Il y a cinquante ans, la critique de Martin Luther King Jr concernant le militarisme américain prédisait la montée de l’aventurisme mondial américain.
Source : Responsible Statecraft, William Hartung
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
L’anniversaire du Dr Martin Luther King Jr fournit l’occasion de s’arrêter un instant et de réfléchir sur le sens de sa vie et de son œuvre. C’est particulièrement important de le faire ces temps-ci, alors qu’un racisme impitoyable gagne et qu’une atmosphère de Guerre froide infiltre Washington.
King avait une profonde compréhension des liens entre les situations intérieures et extérieures de l’Amérique, exprimée de façon claire lors de son discours contre la Guerre du Vietnam, prononcé à l’église Riverside de New York le 4 avril 1967, un an avant qu’il ne soit assassiné.
King avait compris que le Vietnam n’était pas un exemple isolé de l’aventurisme américain.
La guerre du Vietnam est le symptôme d’une maladie bien plus profonde de l’esprit américain et si nous ignorons cette triste réalité, nous finirons par organiser des comités « de laïcs et d’hommes de foi » [comme ceux contre la guerre du Vietnam] pour la prochaine génération. Ils seront inquiets pour le Guatemala – le Guatemala et le Pérou. Ils seront inquiets pour la Thaïlande et le Cambodge. Ils seront inquiets pour le Mozambique et l’Afrique du sud. Nous manifesterons pour ces causes et une douzaine d’autres et participerons à des manifestations sans fin, à moins qu’il n’y ait un changement profond dans la vie et la politique américaines.
Les prévisions de King sur les lieux où interviendraient les États-Unis n’étaient pas justes, mais le processus qu’il décrit s’est malheureusement déroulé, de l’Afghanistan à l’Irak, la Libye, la Syrie et ailleurs.
Ces interventions directes ne tiennent pas compte du rôle de l’Amérique en tant que leader des nations commerçant des armes, fournissant des équipements à des pays comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis qui sont utilisés dans une guerre féroce au Yémen – celle-ci a directement ou pas tué 400 000 personnes. Selon l’Institut international de Stockholm pour la recherche de la paix, les États-Unis ont fourni des armes à 103 pays entre 2017 et 2021 – plus de la moitié des pays du monde. Pour beaucoup de citoyens du monde, leur première association avec les États-Unis est un soldat américain ou une arme américaine entre les mains de leur gouvernement ou d’un de leurs adversaires.
Le record américain d’intervention militaire tous azimuts et de ventes d’armes est bien loin de la politique de « diplomatie d’abord » que l’administration Biden a déclaré vouloir poursuivre. A son actif, l’administration a rempli son engagement de dégager les États-Unis de ses vingt années catastrophiques d’engagement en Afghanistan. Et quelques fois, comme en Ukraine, les armes américaines ont été fournies pour la défense, pour aider Kiev à repousser la brutale invasion russe. Par contre, les États-Unis adhèrent toujours à une politique étrangère militarisée contre laquelle le Dr King nous prévenait il y a plus de 50 ans.
La professeure à l’université Tufts, Monica Toft, boursière à l’Institut Quincy, a décrit plus largement les effets de l’addiction américaine aux forces militaires dans un récent article dans Foreign Affairs :
C’est une tendance malheureuse. Comme preuve regardons simplement la désastreuse intervention militaire américaine en Afghanistan, Irak et Libye. Le recours très fréquent à la force sape la légitimité américaine dans le monde. Alors que la diplomatie et l’influence étrangère américaine déclinent, l’empreinte militaire du pays ne fait que grandir.
Toft souligne également l’impact de l’interventionnisme américain sur la réputation américaine dans le monde. Un sondage du centre Pew réalisé entre 2013 et 2018 a révélé que le nombre d’étrangers qui considèrent les États-Unis comme une menace a doublé pendant cette période, passant de 25 à 45 pour cent.
King avait aussi souligné les conséquences internes de cet interventionnisme endémique.
Cette lutte a eu un moment particulièrement intéressant, il y a quelques années. Il semblait qu’il y avait un réel espoir pour les pauvres – qu’ils soient noirs ou blancs – grâce au programme Pauvreté. Il y avait des expériences, des espoirs, de nouveaux départs. Puis vint l’escalade au Vietnam, et j’assistais au démembrement de ce programme comme si c’était un jouet politique inactif d’une société rendue folle par la guerre, et je sus que l’Amérique n’investirait jamais les fonds ou l’énergie nécessaire pour réhabiliter ses pauvres tant que des expéditions comme celle du Vietnam mobiliseraient autant d’hommes, de talents et d’argent, comme un démoniaque aspirateur à destruction.
Les coûts internes de ce militarisme se font sentir jusqu’à aujourd’hui. Le budget, approuvé par le président Biden le mois dernier, octroie 858 milliards au Pentagone, ainsi que pour des travaux sur l’arme nucléaire au sein du ministère de l’Énergie. Ceci dépasse de beaucoup la moitié des budgets des gouvernements fédéraux, la partie qui comprend virtuellement tout ce que fait le gouvernement autre que les programmes obligatoires comme la sécurité sociale et les soins médicaux : la protection de l’environnement, la santé publique, l’administration de la justice, la formation professionnelle, l’éducation et plus encore. Alors que le Congrès a résisté aux essais de l’administration d’obtenir des fonds supplémentaires pour le Covid, et mis fin au crédit Enfant, l’un des moyens les plus efficaces pour éradiquer la pauvreté.
