- Au lendemain de la publication par le président Trump de 11 décrets réprimant l’immigration illégale, des défenseurs et une coalition d’États menée par la Californie se préparent à des actions en justice à l’encontre d’une administration qui semble avoir tiré les leçons des précédents faux pas sur le plan juridique commis au cours de son premier mandat. Au nombre des multiples mesures radicales prévues par les décrets de Trump figurent la déclaration d’une urgence nationale à la frontière sud, la révocation de la citoyenneté de naissance et la qualification des cartels de la drogue comme organisations terroristes étrangères.
- Le président Trump prononce son discours d’investiture dans la rotonde du Capitole, le 20 janvier 2025. (Julia Demaree Nikhinson / Associated Press)
Source : Los Angeles Times, Andrea Castillo
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
- Selon des experts en droit, les conseillers juridiques du président Trump semblent avoir tiré les leçons des erreurs commises au cours de son premier mandat, lesquelles avaient fait échouer certains de ses projets en matière d’immigration.
- La Californie, ainsi que 17 autres États, le district de Columbia et la ville de San Francisco, ont intenté une action en justice mardi pour contester le décret qui vise à mettre fin à la citoyenneté de naissance.
Les immigrants et ceux qui espéraient immigrer aux États-Unis sont sous le choc. Des milliers de migrants sont bloqués au Mexique pour une durée indéterminée alors que Trump a mis fin à l’utilisation d’une application téléphonique et annulé des entretiens déjà fixés depuis longtemps pour les demandeurs d’asile souhaitant entrer légalement sur le territoire. Les réfugiés afghans qui avaient été autorisés à se rendre aux États-Unis sont maintenant dans l’incertitude après que Trump a suspendu la réinstallation des réfugiés. À Chicago et dans d’autres villes du pays, les immigrés sans papiers restent chez eux par crainte des raids prévus par les services d’immigration.
Les experts en droit estiment que les discrètes révisions apportées à certains de ces décrets traduisent les efforts déployés par l’administration Trump pour contrer de manière préventive les recours en justice.
« Certaines des mesures qu’ils ont prises visent à anticiper un grand nombre des problèmes qu’ils ont rencontrés la dernière fois », a déclaré Amy Fischer, directrice du programme sur les droits des réfugiés et des migrants d’Amnesty International USA.
Les opposants aux décrets de Trump n’ont pas perdu de temps pour les contester. Une coalition comptant la Californie, 17 autres États, le district de Columbia et la ville de San Francisco a assigné le gouvernement fédéral en justice mardi en raison de la tentative de Trump de mettre fin à la citoyenneté de naissance, la qualifiant d’inconstitutionnelle et demandant à la Cour d’en empêcher l’entrée en vigueur.
L’Union américaine pour les libertés civiles a intenté une action en justice lundi soir concernant le décret sur la citoyenneté de naissance et a présenté un dossier relatif à l’annulation des entretiens pour les demandeurs d’asile à la frontière. Nayna Gupta, directrice stratégique du Conseil américain de l’immigration de tendance de gauche, a déclaré que l’organisation prévoyait également d’intenter une action en justice cette semaine pour contester le recours de Trump à l’autorité exécutive pour « suspendre l’entrée » de certains immigrants lorsque cela est considéré comme préjudiciable aux intérêts nationaux.
La possibilité de demander l’asile à la frontière entre les États-Unis et le Mexique est suspendue, selon le décret de Trump et selon ses mots « jusqu’à ce que je constate que l’invasion à la frontière sud a cessé ».
« Le tir de barrage constitué par ces décrets de Trump a pour objectif de susciter la peur, créer le chaos, induire l’anxiété et pousser nos élus à capituler et à collaborer à un programme de déportation de masse », a déclaré Naureen Shah, directrice adjointe des affaires gouvernementales à l’ACLU. « Si nous laissons Trump exercer cette sorte de mainmise mortifère sur nos collectivités pour l’application des lois sur l’immigration, il est à craindre que cela ne l’encourage à attaquer encore et encore nos droits civiques. »
Les détracteurs de longue date de l’immigration clandestine ont applaudi les mesures prises par le président. « Grâce à Donald Trump, les frontières de l’Amérique sont sur le point de devenir beaucoup plus sûres », a déclaré le représentant Darrell Issa (Républicain-District de Bonsall) dans un message publié sur X. La circonscription de Issa longe la frontière à l’est de San Diego.
Mark Green (Républicain-Tennessee), président de la commission de la sécurité intérieure de la Chambre des représentants, a déclaré dans un communiqué que « rien ne peut mieux symboliser ce nouveau jour en Amérique que la détermination inébranlable du président Trump à assurer la sécurité des frontières et à restaurer le respect des lois de notre pays ».
