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22.novembre.201622.11.2016 // Les Crises

Italie : quels scénarios pour l’après-référendum ? Par Romaric Godin

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Source : La Tribune, Romaric Godin,

Le « non » reste en tête dans le référendum constitutionnel prévu le 4 décembre prochain en Italie. Que se passera-t-il après le vote ? Revue des scénarios possibles.

C’est une bonne nouvelle pour Matteo Renzi. La croissance italienne s’affiche au cours du troisième trimestre 2016 à 0,3 %, autant qu’en zone euro et, pour la première fois depuis début 2009, l’Italie fait mieux que l’Allemagne sur un trimestre. Mais c’est sans doute une maigre consolation, car ce rayon de soleil jaillit de sombres ténèbres : le référendum prévu le 4 décembre prochain sur les réformes constitutionnelles qu’il a proposées s’annonce très difficile pour lui. Et il y a fort à parier que les Italiens n’ont pas réellement senti les effets d’une croissance qui demeure faible et peu fondée sur une amélioration de leurs conditions d’existence.

Ce que disent les sondages

Les sondages en tout cas sont sans appel : le « non » aux réformes constitutionnelles dispose d’un large soutien, souvent en progression. La dernière enquête, réalisée le 14 novembre par EMG, donne 39,2 % d’intentions de vote pour le « non » contre 34,9 % pour le « oui » et 25,9 % d’indécis. Celle réalisée le 12 novembre par Winpoll pour Huffington Post Italia donne 52,5 % pour le « non » et 47,5 % pour le « oui ». Ixè, le 11 novembre, attribue une avance de trois points au « non » : 40 % contre 37 % avec 23 % d’indécis. Enfin, pour Index Research, le « non » était à 52,8 % des intentions de vote le 10 novembre, avec 22 % d’indécis. On le voit, le « non » a partout de l’avance, mais c’est une avance faible et le résultat dépendra évidemment du comportement des 20 à 25 % d’électeurs qui n’ont pas encore fait leur choix. Le problème pour Matteo Renzi est cependant que, selon de nombreuses enquêtes, les indécis choisissent davantage le « non ».

Victoire du « oui », victoire de Matteo Renzi ? Oui, mais…

Reste à savoir ce qui se passera réellement au lendemain du 4 décembre. Si le « oui » l’emporte le 4 décembre, Matteo Renzi en sortira singulièrement renforcé. Il aura remporté le scrutin presque seul contre la quasi-totalité du monde politique, y compris une partie de sa majorité et de son propre parti, le Parti démocrate (PD). Il pourra alors achever sans difficulté son mandat jusqu’en février 2018, date des prochaines élections législatives qu’il abordera dans de bonnes conditions puisque « sa » victoire lui permettra sans doute d’éliminer son opposition interne au PD.

La question de la loi électorale

Seule ombre au tableau : la loi électorale qui est un complément des réformes soumises au référendum. Cette loi, appelée « Italicum », doit en effet assurer une majorité absolue à la future chambre des députés qui sera désormais la seule devant laquelle le gouvernement italien sera responsable. Elle prévoit de donner la majorité absolue des sièges au parti ayant obtenu 40 % au premier tour ou ayant obtenu la majorité lors d’un ballotage opposant les deux premiers partis du premier tour si aucun n’a obtenu lesdits 40 %. Cette loi est cependant soumise à la cour constitutionnelle qui a annoncé qu’elle se prononcera sur sa légalité après cette loi électorale après le scrutin référendaire. Le risque d’une inconstitutionnalité n’est pas à écarter, les deux tribunaux de Messine et Turin, en février et juillet dernier, ont jugé acceptables respectivement six et deux motifs d’illégalité de la loi, notamment le principe du ballottage.