King avait compris que les racines d’un État guerrier sont profondes, dirigées par ce « trio démoniaque que sont le racisme, le matérialisme extrême et le militarisme ». Des groupes tels que la Campagne des gens pauvres, co-dirigés par les révérends William Barber et Liz Theoharis et inspirés par Martin Luther King, ont répondu à l’appel pour régler ces questions. Plus de groupes et d’individus doivent faire de même si on veut adopter une véritable politique de la « diplomatie d’abord », avec les grands bénéfices pour la sécurité américaine et globale, ainsi que la prospérité et l’égalité domestique que cela produirait.
Source : Responsible Statecraft, William Hartung, 15-01-2023
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
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Commentaire recommandé
Dans le film « Le Majordome », celui ci, vieux Majordome noir au service de la présidence, père d’un activiste compagnon de lutte de ML King et l’ayant quasi banni de sa vie pour ça, fait, sur le tard, une grande découverte: » mon fils, avec une poignée d’autre avait sauvé l’âme des USA ».
Magnifique.
Mais hélas non, ils n’ont pas réussi. Le mal était trop profond.
C’est incroyable cette tartuferie qui consiste à ne garder que ce qu’on veut dans un panier. Pour MLK, après l’avoir assassiné, on ne garde, sous des tonnes de guimauves mémorielles larmoyants typiquement US, que la non-violence et bien sûr le racisme, devenu un juteux bizness et un vecteur de pouvoir. On oubli son combat contre l’argent. Pourtant, c’était son combat majeur, c’est très exactement ça qui en faisait un ennemi d’état pour Hoover et sa bande de fous furieux fascinants, la lutte contre l’argent.
King était d’une sévérité implacable contre les riches, et surtout les riches noirs. Cet aspect n’est dans aucune commémoration de crocodiles.
Les USA ne sont bâtis que sur l’argent. L’argent et son corollaire : la violence.
La propriété y est récente, illégitime, basée sur la spoliation, le vol et le sang.
Cette adoration du dollar sur lequel on ose commettre le blasphème épouvantable( pour un cul béni) d’invoquer le nom de Dieu : « in good we trust ».
Épouvantables prémisses qui pourrissent le projet dès l’origine.
Tout le reste n’est que communication.
10 réactions et commentaires
Dans le film « Le Majordome », celui ci, vieux Majordome noir au service de la présidence, père d’un activiste compagnon de lutte de ML King et l’ayant quasi banni de sa vie pour ça, fait, sur le tard, une grande découverte: » mon fils, avec une poignée d’autre avait sauvé l’âme des USA ».
Magnifique.
Mais hélas non, ils n’ont pas réussi. Le mal était trop profond.
C’est incroyable cette tartuferie qui consiste à ne garder que ce qu’on veut dans un panier. Pour MLK, après l’avoir assassiné, on ne garde, sous des tonnes de guimauves mémorielles larmoyants typiquement US, que la non-violence et bien sûr le racisme, devenu un juteux bizness et un vecteur de pouvoir. On oubli son combat contre l’argent. Pourtant, c’était son combat majeur, c’est très exactement ça qui en faisait un ennemi d’état pour Hoover et sa bande de fous furieux fascinants, la lutte contre l’argent.
King était d’une sévérité implacable contre les riches, et surtout les riches noirs. Cet aspect n’est dans aucune commémoration de crocodiles.
Les USA ne sont bâtis que sur l’argent. L’argent et son corollaire : la violence.
La propriété y est récente, illégitime, basée sur la spoliation, le vol et le sang.
Cette adoration du dollar sur lequel on ose commettre le blasphème épouvantable( pour un cul béni) d’invoquer le nom de Dieu : « in good we trust ».
Épouvantables prémisses qui pourrissent le projet dès l’origine.
Tout le reste n’est que communication.
+38
AlerterDans les années 2000, j’avais vu à Paris, Amelia Boynton Robinson, du mouvement des droits civiques et qui a combattu avec MLK. Lors de cette présentation, elle avait captivé l’auditoire : Elle amenait à son grand âge, un souffle de fraicheur et d’optimisme qui faisait qu’à près de 100 ans, elle avait l’âme d’une jeune de 25 ans !
Son engagement pour combattre la pauvreté matérielle et culturelle sous toute ses formes est dans la ligne droite de MLK : que chacun puisse pouvoir se lever et dire non à toutes les formes que peut prendre la tyrannie de l’argent.
Quand on découvre une personne qui a foi dans l’humanité et dans chacun, individuellement, cela inspire.
Merci à tous ses inspirateurs d’hier et d’aujourd’hui.
