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11.octobre.202311.10.2023 // Les Crises

L’identité européenne n’est pas un antidote au nationalisme

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Les partisans de l’Union européenne la qualifient souvent d’antidote au nationalisme. Pourtant, aujourd’hui, l’Union durcit ses frontières face au monde extérieur. Les citoyens ne parvenant pas à infléchir son orientation économique générale, l’UE est de plus en plus obsédée par son identité.

Source : Jacobin, Michael Wilkinson
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Les drapeaux de l’Union européenne flottent devant le bâtiment de la Commission européenne à Bruxelles, le 7 décembre 2020. (Kenzo Tribouillard / AFP via Getty Images)

Critique de l’ouvrage Eurowhiteness : Culture, Empire et Race dans le projet européen par Hans Kundnani (Hurst Publishers)

« Lorsque l’Allemagne a assumé la présidence semestrielle de l'[Union européenne] en 2020, elle a choisi le slogan « Tous ensemble pour relancer l’Europe », raconte Hans Kundnani dans son nouveau livre, Eurowhiteness. « Le gouvernement allemand avait donc adopté un slogan du type de l’administration Trump, Make America Great Again, mais, parce qu’il s’appliquait désormais à une région plutôt qu’à une nation, il imaginait que cela allait le transformer en l’opposé de ce que Trump avait eu en tête. »

Les partisans de l’UE se plaisent en effet à affirmer que le bloc continental est un antidote au nationalisme. Mais Kundnani y voit autre chose : il s’agit d’un projet qui évolue vers une politique régionale fondée sur une identité civilisationnelle. Ce régionalisme n’est pas tout à fait inédit, dans la mesure où il s’appuie sur les mythes modernes et prémodernes de l’homogénéité culturelle et de la supériorité raciale de l’Europe. Mais il marque une rupture avec le projet citoyen de l’après-guerre – une rupture qui s’est précipitée au cours des deux dernières décennies, en particulier depuis la crise de la zone euro et l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Kundnani qualifie cette nouvelle forme politique inquiétante d' »Eurowhiteness » (euro-blancheur). Il affirme que l’euroblancheur est encouragée non seulement par les habituels populistes de droite, mais aussi par les partis du centre politique qui a adopté leur rhétorique, défendant une « Europe chrétienne » ou un « mode de vie » européen face aux étrangers, qu’ils soient musulmans, russes ou originaires de pays situés aux frontières de l’Europe. Les uns renforcent les autres : tout comme nombre de pro-européens convaincus sont prêts à travailler avec les partis d’extrême droite, de Varsovie à Rome, ceux-ci se sont également revendiqués du pro-européanisme dans leur posture identitaire face aux non-Européens.

Kundnani fait habilement éclater la bulle de ceux qui idéalisent l’UE en la présentant comme un projet cosmopolite – un projet largement gonflé par des intellectuels tels que Jürgen Habermas, même quand ils s’attaquent au déficit démocratique et à l’économie politique néolibérale de l’Union. Le régionalisme européen s’apparente plutôt à un nationalisme « élargi », qui reproduit les pires aspects du chauvinisme national, de l’exclusion et de la rigueur des frontières, mais qui ne bénéficie pas des facteurs modérateurs d’un projet social ou des structures démocratiques nécessaires à sa réalisation. Le contraste traditionnel entre la volonté d’ouverture de l’UE et une histoire spécifique du nationalisme (allemand), qui ne voit dans le nationalisme qu’une source de guerre et occulte son histoire émancipatrice, fait d’ailleurs partie du problème.

Kundnani fait habilement éclater la bulle de ceux qui idéalisent l’UE en la présentant comme un projet cosmopolite.

Développant sa critique du caractère cosmopolite de façade de l’UE, Kundnani pose un diagnostic quant à sa cause sous-jacente : la néo-libéralisation de l’UE a vidé la démocratie nationale de sa substance, ne laissant dans son sillage que des simulacres de politique d’identité. S’appuyant sur les puissantes critiques existantes concernant la légitimité démocratique de l’UE, Kundnani fait le lien entre la dépolitisation et un renouvellement des formes politiques plus inquiétantes reposant sur la culture et l’ethnicité, en un mot, qui font de la « blancheur » un facteur commun de cohésion. La promesse d’une Europe citoyenne et démocratique disparaissant, c’est l’« euro-blancheur » qui l’a remplacée.

Missions civilisatrices

De quel type de substitution s’agit-il ? Quel est le lien entre « l’Euro-blancheur » et le déficit démocratique de l’UE ? Kundnani retrace la longue et fluctuante histoire des « missions civilisatrices» européennes. Lorsque les idéologies médiévales liées à la chrétienté ont été remplacées – progressivement et bien partiellement – par l’idéologie modernisatrice du siècle des Lumières avec ses conceptions raciales de l’Europe, qui a maintenu, et à bien des égards exagéré, les notions prémodernes d’exclusivité et de supériorité, la « blancheur » est devenue synonyme de « civilisé ».

Cette notion a servi à justifier l’expansion impériale, puis le racisme scientifique et l’eugénisme. Ce côté sombre de l’identité européenne, qui a connu un pic dans l’entre-deux-guerres, n’a jamais été totalement exorcisé. Mais Kundnani laisse entendre que pendant la période d’après-guerre une éthique citoyenne plutôt que civilisationnelle prédominait, elle valorisait la démocratie, l’État de droit et l’économie sociale de marché. Il estime en outre que ce courant a atteint son zénith dans la période « entre la perte des colonies européennes dans les années 1960 et le début de la crise de l’euro en 2010 ». Avec la montée en puissance du néolibéralisme dans les années 1980 et 1990, qui s’est encore intensifiée avec le nouveau millénaire et la crise financière, cet idéal citoyen s’est affaibli, tandis que les idéologies ethnico-civilisationnelles reprenaient le dessus.