Les élections de 2018 ne sont pas gagnées, même en cas de « oui »

Si la loi est validée par la cour, Matteo Renzi aura réalisé un « grand chelem » et sera en position idéale avant 2018. Sinon, tout dépendra des motifs retenus par la cour, mais l’Italicum devra être corrigé. Or, ceci devrait donner lieu à de vives passes d’armes au parlement. La minorité du PD conteste la loi et l’opposition risque de crier à la manipulation. Modifier une loi électorale à proximité du scrutin est toujours délicat. D’autant que la loi actuelle semble profiter au Mouvement 5 Etoiles (M5S) de Beppe Grillo, qui a montré sa capacité à mobiliser les oppositions à Matteo Renzi en cas de ballotage. Il est à noter, du reste, que, même en cas de « oui », l’élection de 2018 est loin d’être gagnée pour le PD et Matteo Renzi. Et, avec l’application de la réforme constitutionnelle et de l’Italicum, le M5S qui est faible dans certaines régions italiennes, dispose d’un levier pour pouvoir gouverner le pays en 2018. Ce qu’il a beaucoup moins en cas de victoire du « non ». Une fois passé l’euphorie de la victoire, Matteo Renzi restera donc sous pression durant les 14 prochains mois dans un contexte économique qui reste difficile.

Si le « non » l’emporte, Matteo Renzi devra démissionner

 

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Pierre // 22.11.2016 à 09h28

J’ai souvent été frappé de voir, lors de mes nombreux déplacements dans ce pays, combien l’Italie a toujours été un « révélateur » d’un futur prévisible pour la France.

Dans beaucoup de domaines, elle a montré – avec quelques années d’avance – la direction vers laquelle se dirigeait notre pays : souvent pour le pire (réformes institutionnelles et territoriales incessantes, peopolisation de la vie politique, influence hypnotique des médias, corruption endémique…etc) et, plus récemment, pour le meilleur; je pense à la prise de conscience récente, par une part significative de la population, des effets néfastes de la construction européenne – y compris dans le sud bénéficiaire des fonds structurels, d’une crise migratoire voulue par en haut, et d’une trahison des élites…
Cela reste de l’ordre du ressenti, au travers de discussions sporadiques ou de l’actualité, mais il me semble que le vent est – en Italie aussi – entrain de tourner.

Quid de la France ? A la remorque, comme toujours : les français restent majoritairement en-deça et le réveil de l’opinion n’en est pour l’heure qu’à ses prémices (cf.le choix de Fillon en tant que candidat « hors-système »…mdr). « Les français sont des veaux » disait De Gaulle…
Mais cela est quand même porteur d’espoir. J’espère. Patience.

6 réactions et commentaires

  • kleio // 22.11.2016 à 09h05

    Sur les gouvernements techniques, nous savons comment ça finit: http://alencontre.org/economie/italie-et-en-grece-ce-que-marx-disait-du-%C2%ABgouvernement-technique%C2%BB.html . C’est pourtant l’option qui se dessine palais du Quirinal, mais il ne faut pas oublier que Mattarella est le père du scrutin majoritaire en Italie et de la « bipolarisation » (foirée) de la vie politique italienne, à travers le « Mattarellum » (1993-2005), et donc l’échec de Renzi sera aussi le sien.

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  • Pierre // 22.11.2016 à 09h28

    J’ai souvent été frappé de voir, lors de mes nombreux déplacements dans ce pays, combien l’Italie a toujours été un « révélateur » d’un futur prévisible pour la France.

    Dans beaucoup de domaines, elle a montré – avec quelques années d’avance – la direction vers laquelle se dirigeait notre pays : souvent pour le pire (réformes institutionnelles et territoriales incessantes, peopolisation de la vie politique, influence hypnotique des médias, corruption endémique…etc) et, plus récemment, pour le meilleur; je pense à la prise de conscience récente, par une part significative de la population, des effets néfastes de la construction européenne – y compris dans le sud bénéficiaire des fonds structurels, d’une crise migratoire voulue par en haut, et d’une trahison des élites…
    Cela reste de l’ordre du ressenti, au travers de discussions sporadiques ou de l’actualité, mais il me semble que le vent est – en Italie aussi – entrain de tourner.