Certains des décrets de Trump se fondent sur ce que les opposants considèrent comme des affirmations juridiquement contestables. La citoyenneté de naissance, par exemple, est garantie par le 14e amendement de la Constitution.
« Il lui est impossible de changer cela unilatéralement », a déclaré le sénateur Alex Padilla (Démocrate-Californie) lundi soir sur CNN. « Mais il veut créer le chaos et c’est ce type de confrontation qu’il veut provoquer. »
En désignant les cartels de la drogue comme des groupes terroristes, Trump s’apprête à invoquer à leur encontre l’Alien Enemies Act de 1798. Mais l’utilisation de cette loi nécessiterait que les tribunaux acceptent que les groupes criminels puissent être considérés comme une nation en guerre contre les États-Unis. La loi sur les ennemis étrangers permet au président d’arrêter, d’emprisonner ou d’expulser des immigrants originaires d’un pays considéré comme un ennemi des États-Unis en temps de guerre.
« La question de savoir s’il s’agit d’une guerre ou d’une invasion va faire l’objet d’un contentieux, et il existe des règles de droit en défaveur du président sur ce point », a déclaré Muzaffar Chishti, chercheur principal à l’Institut de politique migratoire, un organisme non partisan.
Mais contester certaines des politiques de Trump sera un défi en soi. Fischer, d’Amnesty International, a déclaré qu’il était particulièrement difficile de dissocier efficacement les différentes mesures énoncées dans des décrets qui se recoupent et dépendent les unes des autres.
D’autres aspects des décrets ont des précédents jurisprudentiels moins probants. Fischer a évoqué la pause dans l’admission des réfugiés, une mesure prise par Trump lors de sa première présidence. Cette fois-ci, le décret prévoit que les responsables de l’immigration transmettent au président, dans un délai de 90 jours, un rapport indiquant si la reprise du traitement des demandes de réfugiés « est dans l’intérêt des États-Unis ».
Tom Jawetz, ancien procureur général du département de la sécurité intérieure sous l’administration Biden, a déclaré que la nouvelle administration de Trump est à la fois plus prudente et plus agressive que la dernière fois. Les politiques qu’il a mises en œuvre auparavant, telles que la politique « Rester au Mexique », pourraient être mises en œuvre plus rapidement et peut-être plus efficacement. En vertu de cette politique, les demandeurs d’asile doivent rester de l’autre côté de la frontière pendant que leur dossier est examiné.
Mais les dispositions les plus « exotiques » de certains des décrets n’ont quasiment jamais été mises à l’épreuve d’un point de vue juridique, a déclaré Jawetz. Lors de son discours d’investiture, Trump a déclaré qu’il déploierait l’armée dans la région frontalière pour lutter contre l’immigration clandestine.
« Le fait de confier à l’armée américaine la mission d’assurer la sécurité des frontières, combiné à une déclaration d’urgence nationale accompagnée de toute une rhétorique d’invasion, poussée à l’extrême, pourrait être totalement sans précédent et porteur de bouleversements », a déclaré M. Jawetz.
Les opposants de Trump attendent de voir les directives qui découleront des décrets. La stratégie de contestation se résumera à la manière dont les décrets seront mis en œuvre, a déclaré Jawetz.
Certaines de ces politiques ont commencé à filtrer mardi. Dans un communiqué de presse du ministère de la sécurité intérieure, Benjamine Huffman, son secrétaire a publié une directive mettant fin à l’utilisation généralisée des programmes humanitaires temporaires qui, sous la présidence de Biden, avaient été étendus pour offrir une protection juridique à 1,5 million d’immigrants. Une autre directive annule des directives de longue date qui empêchaient l’application des lois sur l’immigration dans des lieux sensibles, tels que les hôpitaux et les églises.
« Les criminels ne pourront plus se cacher dans les écoles et les églises américaines pour éviter d’être arrêtés. L’administration Trump ne liera pas les mains de nos courageuses forces de l’ordre et leur fera plutôt confiance pour faire preuve de bon sens », indique le communiqué.
Rachel Uranga, rédactrice du Times à Los Angeles, a contribué à cet article.
Source : Los Angeles Times, Andrea Castillo, 21-01-2025
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
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Commentaire recommandé
Il reste à voir la finalité de cette lutte tous azimuts contre l’immigration. Vouloir réindustrialiser les États-Unis comme l’a affirmé Trump et en parallèle stopper net l’immigration, voire même expulser des centaines de milliers de migrants entrés illégalement, tout cela aboutirait forcément à une amélioration des salaires et à un meilleur rapport de force employés/employeurs. Est-ce réellement ce que veut Trump, lui qui se définit comme pro-business et qui voit des communistes partout ? Lui qui a demandé à Musk de faire jusqu’à deux mille milliards d’économie à coups de sabre dans les dépenses publiques à travers le fameux DOGE ? Ce même Musk qui a délocalisé ses entreprises de la Californie vers le Texas, un État où l’impôt sur le revenu n’existe pas…
Il y a trop de contradictions. Même Musk a dû ruer dans les brancards pour que les travailleurs étrangers les plus qualifiés, dont il a impérativement besoin, ne soient pas privés de visas. Cette politique migratoire ne courra surement pas durant tout le mandat de Trump. Les milliardaires, pour qui les profits sont l’alpha et l’oméga, ne scieront pas la branche sur laquelle ils sont assis.
