90… l’économisme est passé par là.
Il me semble que ses travaux se situent à la frontière entre biologie, éthologie et philosophie, frontière fluctuante, sorte de no man’s land idéologique vaguement humaniste. Situé dans aucun champ universitaire il n’est pas « classable », d’autant que son humanisme s’accorde mal avec l’héritage nécessairement darwinien de l’éthologie, à savoir que notre déterminisme n’est pas seulement causal au sens ontologique, revu par la neurologie, posant encore question du libre arbitre, mais l’éthologie comporte donc l’hypothèse darwinienne de la concurrence générale, hypothèse immorale, par delà le bien et le mal.
Cf The selfish Gene, Le gène égoiste Richard Dawkins, ou Denis Buican, prof à Paris X qui a publié un QSJ sur la question.
A partir de là je le vois plutôt comme un apôtre de la recherche scientifique « neutre » visant au progrès social, un nouvel Auguste Comte, sachant qu’il ne fait pas d’hypothèses fortes en sociologie, domaine qu’il aimerait pourtant influencer tout en refusant d’y entrer, un Bourdieu, Foucault, etc ont bien plus d’influence que lui.
Il est vrai que la sociologie s’occupe assez peu à son tour, d’écologie; la politique devrait s’occuper de ces questions, incarnation de notre volonté à réaliser un monde meilleur.
+1
AlerterLaborit ne pose pas la question du libre arbitre, il la démolit complétement, scientifiquement.
l’implication par rapport à la philosophie de Nietzche ou Sartre est jubilatoire.
Darwin, comme les ethnologues et anthropologues ( Levi-Strauss, Emmanuel Todd) font des analyses paralléles, je n’ai rien vu de contradictoire avec Laborit, bien au contraire.
Bourdieu renforce le déterminisme social, on peut y décéler, comme chez Foucault, une pointe de projection.
Mais l’ensemble est éminement politique et edoniste dans ses aspirations.
+4
AlerterExtrait de « Eloge de la fuite »
La guerre dite juste « elles le sont toujours » c’est avant tout une structure sociale hiérarchique de dominance. Ce sont presque toujours des guerres entre dominants, ceux-ci entraînant le peuple à défendre leur dominance, grâce à un discours lgique et convaincant. N’a t-on pas vu l’évêque catholique de New-York faire au Viet Nam sa tournée des popotes en haranguant les G.I pour qu’ils tuent le plus de Viet Congs possible…Etait-il conscient le malhureueux, que pour être évêque il fallait qu’il fût déjà animé par un besoin peu commun de domination, dans un système hiérarchique qui l’avait récompensé de sa soumission »
+6
AlerterJe vous félicite de vous rappeler de H. Laborit, homme au combien remarquable.
Démarrées avec l’étude de la Chlorpromazine, ses remarquable études et synthèses sur les régulations métaboliques et la neurophysiologie (livres: Physiologie Humaine 1961, Régulations métaboliques 1965, Neurophysiologie 1969) proposaient enfin une vue très ouverte des régulations chimiques dans la biologie, avec ses incursions dans les voies de la douleur (son épouse était anesthésiste). Malheureusement il a été critiqué par des gens qui n’avaient pas lu ses écrits et d’autres découvertes fondamentales d’un niveau moins chimique métabolique ont complètement éclipsé ses travaux. Il est bien dommage qu’il n’est pas èté soutenu dans ses recherches passionnantes en physiologie. Dans une réponse à une lettre de 1977 où je lui témoignais mon admiration scientifique il me conseillait « les comportements » mais terminait sur des préoccupations plus pilosophiques.
+2
AlerterLaborit ne se démarque pas du courant de pensée neurobiologiste et cognitivo-comportementaliste : l’homme neuronal rejoint l’homme socialement conditionné. Ce courant de pensée est congruent avec les approches néo-spinozistes, structuralistes, sociologiques qui dominent l’anthropologie depuis les années 68 (cf Michel Clouscard: critique du libéralisme libertaire). Tous convergent vers la définition d’une égo-psychologie socio-induite au déni de la subjectivité développée par la psychanalyse. La psychanalyse freudienne classique, au déni de l’approche jungienne, ignore l’influence des déterminations transgénérationnelles familiales de cette subjectivité. La psychanalyse groupale et familiale a comblé cette lacune et offre une alternative heuristique par rapport à l’égo-psychologie socio-induite qui ne tient pas debout.
+2
AlerterBah, le débat entre l’inné et l’acquis est depuis les années 80/90 totalement tranché (grâce à l’épigénétique)… et même depuis 1947, si on reprend les études concernant les modifications génétiques (et comportementales) induites par la malnutrition, ou les effets produits par des modifications environnementales sur des modèles de labo…
Ce sont les deux, dans des proportions impossibles pour l’instant à déterminer à l’avance, puisqu’une grande part semble provenir d’un simple « hasard »… et ça, ça va être très compliqué à dénouer, si on le dénoue un jour…
+1
AlerterRectification (mémoire vieillissante): Le Largactil, ouvrant sur tous les psychotropes modernes, étudié par H. Laborit était dans la lignée de la Chlorpromazine, étudié par le Pr Halpern.