Kundnani se garde bien de rejeter entièrement les Lumières. Il ne se laisse pas non plus aller à la nostalgie de l’âge d’or de l’après-guerre. En fait, il avance que la social-démocratie a masqué plutôt que corrigé les lacunes de l’Europe en matière d’intégration. Mais pour ce faire, il faudra effectuer un véritable travail afin de dégager les liens entre l’Euro-blancheur et la démocratie politique.

Le sentiment europhile traduisait également l’anxiété de l’entre-deux-guerres quant au déclin de la civilisation européenne face à la puissance géopolitique croissante des États-Unis et de la Russie.

La période de l’entre-deux-guerres en constitue le pivot fondamental. Kundnani évoque lui-même certains de ses traits saillants. C’est à cette époque, note-t-il, que les revendications des mouvements fédéralistes pro-européens sont apparus pour la première fois. Du point de vue des grandes puissances, les différents nationalismes européens étaient devenus un obstacle à la grandeur de l’Europe, entravant son destin de gouverner le monde au nom de l’humanité. Pour les aristocrates du mouvement paneuropéen, incarné par Richard von Coudenhove-Kalergi, le nationalisme était devenu « le fossoyeur de la civilisation européenne » et devait être éliminé.

Le sentiment europhile traduisait également l’anxiété de l’entre-deux-guerres quant au déclin de la civilisation européenne face à la puissance géopolitique croissante des États-Unis et de la Russie. À cette époque, Carl Schmitt a théorisé l’idée d’une Mitteleuropa allemande qui serait le fruit du catholicisme et de l’anticommunisme et qui servirait d’antidote au déclin de la civilisation, un trope partagé par de nombreux membres de la droite politique. Les contre-révolutionnaires conservateurs tels qu’Oswald Spengler, dont le Déclin de l’Occident a été publié pour la première fois en 1918, considéraient que les civilisations étaient des entités biologiques qui s’élevaient et se désintégraient naturellement.

Si l’on veut que le paneuropéisme se concrétise, il est essentiel que l’Afrique fournisse une source de matières premières et un espace physique pour permettre une exploitation coopérative par les nations européennes, plutôt que l’impérialisme compétitif qui a culminé avec la Première Guerre mondiale. Ce projet de modernisation néo-impériale porte le nom d’ « Eurafrique ».

Hormis les arguments du fédéralisme européen qui circulaient parmi les mouvements de résistance, vaincus ou endigués au lendemain de 1945, de telles conceptions reposaient souvent sur un sentiment de supériorité de l’Europe. Le paneuropéisme en est venu à adopter une attitude plus défensive à la lumière de la reconnaissance par la guerre froide de la faiblesse géopolitique relative de l’Europe, aggravée par la décolonisation. Pour les partis de gauche, ce concept allait devenir une profession de foi, tant pour les eurocommunistes que pour les sociaux-démocrates qui considéraient l’Europe comme la seule voie possible vers le socialisme.

Que ce soit sous la forme d’un moindre mal par rapport à l’Etat-nation, d’une eschatologie scalaire soutenue par la promesse d’une « Europe sociale » portée par le président de la Commission Jacques Delors, ou d’un élan technocratique plus général, le courant europhile a conduit la gauche dans un labyrinthe d’impasses. À la fin du vingtième siècle, il prend des formes plus édulcorées, mais les libéraux, émerveillés par son soft power et son apparente stabilité politique, proclament que l’Europe est un modèle pour les nations du monde. On retrouve des échos de ce sentiment chez ceux qui affirment que l’adhésion à l’UE est essentielle pour entretenir son influence dans le monde ou, tout au moins, pour enrayer son déclin. Mais pour chacune de ces raisons, depuis son tout début jusqu’à aujourd’hui, « le projet européen ne se limitait pas au seul enjeu de la paix, comme les pro-européens de l’après-guerre l’ont souvent prétendu par la suite. Il s’est toujours agi également d’une question de pouvoir ».

Le messianisme des projets de paix est expédié sans indulgence par Kundnani, notamment en raison de la violence perpétrée par les principaux États européens après la Seconde Guerre mondiale, en particulier par la France lors de la répression brutale de l’indépendance algérienne et de la guerre d’Indochine. Avec la fin du droit international public à « l’ère européenne », caractérisée par la nouvelle géopolitique de la guerre froide, la construction européenne au cœur de l’empire peut être comprise comme le réflexe de la décolonisation à la périphérie de l’empire. Au fur et à mesure que la France se préoccupait du sort de ses colonies, elle se tournait vers l’intégration européenne pour tenter de maintenir son statut géopolitique. Les colonies françaises et belges ont été intégrées au marché commun, avec toutefois des restrictions en matière de migration de la main-d’œuvre, préfigurant ainsi le programme d’élargissement à l’Est qui sera mis en œuvre plusieurs décennies plus tard.

Comme le montre Kundnani, l’Europe, indépendamment de sa propre perception et de sa rhétorique, n’a pas rompu avec sa mission « civilisatrice » de la fin du XIXe siècle. La conviction d’avoir pleinement tiré les leçons de l’histoire lui a permis de la poursuivre sous une forme modifiée. L’Holocauste allait jouer un rôle clé, la « culture mémorielle » de l’Europe se repliant sur elle-même et sur son territoire, mettant l’accent sur les actes de cruauté commis à l’intérieur, tout en négligeant ceux commis à l’extérieur.

Le fascisme était présenté comme une souillure exceptionnelle sur une biographie par ailleurs sans tache, et non comme inexorablement enraciné dans son histoire de colonialisme, comme l’avait affirmé Hannah Arendt, ou de faire partie de la civilisation européenne, comme l’avaient laissé entendre Theodor Adorno et Max Horkheimer. Paradoxalement, le nazisme sera également perçu comme non exceptionnel, confondu avec un totalitarisme ordinaire qui englobe l’Union soviétique de Joseph Staline.

Le régionalisme européen s’apparente plutôt à un nationalisme « élargi », qui reproduit les pires aspects du chauvinisme national, de l’exclusion et de la rigueur des frontières, mais qui ne bénéficie pas des facteurs modérateurs d’un projet social.

