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25.décembre.202425.12.2024 // Les Crises

Le contrôle territorial d’Israël s’étend-il vers la Syrie ?

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De nouvelles constructions le long de la ligne de cessez-le-feu de 1974 constituent vraisemblablement une nouvelle étape dans la série de mesures agressives prises par Tel-Aviv.

Source : Responsible Statecraft, Stavroula Pabst
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Outre Gaza, la Cisjordanie et le Liban, Israël semble désormais viser également le conflit qui s’envenime avec la Syrie, en construisant des aménagements dans une zone tampon cruciale entre les deux pays, en violation d’un précédent accord de cessez-le-feu et en éveillant les craintes d’une nouvelle escalade du conflit dans la région.

La semaine dernière, l’Associated Press a publié des images aériennes montrant Israël en train de construire le long de la ligne Alpha, qui délimite une zone démilitarisée ou zone de séparation entre la Syrie et les hauteurs du Golan occupées par Israël. Les images prises le 5 novembre par Planet Labs PBC pour AP montrent environ 7,5 km de constructions réalisées par les forces israéliennes le long de la ligne.

« Au cours des derniers mois, [la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement] FNUOD a observé des activités de construction menées par les FDI le long de la ligne de cessez-le-feu », a déclaré un porte-parole des forces de maintien de la paix de l’ONU à Responsible Statecraft. « La construction de fossés et de talus par les FDI semble empêcher la traversée de la ligne de cessez-le-feu par des individus venant de la zone de séparation. La FNUOD a observé que, pendant la construction, dans certains cas, les membres de Tsahal, les pelleteuses israéliennes et d’autres équipements de construction, ainsi que la construction, empiètent sur la zone de séparation. »

De tels efforts de construction, dont les images de l’AP montrent qu’ils sont en cours, ont déjà été relatés au Conseil de sécurité de l’ONU à la fin du mois dernier par Geir O. Pedersen, envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie.

Israël, qui en juin dernier a présenté au Conseil de sécurité des Nations unies, un rapport de 71 pages faisant état de violations de la ligne Alpha par la Syrie, affirme que ces travaux sont nécessaires à sa défense. Comme l’ont indiqué les Forces de défense israéliennes (FDI) à CNN, ces travaux sont destinés à « établir une barrière sur le seul territoire israélien afin de contrecarrer une éventuelle invasion terroriste et protéger la sécurité des frontières d’Israël. »

Toutefois, on craint toujours que ces mesures ne menacent un accord de cessez-le-feu vieux de plusieurs décennies, qui a joué un rôle clé dans le maintien d’une paix relative entre Israël et la Syrie, qui sont officiellement en guerre depuis 1948. Pour faire respecter ce cessez-le-feu, la FNUOD patrouille dans la zone démilitarisée depuis 1974.

« Des violations de l’accord de désengagement de 1974 se sont produites lorsque des travaux du génie ont empiété sur la zone de séparation ou zone démilitarisée », a déclaré la FINUL dans un communiqué du 12 novembre, selon l’agence AP. « Il y a eu plusieurs violations de la part (d’Israël) sous la forme d’une présence dans la zone de séparation en raison de ces activités. »

Selon la FNUOD : « Ces graves violations [israéliennes] concernant la zone démilitarisée risquent d’accroître les tensions dans la région. »

Un porte-parole de l’ONU a également indiqué à RS que « la FNUOD condamne toutes les violations de l’accord de désengagement. »

Les différends territoriaux entre la Syrie et Israël restent un sujet de contentieux. Une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies de 1981 a considéré que l’occupation par Israël du territoire du plateau du Golan (qu’Israël a arraché à la Syrie lors de la guerre israélo-arabe de 1967 et annexé en 1981) était « nulle et non avenue et sans effet juridique sur le plan international ».

En revanche, l’administration Trump a reconnu la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan en 2019, une décision confirmée par la suite par l’administration Biden, ce qui a soulevé une vive polémique aussi bien du côté des Syriens que d’une myriade de gouvernements.

