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31.août.202431.8.2024 // Les Crises

L’arrêt de la CIJ contre l’occupation israélienne est une bombe à retardement

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L’avis consultatif de 83 pages publié vendredi dernier par la Cour internationale de justice de La Haye concernant l’occupation du territoire palestinien par Israël est, comme le dit le cliché, un tremblement de terre juridique. La Cour a explicitement déclaré que la présence israélienne dans les territoires palestiniens occupés et la domination qu’elle y exerce sont illégales – et cela inclut Jérusalem-Est, au cas où les Israéliens et d’autres gens auraient oublié que le bassin sacré est sous occupation. [Le bassin sacré, ou bassin historique, est un terme israélien moderne désignant une zone géographique à Jérusalem qui comprend la vieille ville et ses territoires adjacents, NdT] Israël a l’obligation légale de mettre fin à cette occupation prolongée, a statué la Cour. Ce faisant, la CIJ a mis fin au grand mensonge israélien, qui cherche à profiter des prérogatives d’un occupant militaire sans être soumis aux limitations et obligations imposées à un occupant par le droit international.

Source : Dawn, Michael Sfard
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le Juge Nawaf Salam, Président de la Cour internationale de justice, rend son arrêt sur le caractère illégal de l’occupation israélienne du territoire palestien. La Haye 19 juillet 2024. (Photo de Nick Gammon/AFP via Getty Images) Source Getty images

La CIJ a également établi qu’Israël procède à des transferts forcés de communautés et d’individus palestiniens dans les territoires occupés – un crime de guerre qui, lorsqu’il est commis de manière systématique ou généralisée, constitue un crime contre l’humanité, autrement dit, une catégorie de crimes encore plus grave. La Cour a constaté qu’Israël n’empêche ni ne punit la violence des colons, qu’il exproprie des terres publiques et les colonise en les attribuant à des colons, qu’il a annexé Jérusalem-Est et qu’il annexe de grandes parties de la Cisjordanie – principalement la zone C selon les accords d’Oslo, laquelle constitue environ 60 % du territoire de la Cisjordanie – en violation directe d’une interdiction claire et fondamentale du droit international. Plus grave encore, la Cour a établi qu’Israël pratique un système de ségrégation raciale, voire même d’apartheid, dans les territoires occupés. En outre, la Cour a estimé qu’Israël devait réparer les torts causés aux victimes palestiniennes, notamment par la restitution de leurs terres et leurs biens lorsque cela est possible et en les indemnisant lorsque la restitution n’est pas possible.

Cette décision constitue bel et bien un tremblement de terre sur le plan juridique. Tout ce que les organisations de défense des droits humains et les juristes, tant en Israël-Palestine que dans le reste du monde, soutiennent depuis des années a maintenant été validé par la plus haute institution juridique internationale au monde.

La CIJ a mis fin au grand mensonge israélien, qui cherche à jouir des pouvoirs d’un occupant militaire sans être soumis aux limitations et obligations imposées à un occupant par le droit international. MICHAEL SFARD

Mais les tremblements de terre en droit international sont plutôt des tremblements de terre à retardement. Contrairement à un tribunal d’État dont les décisions ont un effet immédiat – quelqu’un va en prison ou une politique gouvernementale est stoppée net – un avis consultatif de la Cour internationale de justice s’infiltre dans la réalité politique et l’influence de manière rampante et par étapes. En ce sens, peut-être que plutôt qu’un tremblement de terre, cela ressemble davantage à un nuage qui avance lentement et vient recouvrir le soleil.

Ainsi, au lendemain de la publication de l’avis, on peut avoir l’impression que, fondamentalement, rien n’a changé, que l’occupation n’a pas bougé d’un pouce, qu’elle est aussi bien ancrée et stable qu’avant la publication de cet avis consultatif à La Haye. Mais ce n’est pas vraiment le cas. L’impact de cet avis se manifestera par des répliques.

Cela se fera sentir au niveau des avocats, des conseillers juridiques et des autres personnes qui, à partir de maintenant, conseilleront et guideront les gouvernements, les agences internationales et les autres entités qu’ils représentent sur la base du droit international, en transposant les décisions de la CIJ concernant l’occupation israélienne en interdictions de mener certains actes et en obligations d’en mener d’autres dans leur relation avec Israël. A titre d’exemple, la CIJ a ainsi clairement précisé que l’obligation des tiers – à savoir tous les pays du monde et les Nations Unies – dépasse le simple fait de ne pas reconnaître la présence illégale d’Israël dans les territoires palestiniens occupés. Ils sont également tenus de s’abstenir de toute action susceptible d’aider Israël à poursuivre sa domination dans ce territoire – comme l’indique l’avis consultatif : « Ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par la présence illégale d’Israël dans le territoire palestinien occupé. » Les États devraient au contraire passer au crible toutes leurs relations avec Israël et s’assurer que leurs relations commerciales ou diplomatiques n’aident pas directement ou indirectement Israël dans ses efforts d’annexion et son projet de colonisation. Dans le cas contraire, ils seraient en violation flagrante du droit international.

