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20.avril.202320.4.2023 // Les Crises

Le NHS britannique se meurt lentement à cause de la privatisation

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Le National Health Service (NHS) britannique est à genoux après des décennies d’austérité. Le gouvernement britannique sous-finance délibérément le système, ce qui soulève la question de savoir si le système de santé publique peut survivre encore longtemps.

Source : Jacobin Mag, Tony O’Sullivan
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Une infirmière arrive pour rejoindre le piquet de grève du Royal College of Nursing devant le Northern General Hospital à Sheffield, au Royaume-Uni, le mercredi 18 janvier 2023. (Dominic Lipinski / Bloomberg via Getty Images)

Nous vivons sous un gouvernement profondément cruel et motivé par l’idéologie. Depuis son arrivée au pouvoir en 2010, le programme d’austérité des conservateurs a causé plus de 330 000 décès, et la mauvaise gestion de la pandémie a entraîné 200 000 décès supplémentaires, dont beaucoup auraient pu être évités. Actuellement, on estime que 500 personnes meurent chaque semaine à cause de retards dans les soins d’urgence, tandis que d’innombrables autres meurent sur les listes d’attente du Service national de santé (NHS).

Le coût humain de la mauvaise gestion du NHS par le gouvernement est difficile à exagérer, mais il résulte d’une politique intentionnelle visant à sous-financer les soins de santé et à permettre aux intérêts privés d’extraire de l’argent du système.

Le Royaume-Uni dépense aujourd’hui environ un cinquième de moins en soins de santé que ses voisins européens, soit un écart de plus de 40 milliards de livres Sterling par an. En fait, l’une des premières mesures du gouvernement Cameron a été de réduire les coûts en interrompant l’expansion de la formation des médecins dans les écoles de médecine et en supprimant 4 000 places de formation pour les infirmières. Les salaires des travailleurs du NHS ont été la cible suivante, ce qui a entraîné plus d’une décennie d’augmentations salariales inférieures à l’inflation, provoquant la chute des salaires réels du personnel : les infirmières sont payées plus de 5 000 livres Sterling par an de moins qu’en 2010.

Nous payons aujourd’hui le prix de ces décisions. Le NHS compte 133 000 postes vacants, dont 50 000 infirmières et 17 000 médecins, y compris les généralistes. Des années de sous-financement ont entraîné une pénurie mortelle de lits d’hôpitaux, des cabinets de médecins généralistes et des centres de santé en état de délabrement, des bâtiments hospitaliers qui s’écroulent littéralement et une main-d’œuvre épuisée et frustrée. Au cours de mes années de pratique, je n’ai jamais vu le moral du personnel aussi bas.

Pendant ce temps, l’argent qui devrait être consacré à l’amélioration des services est détourné par des entreprises privées. Le gouvernement injecte de l’argent dans des entreprises privées pour qu’elles sélectionnent les patients du NHS sur les listes d’attente. En conséquence, les entreprises privées pratiquent aujourd’hui plus d’arthroplasties de la hanche pour le compte du NHS que ce dernier n’en pratique. Le financement de ces opérations provient du NHS, mais les entreprises privées s’en taillent une part.

D’année en année, de plus en plus de services sont confiés aux entreprises privées, notamment l’imagerie, la pharmacie, la collecte de données et les services informatiques. Certains de ces contrats portent sur des sommes astronomiques, comme le contrat de 2,25 milliards de livres Sterling pour la fourniture de services de pathologie dans le sud-est de Londres, attribué sans consultation publique. L’élément « public » de nos services publics est en train de s’éroder.

Il est déjà assez grave qu’un nombre croissant de services du NHS soient confiés au secteur privé, mais il est tout aussi préoccupant de constater que des soins de santé publique de qualité inférieure poussent les patients vers des soins de santé privatisés. Avec 7,3 millions de personnes sur les listes d’attente, les plus riches paient pour des opérations privées, ce qui normalise un service de santé à deux vitesses et dévalorise le NHS.