Aujourd’hui, l’évolution de la situation dans la zone de la ligne Alpha laisse penser qu’Israël a l’intention d’étendre son contrôle territorial.

« Il est essentiel de replacer [les constructions israéliennes en cours près de la ligne Alpha] dans le contexte plus large des attaques permanentes d’Israël contre des cibles situées en territoire syrien, en particulier depuis le 7 octobre 2023, et de sa détermination à tirer pleinement parti de la faiblesse de l’État syrien pour faire avancer le projet de Grand Israël du gouvernement Netanyahou », a déclaré à RS Giorgio Cafiero, PDG de Gulf State Analytics, une société de conseil en risques géopolitiques localisée à Washington.

« Ce qu’Israël fait, c’est consolider son emprise sur les hauteurs du Golan occupé », selon Josh Landis, chercheur non permanent à l’Institut Quincy et directeur du département d’études du Moyen-Orient à l’Université d’Oklahoma. Dans une interview accordée à RS, il indique qu’il y a actuellement environ 25 000 colons israéliens sur les hauteurs du Golan. « Au cours des dernières années, de gros efforts ont été déployés pour développer les colonies et augmenter de 5 000 le nombre de colons sur le plateau du Golan. […] Israël est donc en train de s’étendre. »

Les offensives israéliennes régionales s’intensifient

Les constructions dans la zone de la ligne Alpha font suite à de nombreuses incursions et attaques israéliennes dans la région depuis que le Hamas a lancé ses attaques meurtrières contre Israël le 7 octobre 2023. Il s’agit notamment de frappes aériennes et d’opérations terrestres à grande échelle de Tsahal dans la bande de Gaza, lesquelles ont, à ce jour, tué plus de 43 000 Palestiniens, dont une très grande majorité de civils. En plus de restreindre les mouvements des Palestiniens dans la bande de Gaza, les FDI ont également augmenté le nombre et l’ampleur de leurs attaques et de leurs raids sur les villes palestiniennes et les camps de réfugiés situés en Cisjordanie, région qui a récemment fait l’objet de pressions de la part de plusieurs membres du cabinet israélien pour qu’elle soit totalement annexée.

En mai dernier, les FDI ont pris le contrôle du point de passage de Rafah, détruit son hall de départ et établi une présence militaire le long du « corridor de Philadelphie » qui longe la frontière, renforçant ainsi leur autorité sur la frontière entre la bande de Gaza et l’Égypte. Selon Israël, ces opérations sont destinées à empêcher la contrebande d’armes. Pour sa part, l’Égypte, qui s’est fermement opposée à ces opérations et a nié toute contrebande en provenance de son côté de la frontière, a accusé Israël d’utiliser ce prétexte pour entraver les négociations de cessez-le-feu.

Faisons un zoom arrière, Israël attaque de plus en plus le Liban voisin dans le cadre de sa guerre contre le Hezbollah, lequel a lancé ses propres tirs de roquettes et de missiles contre le nord d’Israël depuis le 7 octobre.

Les récentes attaques d’Israël au Liban comptent des frappes sur des zones humanitaires, des zones résidentielles et des villages, ainsi que les attentats à la bombe via des récepteurs de radiomessagerie qui ont fait 12 morts et 2 800 blessés en septembre dernier. En étendant ses opérations terrestres, Israël envoie actuellement des troupes plus avant au sud du Liban dans le cadre d’une campagne militaire intensifiée visant à mettre en déroute le Hezbollah, ce qui décime des villages proches de la frontière. Les forces israéliennes ont également frappé des installations de l’armée libanaise et pris pour cible les forces de maintien de la paix de l’ONU et leurs bases au Liban, blessant des membres du personnel de l’ONU et attaquant des tours de guet, des clôtures et autres structures entretenues par l’ONU.

Bien que les médias n’en aient guère parlé, Israël a également multiplié les frappes sur la Syrie depuis le 7 octobre. Le 14 novembre, par exemple, l’aviation israélienne a bombardé des immeubles résidentiels à Damas, la capitale syrienne, faisant 15 morts. Mercredi (20 novembre), des frappes aériennes israéliennes ont tué plus de 36 personnes dans la ville syrienne de Palmyre, selon les médias d’État syriens.

