SHANGHAI/BEIJING – Les autorités chinoises de régulation des devises demandent à certaines banques commerciales de réduire ou de reporter leurs achats de dollars américains afin de ralentir la dépréciation du yuan, ont déclaré deux personnes ayant eu directement accès au dossier.
Source : Reuters
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Cette directive informelle, dite aussi « window guidance » (fenêtre de cadrage) [Ce terme désigne une politique d’encadrement officieux par lequel une banque centrale ou une agence gouvernementale ordonne aux banques commerciales de financer certains secteurs de l’économie, NdT] est la dernière d’une série de mesures prises par les autorités cette année pour soutenir une monnaie qui a été touchée par la faiblesse de la reprise économique post-pandémique de la Chine et par l’augmentation des rendements du dollar américain et d’autres grandes monnaies.
Une source a déclaré que les régulateurs avaient insisté sur le fait que les banques devaient s’abstenir d’acheter des dollars dans le cadre de leurs comptes d’opérations pour compte propre en raison de la « récente dépréciation du yuan ».
La Banque populaire de Chine (PBOC) n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires de Reuters, tandis que l’Administration nationale des changes (SAFE) a déclaré à Reuters que les attentes en matière de taux de change étaient stables et qu’elle encouragerait les entreprises et les institutions financières à adopter une mentalité « de neutralité en terme de risque ».
« Les attentes en matière de taux de change du yuan sont stables et le marché des changes dispose des bases nécessaires pour répondre aux besoins légitimes et compatibles en matière de change », a déclaré la SAFE en réponse à une question de Reuters.
Elle a réaffirmé qu’elle maintiendrait le yuan fondamentalement stable à des niveaux raisonnables et équilibrés.
Le yuan, qui fait l’objet d’une gestion rigoureuse, a atteint son plus bas niveau depuis huit mois en juillet et a perdu 3,6 % par rapport au dollar depuis le début de l’année, ce qui en fait l’une des monnaies les moins performantes d’Asie.
Les autorités chinoises se sont engagées à laisser les facteurs du marché dicter les mouvements du yuan, mais leur inquiétude s’est manifestée le mois dernier lorsque le Politburo a fait une référence à la nécessité de stabiliser la monnaie, ce qui est très rare.
La « window guidance préconise que la banque centrale maintienne sa position de soutien au yuan », a déclaré Ken Cheung, stratégiste en chef pour les devises asiatiques à la Mizuho Bank à Hong Kong. « Il a été montré par ailleurs que la PBOC dispose de nombreux outils pour défendre la monnaie », a-t-il ajouté.
Mettre les demandes non urgentes de dollars en attente pourrait atténuer la pression immédiate sur le yuan, selon les sources.
Un organisme d’autorégulation dirigé par la banque centrale avait déjà pris une mesure similaire en 2021, en demandant aux banques de limiter la taille de leurs comptes d’opérations pour compte propre afin de contrer la volatilité du yuan.
Jusqu’à présent, les autorités monétaires ont seulement modifié certaines règles, notamment en permettant aux entreprises d’emprunter davantage à l’étranger et en fixant des repères quotidiens en yuan plus fermes que prévu, parallèlement à l’achat de yuans par les banques étatiques.
« La PBOC fait preuve de fermeté en fixant le yuan à un niveau régulièrement plus élevé que prévu », a déclaré Alvin Tan, responsable de la stratégie de change pour l’Asie chez RBC Capital Markets.
M. Tan s’attend toutefois à ce que le yuan repasse, dans le courant du mois, par le creux de 7,25 atteint en juillet, en raison de la hausse du dollar et du fait que « les investisseurs perdent leur optimisme quant à un redressement décisif de l’économie chinoise ».
LES FLUX RALENTISSENT
Les investisseurs ont été enthousiasmés par les propos du Politburo concernant les changements de la politique immobilière et les mesures visant à stimuler la demande dans l’économie. Mais cet enthousiasme s’est rapidement estompé, les investisseurs nationaux et étrangers ont en effet déclaré qu’ils attendraient des mesures concrètes avant de placer davantage d’argent en Chine.
Les analystes de Goldman Sachs ont déclaré dans un récent rapport que si les autorités pouvaient ralentir la dépréciation du yuan, il existait des vents contraires importants qui le maintiendraient à un niveau faible.
Parmi ces vents contraires figurent notamment la fragilité du secteur immobilier saturé de dettes, et la divergence des politiques monétaires, la Chine ressentant le besoin de maintenir des rendements bas et de soutenir la croissance.
