A la fin de 1996, l’impression s’est répandue, ou a été répandue, qu’il avait été décidé, d’une manière ou d’une autre, d’étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. Et ce, en dépit du fait qu’aucune décision officielle ne peut être prise avant le prochain sommet de l’alliance, en juin.
Source : The New York Times, George F. Kennan
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
A la fin de 1996, l’impression s’est répandue, ou a été répandue, qu’il avait été décidé, d’une manière ou d’une autre, d’étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. Et ce, en dépit du fait qu’aucune décision officielle ne peut être prise avant le prochain sommet de l’alliance, en juin.
Le moment de cette révélation – coïncidant avec l’élection présidentielle et les changements consécutifs de personnalités responsables à Washington – n’a pas permis à l’étranger de savoir comment et où insérer un modeste commentaire. L’assurance donnée au public que la décision, même préliminaire, était irrévocable, n’a pas non plus encouragé les opinions extérieures.
Mais quelque chose de la plus haute importance est en jeu ici. Et il n’est peut-être pas trop tard pour avancer un point de vue qui, je crois, n’est pas seulement le mien, mais est partagé par un certain nombre d’autres personnes ayant une expérience étendue et, dans la plupart des cas, plus récente, des questions russes. Ce point de vue, dit sans ambages, est que l’élargissement de l’OTAN serait l’erreur la plus fatale de la politique américaine de toute l’ère de l’après-Guerre froide.
On peut s’attendre à ce qu’une telle décision enflamme les tendances nationalistes, anti-occidentales et militaristes de l’opinion russe, qu’elle ait un effet négatif sur le développement de la démocratie russe, qu’elle rétablisse l’atmosphère de la Guerre froide dans les relations Est-Ouest et qu’elle oriente la politique étrangère russe dans des directions qui ne nous conviennent pas. Enfin, et ce n’est pas le moins important, cela pourrait rendre beaucoup plus difficile, voire impossible, la ratification par la Douma russe de l’accord Start II et la réalisation de nouvelles réductions des armements nucléaires.
Il est, bien entendu, regrettable que la Russie soit confrontée à un tel défi à un moment où son pouvoir exécutif se trouve dans un état de grande incertitude et de quasi-paralysie. Et c’est doublement regrettable si l’on considère l’absence totale de nécessité de cette démarche. Pourquoi, avec toutes les possibilités prometteuses engendrées par la fin de la Guerre froide, les relations Est-Ouest devraient-elles être centrées sur la question de savoir qui serait allié avec qui et, par conséquent, contre qui dans un futur conflit militaire fantaisiste, totalement imprévisible et des plus improbables ?
Je sais, bien sûr, que l’OTAN mène des pourparlers avec les autorités russes dans l’espoir de rendre l’idée d’expansion tolérable et acceptable pour la Russie. On ne peut, dans les circonstances actuelles, que souhaiter le succès de ces efforts. Mais quiconque prête une attention sérieuse à la presse russe ne peut manquer de constater que ni l’opinion publique ni le gouvernement n’attendent l’expansion proposée pour y réagir.
Les Russes sont peu impressionnés par les assurances américaines selon lesquelles elles ne reflètent aucune intention hostile. Ils considéreraient que leur prestige (toujours primordial dans l’esprit des Russes) et leurs intérêts en matière de sécurité en pâtiraient. Ils n’auraient, bien sûr, d’autre choix que d’accepter l’expansion comme un fait accompli militaire. Mais ils continueraient à la considérer comme une rebuffade de l’Occident et chercheraient probablement ailleurs les garanties d’un avenir sûr et plein d’espoir pour eux-mêmes.
Il ne sera évidemment pas facile de changer une décision déjà prise ou tacitement acceptée par les 16 pays membres de l’alliance. Mais il reste quelques mois avant que la décision ne soit définitive. Peut-être cette période pourra-t-elle être mise à profit pour modifier le projet d’expansion de manière à atténuer les effets malheureux qu’il a déjà sur l’opinion et la politique russes.
Source : The New York Times, George F. Kennan, 05-02-1997
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation.
Commentaire recommandé
Prémonitoire.
Ce qui m’amuse(tristement) c’est l’inversion accusatoire en hitlerisme contre Poutine( mot médiatique pour dire Russie). » Haaaa ceux qui comprennent la position russe sont des capitulards munichois. »
Ben non.
Hitler, c’est nous.
C’est nous les méchants. Pas d’erreur.
Hitler avait réoccupé la Rhur, puis réarmé, puis assisté la rébellion fasciste espagnole, puis envahi la Tchécoslovaquie, puis l’Autriche. Il pensait que ça passerait pareil avec la Pologne.