Tout ce que les organisations de défense des droits humains et les juristes, tant en Israël-Palestine que dans le reste du monde, soutiennent depuis des années est désormais validé par la plus haute institution juridique internationale du monde. MICHAEL SFARD

C’est pourquoi l’avis de la CIJ constitue un séisme juridique. Dans les semaines et les mois à venir, plusieurs pays seront contraints de reconsidérer la nature de leurs relations avec Israël, qu’elles soient commerciales, militaires, économiques et/ou diplomatiques. En apparence, leur devoir est de faire la distinction entre Israël aux frontières de la Ligne verte – les lignes de l’armistice de 1949 – et les colonies dans les territoires palestiniens occupés. Mais lorsque le gouvernement israélien lui-même efface la Ligne verte, les bouleversements dans les relations pourraient également affecter Tel-Aviv.

Lorsque ce sont les mêmes institutions israéliennes qui opèrent en Cisjordanie et en Israël – qu’il s’agisse de l’armée israélienne, de l’autorité foncière israélienne ou de l’autorité des antiquités, lesquelles pourraient étendre le champ d’action de leur pouvoir pour y inclure la Cisjordanie en vertu d’un nouveau projet de loi proposé par le gouvernement actuel – il pourrait s’avérer difficile pour un autre pays de mener à bien un projet commun avec celles-ci. Même si ce projet se limite géographiquement à la ligne verte, il pourrait être en violation de l’interdiction de la CIJ de prêter aide ou assistance au maintien de l’occupation illégale par Israël. Et même si on peut couper les cheveux en quatre, certains pays préfèreront sans doute éviter le casse-tête que représente le fait de s’assurer que les effets de leur coopération commerciale ou culturelle avec Israël restent bel et bien cantonnés à Israël.

Grâce à son pouvoir tout particulier, la loi peut parfois agir comme un atout face aux blocages créés par les intérêts politiques. Par sa clarté et sa portée, le droit est dans certains cas à même de provoquer une action, ou d’empêcher une action, qui autrement ne serait déterminée que par une volonté politique ténue, ou l’absence de volonté. Dans le cas présent, le droit international relatif à l’occupation israélienne, tel qu’énoncé par la CIJ, devient un nouvel instrument puissant qui s’ajoute à la politique, à l’économie et à la puissance militaire, entre autres, dans la matrice des forces qui détermineront le sort de ce conflit. Les dirigeants politiques du monde entier, y compris à Washington, qui trouvent difficile de critiquer la politique israélienne et qui, par leur action ou leur inaction, ont contribué à faire perdurer l’occupation israélienne, ont désormais une excellente raison de changer de cap. Ils peuvent tout simplement dire : « Je n’ai pas le choix, c’est une question de droit. C’est ce que la loi impose.»

Michael Sfard, avocat israélien spécialisé dans les droits humains et auteur de The Wall and the Gate : Israel, Palestine, and the Legal Battle for Human Rights, est boursier de DAWN (Democracy for the Arab World Now ).

Source : Dawn, Michael Sfard, 23-07-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

MARLIER Micheyle // 31.08.2024 à 17h32

Et les mandats d arrêt internationaux contre Netanyahu et son ministre genocidaire?
Ou en est on?
Tout ce gouvernement mérite d être jugé et emprisonné…

12 réactions et commentaires

  • Gracques // 31.08.2024 à 08h10

    Amen !
    Mais il va falloir aider le ciel, je vois que Macron détourné la tête.

      +16

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  • Lysiann2 // 31.08.2024 à 09h19

    Bonjour,
    Sans blocus et sanctions économiques, sans arrêt de fournitures et armements militaires, Israël continuera a intensifier sa politique de conquête pour réaliser son rêve de grand Israël et en chasser ou tuer tous les habitants non juifs de la Palestine.

      +18

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  • Hiro Masamune // 31.08.2024 à 09h56

    Le droit n’existe pas sans la force pour l’appliquer.
    C’est bien de le rapeller, le droit, mais si on compte sur ce qui sert de justice locale pour l’appliquer c’est se bercer d’illusions.