Les investisseurs qui attendaient avec impatience que le gouvernement prenne des mesures de soutien économique au plus vite ont été déçus jusqu’à présent, ce qui se reflète dans la faible performance des marchés boursiers du pays.
La bourse de Shanghai (.SSEC) et l’indice CSI 300 (.CSI300) sont non seulement à la traîne par rapport à leurs homologues régionaux (.MIAPJ0000PUS), mais le sont aussi par rapport aux marchés boursiers mondiaux.
Les achats nets d’actions nationales de catégorie A par les investisseurs étrangers s’élèvent à environ 230 milliards de yuans (32,09 milliards de dollars), et les flux entrants ont pratiquement cessé après la dissipation du rebond économique post-pandémique.
Les investisseurs institutionnels étrangers ont également vendu d’énormes quantités d’obligations en yuans.
Principalement dû au tourisme émetteur et à la logistique, le déficit du commerce des services de la Chine a plus que doublé pour atteindre 102,1 milliards de dollars au cours de la période janvier-juin, ce qui a accentué la pression sur le yuan.
Un facteur saisonnier est également intervenu, les entreprises chinoises cotées à l’étranger ayant généralement besoin de plus de devises en été pour verser des dividendes aux actionnaires.
(1 dollar = 7,1673 yuans chinois)
Reportage des salles de presse de Shanghai et de Pékin Rédaction : Vidya Ranganathan et Simon Cameron-Moore
Source : Reuters, 01-08-2023
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
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Commentaire recommandé
Donc le dollar se porterait comme un charme et le yuan se maintiendrait à peine?
Le prochain article nous dira sans doute que le rouble va mal…
Il me semble pourtant que la conjoncture géopolitique et la montée en puissance des BRICS devrait inciter à ne pas se montrer optimiste sur l’avenir du dollar.
L’énormité des désinformations auxquelles nous sommes habitués depuis le COVID, peut inciter à ne plus prendre grand chose au sérieux de ce qui circule dans les media de « l’occident collectif ».
12 réactions et commentaires
Donc le dollar se porterait comme un charme et le yuan se maintiendrait à peine?
Le prochain article nous dira sans doute que le rouble va mal…
Il me semble pourtant que la conjoncture géopolitique et la montée en puissance des BRICS devrait inciter à ne pas se montrer optimiste sur l’avenir du dollar.
L’énormité des désinformations auxquelles nous sommes habitués depuis le COVID, peut inciter à ne plus prendre grand chose au sérieux de ce qui circule dans les media de « l’occident collectif ».
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AlerterJ’espère que vous serez content Vannier. Je vous ai trouvé de belles statistiques largement positives pour la balance commerciale chinoise alors que ces vendus de journalistes occidentaux de Reuters avaient charcuté sciemment les données pour ne parler que du large déficit du commerce des services. Quelle bassesse !
https://fr.tradingeconomics.com/china/balance-of-trade
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AlerterBonjour. Je suppose que tu détiens des infos qui contredisent celles de ce billet. Merci de les partager, qu’on y voit plus clair. Là, tu nous laisses sur la faim, ce qui n’est pas charitable.
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AlerterJe vous engage à taper « BRICS » sur le site « les-crises/fr » et vous découvrirez des dossiers qui étancherons assurément votre soif.
Si le monde change, le règne sans partage étatsunien depuis 1991 est à l’agonie, les processus de gestation et de naissance d’un nouvel ordre mondial, assurément multipolaire, avec une forte redistribution des cartes à l’œuvre vont vous étonner, les BRICS sont moteurs et distribution.
Bonne lecture
+3
AlerterBonjour.
Je suis conscient de ce que vous avancez, mais autant l’article que le post auquel je répondais (« Donc le dollar se porterait comme un charme et le yuan se maintiendrait à peine? ») ne parlent pas de cela.
Je suis allé voir les courbes de parité dollar / yuan, et il est clair que le yuan est sur une trajectoire descendante, même si elle n’est pas catastrophique. Du coup, je ne sais toujours pas où est « L’énormité des désinformations » dans cet article et ma soif n’est pas étanchée.
Cordialement.
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Alerteren ce qui concerne le rouble, oui, il a quelques petits soucis, ça n’est pas un secret
mais n’oubliez pas les problèmes de l’immobilier chinois. ça fait un moment que ça fonctionne mal
ça bloque le net sur pas mal de site en ce qui concerne les infos dissidentes, et c’est pas fini
pour le rouble, remplacer point par .meme les russes l’admettent
https://fra.mobileapiru(point)com/economie/106700-chute-rouble-inflation-banque-centrale-hausse-taux-directeur
+1
AlerterMerci @Myrkur 34 puisque ça étaye mes hypothèses, non fondés sur des statistiques, mais sur les analyses économiques de Jacques Sapir (pour la Russie), et sur les informations qui arrivent difficilement jusqu’à nous (censure, fake, désinformation), concernant la dynamique des BRICS+-une dizaine de candidats en attente d’y adhérer.Et cela répond aussi en partie aux attentes de @Dominique65. Mais il est vrai que tant que les pays et les financiers détiennent du dollar et des obligations US, ils resteront prudent vis à vis du Dollar (c’est notamment le cas même de la Chine).