L’ouest a violé sa parole et a avancé 3 fois l’OTAN jusqu’à la frontière russe. L’OTAN a financé et arme une rébellion ukrainienne, lui a fait prendre le pouvoir et a transformé le pays en fer de lance anti russe. Les membres de l’OTAN ont renié trois fous leur parole aux Russes, sortie de crise, Minsk I et II. L’OTAN a installé 30000 hommes en Ukraine et des systèmes missiles à la frontière russe.
Et dernier en date, viol par l’Allemagne de ses engagements écrits de réunification.
Les faits et leur chronologie sont têtus.
La Bête, le Méchant de l’affaire, c’est nous.
15 réactions et commentaires
Rien à redire à cette prophétie du grand diplomate américain. Un an plus tard, il devait déclarer à Thomas Friedman, du New York Times, que l’élargissement de l’OTAN à l’Est est « une erreur tragique ». Michel Rocard avait lui aussi mis en garde contre cette extension. Tous les autres ont laissé faire par indifférence, conformisme et lâcheté intellectuelle, et nous voici au bord du gouffre, juste avant « le Jour d’après ».
https://www.nytimes.com/1998/05/02/opinion/foreign-affairs-now-a-word-from-x.html
Pour ma part, je m’étais étonné au début des années 1990 du maintien de cette organisation de guerre froide, et du rapprochement de la France avec ladite organisation. Ce n’est pas en 2009, mais en 1995 que la France est rentrée dans l’OTAN, sous les auspices d’un antigaulliste notoire : Jacques Chirac.
+32
AlerterÉtonnant comme cette désinformation a la vie dure : la France pays fondateur (et demandeur) de l’OTAN ne l’a jamais quitté. Elle a juste quitté quelque temps le commandement intégré. C’est donc une erreur ou pire un mensonge à visées manipulatoires de continuer à affirmer que le rapprochement de la France avec cette organisation serait récent.
Tandis que continuer à présenter l’OTAN comme une organisation qui ne visait qu’à nuire aux intérêts de l’ex-URSS est une vision bien partisane et partielle. Absolument rien n’empêcherait par exemple la Chine ou la Russie d’y adhérer ; mais il faudrait pour cela qu’elles renoncent à leurs visées hégémoniques extraterritoriales, précisément celles contre lesquelles l’OTAN a été créée.
Un mensonge même répété 1000 fois n’en fera pas pour autant une vérité.
+9
AlerterPrémonitoire.
Ce qui m’amuse(tristement) c’est l’inversion accusatoire en hitlerisme contre Poutine( mot médiatique pour dire Russie). » Haaaa ceux qui comprennent la position russe sont des capitulards munichois. »
Ben non.
Hitler, c’est nous.
C’est nous les méchants. Pas d’erreur.
Hitler avait réoccupé la Rhur, puis réarmé, puis assisté la rébellion fasciste espagnole, puis envahi la Tchécoslovaquie, puis l’Autriche. Il pensait que ça passerait pareil avec la Pologne.
L’ouest a violé sa parole et a avancé 3 fois l’OTAN jusqu’à la frontière russe. L’OTAN a financé et arme une rébellion ukrainienne, lui a fait prendre le pouvoir et a transformé le pays en fer de lance anti russe. Les membres de l’OTAN ont renié trois fous leur parole aux Russes, sortie de crise, Minsk I et II. L’OTAN a installé 30000 hommes en Ukraine et des systèmes missiles à la frontière russe.
Et dernier en date, viol par l’Allemagne de ses engagements écrits de réunification.
Les faits et leur chronologie sont têtus.
La Bête, le Méchant de l’affaire, c’est nous.
+50
AlerterL’OTAN constitue une bureaucratie, bureaucratie avec un objet un peu inhabituel certes, mais une bureaucratie. Et en bonne bureaucratie, elle cherche inlassablement à étendre son emprise et élargir son champ d’action, et ce d’autant plus que son utilité décroît sur son périmètre originel, ce qui est le cas de l’OTAN, devenue en théorie sans objet depuis la fin du pacte de Varsovie et l’effondrement de l’URSS. Comment procéder pour calmer une bureaucratie qui pour sa survie a besoin d’accroître le périmètre sur lequel elle pourra appliquer ses (in) compétences et d’ainsi justifier son maintien pourtant peu intéressant ? La dissolution semble compliquée, qui génère trop d’ennemis au sein d’une administration ne rêvant que de multiplier les postes où (se) caser. Reste plutôt à la découper en morceaux plus aisément réductibles et moins nuisibles. Ainsi, vous pouvez demantibuler le monstre assoiffé de prérogatives et pesant toujours plus lourd sur la société qu’il parasite sans rien fournir en échange. Dans le cadre de l’OTAN, la circonscrire à son rôle initial paraît important car ses velléités d’expansion n’ont pas seulement une hausse des impôts pour conséquence. Le niveau de risques induits devient très embêtant.
