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13.mars.202413.3.2024 // Les Crises

La population animale des fermes industrielles américaines a doublé en 20 ans

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« Ce système alimentaire non pérenne […] doit être réformé avant qu’il ne soit trop tard », a déclaré un avocat.

Source : Truthout, Zane McNeill
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Des vaches dans un corral au Jordan Dairy Farms Heifer Facility à Spencer, Massachussetts, le 5 juin 2020.
ADAM GLANZMAN / POUR LE WASHINGTON POST VIA GETTY IMAGES

De nouvelles données issues du recensement agricole 2022 du ministère américain de l’agriculture (USDA) montrent que 1,7 milliard d’animaux sont actuellement élevés chaque année dans des fermes industrielles aux États-Unis, soit une augmentation de 6 % par rapport à 2016 et de près de 50 % par rapport à il y a 20 ans.

« Les fermes industrielles les plus importantes, celles qui sont néfastes pour les agriculteurs, l’environnement et la santé publique, sont de plus en plus nombreuses », a déclaré Anne Schechinger, directrice du Midwest pour l’Environmental Working Group (EWG), dans un communiqué. « Les nouvelles données de l’USDA montrent que si on ne change pas de politique, les fermes industrielles continueront à s’agrandir, causant des ravages pour la santé publique, l’environnement et le climat. »

Les États-Unis comptent actuellement 24 000 fermes industrielles, ou usines d’élevage intensif, qui confinent un grand nombre d’animaux dans des espaces restreints. Il est difficile de se représenter les quantités ahurissantes d’animaux soumis à ces conditions cruelles. Les données récentes de l’USDA révèlent que les fermes industrielles comptant 500 000 poulets de chair ou plus ont produit près de 1,4 milliard de poulets de plus en 2022 par rapport à 2012.

« L’Amérique d’aujourd’hui est véritablement devenue une nation d’élevage industriel. Le statu quo législatif à Washington favorise cette frénésie de consommation dans l’Amérique rurale », a déclaré Amanda Starbuck, directrice de recherche de Food and Water Watch (FWW). « Alors que les élevages industriels chassent les éleveurs traditionnels de leurs terres, nous nous retrouvons avec un nombre croissant d’animaux dans des élevages industriel qui produisent d’énormes quantités de déchets. »

Chaque année, ceux-ci produisent 420 millions de tonnes de lisier, soit plus du double du volume d’eaux usées généré par l’ensemble de la population des États-Unis. « Au cours des cinq dernières années, cela représente 23 millions de tonnes de plus qu’en 2017, ce qui équivaut à la création d’une nouvelle ville de 39 millions de personnes (ou près de deux zones métropolitaines de New York) », a déclaré le FWW dans un communiqué.

Le stress lié à l’enfermement dans les élevages industriels, associé au grand nombre d’animaux confinés dans la promiscuité, provoque l’effondrement du système immunitaire des animaux. Pour tenter de compenser le nombre d’animaux qui meurent avant d’être tués en vue de la consommation par les consommateurs, les élevages industriels utilisent les trois quarts des antibiotiques utilisés dans le monde, ce qui provoque l’apparition de bactéries résistantes aux antibiotiques et diminue l’efficacité des antibiotiques chez l’homme. Les d’antibiotiques relâchés dans l’environnement par les déchets animaux polluent les eaux de surface et les eaux souterraines et mettent en danger la santé publique. En fait, selon un rapport de World Animal Protection, la surutilisation des antibiotiques dans l’agriculture industrialisée entraîne la mort prématurée de près d’un million de personnes par an et cause chaque année dans le monde, des pertes économiques à hauteur de 400 milliards de dollars.