      +22

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    • Bouddha Vert // 31.08.2024 à 17h56

      Il me semble qu’avant l’émergence économique, financière, culturelle du grand sud votre jugement était cynique mais réaliste.
      Si on regarde autours de soi, le monde a changé, un tel arrêt de justice s’il est enfreint vous éloigne de la majorité des pays, mais désormais d’une partie de la finance du sud, des matières premières essentiellement au sud, des sociétés qui globalement changent et veulent se défaire de l’ancien ordre qui les freine.
      Bon vent

        +6

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  • petitjean // 31.08.2024 à 10h16

    Et alors ! Que va-t-il se passer ?

    le régime criminel d’Israël va-t-il se soumettre aux décisions de l’ONU et de la Cour Internationale de Justice ?

    Evidemment NON !!

    « un tremblement de terre » , sans blague , mais c’est se moquer du monde ! Israël tuent en toute impunité, pratique le nettoyage ethnique pour réaliser son projet : « Le Grand Israël  »

    Toujours soutenus par les USA et avec ses puissants réseaux, Israël fait ce qu’il veut

      +21

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  • Koui // 31.08.2024 à 14h27

    Les anglo-saxons sont spécialistes du détournement du droit. Cet arrêt de la CIJ n’aura donc aucune conséquence sur l’occupation de la Palestine. Il se peut que cette décision soit par contre fatale a la CIJ sous sa forme actuelle. Après tout, la critique d’Israël peut être interprétée comme un acte antisémite.

      +9

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    • La Mola // 31.08.2024 à 17h51

      il faudrait arrêter de galvauder la notion d’antisémitisme à tort et à travers pour prétendre interdire l’opposition à des crimes bien réels : colonisation de peuplement, saccage du territoire, nettoyage ethnique, apartheid !

      cette notion n’est pas applicable aux seuls adeptes d’une religion, quelle que soit leur origine « ethnique », mais concerne les locuteurs d’une « langue sémitique » – selon la définition des dictionnaires

      quant à la CIJ, ne pas oublier que la grande majorité des états membres de l’ONU sont en accord avec sa décision, et que TOUS les autres devraient se méfier de leur déni, qui ne peut pas déboucher sur quoi que ce soit de positif à terme

      en attendant, ça en fait des victimes du suprémacisme occidental ! c’est à elles que va mon soutien./

        +8

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    • Fritz // 01.09.2024 à 12h38

      Les victimes de l’antisémitisme dans les années 1930 et 40 étaient les Juifs européens, notamment les Ashkénazes. Nous sommes en 2024. Les premières victimes de l’antisémitisme aujourd’hui sont un peuple sémite décimé dans son ghetto de Gaza, j’ai nommé : le peuple palestinien.

        +7

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  • JLT // 31.08.2024 à 15h28

    La Cour n’a pas le temps de s’occuper de l’occupation du Haut Karabagh par l’Azerbaijian

      +2

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  • Zaza // 31.08.2024 à 15h57

    Je ne suis pas d’accord : la cour justice international declare le vendredi 19 juillet 3024 que Israel est l’occupant des Territoires Palestiniens, en prenant le sol, lla terre, les champs, les animaux, les maisons, les hommes ..
    La CJI demande aux Etats et à leurs moindre organisations de faire perdurer l’occupation israelien de la moindre chose. Et la sanction va passer (Tribunal internationnal contre un chef d’etat, pourquoi pas ?)
    Actuellement, il faut le cessé-feu. Tout le monde le veut. Enfin, les gens. La CJI a donné un coup de pouce. On le sait. Et le President Francais est un lâche : un ministre Affaires Etrangeres démissionne depuis 1 moins et demi, impossible de fermer une ambassade, bloquer des caisses d’armes, des avions, un operateur internet …
    Bon. Je ne sais qu’envoyer un papier a l’Elysée ( à part n’acheter carfour, etc …)
    Pour

      +3

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  • MARLIER Micheyle // 31.08.2024 à 17h32

    Et les mandats d arrêt internationaux contre Netanyahu et son ministre genocidaire?
    Ou en est on?
    Tout ce gouvernement mérite d être jugé et emprisonné…

      +32

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    • Vincent // 02.09.2024 à 21h55

      Bonsoir,

      Le lobby Israélien a pris le contrôle du congrès Américain, il soutient le partie d’extrême droite de Netanyahu. Je pense qu’il craint – plus que tout la disparition d’Israel – et ferme les yeux sur ce qu’il se passe et pousse les USA a soutenir la guerre.
      Les USA protègent Netanyahu pour l’instant meme s’il s’ils sont embarrassés par sa « méthode » … ils ne reconnaissent pas la CIJ …

      L’Iran qui n’est pas innocent joue l’usure en soutenant le Hamas, Hezbollah, Houthis, et n’aide pas la résolution du conflit.

      Quoi qu’on en dit, Israel s’épuise inexorablement et la société risque d’imploser. Son économie s’effondre, le peuple est épuisée par la guerre.

      Ce n’est pas tenable dans le temps mais chaque partie est accroché à l’usure de l’autre.

        +4

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