L’UE d’après-guerre est ainsi devenue, selon les termes de Kundnani, un « vecteur d’amnésie de notre empire ». Mais il prend soin de ne pas la considérer uniquement sous cet angle. Elle a également pris la forme, selon lui, d’une « mission technocratique ». Il s’agit là d’un point essentiel, qui conduit à se demander si un état d’esprit technocratique est tout simplement compatible avec une mission citoyenne démocratique.

Kundnani considère « le mode de gouvernance dépolitisé incarné par l’UE », ainsi que l’économie sociale de marché et l’État-providence de l’après-guerre, comme un élément de la gouvernance citoyenne. Ses doutes à ce sujet se dévoilent par la suite lorsqu’il affirme que l’antidote au régionalisme ethnique est une « repolitisation de la politique économique », en vue d’inverser le tournant civilisationnel du projet européen. En d’autres termes, une Europe démocratique se doit de redonner à la politique la place qui est la sienne, la première. Quand une telle Europe a-t-elle existé ?

Généalogie du néolibéralisme

Kundnani a certainement raison quand il présente le glissement de l’Europe vers les politiques identitaires comme une conséquence de la néo-libéralisation et en particulier de son penchant à la dépolitisation. Mais ce n’est pas un phénomène qui ne serait apparu qu’au cours des dix ou vingt dernières années. Tout en prenant en compte la longue tradition de la « blancheur », depuis le christianisme jusqu’à l’impérialisme moderne, Eurowhiteness accorde moins d’attention à la tradition à plus long terme du néolibéralisme.

Le paneuropéisme est né de la volonté de préserver la position des élites dirigeantes européennes vis-à-vis non seulement du monde extérieur, mais aussi de la menace intérieure que représentaient leurs propres couches sociales dominées. Il convient donc de mettre en évidence une autre caractéristique de l’entre-deux-guerres : La peur des élites européennes face à la démocratie de masse et à la souveraineté populaire à l’époque du suffrage universel et de la prise de conscience de la classe ouvrière. Cette période a vu les libéraux, tout comme les conservateurs, afficher leur divorce vis à vis de la démocratie puis, à cette époque tout comme aujourd’hui, être prêts à collaborer avec l’extrême droite pour faire taire les voix dissidentes.

L’intégration européenne était un moyen de freiner l’élan démocratique dès le début de la construction de l’après-guerre, même si ce processus s’est étalé sur plusieurs décennies, et en tandem avec d’autres idées et institutions contre-majoritaires dans le processus d’élaboration de la constitution. Non seulement l’UE n’a jamais été construite selon un cadre citoyen, mais en plus elle l’a été de sorte à réprimer cette composante de la vie démocratique.

En Europe, dans la période d’après-guerre, la politique a consisté à maîtriser les passions politiques et à démobiliser les citoyens, conformément au libéralisme empreint de peur propre à la guerre froide. La voie de la dépolitisation en Europe a pris différentes formes nationales. Mais l’intégration européenne a joué un rôle crucial de renforcement, appuyé par divers mythes liés à l’effondrement de l’entre-deux-guerres et par un nouvel éventail de « passions » : la foi en la fiabilité, le savoir et l’autorité de la loi et des juristes. Cette Europe technocrate était confortée par la puissance et la technologie plus exigeantes de l’impérialisme américain. Elle se fondait sur une interprétation très biaisée de l’histoire, selon laquelle la démocratie s’était suicidée et n’avait certes pas été sacrifiée par les élites craintives du sommet de la hiérarchie.

Le projet européen se fondait sur une interprétation très biaisée de l’histoire, selon laquelle la démocratie s’était suicidée et n’avait certes pas été sacrifiée par des élites craintives du sommet de la hiérarchie.

Dans le contexte de la guerre froide, le projet européen doit être analysé non seulement dans sa dimension externe – le déclin de l’Europe à l’ère de la rivalité des superpuissances – mais aussi par rapport à sa dimension interne, à savoir la répression de puissantes forces politiques antisystème. Dans son analyse de référence de l’intégration européenne d’après-guerre, l’historien Alan Milward identifie le point de vue du chancelier ouest-allemand Konrad Adenauer, qui considérait la Russie comme un « pays barbare non européen », à un préjugé racial largement répandu au sein du courant conservateur allemand. Mais Adenauer était aussi farouchement anticommuniste, considérant la Russie comme une menace pour la civilisation chrétienne de l’Europe. Pendant la guerre froide, la notion d’« Occident » mêlait le civilisationnel et l’idéologique sous l’égide de la protection militaire des États-Unis et les auspices de l’OTAN, mais aussi des programmes nationaux de déradicalisation.

Selon les propos de Kundnani, la jonction entre le néolibéralisme et l’euroblancheur ne commence qu’avec la fin de la guerre froide. Le traité de Maastricht est présenté, comme dans tant d’autres ouvrages, comme un tournant. Mais on peut aussi le considérer comme une étape. Il s’agissait d’un tournant vers un chemin qui renforçait encore la direction empruntée par l’Europe depuis les traités de Paris et de Rome.

Le néolibéralisme et les nouvelles guerres culturelles

Kundnani fait mouche lorsqu’il insiste sur la rupture brutale qui s’est produite après Maastricht. Dans les comptes rendus officiels, l’Europe était présentée comme une puissance à caractère réglementaire, axée sur les droits fondamentaux et la dignité humaine, à même de défendre la civilisation non seulement à l’intérieur de ses propres frontières poreuses, mais aussi dans le cadre de l’ensemble du champ des relations internationales. Le modèle du cosmopolitisme ouvert était mis en avant, et les idées telles que le post-nationalisme et la post-souveraineté commençaient à régner sans partage dans les milieux académiques.

La réalité politique était très différente. Avec la fin de la guerre froide, une nouvelle mouture du régionalisme s’est imposée. L’Europe à laquelle les pays d’Europe centrale et orientale allaient adhérer se démarquait alors du libéralisme enraciné de sa phase fondatrice. Dans les années 1990, le néolibéralisme était hégémonique et le marché unique était devenu un cheval de Troie qui déstabiliserait les régimes nationaux de protection sociale et de négociation collective.