Les dernières opérations d’Israël de part et d’autre de la ligne Alpha ont lieu alors que la Syrie, qui se remet elle-même d’une décennie de guerre, a accueilli des centaines de milliers de réfugiés fuyant les opérations israéliennes de plus en plus nombreuses au Liban.

« Israël bombarde la Syrie au moins trois fois par semaine depuis octobre, de sorte que le cessez-le-feu [entre les deux pays] est déjà menacé par cette activité militaire constante », a déclaré Landis à RS.

Dans son rapport au Conseil de sécurité des Nations unies le mois dernier, Pedersen a souligné que l’escalade récente pourrait avoir des conséquences désastreuses : « Je tiens à lancer un avertissement clair : les débordements régionaux en Syrie sont inquiétants et pourraient s’aggraver, ce qui aurait de graves conséquences pour la Syrie et pour la paix et la sécurité internationales. »

En définitive, les incursions israéliennes de toute nature et contre des cibles multiples risquent d’entraîner une escalade accrue dans toute la région. Tout cela est rendu possible grâce à l’aide continue apportée par les États-Unis.

« Nous nous trouvons actuellement à un stade où (Netanyahou) est aux commandes parce que l’administration Biden a montré qu’elle était prête à soutenir Israël quelle que soit l’aventure militaire lancée dans la région, a indiqué Landis, qu’il s’agisse d’une invasion du Liban ou de la prise du plateau du Golan, ou d’une guerre sans fin dans la bande de Gaza. »

*

Stavroula Pabst est journaliste pour Responsible Statecraft.

Les opinions exprimées par les auteurs sur Responsible Statecraft ne reflètent pas nécessairement celles du Quincy Institute ou de ses associés.

Source : Responsible Statecraft, Stavroula Pabst, 22-11-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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5 réactions et commentaires

  • petitjean // 25.12.2024 à 11h36

    En route pour faire « Le Grand Israël »

    le soutien inconditionnel des USA assure à Israël, qui viole toutes les règles, une impunité totale

    que la honte soit sur l’oxydant dégénéré et criminel !

  • DVA // 25.12.2024 à 13h24

    Après les guerres menées dans les pays voisins de la Syrie, il s’agit toujours aujourd’hui de protéger la base avancée des intérêts US dans cette région riche en pétrole qu’est Israël…avec l’objectif ultime…d’empêcher la Chine de développer des liens plus étroits avec des États pétroliers clés tels que l’Iran…ou des routes BRICS passant par la Turquie…également dans le viseur futur de l’Occident !… Ainsi ‘l’essai d’un l’État kurde ‘ piloté substitué à la ‘cause palestinienne’…et armé par les USA au milieu de leurs adversaires régionaux permettrait à Washington (s’il réussit ?!) d’étendre son influence en Asie de l’Ouest, tout en endiguant l’Iran et la Turquie, et en gardant le contrôle des principaux champs pétroliers, gaziers et agricoles – sans oublier l’accès à l’eau…
    En fait, Ankara a bien compris que l’objectif de Washington était d’étendre les activités terroristes du PKK (YPG en Syrie), dont les ramifications s’étendent d’ores et déjà en Irak, en Syrie, et jusque dans le sud du Caucase, en Arménie… Sans oublier ‘les convulsions géopolitiques’ qui secouent la Moldavie, la Roumanie, mais aussi la Géorgie, à la frontière nord de la Turquie qui laissent penser qu’il s’agit pour le clan atlantiste de canaliser à la fois Ankara et Moscou.

    • Rob Ducan Spencer // 25.12.2024 à 16h14

      Erdogan est obsédé par le problème kurde et ses rêves de reconstituer la Grande Tuquie relève du délire…Il ferait mieux de s’occuper de l’économie turque.