« Nous enfermons plus d’animaux pour produire de la nourriture – dont une grande partie est exportée – que jamais auparavant dans l’histoire », a déclaré à Truthout Delcianna J. Winders, professeure associée de droit à la Vermont Law and Graduate School. « Ce qui n’est pas exporté, c’est la quantité monumentale de déchets produits par ces animaux – plus de deux fois la quantité générée par chaque personne dans le pays. »

En 2021, les États-Unis ont exporté 225 000 tonnes de bœuf, principalement vers la Corée du Sud, le Japon et le Mexique. Deux des plus grands producteurs de porc aux États-Unis, JBS, une multinationale brésilienne, et Smithfield Foods, Inc. une filiale du conglomérat chinois WH Group, ont pénétré le marché américain dans le but d’exporter de la viande américaine à l’étranger. Ces entreprises étrangères ont reçu des milliards de dollars de subventions du gouvernement fédéral. « Ce système alimentaire non durable, qui est en grande partie le résultat des subventions accordées par les contribuables à l’élevage industriel, doit être réformé avant qu’il ne soit trop tard », a déclaré Winders.

Les élevages industriels sont également responsables de l’aggravation du changement climatique. World Animal Protection estime que l’élevage industriel est responsable à lui seul de 12 % des émissions mondiales, soit 6,2 milliards de tonnes de CO2 par an. Ces émissions dépassent celles de l’ensemble de l’industrie des transports.

Bien qu’il soit reconnu que les pays riches doivent de plus en plus s’attaquer aux émissions de gaz à effet de serre provenant de l’agriculture intensive pour atteindre leurs objectifs en matière de climat, les États-Unis continuent de laisser l’agriculture largement en dehors de toute réglementation. Malheureusement, il s’agit d’une tendance mondiale. Alors qu’un récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) reconnaît la nécessité d’une transition rapide vers un système alimentaire basé sur les plantes pour éviter un effondrement catastrophique de la planète, les défenseurs de l’environnement et des animaux affirment que le récent sommet sur le climat COP28 à Dubaï n’a pas suffisamment pris en compte les dommages environnementaux de l’élevage industriel.

Toutefois, les groupes de défense de l’agriculture raisonnée continuent de plaider en faveur d’un système alimentaire qui donne la priorité à la durabilité. « La bonne nouvelle, c’est que le Congrès peut nous faire évoluer vers un système alimentaire plus respectueux du climat, de l’environnement, des animaux et des êtres humains dès maintenant grâce à la loi sur l’agriculture », a déclaré Winders.

La Farm Bill est la principale loi fédérale qui exerce une influence tant sur la production que sur la consommation de denrées alimentaires aux États-Unis. Elle alloue des fonds aux programmes de nutrition, aux productions vivrières, aux assurances sur les récoltes et aux mesures de protection de l’environnement. Ses programmes de subventions tendent à favoriser les exploitations agricoles les plus importantes et les plus riches du pays, principalement celles qui se spécialisent dans la production de soja, de blé et de maïs, dont une grande partie est utilisée pour l’alimentation animale. Néanmoins, les défenseurs de l’environnement et des animaux, tels que la National Sustainable Agriculture Coalition, exigent que la prochaine loi agricole réforme ses programmes sur les productions vivrières et la protection de l’environnement afin de remédier à cette situation et d’augmenter le financement de ses programmes d’incitation à la protection et à la qualité de l’environnement.

Parallèlement à la Farm Bill, les défenseurs des intérêts de l’agriculture exhortent le Congrès à adopter le Farm System Reform Act, un projet de loi présenté lors de plusieurs sessions législatives par le sénateur Cory Booker (Démocrate-New Jersey), qui imposerait un moratoire sur la construction de nouvelles fermes-usines.

« Les bénéfices vont dans les coffres privés, tandis que notre population et notre environnement sont laissés pour compte. Assez, c’est assez, le Congrès doit adopter la loi sur la réforme du système agricole afin d’interdire l’élevage industriel dès maintenant », a déclaré Starbuck.

Cet article est placé sous licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 4.0), et vous êtes libre de le partager et de le republier selon les termes de la licence.

ZANE MCNEILL

Zane McNeill est rédactrice pour Truthout. Elle est titulaire d’une maîtrise en sciences politiques de l’Université d’Europe centrale et est actuellement inscrite à la faculté de droit de l’Université de Denver (Sturm College of Law). On peut la suivre sur Twitter : @zane_crittheory.