+0
AlerterDécidement ère vieux c’est pas bon du out: « Phénotiazine=Phénergan (Halpern)
Chlorpromazine=Largactil (Laborit) le deux. des labos Rhône-Poulenc je crois
+2
AlerterTout ce que je peux dire sur Henri Laborit, c’est que je l’ai rencontré à plusieurs reprises : Il était simplement un très vieil ami de mes parents…
Juste pour les lecteurs de ce blog : Une petite info que personne ne connaît :
Henri Laborit a commencé sa carrière comme médecin militaire dans la marine.
Durant la seconde guerre mondiale, il a très rapidement rejoint De Gaulle à Londres avec tout l’équipage du bateau sur lequel il servait (et le bateau aussi).
Ils sont restés longtemps à quai et s’ennuyaient avec pour seule occupation de briquer le pont.
Ils décidèrent d’envoyer un « message humoristique » aux anglais pour leur faire comprendre qu’ils souhaitaient participer à l’action.
L’un d’entre eux (j’ai oublié son nom) eût l’idée d’aller acheter du gazon en rouleau (ça existait déjà en Grande-Bretagne à l’époque) et ils l’ont déroulé sur le pont du bateau pour que les anglais comprennent que le bateau était plus un centre de vacances qu’un navire de guerre…
Le lendemain matin, à leur réveil, ils ont eu une réponse cinglante à leur « provocation » : Les anglais avaient tout simplement amené pendant la nuit quelques vaches pour les faire paître sur le pont !!!
Cette histoire est authentique. Henri Laborit me l’avait lui-même racontée dans ma jeunesse.
Les temps étaient durs, c’était la guerre, mais ils savaient bien se marrer à l’époque !!!
+3
AlerterJe ne suis sûrement pas assez intelligent pour bien comprendre M Laborit, mais l’apologie du marxisme, le quasi gouvernement mondial comme solution, et la pédagogie des individus pour les sortir de leur déterminisme, c’est un peu orwelien non ?
+0
AlerterBonjour Grand-père (ça me fait bizarre 😉
Laborit avait justement cette capacité d’écrire de manière accessible, sauf bien sûr si vous allez vers ses publications purement scientifiques.
Il fait, bien au contraire d’une apologie une critique du marxisme, en expliquant que cette grille de lecture se concentrant sur la dominance par la propriété, avait sous-estimé la dominance par le pouvoir technocratique qui produit les mêmes effets.
Sur le « gouvernement mondial », justement , il disait qu’il n’en fallait pas mais dans une approche thermodynamique, il expliquait que le « système pays » est par essence (c’est le cas de la dire) un système semi-ouvert car il a besoin de matières premières venant qu’autres pays. Il est donc illusoire de penser qu’on peut ignorer le reste du système « terre » qui à priori est le seul sur lequel nous ayons un impact réel (même si le cosmos est le système le plus large connu).
C’est donc très différent d’un gouvernement mondial, c’est la prise de conscience des déterminismes (ici les quantité de matière disponibles pour nourrir le système productiviste).
En cela, tous les problèmes environnementaux et géostratégiques ne font que confirmer ce qu’il avait décrit il y a 40 ans dans la nouvelle grille.
Enfin sur la pédagogie (non pas pour sortir de nos déterminismes mais pour les intégrer à nos raisonnements), elle me semble à l’opposé du transhumanisme par exemple, mais je ne connais pas assez les références auxquelles vous faites allusion chez Orwell pour aller plus loin.
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AlerterComme DVD vous a très bien répondu sur les points » apologie du marxisme » et » quasi gouvernement mondial » je voudrais essayer d’éclaircir la notion » pédagogie des individus « .
Effectivement comme toute pédagogie est un formatage il y a une contradiction avec l’idée de sortir du déterminimisme. Le refus, d’ailleurs, de communiquer (recevoir et émettre) avec son monde extérieur pourrait être une des causes de l’autisme (la principale, voir la seule, je crois me souvenir d’après Bettelheim).
Laborit donc propose à notre capacité à comprendre, à emmagaziner du savoir, une grille de lecture de nous même; mais en nous avertissant en même temps que acquérir cette connaissance ne nous permettra pas d’échapper à nous même. C’est de ce constat qu’il souligne notre vraie spécificité en tant qu’espèce animale: la possibilité d’imaginer, de créer, de transformer. Et donc la faculté d’associer ses acquis en une nouvelle structure.
C’est le thème développé dans son livre : l’Homme Imaginant.
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AlerterOui, Laborit, auteur oublié marginalisé, occulté même, car un peu trop dérangeant, subversif.Il démontre la dynamique profonde de l’humain….la lutte pour la dominance, l’établissement des hiérarchies de dominance sociale. Cela est toujours d’actualité !, regardons ce qui ce passe autour de nous, rien n’a changé. Cyrulnik est moins dérangeant.
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