Dans le cadre de notre « véritable bilan annuel du CAC40 », nous avons mené l’enquête sur la composition des conseils d’administration des 40 groupes de l’indice boursier parisien. Un exercice qui permet d’expliquer le degré extraordinaire de cohésion et de solidarité entre ses dirigeants, mais aussi la toile d’influence que ces grands groupes ont tissé dans les médias et plus généralement dans la société française. Analyse.
Source : Observatoire des multinationales, Olivier Petitjean – 06-12-2022
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On pourrait penser qu’il n’y a pas grand sens à parler « du CAC40 », comme si c’était une entité dotée d’une vie propre et d’une volonté autonome. Depuis l’automobile jusqu’au luxe en passant par la grande distribution, la pharmacie, le BTP, la banque ou les services numériques, les entreprises concernées opèrent dans des secteurs d’activité qui n’ont pas grand chose à voir les uns avec les autres. Certains groupes sont de création relativement récente, tandis que d’autres ont leurs racines dans le XIXe siècle, voire le XVIIe siècle pour Saint-Gobain. Certains ont pour actionnaire principal l’État français, tandis que d’autres appartiennent à des milliardaires comme Bernard Arnault ou Lakshmi Mittal, et que d’autres encore sont intégralement entre les mains des marchés financiers, sans actionnaires de référence.
Et pourtant.
Le CAC40 se caractérise aussi par une remarquable cohérence en ce qui concerne ses grandes orientations stratégiques : la même prédilection pour la rémunération des actionnaires, à travers le versement de dividendes toujours plus importants, les mêmes complaisances en termes d’explosion des rémunérations patronales, les mêmes discours ressassés sur la charge fiscale excessive dont ils souffriraient en France, le même choix assumé d’aller « chercher la croissance là où elle est », autrement dit de délocaliser et d’investir à l’étranger plutôt que dans l’Hexagone.
Solidarité des élites
Un tel degré de cohérence et de solidarité n’a rien de naturel. Certaines organisations patronales, notamment l’AFEP – Association française des entreprises privées, le lobby du CAC40 – ont précisément pour fonction de construire et d’entretenir cette unité sur tous les sujets importants : les questions de fiscalité notamment, mais aussi les sujets relatifs au climat ou encore à la responsabilité juridique des entreprises. Ce travail de l’AFEP est complété par des organisations thématiques, par exemple des associations ou des cercles regroupant tous les directeurs des ressources humaines du CAC40, ou encore leurs directeurs juridiques, ou leurs responsables des questions écologiques.
S’y ajoutent les liens personnels entretenus dans les cercles de sociabilité des élites (Le Siècle, le Jockey et autres) et favorisés par le recrutement dans les mêmes grandes écoles, viviers de dirigeants du public comme du privé.
Cette solidarité repose enfin sur les liens croisés entre groupes du CAC40. Ces liens sont parfois capitalistiques. L’État, le Groupe Dassault et jusque récemment le groupe Arnault étaient actionnaires de plusieurs groupes du CAC. L’Oréal possède une partie de Sanofi, et Bouygues encore une partie d’Alstom. Mais ces liens sont aussi personnels : de nombreux dirigeants d’entreprises de l’indice siègent dans le conseil d’administration d’une autre, voire de plusieurs autres. C’est une pratique profondément ancrée en France.
Le règne de l’entre-soi
Dans le cadre de l’édition 2022 de CAC40 : le véritable bilan annuel, nous nous sommes penchés sur la composition des conseils d’administration du CAC40. C’est un échantillon total de 563 personnes (en incluant ceux et celles qui ont intégré les conseils d’administration du CAC en 2022), 256 femmes et 307 hommes. Cette analyse met en lumière la densité du réseau de liens croisés entre dirigeants et administrateurs du CAC40. Elle illustre aussi la toile tissée par le CAC40, via ces liens d’appartenance, dans le reste de la société, et notamment des acteurs qui pèsent sur le débat public : les médias, les think tanks, les institutions culturelles.
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Les médias dans la toile
Ces relations avec le monde politique montre bien que la toile du CAC40 est aussi – peut-être avant tout ? – une toile d’influence. Influence auprès des élus et autres décideurs, certes, mais aussi influence sur le débat public, à travers les liens tissés avec les médias, les think tanks ou encore le monde de la recherche et des grandes institutions culturelles et académiques.
De nombreux administrateurs du CAC40 siègent en même temps dans les instances de gouvernance de groupes médiatiques – privés aussi bien que publics – en France et à l’étranger. Par exemple, une dirigeante de LVMH (et administratrice d’Unibail), Aline Sylla-Walbaum, vient de prendre la présidence du conseil de surveillance du groupe Le Monde (Le Monde, Télérama, La Vie, Courrier International, Le Monde diplomatique). Thomas Buberl, patron d’Axa, siège au conseil d’administration de Bertelsmann, le propriétaire de M6. Cécile Cabanis, déjà citée et décidément omniprésente, est également au conseil de surveillance de la société éditrice du Monde, ainsi qu’au conseil d’administration de France Médias Monde (RFI, France24). Delphine Arnault, fille de Bernard, en plus de siéger au conseil des Echos, titre appartenant au groupe familiale LVMH, est également administratrice de M6 et de Havas. Le compagnon de cette dernière Xavier Niel, désormais actionnaire clé d’Unibail en plus de sa participation dans iliad, est lui aussi très présent dans le monde des médias, à travers les groupes Le Monde et Nice-Matin.