      Le PKK a été la force miltaire régionale qui a liquidé le califat qui s’était installé (Al Quaida) et les incursions militaires turques en Syrie dans le territoire contrôlé par le PKK relèvent de l’agression pure et simple.

      Israel riche en pétrole ? Ou ? De fait les champs gaziers considérables en mer découverts récemment sont un objet de litige avec ses voisins mais aussi avec la Turquie…le Liban qui ne peut faire grand chose tout comme la Syrie

      Endiger l’Iran ? Ce pays est dans un grand état de faiblesse, l’axe de résistance a été liquidé et l’arrivée de Trump n’annonce rien de bon.

      La Chine ? Elle est terrorisée par la possibilité d’un conflit généralisé dans cette région qui la priverait de l’essentiel de ses approvisionnements énergétiques.

  • DVA // 25.12.2024 à 13h25

    suite…Israël ne se contentera pas du Golan (richesse en eau), de la Cisjordanie et du sud du Liban (‘expurgé’ des populations chiites) il risque, après une ‘ autre révolution orange’ avec des Frères Musulmans qui lui chercherait des noises…une autre guerre et ,bingo !…la prise de contrôle du Canal de Suez tout en laissant (comme en Syrie) le reste aux frères pour organiser la société avec quelques subsides occidental et divers trafics ‘innofensifs’ pour le reste des grands projets arabo-israélos occidentaux!
    Et pendant ce temps -là, le génie ‘d’Al-QaïdCIA and co’ alimenté par les présents et futurs mercenaires…sous- alimentés du coin…continuera d’occuper ou de conquérir les territoires convoités par l’Occident et les états arabes ou africains sunnites comme le Yémen (partition future ?), Soudan du Sud…Joli maelström, non ?

  • Rob Ducan Spencer // 25.12.2024 à 15h55

    Le nouveau pouvoir en Syrie semble réaliste et les mesures annoncées vont dans le bon sens avec le désarmement des milices (reste le problème kurde dans le nord-est une obsession de Erdogan) et le recréation d’une armée syrienne.

    La présence de la Russie se termine avec probablement la levée des sanctions les plus punitives à l’égard de la Syrie avec en échange et en sous-main le départ de la Russie et l’abandon des facilités militaires acordées à ce pays.

    Pour Israel et avec l’arrivée de Trump le plan est clair. Garder le Golan, étendre son emprise sur le sud de la Syrie et d’une partie du Liban, réoccuper Gaza ou du moins maintenir cette partie du pays à l’état de ruine et probablement annexer la Cisjordanie.

    Le Hezbollah n’existe plus, le Hamas est détruit, les lignes logistiques de support iraniennes n’existent plus (une estimation réaliste pour le support iranien est de plus ou moins 1 milliards de $ us par mois, depuis des années, une catastrophe financière et logistique).

    Israel depuis la chute du gouvernement Assad a procédé a plus de 450 frappes en Syrie détruisant tout ce qui était stratégique sans rencontrer la moindre opposition.

    « Les Israéliens ont clairement franchi les lignes d’engagement en Syrie, ce qui menace d’une escalade injustifiée dans la région », a affirmé le chef des rebelles, Abou Mouhammad al-Jolani, sur Telegram, samedi 14 décembre. Les troupes israéliennes occupent la zone tampon du plateau du Golan, située dans le sud du pays depuis la chute du régime de Bachar al-Assad, le 8 décembre dernier. Comme l’ONU qui déplore une violation des accords internationaux, celui qui est à la tête du groupe islamiste radical Hayat Tahir al-Sham a dénoncé cette incursion. Toutefois, le chef des rebelles a fait part de son intention de ne pas s’engager dans un affrontement avec son voisin.

    « L’état d’épuisement de la Syrie après des années de guerre et de conflits ne permet pas d’entrer dans de nouveaux conflits », a assuré Jolani, de son vrai nom Ahmad al-Chareh. En effet, la guerre civile syrienne, déclenchée en 2011, a dévasté le pays et a fait plus d’un demi-million de morts et plus de six millions de déplacés.

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