Source : Truthout, Zane McNeill, 14-02-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Auguste Vannier // 13.03.2024 à 09h36

Évidemment, comme d’habitude, l’Europe cherche à rattraper ce « modèle »…
Et pourtant quelle violence faite aux animaux, faite à notre milieu de vie, faite à notre nourriture, faite à la vie!
Comment ne pas désespérer ?

13 réactions et commentaires

  • Auguste Vannier // 13.03.2024 à 09h36

    Évidemment, comme d’habitude, l’Europe cherche à rattraper ce « modèle »…
    Et pourtant quelle violence faite aux animaux, faite à notre milieu de vie, faite à notre nourriture, faite à la vie!
    Comment ne pas désespérer ?

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    • remikiski // 13.03.2024 à 10h01

      D’abord violence a l’humain, et subsidiairement l’animal, qui ne peut y réfléchir, même si certains lui prête de l’humain, ce qui est faux.

        +3

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      • Bouddha Vert // 13.03.2024 à 21h45

        Pas nécessaire d’être humain pour réfléchir à sa condition, les travaux et expériences des éthologues sont légions.
        Ce qui est vraiment vrai, c’est que l’Homme est un animal et cela n’a rien de mal.

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    • James Whitney // 13.03.2024 à 13h56

      J’espère qu’il y a des associations et des groupes politiques qui informent l’ensemble des Français sur les fermes industrielles en France et aussi lancer des campagnes contre leurs existence.

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      • yoddle // 13.03.2024 à 15h09

        Quand les groupes de pression auront réussi à faire interdir de telles aberrations, ils auront une bonne excuse pour
        developper les fermes à insectes…
        mais je ne mangerai pas ce ce pain là qui était une punition (pour les mauvais citoyens) sous le régime radical chinois il y a pas si longtemps.

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      • jp // 14.03.2024 à 00h50

        comme asso je connais greepeace et l214
        pétition en ligne : https://www.greenpeace.fr/fermes-usines-stop-a-lelevage-industriel/

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      • azuki // 14.03.2024 à 01h21

        Il y en a, d’ailleurs le gouvernement a une fâcheuse tendance a leur balancer des grenades, des tirs de LBD ou d »essayer de les interdire de parole, quelques persécutions judiciaires et préfectorales en rab.

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  • jp // 13.03.2024 à 19h34

    et les victimes lors d’accident sont donc d’autant plus nombreuses,
    comme par ex les 18 000 vaches tuées dans l’explosion suivie d’incendie d’une ferme géante au Texas en avril 2023.
    Plus d’autres incendies de bétail assez souvent, mais les articles que j’ai lus parlent de la souffrance des agriculteurs qui perdent des sous, pas de celles des animaux.

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  • Cévéyanh // 13.03.2024 à 21h54

    En 2022, dans un autre pays : la Chine ; pour sa propre population, des chinoisos sont alléos jusqu’à construire un immeuble de 26 étages pour produire (et non élever ; et non « herberger », écrit dans l’article https://www.ledevoir.com/societe/772461/alimentation-600-000-cochons-eleves-sur-26-etages) 600 000 porcs !
    La recherche de toujours plus de rentabilité ne va t-il pas métamorphoser aussi l’Humain à devenir de plus en plus comme un robot ? C’est-à-dire INSENSIBLE à l’autre ; INSENSIBLE à ce qui est différent. Comment des humainos ont pu penser produire des animaux dans un si HAUT enfermement ?

    « De son côté, le professeur Maurice Doyon souligne que les pressions augmentent pour l’élevage éthique, où les animaux ont de l’espace pour bouger et peuvent aller dehors. Mais les consommateurs réclament en même temps des bas prix. »
    La nourriture de moins en moins chère à un coût (et pas uniquement d’argent) : coùt sur le bienfait de la nourriture qui entraîne un coût sur la santé, entraînant un coût sur notre mental, possiblement un coût sur nos échanges avec les autres, possiblement un coût sur notre travail etc. Est-ce que des personnes qui peuvent acheter plus chère, en prennent la hauteur des conséquences ? La nourriture est la base principale de notre vie et non les objets de possession, les voyages, les habits etc. Il me semble que s’iels achètent de plus en plus, des éléveuros pourront et/ou voudront élever des animaux avec de meilleures conditions et des industrielleuros pourront et/ou voudront acheter de la nourriture de « meilleur qualité »/avec des nutriments nécessaire ; ou ne trouveront moins en moins bénéfique d’acheter moins cher pour de la « mauvaise qualité »/peu de nutriments. Cela peut petit à petit faire baisser le coût de ces aliments de bons nutriments et ainsi celleux qui ne pouvait pas en acheter auparavant, le pourront de plus en plus.