5 réactions et commentaires
Il reste à voir la finalité de cette lutte tous azimuts contre l’immigration. Vouloir réindustrialiser les États-Unis comme l’a affirmé Trump et en parallèle stopper net l’immigration, voire même expulser des centaines de milliers de migrants entrés illégalement, tout cela aboutirait forcément à une amélioration des salaires et à un meilleur rapport de force employés/employeurs. Est-ce réellement ce que veut Trump, lui qui se définit comme pro-business et qui voit des communistes partout ? Lui qui a demandé à Musk de faire jusqu’à deux mille milliards d’économie à coups de sabre dans les dépenses publiques à travers le fameux DOGE ? Ce même Musk qui a délocalisé ses entreprises de la Californie vers le Texas, un État où l’impôt sur le revenu n’existe pas…
Il y a trop de contradictions. Même Musk a dû ruer dans les brancards pour que les travailleurs étrangers les plus qualifiés, dont il a impérativement besoin, ne soient pas privés de visas. Cette politique migratoire ne courra surement pas durant tout le mandat de Trump. Les milliardaires, pour qui les profits sont l’alpha et l’oméga, ne scieront pas la branche sur laquelle ils sont assis.
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AlerterJ’ai du mal à saisir la pertinence pour un public soit français soit francophone d’articles sur des mesures domestiques de politique américaine. Pour le dire autrement: des sites américains publient-ils des traductions des aléas de mesures de politique intérieure française?
Sauf si celà fait parti des mesures connues d’américanisation d’un lectorat francophone.
Ce qui importe c’est plutôt les éventuels changements dans les mesures de nuisance à notre encontre des politiques américaines. En l’occurrence les méthodes possible d’escalade guerrière contre la Russie, qui peuvent affecter directement les sociétés européennes et donc française. Et les chantages et rackets économiques et financiers.
Il est hilarant que l’écosystème médiatique du réseau oligarchique du parti « Démocrate » dresse un tableau de tyran au personnage de Trump, alors que la quantité de guerres, destructions et violations de droits est la routine de l’autre bannière « Démocrate ». La chasse à Assange, les longues années de guerre terrible imposée à la Syrie pour un pivotement géo-stratégique, les mesures de lois racistes en Europe (contre les russes), la guerre contre la Russie.
Comme dans le cas des mesures du f{a,u}umeux think-tank du Parti Socialiste, les thèmes droits-de-l’hommiste et les découpages de poils en « genres », sont des leurres permettant d’appâter un public qui en se croyant ainsi « progressiste », reste bien gentil et inoffensif. Gobe les discours au sujet de vilains chinois,, russes, syriens, etc, ne s’occupe pas d´économie (salaires, etc) , ne fait ch*r en manifestations massives.
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AlerterVous : « reste bien gentil et inoffensif »
Il me semble que le mot « gentil » n’est pas approprié mais les mots « obéissant » ou « tranquille ». Ne sont-ils pas mieux ? Dénigré ou l’employer de manière péjoratif (car appris par mimétisme automatique) le mot « gentil » alors que nous avons besoin de plus de personnes gentilles dans un monde qui semble vouloir la violence de plus en plus.
Ainsi peut-être à cause de cela, des personnes ne veulent plus l’être car d’autres utilisent ce mot pour dire que cette qualité est une « faiblesse », est « une tare ». La gentillesse n’est pas l’obéissance ou « ne rien voir ». c’est une qualité émanant de la personne qui veut aider, qui pense à autrui sans contrepartie. Nous sommes toustes, à différents degrés, gentillos, qui permet d’avoir des relations amicales, apaisées. En l’employant de manière péjorative de plus en plus (sans réfléchir à son sens véritable et ce qu’elle nous apporte), N’allons-nous pas la faire disparaître de l’Humanité ?
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Alerterj’utilse « gentil » dans le sens ironique justement pour obéissant. Un sens dérivé courant.
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AlerterCe « sens dérivé courant » ne colle pas à la définition de « gentil » et que beaucoup de personnes l’utilisent dans ce sens (sens ironique ou non). Je pense que nous l’employons à tord en remplaçant le mot « obéissant » car cela ne reflète aucunement la définition réelle et nous associons sans s’en apercevoir à cette définition. Exemple : A un enfant qui ne veut pas obéir. « Sois gentil ! » Est-ce que c’est réellement cela, la gentillesse ?
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