    Quid de la France ? A la remorque, comme toujours : les français restent majoritairement en-deça et le réveil de l’opinion n’en est pour l’heure qu’à ses prémices (cf.le choix de Fillon en tant que candidat « hors-système »…mdr). « Les français sont des veaux » disait De Gaulle…
    Mais cela est quand même porteur d’espoir. J’espère. Patience.

      +21

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    • GUS // 23.11.2016 à 09h57

      J’en ai marre de ces français qui pleurnichent toujours sur leur pays parce que les choses ne vont pas dans leur sens. Pour mémoire cela fait 20 ans que les français sont injuriés par leurs élites et montré du doigt par la presse internationale parce qu’ils résistent à la mondialisation heureuse et sont des laïcard ringards. Généralement, on dit que les Français sont des veaux précisément à cause de ça et vous êtes, Pierre, pour la presse mainstream, un veau du plus bel acabit.
      Les Français ont voté non à 55% contre le traité européen en 2005, il me semble plutôt qu’ils étaient en avance sur l’évolution historique.
      Les élites françaises sont des vaches, par contre ça c’est sûr.

        +7

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  • christiangedeon // 22.11.2016 à 12h32

    J’ai pour l’Italie et son peuple une …affection qui ne s’est jamais démentie depuis près de cinquante ans.Ce pays,qui a été livré à la Mafia,au sens propre du terme,à partir de 1943 (la mafia jouant exactement le même rôle que les talibans contre l’urss,comme quoi la politique américaine a toujours été constante),ce pays a su,malgré tout continuer à nous épater,avec son tissu de TPE et de PME à nul autre pareil,avec sa capacité d’adaptation,et son génie si particulier. On a beaucoup et quelque fois à juste titre critiqué Berlusconi en se gaussant des italiens…la paille et la poutre,en fait.L’immense erreur a été Draghi » qui a sauvé le peule de Berlusconi » alors que ,pour ce qui me concerne,c’est un voyou en col blanc,et des pires.Devons nous rappeler qu’il a été quasiment imposé par le nouveau Reich germano européen? Moi,je souhaite bon vent à Renzi,courageux,et qui pourrait couler des jours heureux ailleurs…Forza Italia! Auguri!

      +11

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  • RGT // 22.11.2016 à 18h41

    Je me souviens que, dans les années 70, un ami italien de mes parents m’avait décrit sommairement les dessous de la politique telle que le concevaient les italiens : Un état et un gouvernement en lambeaux, sans majorité réelle et constitué d’alliances totalement aberrantes qui passaient leur temps à s’entre-tuer.

    Je lui avais demandé la raison de ce comportement pour le moins étrange.

    Il me répondit que les italiens souhaitaient par dessus tout se protéger d’un état trop fort qui pourrait porter atteinte à leurs libertés.
    Avec un pouvoir faible, le peuple est fort.
    La période fasciste avait laissé des traces indélébiles chez les italiens et ils ne voulaient plus revoir un pouvoir « fort ».

    Et même s’il n’était pas marxiste, il lui arrivait de voter pour le PCI pour contrer la formation d’un gouvernement « viable ».

    Ça a bien fonctionné jusqu’à ce que l’UE s’en mêle et impose à ce pays des « réformes constitutionnelles » qui allaient totalement à l’encontre des désirs de ce peuple.

    Et malgré cette réforme, les vielles habitudes n’ont pas traîné pour resurgir.

    Les italiens, avec leurs gouvernements fantoches, n’étaient-ils pas bien plus libres et heureux qu’aujourd’hui ?

      +9

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  • alain // 22.11.2016 à 23h53

    Rèsidant en Italie depuis 25 ans, je la considère comme ma deuxieme patrie. je supporte la visione de Beppe grillo et Casalegio avec la creaton du mouvement 5 stelle qui offre une rèel alternative à la dèmocratie reprèsentative qui dèmontre chaque jours ses limites et son agonie. Le mouvement de participation dèmocratique qu’est le mouvement 5 stelle est la base d’une nouvelle « renaissance » dont nous percevrons la puissance dans un lointain futur mais qui fait ses premiers pas……

      +4

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