Les spécialistes de l’UE, et en particulier les juristes, connaissent parfaitement ce scénario, en raison du rôle particulier que la Cour de justice européenne a joué pour libéraliser le marché en favorisant la libre circulation des moyens de production. Conjointement avec l’Union économique et monétaire (UEM), l’UE de la période post-Maastricht devait permettre de déchirer le contrat social d’après-guerre entre le travail et le capital. Mais tout en visant à l’homogénéisation du modèle économique anglo-saxon, elle allait contribuer à accroître les clivages au sein de l’UE, entre les différents rythmes de croissance, et au niveau régional entre le nord et le sud, l’est et l’ouest.

Tout au long de la récente décennie de « polycrises », une Europe plus défensive, déstabilisée et angoissée est apparue. L’UE n’était plus un modèle pour les nations du monde, mais un organisme luttant pour contrer toute une série de crises qui, à certains moments, semblaient devenir existentielles. On l’a reconnue comme étant une concurrente dans une course mondiale, où elle semblait avoir des résultats plutôt médiocres.

La crise de l’euro a marqué le début d’une période où il fallait « couler ou nager ». Pour la chancelière Angela Merkel, soutenue par un bloc de pays fidèles au modèle économique allemand, la crise de l’euro était synonyme d’austérité et du refus de toute forme d’aléa moral, ce qui a eu pour effet de réduire à néant les derniers vestiges de la solidarité internationale. Pour satisfaire aux exigences du programme d’Emmanuel Macron, le projet a ensuite été reformulé pour devenir une « Europe qui protège ». Mais dans les deux cas, cela voulait dire une UE plus hiérarchisée et plus coercitive, alors même que son adhésion rigide au libéralisme de marché était suspendue par la pandémie. Il s’agissait également d’une Europe dont les frontières méridionales devenaient de plus en plus étanches, avec des conséquences tragiques.

Pour Kundnani, cette décennie a été marquée par le fait que la « blancheur » elle-même est devenue plus centrale dans le projet européen. Les élites européennes, bien que contestant rhétoriquement la poussée de l’extrême droite sur le continent, ont adopté son cadre de pensée en termes de civilisation et de concurrence. Le parti Fidesz de Viktor Orbán a continué à siéger au sein du Parti populaire européen au Parlement européen bien longtemps après des années de condamnations véhémentes (il l’a finalement quitté en 2021), et son euroscepticisme de façade a fait des émules dans des formations de droite en Pologne et en Italie. Le libéralisme centriste et la droite ont donné une image de leur opposition mutuelle alors qu’ils étaient enlacés dans un tango bien orchestré. Un euroscepticisme feutré a également vu le jour du côté des populistes de gauche, tout aussi apparemment de surface mais beaucoup moins efficace pour diriger le mouvement, dans la mesure où la chorégraphie favorisait leurs opposants à chaque pas.

L’incertitude grandissante engendrée par le vote du Royaume-Uni en faveur de la sortie de l’UE, l’ébranlement de l’ordre international libéral par Donald Trump et la menace russe croissante ont provoqué un retour à la rhétorique de l’entre-deux-guerres, selon laquelle l’Europe doit exprimer sa propre identité géopolitique et poursuivre son autonomie stratégique, voire sa propre « souveraineté ».

Ce concept, porté par Macron, n’est pas parvenu à émouvoir Merkel et d’autres. Déçu par l’absence de mouvement centralisateur dans la zone euro et les affaires étrangères de l’UE et confronté à des batailles turbulentes dans sa tentative de néolibéraliser son économie nationale, Macron s’est tourné vers une guerre culturelle de son cru, dans laquelle il s’agissait de défendre la République française contre l’islam. « La contestation politique s’est déplacée pour passer des enjeux économiques aux questions culturelles, note Kundnani, l’extrême droite s’est renforcée. »

L’économie politique de l’euro-blancheur

Le sous-titre de l’ouvrage Eurowhiteness est Culture, Empire and Race in the European Project (Culture, Empire et Race dans le projet européen). Le rôle joué par la race, voire par la « blancheur » elle-même, dans l’élaboration de la forme politique de l’Europe, est manifestement absent ; le terme fonctionne plutôt comme une sorte de signifiant négatif. Il ne s’agit pas d’une donnée constante dans les affaires européennes, mais elle n’est pas non plus entièrement marginale. Le terme entretient une certaine relation de cause à effet avec le néolibéralisme, mais cette relation reste vague dans ses grandes lignes.

L’étiquette Euro-blancheur pourrait indiquer qu’il existe une opposition avec une « blancheur » différente qui ne serait pas européenne – une blancheur transatlantique peut-être – mais ce n’est pas le cas. Il n’y a pas non plus de différences dans le concept de blancheur sur l’ensemble du continent. Il est important de rappeler que le terme d’Euro-blancheur a été initialement inventé par le sociologue hongrois József Böröcz pour mettre en évidence une hiérarchie de la blancheur en Europe, pour opposer la blancheur de l’Europe occidentale ou septentrionale à la « blancheur sale » de l’Europe centrale et orientale.

Le discours sur la race blanche lui-même, comme le note également Kundnani, est né de la tentative de diviser la classe ouvrière dans les États-Unis de la période Antebellum [Dans l’histoire des États-Unis le nom Antebellum est souvent utilisé (et plus spécialement dans le Sud américain) pour faire référence à la période de la montée du séparatisme conduisant à la guerre de Sécession, NdT]. Dans l’idiome marxiste traditionnel, il fonctionne comme une idéologie superstructurelle, représentant mais aussi déformant la réalité matérielle sous-jacente de l’exploitation du travail et du conflit de classe. Mais même si Kundnani note que les origines de l’exploitation de la blancheur sont à chercher dans une stratégie de la classe dirigeante consistant à creuser un fossé entre les classes dominées et à entraver leur sens de la solidarité, la notion de classe n’apparaît pas dans son livre.

