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7.septembre.20247.9.2024 // Les Crises

La fin est proche pour les insectes, les chauves-souris… et les militants écologistes

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Notre réponse au réchauffement climatique et à l’extinction des espèces animales se résume à marginaliser le parti des Verts et à emprisonner les manifestants.

Source : The Guardian, Stewart Lee
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Illustration de David Foldvari.

Signes et prodiges. Des présages de mauvais augure. Une partie de l’oreille d’un cinglé américain a été arrachée par le tir d’un autre cinglé américain. Le projet de présidence de l’abruti sans oreille avait été approuvé par Kerry Katona d’Atomic Kitten [Kerry Katona est une auteure-compositrice-interprète, actrice, et animatrice de télévision britannique. Elle est connue pour avoir été membre des Atomic Kitten [Chaton atomique], NdT]. Un ordinateur s’est détraqué et tout a cessé de fonctionner dans le monde entier. Mardi, on a appris que Chris Packham [naturaliste anglais, photographe de la nature, présentateur de télévision et auteur, NdT] regrettait d’avoir un jour chevauché un éléphant. Dimanche dernier a été le jour le plus chaud de tous les temps. Une lionne a mis bas dans la rue. Les tombes se sont ouvertes et ont vomi leurs morts. Suella Braverman a remplacé James O’Brien sur LBC [Leading Britain’s Conversation, radio britannique, NdT] et le dernier membre des Four Tops est décédé. Nous vivons certainement la fin des temps. Comme on dit, les perspectives ne sont pas bonnes.

Mais la semaine dernière, je me suis assis dehors, seul, pendant mes vacances à la montagne au Pays de Galles, buvant de la bière Bwtty Bach à la pression dans un gobelet en plastique et lisant un vieux livre de poche de Brigid Brophy. Pendant un moment, j’ai été heureux au-delà de toute mesure, j’ai oublié le monde extérieur et j’ai cessé de m’inquiéter. Et puis j’ai vu que quelque chose ne tournait pas rond dans mon monde idyllique. J’ai levé les yeux vers une lampe de sûreté, une ampoule halogène crue entre le mur de pierre grise et la lune qui brillait. Il n’y a pas si longtemps, par une nuit comme celle-ci, une telle lampe aurait toujours été voilée par une pénombre diffuse d’invertébrés bourdonnants. Mais ce soir, l’air tout autour était famélique et sans vie, l’équivalent entomologique d’une salle de convention du Parti Républicain vide, où personne ne vient écouter Boris Johnson.

Il y a trente ans, alors que j’étais jeune et ignorant, une femme m’a emmené de nuit dans les zones humides de Barnes et m’a collé un casque de détection de chauve-souris sur les oreilles. J’ai écouté le grincement du sonar alors que des silhouettes de vampires faisaient des vols en piqué au dessus de l’eau, dévorant les nuages d’insectes comme des requins pèlerins décimant le plancton, ou ou encore comme peut le faire Yvette Cooper [Ministre de l’intérieur britannique, NdT] avec son sens des réalités qui lui permet de se débarrasser de la rhétorique de Lee Anderson [parlementaire britannique conservateur, NdT] digne d’un rouleau de papier de chiottes mouillé.

Et puis, il y a quatre ans, dans l’un de ces sombres moments de confinement, je me trouvais seul dans les marais de Hackney au coucher du soleil, respectant les distances sociales requises avec les habitants des bateaux sans aucun doute contaminés par le virus, et j’ai vu de grandes volées de perruches africaines vertes invasives descendre en piqué sur la rivière Lea pour y trouver des essaims de nos insectes britanniques, les gros oiseaux étrangers n’étant pas découragés par les menaces de Suella Braverman [Députée du parti Conservateur, NdT] d’expulsion vers le Rwanda, qui auraient coûté 700 millions de livres sterling. Bref, au moins, quelque part pendant la pandémie – dans les eaux d’un ancien marais et sur le yacht de luxe de Michelle Mone [ baronne Mone, siège à la Chambre des Lords, Conservatrice, ancienne mannequin et entrepreneuse écossaise de lingerie, NdT]- la vie continuait comme si de rien n’était.

En revanche, vous pouvez désormais vous asseoir sur la terrasse de votre maison de vacances et observer l’effondrement des écosystèmes en temps réel.