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Commentaire recommandé
Cette cohésion des entreprises du CAC40 serait une bonne chose si elles œuvraient pour le bien de l’industrie, de l’économie, de la souveraineté françaises. Mais croient-elles seulement encore en la France ?
10 réactions et commentaires
Cette cohésion des entreprises du CAC40 serait une bonne chose si elles œuvraient pour le bien de l’industrie, de l’économie, de la souveraineté françaises. Mais croient-elles seulement encore en la France ?
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AlerterHeu… Combien, parmi ces entreprises du CAC40, possèdent une majorité d’actionnaires français-e-s?
Le besoin qu’ont eu les pays européens d’autres forces « alliées » pour se défendre du nazisme et du fascisme au cours de la seconde guerre mondiale a permis le grand marchandage de leurs « bijoux de famille », particulièrement par la voie du remboursement des « dettes de guerre »… me semble-t-il…
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AlerterIl manque la place de Macron sur ce schémas, lorsqu’il parle de souveraineté il s’adresse à qui? Pauvre Marianne..
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AlerterSi on y ajoute l’influence des ONG sur l’Europe (voir l’excellent document de Thibault Kerlirzin) et ses dirigeants et les crédits leur alloués par certains milliardaires et leurs diverses sociétés pour définir une vision mondialiste très discutable ( l’on peut constater ses effets ravageurs: écologiques, Covid etc…), l’on peut se demander si la démocratie et toutes ses facettes positives d’ouvertures n’est pas devenue la proie acquise de tous ces monstres financiers, industriels et intellectuels…
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AlerterOn peut étendre cet « entre-soi » au niveau politique dans la gouvernance mondiale. L’ONU et ses différents organes et agences, auxquels il faut rajouter le GIEC et les COP, et bien sur l’OTAN et notre bonne et vieille UE.
A. Guterres est passé de 1er ministre PS du Portugal à secrétaire général de l’ONU, J.M. Barroso est passé de la même case à Président de la Commission Européenne, les Coréens du Sud, amis des américains, ont également des places de choix sur ce grand échiquier, dont la présidence du GIEC.
La sainte trinité de l’OTAN est toujours composée d’un américain pour le commandement suprême des armées (dieu le père), de généraux européens pour le commandement militaire (le fils) et d’anciens ministres européens pour le secrétariat général (le saint esprit).
Le rôle des ONG est primordial sur le terrain. Juste une anecdote: le département de la Gironde fait régulièrement de la publicité d’appel aux dons pour OXFAM, à travers des manifestations sportives par exemple, cette ONG étant déjà largement financée par l’UE, et dirigée dans chaque pays par d’anciens ministres (Cécile Duflot pour la France).
Le monde politique est petit et surtout anti-démocratique.
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AlerterLa plupart des adhérents de l’Afep sont des dirigeants de sociétés de l’indice SBF 120 ce qui explique l’importance de cette Association française des entreprises privées qui est bien plus influente que celle du MEDEF.
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Alerterlol…pas grands choses en orientations nationales nulle part en Europe et ailleurs…à part les 3 ou 4 fonds de pension internationaux qui mènent effectivement ‘la danse’ ! …The Capital Group Companies (ou Capital Group, CGC) est l’un des trois plus grands organismes de gestion de fonds de pension au monde, avec The Vanguard Group et Fidelity Investments…
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AlerterIl serait intéressant de connaître le nombre de salarié-e-s, employé-e-s et ouvrier-e-s, que l’ensemble de ces entreprises rémunère, « fait vivre »… Ceux et celles qui sont les briques de cette construction imposante et écrasante, sans lesquel-le-s elle s’écroulerait.
Et dans quelle mesure ils/elles sont (ou pas du tout) consulté-e-s et/ou associé-e-s aux prises de décisions, ou ne fût-ce que informé-e-s de celles-ci…
Car à quoi sert de « se prendre la tête », s’inquiéter ou critiquer les conséquences périlleuses et effrayantes de cette emprise quasiment totale sur « la société », de la part d’entreprises gargantuesques dont l’objectif forcé est « la croissance » à tout crin, si les « petites mains » qui les constituent, ou du moins les confortent, n’ont pas la moindre marge de manœuvre pour les ébranler dans leurs volontés expansionnistes?
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AlerterUn vote démocratique anti-libérale peut contré cette hégémonie… Mais comme la propagande pro libéral dans les média ,detenue par le même loby ,fait trop bien sont travail de lavage de cerveau, je doute d un possible renversement par les urnes. J espère me tromper.
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AlerterIl faut aussi remarquer l’indigence, la pauvreté, l’inefficacité, du discours des forces anti-libérales dispersées… et indécises, peu convaincues de leur propres propositions… ce qui laisse le champs libre à la moquerie et au dénigrement.
Exemple d’un discours convaincu, affirmatif et porteur d’espoir(qu’il faut prendre pour ce qu’il est: une suite de phrases et de mots, néanmoins confortée par les multiples rapports de démocratie directe et participative compilés et illustrés sur le site), traduit en français:
https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/01/01/2023-lheure-dun-monde-nouveau-linterview-de-nicolas-maduro-par-ignacio-ramonet
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