L’issue de la guerre en Ukraine ne contribuera pas à renforcer l’image des USA aux yeux attentifs du « Rest of the world ». Enfin, il ne peut plus y avoir de doute sur la « bassesse » journalistique de la presse occidentale mainstream…
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AlerterTandis qu’ailleurs, les journalistes s’informent en general aux meilleures sources ………. la liberté de la presse et de la i’information étant la valeur cardinale des gouvernants russes et chinois ……
La paille et la poutre.
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AlerterDéjà avec la Pravda mes amis Soviétiques me disaient: « nous savons que la Pravda est l’organe de propagande du gouvernement, et qu’en pensant le contraire nous sommes près de la vérité…Mais vous en France vous êtes persuadé que votre presse est libre et objective, ce qui est la porte ouverte aux manipulations ».
Désormais nous voyons qu’il y a des poutres partout…ce qui rend circonspect et actif pour de l’info alternative et aussi libre que possible. Et puis après, penser par nous-mêmes…
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AlerterMr Vannier, je voulais être juste un peu ironique par rapport à votre sentence assez définitive sur tous les journalistes occidentaux. Loupé. :o)
Sur cet article suivant.. Le journaliste est plutôt sympa, puisqu’il met un « peut-être » sur les causes de l’échec de Luna 25.
https://www.cieletespace.fr/actualites/luna-25-le-coup-manque-de-la-russie-dans-la-course-a-la-lune
Et pas de Bernard Arnault ou de Bolloré à l’horizon, j’ai vérifié dans les mentions légales. Sinon Ariane 1, ne s’est pas faîte en 1 jour.. Je me souviens d’un titre ironique de la presse française après un énième échec.. « Le lancement du sous-marin français est réussi.. »
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Alerter2 ième essai des indiens, succès sur le pôle sud de la lune.
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/08/23/la-sonde-indienne-chandrayaan-3-a-reussi-son-alunissage_6186300_1650684.html
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AlerterÀ ce jour :
– Taux directeur de la FED (USA) : entre 5 et 5,25 % (inflation 3,2 %)
– Taux directeur de la BCE (ZE) : 4,25 % (inflation 5,3 %)
– Taux directeur de la BCC (Chine) : 3,45 % (inflation + ou – 6 %)
Donc, si vous êtes un opérateur et/ou spéculateur monétaire, à l’évidence vous achetez du $ et vous jouez contre toutes les autres monnaies.
Cet article me rappelle Bérégovoy dans les années 80 qui venait au journal du soir pour faire des déclarations martiales contre les méchants spéculateurs qui attaquaient le franc, en assurant qu’il ne dévaluerait pas ; pour dévaluer en catastrophe même pas 48 h après. Mais qui étaient les spéculateurs ? Toutes les entreprises françaises qui commerçaient à l’international, toutes les entreprises étrangères qui commerçaient avec la France et surtout la Coface (le plus gros opérateur monétaire français) qui jouaient contre le franc pour assurer leur couverture de change.
Bref, il n’y a rien de nouveau sous le soleil depuis 1971… Tant que les monnaies seront valorisées selon l’offre et la demande et surtout tant que le $ continue à dicter sa politique à tous (notamment par la cotation des marchés, ou pour les échanges et les réserves des BC), on ne pourra que s’adapter aux diktats US dans un « jeu » où, au final, ce sont toujours eux qui gagnent et nous qui perdons.
Cela dit, je ne vois pas de quoi se plaignent les Chinois (qui en plus refusent que leur monnaie soit traitée sur les marchés monétaires comme les autres). Si cette dépréciation du Yuan met en difficulté leur marché intérieur (notamment immobilier et par l’absence d’investissements), ça leur permet quand même de continuer à pratiquer un dumping outrancier pour continuer à accumuler d’insolents excédents commerciaux. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre ; sauf si on est les USA et qu’on truste par sa monnaie la grande majorité des échanges internationaux. Leur timide tentative de dédollarisation est d’ailleurs totalement vaine tant qu’ils ne s’attaqueront pas aux problèmes de fond (trop nombreux pour être exposés ici).
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