    Est-ce que la vie des autres animaux est si insignifiant au point d’en élever et d’en tuer des milliards pour assouvir notre plaisir (et non plus, ne plus avoir faim, apporter les nutriments nécessaire à notre corps) ? Si oui, est-ce humain de rien ressentir ou est-ce robotique ?

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  • Bouddha Vert // 13.03.2024 à 23h39

    Personne n’empêche aucun citoyen, pour le même prix d’en manger en masse 5 fois moins, c’est meilleur pour: le consommateur, l’éleveur, en général pour l’élevage et son biotope…
    Avec de la pédagogie, on peu sans amertume cuisiner des légumes (souvent beaucoup plus longs à préparer) et intégrer aux plaisirs de bouche une action réelle sur et dans notre monde.
    Cela ne va pas sans des maraîchers, si possibles proches et travaillant avec le moins d’intrants possibles, idéalement « Zéro »… Tout cela ne se fera pas sans les élus mais certainement jamais sans la volonté des citoyennes et citoyens.
    Nous sommes le moteur, et si le désir est clair, ce qui ne l’est absolument pas, émergera un avenir plus partagé et il ne faudrait peut être pas désirer autre chose.
    Revendiquer mais surtout agir.

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    • Grd-mère Michelle // 15.03.2024 à 14h05

      Oui, la manière de se nourrir de tout un-e chacun-e intervient directement dans cette problématique…
      Mais il ne suffit pas d’incriminer seulement la production industrielle, intensive, de nourritures (animales et/ou végétales): les industries de transformation et de « distribution » de l’alimentation en général sont au moins aussi largement en cause, et c’est elles qui entretiennent l’industrie de la PUBLICITÉ (désormais diffusée majoritairement sur « l’internet ») qui « modèlent » le goût des populations, riches et pauvres, pour les « aider » à choisir ce qu’elles mangent(surtout quelque chose qui ne demande que peu/pas de temps pour le préparer-phénomène du « fast food », qui n’est pas seulement celui des « MacDo », mais qui se retrouve dans tous les rayons des super-marchés).
      Les humains ont dû manger plus vite pour avoir le temps de (d’aller, avec ou sans bagnole) travailler (pour gagner de quoi s’acheter leur nourriture pré-préparée au lieu de la produire et de la cuisiner eux/elles- mêmes), mais la rentabilité des industries (désormais « délocalisées ») a imposé le remplacement des travailleurs-euses par des machines(boulimiques en « énergies ») et a creusé un fossé infranchissable entre les individus exploités ou désoeuvrés, « déboussolés », et ceux/celles qui « tiennent les rênes », ainsi qu’entre les pays « riches/puissants » et ceux qui, pourtant riches en « ressources », sont restés pauvres, « peu développés »…

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    • Grd-mère Michelle // 15.03.2024 à 14h12

      Suite:
      La « révolution industrielle » fut une énorme erreur(ou « entreprise » voulue?) qui a précipité les graves et imminents périls(sociaux et environnementaux, comme ceux des guerres,militaires et/ou « économiques ») qui nous menacent actuellement. Et la « révolution numérique » n’en est que son prolongement « naturel », de contrôle et de manipulation des peuples, destiné à la maintenir.

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      • Bouddha Vert // 15.03.2024 à 19h37

        Effectivement, une partie (combien?) est victime et l’on ne peut, en général, compter sur elle…
        Depuis Pareto, on comprend qu’il vaut mieux travailler avec les 20 que les 80 puisqu’à la fin, on partage le même bain.

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