Le rôle joué par la race, voire par la blancheur elle-même, dans l’élaboration de la forme politique de l’Europe, est manifestement absent.

Tout au long de la crise de l’euro, le mouvement politique grec dénonçant le régime d’austérité de l’UE a été microgéré et de fait détruit, même si il s’est en grande partie autodétruit. Dans le même temps, le centre et la droite ont uni leurs forces, combinant néolibéralisme et culturalisme, exactement comme le soutient Kundnani. Eurowhiteness élude cependant en grande partie la question de l’économie politique du système hiérarchique qui a pénétré l’UE depuis la réunification allemande et l’introduction de la monnaie unique.

La question du néocolonialisme interne qui a émergé de la crise de l’euro, exacerbant les clivages entre débiteurs et créanciers, ainsi qu’entre le nord et le sud, l’est et l’ouest, est soulevée, mais les répercussions sur la politique intérieure ne sont pas totalement prises en compte dans l’analyse. C’est surprenant dans la mesure où la question de la semi-hégémonie allemande est une question qui a été largement abordée par Kundnani dans d’autres ouvrages.

L’ « Euro-blancheur » reste donc du domaine de l’idéologie, ou du discours, utilisé par ceux qui prônent un régionalisme européen sur la base de l’ethnicité ou de la religion, mais aussi par Kundnani lorsqu’il critique l’hypocrisie des élites européennes, et qu’il veut déboulonner le mythe de l’Europe cosmopolite. Invoquer l’Euro-blancheur dans ce second sens revient à jeter un regard sceptique sur le projet. Mais cette vision est renforcée par la position optimiste de Kundnani qui affirme qu’en quittant l’UE, le Royaume-Uni a, au moins en ce qui le concerne, une chance de devenir moins « blanc ».

Au-delà des slogans creux de « Global Britain » avancés par certains Brexiters, qu’est-ce que cela signifie réellement ? Pour Kundnani, cela représente la possibilité d’un rééquilibrage, non seulement en termes de remboursement de la dette historique envers le Commonwealth et d’encouragement de l’immigration extra-européenne, mais aussi en termes de repolitisation de la société.

Le raisonnement théorique est ici plutôt implicite. Kundnani oppose un régionalisme ethnique à un régionalisme démocratique. Cette distinction fonctionne par le biais d’un contraste entre un ethos civilisateur illibéral et un ethos citoyen libéral. Mais il existe également un ethos de type civico-républicain, qui donne la priorité au citoyen en tant qu’animal politique, ou dans un schéma représentatif, qui donne la priorité aux partis politiques en tant que médiateurs entre l’Etat et la société.

Un régionalisme civique de type républicain est-il vraiment possible ? Les diverses tentatives avortées pour créer un « demos » européen ou même tout simplement pour résoudre le déficit démocratique de l’UE laissent penser qu’il s’agit d’une tâche ardue. Mais pourquoi la sortie d’un bloc régional rendrait-elle plus probable la possibilité d’une vie citoyenne dynamique ? Pourquoi ne pas revenir à un nationalisme ethnique « en petit » ?

La démocratie comme antidote à l’euroblancheur

La réponse – qui a échappé à certains commentateurs de l’ouvrage – réside dans la démocratie et la politique, et elle exige que l’on explique comment la conception de l’Europe au cours des périodes de l’entre-deux-guerres et de l’après-guerre les ont réprimées. Kundnani montre que le régionalisme ethnique est inversement lié à la politisation. Il n’est pas vrai que si l’UE fonctionnait comme elle est censée le faire, elle serait un paradis cosmopolite ; que sans l’hypocrisie de ses élites, ses déficiences seraient surmontées. Elle fonctionne précisément comme elle est censée le faire, avec bien sûr des pépins involontaires, petits et grands.

Kundnani rejette l’idée selon laquelle le Brexit doit être considéré sous l’angle soit culturel soit économique, ou même sous l’angle d’une combinaison des deux. En réalité, affirme-t-il, les questions politiques ont dominé ; le Brexit était fondamentalement une question de démocratie et de souveraineté populaire. Les inquiétudes concernant la souveraineté indiquent moins le « réflexe autoritaire », que d’aucuns ont vu dans le Brexit au travers du prisme du « populisme », qu’un « réflexe démocratique » et en particulier « le sentiment que la démocratie avait été vidée de sa substance ». Pour tout du moins certains citoyens britanniques, le Brexit n’était pas tant l’expression d’une colère blanche que l’inverse : le rejet d’un bloc lui-même perçu comme raciste.

Kundnani ne présente pas le Brexit comme une panacée ; il pourrait bien être une condition nécessaire mais loin d’être suffisante pour restaurer un nationalisme civique. Mais il met peut-être en évidence ce qui est indispensable : un universalisme différent, transnational et repolitisé, qui s’oppose à l’UE et nécessite très probablement une rupture avec celle-ci.

Si l’UE fonctionne exactement comme elle est censée le faire, le problème est moins la blancheur de l’Europe que son européanité : une combinaison d’idées et d’institutions qui sert à limiter la démocratie d’une manière de plus en plus autoritaire.

Dans son analyse désormais incontournable de l’eurocentrisme, le marxiste égyptien Samir Amin explique que les classes dirigeantes périphériques sont tributaires du système impérialiste parce parce que ce dernier reproduit les conditions concrètes qui leur permettent d’occuper une position de pouvoir vis-à-vis de leurs propres populations. Amin prend bien soin de ne pas simplement substituer à l’eurocentrisme une image inversée du monde qui donnerait la priorité aux non-Européens, mais il analyse l’eurocentrisme comme une forme de « culturalisme ».

Il s’agit d’éviter de sombrer dans le relativisme et l’esprit de clocher, et de plaider pour un « universalisme universel » plus abouti, comme le fait Kundnani. Pour Amin, il s’agit d’appeler à se libérer du système capitaliste mondial. Pour s’y retrouver dans cet ensemble complexe, il développe le concept d’une « seconde modernité », autrement dit la modernité de Marx et la démocratie radicale, par opposition à la version bourgeoise qui promettait la liberté pour tous, mais ne la rendait possible qu’à quelques-uns.

