L’ancien Premier ministre pakistanais a qualifié son procès de « plaisanterie » dans un contexte de répression contre son parti politique à l’approche des élections.
Source : The Guardian, Hannah Ellis-Petersen
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
L’ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan a été condamné à dix ans de prison pour avoir divulgué des secrets officiels, dans le cadre d’une campagne de répression contre son parti politique avant les élections générales prévues la semaine prochaine.
Il s’agit de la peine la plus lourde prononcée à ce jour à l’encontre de Khan, qui est incarcéré depuis août, après avoir commencé à critiquer ouvertement l’armée pakistanaise.
L’affaire concerne un câble diplomatique qui aurait disparu alors qu’il était en sa possession. Khan a publiquement cité ce câble comme preuve que les États-Unis avaient fait partie d’un complot à l’origine de sa chute en 2022, mais il a nié l’avoir pris au ministère des Affaires étrangères.
La procédure judiciaire a été très inhabituelle : elle s’est déroulée non pas dans une salle d’audience, mais dans la prison de Rawalpindi où Khan était détenu. Elle s’est déroulée à huis clos, ce que ses avocats ont dénoncé comme étant inconstitutionnel.
Khan a qualifié le procès de « plaisanterie » et d’imposture, car les équipes de l’accusation et de la défense étaient composées d’avocats nommés par le gouvernement et les avocats de Khan n’ont pas été autorisés à contre-interroger les témoins. Le tribunal a rejeté la demande de Khan de faire témoigner de hauts responsables de l’armée.
L’ancien conseiller de Khan, Syed Zulfiqar Bukhari, a déclaré : « Il était évident qu’il s’agissait d’une décision et d’un verdict prédéterminés, l’équipe juridique d’Imran Khan n’ayant même pas eu la possibilité de s’exprimer. Cette décision a été prise dans la hâte de condamner Imran Khan avant les prochaines élections. Les audiences n’ont pas été menées dans le respect de la légalité et nous les contesterons devant la Haute cour. »
L’adjoint de Khan, Shah Mahmood Qureshi, qui a plaidé non coupable dans la même affaire, a été condamné à dix ans de prison en vertu de la loi sur les secrets officiels. Il devait se présenter aux élections du 8 février, mais la sentence signifie qu’il est disqualifié de la vie politique.
Leurs avocats ont déclaré qu’ils feraient appel de la décision.
La peine de dix ans prononcée mardi à l’encontre de Khan est le dernier coup porté à l’ancien Premier ministre depuis qu’il a été renversé en avril 2022 et qu’il a commencé à accuser publiquement les généraux de l’armée pakistanaise d’avoir orchestré sa chute.
Bien que Khan ait été porté au pouvoir avec le soutien de l’armée, il est devenu, après sa destitution, l’un de ses critiques les plus virulents, accusant l’establishment militaire d’avoir une dent contre lui et d’avoir ordonné son emprisonnement.
Après une tentative infructueuse de le mettre derrière les barreaux, Khan a été arrêté en août après avoir été condamné à trois ans de prison dans une autre affaire de corruption. Un juge a ensuite suspendu la peine, mais Khan a été maintenu en prison après que de nouvelles accusations ont été portées contre lui concernant le câble diplomatique manquant.
Khan a nié tout acte répréhensible et a affirmé que les poursuites engagées contre lui avaient pour but de l’empêcher de se présenter aux élections, qui se tiendront le 8 février après plusieurs retards.
La campagne a déjà été entachée par des accusations de truquage avant le scrutin et par des tentatives visant à entraver et à saper le parti de Khan, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), qui reste très populaire auprès des électeurs. Les condamnations de Khan lui interdisent de se présenter, tandis que le PTI est confronté depuis des mois à une répression du gouvernement et de l’armée qui l’a empêché de faire campagne librement.
Des milliers de militants de base du parti ont été arrêtés, harcelés et empêchés d’organiser des rassemblements, tandis que presque tous les hauts responsables ont été arrêtés ou auraient subi des pressions pour quitter le parti.