La semaine dernière, dans le Monmouthshire, cette soirée autrefois si féconde était dépourvue de vie. J’ai immédiatement pensé aux chauves-souris qui, autrefois, se seraient régalées d’un nuage d’insectes. Et bien sûr, dimanche dernier, les preuves flagrantes et subites des effets des pesticides, de la perte d’habitat et, surtout, de l’urgence climatique que nous avons provoquée, se sont confirmées : les 18 espèces de chauves-souris britanniques, avides d’insectes, sont mortes de faim, se sont écrasées et ont brûlé. Peut-on imaginer un monde sans chauves-souris, ou tout au moins un monde où elles seraient toutes gravement sous-alimentées ? DC Comics aurait-il pu bâtir une énorme franchise en partant du principe qu’un homme possède les pouvoirs d’un mammifère faible et mourant ? [Référence à Batman, NdT]

Mais le bon côté des choses, c’est que vous pouvez désormais vous asseoir sur la terrasse de votre maison de vacances et observer l’effondrement des écosystèmes en temps réel. Et pourtant, on ne voit toujours pas le parti Vert aux informations de la BBC aussi régulièrement que, par exemple, Nigel Farage et les diverses itérations des nombreux partis populistes, et ce, indépendamment d’un nombre de voix comparable. Nous sommes en train d’épuiser nos réserves d’air et ceux qui le soulignent ne bénéficient d’aucun temps d’antenne. David Attenborough [rédacteur scientifique, écrivain et naturaliste britannique, NdT] rapporte la terrible vérité comme une tortue des Galapagos, son bec s’ouvrant et se refermant sans qu’on l’écoute, en dépit de ses nombreux Baftas [équivalent des Césars, NdT]. Voilà pourquoi nous devons nous mobiliser.

Mais peut-on se permettre de descendre dans les rues ? Avoir une conscience coûte cher. Jeudi dernier, cinq manifestants de Just Stop Oil, que l’histoire qualifiera de héros, ont été condamnés à des peines de prison record pour avoir manifesté sans violence. Leurs familles doivent être fières d’eux à juste titre. Michel Forst, rapporteur spécial des Nations unies en charge des défenseurs de l’environnement, a déclaré que ce jugement était « un jour sombre pour les manifestations pacifiques… Voilà qui devrait nous alerter quant à ce que deviennent nos droits civiques et nos libertés au Royaume-Uni ». Au moins, nous sommes les leaders mondiaux dans quelque chose ! Ça et les banques alimentaires.

Le juge Christopher Hehir a condamné les manifestants de Just Stop Oil à des peines de quatre à cinq ans chacun, ce qui a eu pour effet d’encombrer davantage encore les prisons abandonnées par les conservateurs. Mais en janvier, Hehir a prononcé une peine avec sursis à l’encontre d’un ancien policier qui avait eu des relations sexuelles avec une femme ivre dans une voiture de patrouille alors qu’il lui avait proposé de la ramener chez elle, et en septembre dernier, il a fait preuve de la même indulgence à l’égard d’un homme qui avait foncé en voiture sur les grilles de Downing Street alors qu’on a trouvé sur son téléphone pléthore d’images indécentes d’enfants, réussissant de manière impressionnante à commettre simultanément deux délits bien distincts, comme Gary Glitter dans Fast & Furious.

Mais d’ici quelques années, lorsque la crise climatique rendra la vie intenable, l’opinion publique en colère exigera une enquête rétroactive de type Nuremberg pour savoir qui a donné son feu vert à la mort de tout ce qui existe. Hehir lui-même se retrouvera alors sur le banc des accusés, espérant bénéficier de la même indulgence que celle qu’il a un jour accordée à un pédophile en goguette.

J’ai du mal à trouver des sujets pertinents pour mon prochain spectacle de standup, Stewart Lee versus the Man-Wulf. Mais bon, est-ce qu’il y a encore quelqu’un pour se souvenir des insectes ? Pour se souvenir des chauves-souris ? Pour se souvenir de la vie sur Terre ? Au fait, eh les gens, c’était quoi tout ça ? C’était quoi cet environnement vivable ? Rappelez-vous quand, au moment de sa condamnation, Louise Lancaster, de Just Stop Oil, a déclaré : « Tous les autres moyens de pression démocratique ont échoué. » Je suis ici toute la semaine. Vous ne voulez pas essayer le poisson ? Oh pardon, il n’y en a pas non plus.

L’émission Basic Lee de Stewart Lee est disponible en streaming sur Now TV. Il présente en avant-première 40 minutes de nouvelles créations dans Stewart Lee Introduces Legends of Indie au Lexington, à Londres, en août, avec Connie Planque, Swansea Sound et David Lance Callahan.

Source : The Guardian, Stewart Lee, 28-07-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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2 réactions et commentaires

  • Velgastriel // 07.09.2024 à 09h09

    Encore beaucoup de texte pour pas grand chose de nouveau, mais au moins nous pouvons profiter des sarcasmes et métaphores de haut-vol sur les personnalités politiques que l’auteur n’aime pas…
    La trumpisation de la politique est un grand fléau de notre temps.

  • calahan // 07.09.2024 à 12h02

    ce que dit l’auteur va bien au delà qu’une guéguerre partisane : nos écosystèmes s’appauvrissent, insectes, oiseaux, poissons, planctons et autres mammifères, ils nous sont vitaux.

    Des personnes ont manifesté contre l’ industrie « pétrochimique » pacifiquement et se retrouvent avec des peines plus lourdes qu’un pédophile.

    ET tout ça est extrêmement préoccupant sauf si on est une autruche évidement. (celle qui se met la tête dans le sable pour ne pas voir le danger comme ça il n’existe plus : gné )

    c’est bon z’avez capté ?

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