Cela permet de mettre en évidence un point essentiel. La racialisation elle-même est une voie vers la dépolitisation. L’antidote à l’euroblancheur est une dialectique politique dans laquelle les différences – de classe, de race, de sexe – peuvent être abordées, soumises à débats et décidées démocratiquement. Si, dans une large mesure, l’UE fonctionne exactement comme elle est censée le faire, le problème n’est pas tant la blancheur de l’Europe que son européanité : une combinaison d’idées et d’institutions qui sert à limiter la démocratie d’une manière de plus en plus autoritaire.

Contributeur

Michael Wilkinson est professeur de droit à la London School of Economics, il est aussi l’auteur de Authoritarian Liberalism and the Transformation of Modern Europe.

Source : Jacobin, Michael Wilkinson – 09-09-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Urko // 11.10.2023 à 09h14

L’ue n’a pas dans son fonctionnement quoi que ce soit qui lui permette d’intégrer la notion de volonté populaire, et encore moins la possibilité de reconnaître le fait national puisque son objectif consiste justement à en finir avec les nations. Lire Jean Monnet, Richard de Coudhenove-Kalergy et d’autres permet de comprendre que les idées de ces pères de l’Europe reposent sur la conviction que les peuples européens doivent subir une réforme profonde afin de les rendre inoffensifs, quitte à les faire disparaitre de facto dans le cas de Coudhenove-Kalergy (Monnet n’allait pas aussi loin). L’UE se bâtit contre les Européens parce qu’il s’agit de sa mission dès le début et encore une fois, un Jean Monnet ne s’en cachait pas

17 réactions et commentaires

  • La main du Kremlin // 11.10.2023 à 08h21

    Je suis Bruxellois , pas europeen , je ne le serai jamais et je suis nationaliste , bien que les dirigeants non élus fassent tout pour détruire ma culture et la remplacer par un immense supermarché impérial ,l’auteur de cet article lui aussi veut détruire les peuples , aucun intéret
    J ‘ajoute que blanc , je voudrais plus de blancheur et moins de patchwork qui me met mal a l’aise en permanence , la vie que l’on m ‘impose est artificielle , tout est matraqué , tout est imposé , ce n’est pas ca la vie

      +26

    Alerter
    • nanann // 11.10.2023 à 08h42

      L’ article émane d’ un bon libéral anglo-saxon qui voit l’ Europe à travers sa propre culture. L’ UE est un fiasco. En ce qui me concerne, je suis française un point c’ est tout. De toute manière, avec le réveil des peuples et des nations, l’ UE est appelée soit à se transformer profondément soit à disparaître.

        +27

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      • Urko // 11.10.2023 à 09h14

        L’ue n’a pas dans son fonctionnement quoi que ce soit qui lui permette d’intégrer la notion de volonté populaire, et encore moins la possibilité de reconnaître le fait national puisque son objectif consiste justement à en finir avec les nations. Lire Jean Monnet, Richard de Coudhenove-Kalergy et d’autres permet de comprendre que les idées de ces pères de l’Europe reposent sur la conviction que les peuples européens doivent subir une réforme profonde afin de les rendre inoffensifs, quitte à les faire disparaitre de facto dans le cas de Coudhenove-Kalergy (Monnet n’allait pas aussi loin). L’UE se bâtit contre les Européens parce qu’il s’agit de sa mission dès le début et encore une fois, un Jean Monnet ne s’en cachait pas

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        • nanann // 12.10.2023 à 08h47

          En effet et c’ est la raison pour laquelle, un jour, elle éclatera. J’ essaie de croire à la bonne foi et à la soif d’ idéal d’ un Jean Monnet à l’ époque mais le dévoiement ne s’ est pas fait attendre. La notion de volonté populaire n’ atteint pas en effet Von der Leyen mais elle ne peut rien contre la marche du temps.

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  • Urko // 11.10.2023 à 08h37

    Mais qui donc a décrété que le projet européen se fondait sur un modèle « cosmopolite » ? Qui ? Et quel vote aurait validé cette orientation ? À mon âge respectable, je n’ai pas souvenir que quiconque l’ait jamais soumise au vote des Européens ni que ces derniers l’aient approuvée. H. Kundnani déplore que la construction européenne se fasse à notre insu voire à nos dépens. Il a raison de regretter que l’UE impose ses choix sans demander leur avis aux Européens mais en fait, il partage lesdits choix, notamment quand il s’agit de faire perdre aux Européens tout droit à conserver une identité européenne chez eux. Car accuser les instances de l’UE de se montrer partisanes de « l’Euroblancheur » (sic) revient à avouer n’avoir pas bien lu les politiques de la commission notamment sur le besoin d’immigration, clairement énoncé, et n’ont nul souci de préserver l’identité européenne ; elles prônent au contraire l’accélération de l’immigration de peuplement. Aucun continent n’enregistre des flux d’entrées en provenance d’autres continents de cette ampleur, aucun. Au fond, ce que regrette l’auteur ne vient pas des choix de l’UE mais de ce qu’elle ne les implémente pas assez vite à son goût. MM. Wilkinson et Kundnani appartiennent à cette intelligentsia de gauche résolue à ce que les Européens restent les cobayes d’une expérimentation idéologique visant, une fois de plus, à l’apparition d’un « homme nouveau », sans attache et plus conforme à leurs intérêts de classe, c’est à dire à l’éradication de l’homme actuel, l’homme réel. Coudhenove Kalergy a des héritiers qui s’ignorent.