+13
Alerter« Les prévisions de King sur les lieux où interviendraient les États-Unis n’étaient pas justes, mais le processus qu’il décrit s’est malheureusement déroulé, de l’Afghanistan à l’Irak, la Libye, la Syrie et ailleurs. »
Mais non, il avait tout bon: « ls seront inquiets pour le Guatemala – le Guatemala et le Pérou. Ils seront inquiets pour la Thaïlande et le Cambodge. Ils seront inquiets pour le Mozambique et l’Afrique du sud. »
Das tous ces pays il n’y a aucun doute, ce n’est même pas discret, et en ce moment même le Pérou est bien travaillé…
Mais il n’avait pas osé imaginer que la Russie et la Chine seraient attaqués.
+12
AlerterQuand on parle de l’agressivité des USA à l’encontre des autres nations on oublie bien souvent l’agressivité « soft » qu’ils imposent à leurs « alliés » comme c’est actuellement le cas en €urope concernant les relations avec la Russie.
Et bien sûr, même si l’intervention russe est condamnable il ne faut surtout pas oublier que les causes de cette intervention sont bel et bien américaines avec leur stratégie d’encerclement de la Russie et de la Chine.
S’ils n’avaient pas foutu un bordel monstre en s’asseyant allègrement sur toutes les promesses qu’ils avaient faites à Gorbatchev (paix à son âme, il était réellement pour la paix mais il était trop naïf et s’est retrouvé confronté à des charognards avides et sans scrupules).
J’aimerais bien connaître leur réaction si les russes et les chinois installaient des bases militaires au Canada, au Mexique et dans les Antilles…
Faites ce que je dis mais ne dites pas ni ne faites surtout pas ce que je fais.
Et comme ils ont les moyens de corrompre TOUS les dirigeants occidentaux ou de leur « tordre la bras » ne nous attendons pas à un « réveil » de « nos élites » qui pourraient exiger que ces manigances cessent.
Les USA sont une nation qui s’est construite sur la violence et cette « philosophie d’existence » est désormais inscrite dans leurs gènes.
Et malheureusement le seul langage que leurs « élites » comprennent, c’est celui du plus fort.
Il faudrait que toutes les autres nations du monde (avec une ONU non corrompue) leur impose un embargo strict et un encerclement militaire féroce qui les empêchent de ne pas le respecter.
Comme ils font avec les autres.
+22
AlerterOn a tous vu leur réaction avec la petite île de Cuba…
+0
AlerterCe qui change par rapport à l’époque de MLK c’est surtout le contexte géoéconomique : la situation des USA « number one » ne pouvait de toutes façons pas durer.
Aujourd’hui des USA n’ayant plus les moyens de leurs prétentions enchainent les coups fourrés à crédit tout en ayant délégué leur situation interne au secteur marchand : on sacrifie les pauvres au dieu dollar et on massacre en son nom à l’etranger … sauf que les USA ne sont plus 45% de la productions de biens au monde avec un accès exclusif à l’energie , on est plus en 1960… et comme les problèmes internes ont eut le temps de s’aggraver comme toute plaie mal soignée depuis, ça commence à sérieusement puer.
J’avais théorisé une situation propice au coup d’état militaire il y a quelques mois , à la réfléxion , il a peut ètre déjà eut lieu , ce qui m’arrange parce que ça rends pleins de choses plus facile à expliquer quand le pouvoir réel est au pentagone et pas à la maison blanche.
+4
AlerterSavonarole,
Le pouvoir réel n’est pas au Pentagone, il est situé au sein du complexe industriel militaire qui finance les élections des élus.
Les élus sont tenus par ce financement et par les emplois dudit complexe.
Par ailleurs le complexe industriel est lui-même tenu par les grandes banques qui le financent.
La FED est elle-même une dépendance de facto de l’oligarchie bancaire.
Le pouvoir effectif est détenu par ceux qui décident de la création monétaire et de son allocation.
+6
AlerterJe suis l’état.
J’ai besoin de 350 tanks pour assurer ma défense.
Je lance un appel d’offre :
Que toutes les entreprises qui se sentent capables de fournir ma demande présentent un projet.
Mais cher état, un Mirage III qui est une machine magnifique coûte plusieurs millions de francs. On veut bien vous les faire et les fournir. Il en va de notre sécurité nationale… Mais aucune entreprise n’est capable d’avancer des millions de francs. Que son commanditaire soit public ou privé.
J’ai besoin d’un intermédiaire pour garantir que j’investis bien.
Une banque… Comme par hasard.
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AlerterAu Pentagone ou à la CIA? Joe Biden laisse se poursuivre la persécution de Julian Assange et je me demande si il n’est tout simplement pas capable de s’opposer aux services de sécurité qui veulent la peau de ce journaliste.
+0
AlerterAssange est un exemple pour que les journaux la ferme et relaient bien ce qu’on leur donne à écrire. Aujourd’hui n’importe quel refoulement des interwebs fout life ou le NYT aux abonnés absent … il ne se passe rien en Ohio , repeat after me : les UFOs Chinois …
Ca me rapelle un dicton Soviétique : « Il n’y a pas de nouvelles dans la vérité et pas de vérités dans les nouvelles ».
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