La commission électorale a interdit au PTI d’utiliser son symbole emblématique, la batte de cricket, ce qui, selon le parti, est un stratagème pour entraver sa campagne, et a empêché les candidats du PTI de se présenter. Des instructions ont été données aux journalistes et aux chaînes d’information télévisées pour qu’ils ne mentionnent pas le PTI dans le cadre de leur couverture des élections.
Selon des responsables du parti, trois membres du PTI ont été tués par une bombe dans la région du Baloutchistan, mardi, après la condamnation de Khan, alors que des partisans à moto traversaient un bazar pour assister à un rassemblement préélectoral. Personne n’a revendiqué la responsabilité de cet attentat et la police a déclaré qu’elle menait une enquête.
Après la condamnation de Khan, le secrétaire général du PTI, Omar Ayub Khan, a demandé aux membres du parti de « rester calmes et de ne pas se livrer à des activités portant atteinte à notre position traditionnelle de lutte pacifique. »
Alors que Khan risque une décennie derrière les barreaux et que le PTI fait l’objet de harcèlement et d’intimidations systématiques, les critiques et les analystes estiment que les élections de la semaine prochaine risquent d’être antidémocratiques et dépourvues de légitimité.
Il est largement admis que le favori est le triple ancien Premier ministre Nawaz Sharif, dont on dit qu’il bénéficie du soutien de l’armée.
Le dernier mandat de Sharif s’est achevé en 2017 après qu’il se soit heurté aux dirigeants militaires et qu’il ait été emprisonné pour corruption. Sharif s’est exilé à Londres, mais a été rapatrié l’année dernière, une situation largement considérée comme ayant été orchestrée par l’armée.
Les tribunaux ont récemment levé l’interdiction à vie de faire de la politique qui pesait sur Sharif, ouvrant ainsi la voie à son retour au pouvoir. L’armée a nié toute implication et a déclaré qu’elle restait apolitique.
Source : The Guardian, Hannah Ellis-Petersen, 30-01-2024
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
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Commentaire recommandé
Ou comment les militaires pakistanais qui sont compradores pour les Etats-Unis trouvent des manières de maintenir Khan hors du pouvoir pour désespéremment éviter que le Pakistan ne glisse vers les non-alignées qui refusent le diktat américain et (ce terme est devenu imfâmant) occidental.
L’ex-diplomate indian Bhadrakumar a eu écrit au sujet des manips américaines dans les chroniques de son blog (indianpunchline)
5 réactions et commentaires
Ou comment les militaires pakistanais qui sont compradores pour les Etats-Unis trouvent des manières de maintenir Khan hors du pouvoir pour désespéremment éviter que le Pakistan ne glisse vers les non-alignées qui refusent le diktat américain et (ce terme est devenu imfâmant) occidental.
L’ex-diplomate indian Bhadrakumar a eu écrit au sujet des manips américaines dans les chroniques de son blog (indianpunchline)
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AlerterPourquoi le Guardian en parle ? La CIA a été plus efficace que le MI6 dans un ancien « près carré » et ça picotte le fondement des goddons ?
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AlerterPeut-être, plus surement parce qu’il y a au royaume une importante diapora pakistanaise : overseas Pakistani, la 3e communauté de pakistanais en dehors du pakistan. 1 millions 500 000 pour les legaux. Sadiq Khan maire de londre en est. Sajid Javid aussi, plusieurs fois ministre 2010-2020, Sayeed Warsi etc etc. Ils occupent frequement les unes des journaux, politique comme fait divers, il est logique que les affaire de ce pays les interesse plus que nous. Quand a savoir ce que cet article fait ici… c’est un mystère, nos communautés sont différentes.
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AlerterQue l’on soit informé de cet article , me parait une chose importante concernant ce qui se joue dans le monde.
La présence d’étrangers qui s’intéressent à leur pays permet de nous sortir de l’écho des chaumières .
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AlerterLes USA sont à nouveau intervenus pour placer à la tête du Pakistan un régime qui leur soit favorable :
cf l’explication de Jeffrey Sachs https://www.youtube.com/watch?v=U_yN_zE_FCo (à 10mn 40s)
Assez incroyable.
Mais « La raison du plus fort est toujours la meilleure » (Jean de la Fontaine)…
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