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  • POPOV // 11.10.2023 à 10h44

    L’identité européenne n’existe pas. Le projet européen ressemble à une remise de jardin où on y stocke du bric-à-brac et on y pratique d’obscures expériences hors de la vue des voisins. Tous les projets conduits par l’UE n’ont jamais été soumis au choix des européens (monnaie unique, immigration, affirmation des minorités, conflit ukrainien, sanctions, vaccination, politique du travail). Pas étonnant que les tabous européens attirent de plus en plus d’électeurs. Et ce n’est pas le boniment d’arrêt du changement d’heure, comme lors du précédent scrutin, qui inspirera le choix des électeurs en juin 2024, s’ils daignent se déplacer aux urnes. L’UE représente un échec colossal aux conséquences à venir effrayantes.
    M. Borrell a omis de préciser que son jardin européen entourait une maison hantée.

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    • azuki // 11.10.2023 à 12h30

      Toujours a présenter comme échec ce qui est une réussite… c’est un échec désastreux si on se fie aux déclarations officielles de ses dirigeants et de ceux qui servent sa cause. Mais les déclarations sont-elles l’objectif réel ?

      Si on prends comme simple paradigme que l’Union Européenne est une émanation du désir des Anglo-Saxon (le deep-state GB maladivement russophobe et anticommuniste est partie prenante) pour empêcher à tout jamais que l’Europe continentale QUI COMPREND LES RUSSES ne devienne une puissance totalement concurrentielle, l’objectif est totalement remplis et l’effondrement en cours de l’UE corrompue et totalement masochiste avec la guerre de proxy de l’Ukraine contre les Russes, c’est une grandiose victoire ! Il y en a qui ont du jouir quand le chancelier Allemand traitre a son pays a autorisé les US a saboter les Nordstream indispensables à leur économie et payée avec l’argent de leur contribuables ! La réussite de l’UE est totale, du point de vue des USA qui sont tout sauf nos alliés ou nos amis ! Avec leur obsession hyper-concurrentielle, leur vision que vaincre c’est écraser, ils corrompent tout et sèment la guerre et la violence partout. Ils sont une Mafia géante avec la même morale et les mêmes méthodes.

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      • Grd-mère Michelle // 11.10.2023 à 15h52

        Tout-à-fait d’accord avec votre « simple paradigme » beaucoup trop peu envisagé par les deux auteurs, celui du livre et celui de l’article, qui le commente.

        À part ça, à lire les commentaires précédents, il semble qu’on n’est pas prêt-e-s à sortir de la sinistre auberge des « identités », à la fois frileuses et prétentieuses!

        « Tous ensemble, tou-te-s ensemble » : slogan initié par les personnes « sans-papier », migrant-e-s du monde entier, lors de leurs manifestations à Bruxelles, dont Angela Davis a dit que leur combat est le plus important pour les droits civiques de ce siècle.

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        • Urko // 12.10.2023 à 07h20

          Personnellement, c’est l’homme sans identité ni attache qui me semble vivoter dans un cloaque sordide, en compagnie d’autres monstres s’imaginant citoyens du monde pour mieux masquer qu’ils ne veulent rester les concitoyens de personne et qu’ils forment au mieux des individus isolés, aliénés à leurs nombrils tout en prônant l’ouverture aux autres mais assumée par la collectivité qui n’a rien demandé. Mais imaginons que j’aie tort (ca peut arriver à tout le monde) sur ce sujet et il reste que si les gens veulent conserver ou dissoudre leurs identités, il leur revient d’en décider, à eux, et à eux seuls. Des fonctionnaires bruxellois non élus, des affairistes ne voulant plus de frontières pour mieux faire leurs petits business, des idéologues croyant encore aux sornettes prétentieuses de la fin des années 1960, n’ont pas à imposer leurs choix de dissolution des identités à ceux qui n’ont que ça, l’identité, pour ne pas devenir des zombies amorphes dans un grand marché mondial. Et encore moins des professeurs de morale auto proclamés sur internet.

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          • Grd-mère Michelle // 12.10.2023 à 11h59

            Pouvez-vous préciser les « sornettes prétentieuses de la fin des années 1960 »?
            « …ceux(et celles) qui n’ont (croient n’avoir)que ça, l’identité, pour ne pas devenir des zombies amorphes dans un grand marché mondial » perdent leur véritable identité personnelle en oubliant certaines capacités/facultés dont leur nature humaine les a doté-e-s: la curiosité intellectuelle, l’esprit d’investigation, d’introspection, l’imagination et l’appétit d’amélioration qui caractérisent la plupart des êtres humains(en même temps que leur habileté manuelle et leurs facilités de mobilité…et de communiquer).
            Ces qualités, qui les éloignent de l’aliénation à leur nombril, ont trop souvent été qualifiées de défauts et réprimées comme tels par les principaux « formateurs » des diverses sociétés concurrentes(et affolées par le « chaos » qu’elles prétendent conjurer): les « maîtres » d’école(qui furent pendant des siècles, et jusqu’à présent, des religieux), chargé-e-s par les « autorités » de modeler les populations d’enfants innocents en fonction de leurs sombres desseins « sécuritaires »… et omnipotents.

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            • Urko // 12.10.2023 à 21h09

              « Sornettes prétentieuses de la fin des années 1960 » ? Je songe bien sûr à l’idée selon moi magnifique mais fausse, et surtout irresponsable, selon lesquelles toutes les frontières devaient finir abattues. Il s’agit d’une vision « bourgeoise », celle issue d’une société prospère dont ont joui des enfants gâtés l’héritant sans l’avoir bâtie et méprisant ce qu’ils doivent à leurs aînés, d’où sa prétention. Vous m’avez compris : je parle des boomers qui ont embrassé mai 1968, profité béatement de ce qu’ils n’avaient rien fait pour mériter, fait le lit de l’individualisme le plus avilissant et permis l’émergence du néolibéralisme servant leurs seuls intérêts mesquins.