+11
AlerterL’invasion de l’Ukraine par un pays qui ne veut rien d’autre que récupérer par la force ses colonies perdues prouve que non seulement on a eu raison d’y accueillir les anciens pays du Pacte de Varsovie qui ont fait des pieds et des mains pour y adhérer, mais qu’on aurait dû y admettre l’Ukraine dès le début, à l’époque où la Russie n’avait pas la force de s’y opposer.
Toutes les braves âmes qui comparent l’OTAN et le Pacte de Varsovie oublient un minuscule détail : l’OTAN, on y adhère et on en sort librement, tandis que le Pacte de Varsovie, on était FORCE d’en faire partie. Il n’y a guère que la Yougoslavie qui a fait exception, parce qu’elle a réussi à tenir l’Armée Rouge hors de son territoire, et l’Albanie en s’assurant la protection de la Chine.
+4
AlerterOmettre Des elements chronologiques clés est aussi une forme de tromperie.
Le pacte de l’Atlantique nord fut créé, dès le début, en 1949, comme une force d’agression contre l’URSS. Il ne fut jamais défensif.
En 1949. À peine 4 ans après la défaite du nazisme, et incorporant militairement l’Allemagne de l’ouest. Comment croyez vous que les russes ont pu ressentir cette trahison inique des occidentaux?
l’URSS fut néanmoins patiente, et le traité défensif en réponse à l’OTAN ne fut fondé à Varsovie que des années plus tard.
l’OTAN n’a jamais cessé son caractère agressif, même après la dissolution de l’URSS et l’abandon du socialisme par tous les pays européens, preuve que la pretendue « lutte contre le communisme » fut une tromperie.
Pour ce qui est de la « liberté de quitter l’OTAN », avez vous un exemple?
Vous citez deux exemples de pays qui, même du temps de la grandeur de l’URSS, n’ont pas adhéré ou ont pu quitter le traité de Varsovie
Quel pays occidental a pu faire de même ? Comme certains l’ont rapellé ici, même de Gaulle n’a pas eu le courage ou la capacité de se libérer entièrement de l’OTAN. Et vous oubliez bien commodément la Grèce, dont le candidat présidentiel faisant campagne contre l’OTAN fut assassiné.
+14
AlerterJe ne sais pas si l’Albanie a jamais fait partie de l’OTAN, mais Tito a réussi à ne jamais avoir un seul sołdat soviétique sur son territoire, ce qui lui a permis de rester indépendant. La Yougoslavie est le seul pays européen qui s’est libéré tout seul.
Pour ce qui est de quitter le Pacte, demandez aux allemands de l’est (1953), aux hongrois (1956), aux tchèques et aux slovaques (1968) et aux polonais (années 80) ce qu’ils en pensent.
La liberté de quitter l’OTAN est prévue dans les statuts. Quant à la liberté de ne pas y rentrer, que faites-vous de la Suisse, de la Suède et de l’Autriche ? J’excepte la Finlande, à qui pendant longtemps l’URSS a interdit d’y rentrer.
+7
AlerterQu’est ce qui vous permet d’affirmer un tel non-sens?
Quel seul acte , qu’elle seule déclaration de la Russie vous permet de prétendre qu’elle voudrait récupérer son empire ?
Qu’elle a été son agressivité envers les anciennes provinces de son empire? Les Baltes, les Stands, le Caucase ? Aucun.
Pour quelle raison le voudrait-elle? Elle a déjà bien plus de terre et de ressource dont elle a besoin au regard de sa faible population. Pourquoi s’embarrasserait elle de populations hostiles.
Votre affirmation n’est base que sur de la diffamation.
Par ailleurs, on n’a pas accueilli les pays de l’Est dans l’OTAN et l’UE, on s’est fait tordre le bras par les anglo-saxons, nuance.
Quant à vos propres sur l’entrée et la sortie de l’OTAN, ils oublient les révolutions colorés, la corruption et la coercition tous azimuts.
Le pacte de Varsovie n’a pas été dissous dans le sang me semble-t-il.
+18
AlerterBen… Contre l’Ukraine ! Contre la Géorgie. Ça ne vous suffit pas ? Plus la vente d’armes à l’Azerbaïdjan contre l’Arménie.
+4
AlerterLa paix rien que la paix.
L’otan est vu par les occidentaux comme 1 moyen de paix.
Mais vu par les russes?
Pour la paix il faut tenir compte de tout le monde.
Et vice versa
+6
AlerterJe vous recommandé de (re)voir Mars Attack.
Les petits Martiens massacrent allègrement tout le monde tandis que leurs traducteurs automatiques claironnent: » nous venons en paix ». Les trois quarts de la population mondiale voit les USA et l’OTAN ainsi.
+16
AlerterEncore merci pour rappeler ce qu’est également l’histoire de l’humanité!
Il y a une génération M Kennan établissait l’état des lieux, à la manière d’un Todd, et 25 ans plus tard on ne comprend plus rien, on a tout oublié.
+4
AlerterLes commentaires sont fermés.