              Prenant mon modeste cas, j’ai vecu dans plusieurs pays, dont je connais bien l’histoire (pas assez bien hélas), dont je parle la langue (pas assez bien sans doute), et je sais que l’ouverture d’esprit et à l’autre, consiste à respecter sa culture, son identité, à la connaître, et à l’épouser si on s’installe sur sa terre, et certainement pas à vouloir la remplacer ou la diluer. Jamais je n’aurais osé demander à mes pays hôtes le droit de mépriser leurs us et coutumes au profit des miens. Le multiculturalisme représente à cet égard l’inverse de l’ouverture, de l’intelligence, de la connaissance : le multiculturalisme est la fermeture sur soi, la bêtise , l’ignorance, l’irrespect de l’accueilli envers l’accueillant, l’intolérance, la volonté de domination, l’agressivité. L’idéologie 68arde du sans-frontierisme est une violence de bourgeois exploiteurs et ignares envers les peuples.

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  • Gargarisme // 11.10.2023 à 14h15

    Pas convaincu par une analyse qui plaque a priori par ethnocentrisme les soubassements racialistes-racistes de la société US sur tous ses objets d’étude. Mais l’idée de fond mérite qu’on s’y attarde. Le dépassement des nations, activement promu par l’eurocratie au nom d’un hypothétique Walhalla post-national, risque surtout de nous ramener à des formes plus archaïques et plus dangereuses d’allégeances : l’ethnicisme, la « race », la religion. Une nouvelle forme de féodalité tout à fait inoffensive pour les puissances de l’argent…

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  • Icha icha tactics // 11.10.2023 à 17h19

    C’est l’histoire de 50 personnes qui ont essayé de réécrire 3000 ans d’histoire avec trois traités qui ne favorisent que ceux qui n’ont pas à les appliquer… je vous spoil la fin : ça finit mal.

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  • Auguste Vannier // 12.10.2023 à 09h33

    L’Europe, telle qu’elle a été présentée, une belle idée (je me souviens de mon enthousiasme de jeunesse).
    En réalité un piège anti-démocratique comme y insiste l’auteur de l’article.
    Quant à la « blancheur », effectivement une notion (pas un concept) c’est un « racialisme » profondément ancré
    dans le fond culturel anglo-saxon dont les effets mortifères sont illustrés par le colonialisme et le post-colonialisme Britannique et la réalité social-historique des USA.Donc dans la géopolitique de l’Empire (occident global).
    En ce qui me concerne ça ne rencontre aucun écho, ni dans mon imaginaire, ni dans ma subjectivité consciente.
    J’ai conscience de vivre dans une société créolisée. C’est une tendance irrépressible de l’humanité, son destin si la folie néo-libérale ne détruit pas notre écosystème…

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    • Grd-mère Michelle // 12.10.2023 à 12h53

      « …société créolisée…tendance irrépressible de l’humanité, son destin… »?
      Autant votre analyse de la situation actuelle m’apparait claire et juste, autant votre fatalisme me déconcerte et m’attriste: car vous semblez ignorer les forces vives qui agitent la jeunesse du monde entier et la mobilisent, et l’intense réflexion favorisée par son indignation et les nouveaux moyens de communication.
      Que les vieux mécanismes répugnants de domination et d’oppression, d’exploitation, tentent de se perpétuer (de plus en plus par la force armée et le mensonge institutionnalisé), c’est un fait.
      Mais croire que la majorité des humains « laisseront faire », en adoptant des comportements auto-destructeurs (pourtant décortiqués et débattus à longueur de journées), c’est un positionnement dangereux et catastrophiquement démobilisant.
      Inutile de vous dire que je ne crois pas au « destin »…
      L’Union européenne, qui a préfiguré plusieurs autres unions indispensables, doit être prise en mains et redéfinie par tou-te-s ses habitant-e-s conscient-e-s et responsables… n’en déplaise aux « autorités » soi-disant démocratiques.

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      • Auguste Vannier // 12.10.2023 à 16h37

        J’aurai dû être plus clair.
        Jusqu’à maintenant l’UE s’est révélée comme le support à l’avancée des pratiques neo-libérales d’affaiblissement des Etats, de limitation du « danger démocratique » (c’est le fond de idéologique: « l’élite » intelligente, sait mieux que les citoyens délibérant=démos, ce qui est bon pour eux, pas suffisamment éduqué ni instruit pour prendre les bonnes décisions). Nous faire croire que le « marché » et sa « main invisible » est plus intelligent que nous, faut le faire ! Ce n’est plus possible, nous sommes de plus en plus nombreux à ne plus être dupes.
        Pour moi, la créolisation est déjà un fait avéré, et elle ne peut que s’accélérer. Destin est pour moi l’équivalent métaphorique d’une loi, ce n’est pas une croyance c’est inévitable. Tant mieux d’ailleurs car la diversité des interactions culturelles contribue à la créativité et au réveil de citoyens qui n’entendent pas se laisser faire.
        Je ne suis pas du tout démobilisé, bien au contraire. Pour paraphraser Gramsci: la lucidité de l’analyse n’empêche la volonté de l’action…

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  • Grd-mère Michelle // 13.10.2023 à 19h27

    @ Auguste Vannier Merci de votre réponse. Je suis tout-à-fait d’accord avec votre premier paragraphe, comme je l’ai souligné: « …c’est un fait. »
    Quant au mot destin, je suis allée retrouver mon cher vieux Petit Robert de 1969 pour constater que ce mot signifie parfois:
     » 1° Puissance qui, selon certaines croyances, fixerait de façon irrévocable le cours des événements. »
    ou, parfois:
     » 2° Ensemble des événements, contingents ou non, qui composent la vie d’un être humain, considérés comme résultant de causes distinctes de sa volonté. »
    mais aussi, parfois:
     » 3° Le cours de l’existence considéré comme pouvant être modifié par celui qui la vit. »

    Et certain-e-s nous diront encore qu’une langue écrite n’a pas besoin d’être connue précisément pour communiquer valablement! (Voir le triste état de l’enseignement et son sous-financement, par rapport aux dépenses de la « Défense » et de la « Sécurité »)
    Peut-être une des raisons de l’immense cafouillage intellectuel auquel nous assistons, qui me semble participer du projet des forts, des riches, d’exploiter les plus faibles, les plus pauvres…

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