Le système britannique d’aide sociale aux adultes est un exemple édifiant de ce à quoi pourrait ressembler un système entièrement privatisé. Souvent détenus par des fonds spéculatifs basés dans des paradis fiscaux, les prestataires privés prélèvent entre 20 et 40 % de leur budget en bénéfices, négligeant les personnes dont ils s’occupent et sous-payant le personnel. Les salaires de misère versés aux soignants témoignent du type d’exploitation qui se produit dans un système où les entreprises privées sont libres de maximiser leurs profits.

Outre l’argent gaspillé et retiré du système sous forme de bénéfices, les soins de santé fournis par le secteur privé sont moins efficaces. Des recherches menées à Oxford ont révélé un lien entre l’externalisation des services et l’augmentation du taux de mortalité.

L’état dans lequel se trouve notre système national de santé et la trajectoire qu’il suit sont préoccupants, mais l’optimisme reste de mise. La plupart des Britanniques souhaitent un NHS correctement financé et appartenant à l’État, et seulement un sur dix est favorable à un service entièrement ou essentiellement privé. La grande majorité des électeurs, y compris 73 % des électeurs conservateurs, accusent à juste titre le gouvernement d’être responsable de la crise actuelle.

Le NHS est en grave danger, mais nous savons comment le sauver. C’est pourquoi, ce samedi 11 mars, SOS NHS manifestera à Londres avec 55 syndicats et des campagnes de soutien. Nous exigerons que tous les travailleurs du NHS obtiennent l’augmentation de salaire qu’ils méritent, qu’ils s’engagent à mettre fin à la privatisation du NHS (y compris de la part des Travaillistes) et que notre NHS reçoive le financement dont il a besoin. Nous nous opposerons également aux nouvelles lois qui attaquent le droit de grève des travailleurs de la santé.

Si vous partagez nos objectifs et pensez qu’un NHS public vaut la peine d’être défendu, rejoignez-nous.

Rédacteur

Tony O’Sullivan est pédiatre à la retraite et coprésident de Keep Our NHS Public [Gardez notre NHS public, NdT].

Source : Jacobin Mag, Tony O’Sullivan, 12-03-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Fabrice // 20.04.2023 à 07h04

Si certains ne comprennent pas ce qui nous attend en France lire cet article serait éclairant mais bon déjà avec un peu de lucidité sur l’état actuel des services de soins (penuries de lits, soignants, de médicaments, obligationsde rentabilité des hôpitaux) on pourrait comprendre vers quoi on nous mène peu importe le camp qu’il soit de gauche ou de droite d’ailleurs du moment qu’il se soumet aux directives européennes et par extension aux dogmes neoliberaux.

12 réactions et commentaires

  • Fabrice // 20.04.2023 à 07h04

    Si certains ne comprennent pas ce qui nous attend en France lire cet article serait éclairant mais bon déjà avec un peu de lucidité sur l’état actuel des services de soins (penuries de lits, soignants, de médicaments, obligationsde rentabilité des hôpitaux) on pourrait comprendre vers quoi on nous mène peu importe le camp qu’il soit de gauche ou de droite d’ailleurs du moment qu’il se soumet aux directives européennes et par extension aux dogmes neoliberaux.

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    • RGT // 20.04.2023 à 12h16

      La désintégration du système de santé français ne date pas d’hier et a été lancée par… Le parti fauxcialiste sous les hospices (c’est le cas de le dire) de Saint François.

      Ainsi que la stratégie de la « rentabilité » financière de TOUS les services publics sans bien sûr prendre en compte leur utilité pour l’ensemble de la population (surtout les « moins que rien », les plus nantis ayant largement les moyens de payer des services privés dont ils sont souvent actionnaires – il n’y a pas de petits profits).

      C’est une stratégie de gouvernance globale et bientôt les services les plus régaliens (police, armée, justice, impôts et le reste) seront privatisés et ce sera la fête du slip chez les « élites ».

      Et à moins d’une révolution réellement populaire rien ne changera et cette mise en esclavage de l’ensemble des gueux progressera sans entrave avec le soutien des « divins élus », de la propagande nauséabonde des médias bien sûr étayée par la fameux TINA (There Is No Alternative) qui a conduit le royaume uni dans le mur et qui continue encore ses méfaits…

      N’écoutez PLUS les idéologies des partis « respectables » (ou non, ils ne sont là que pour donner l’illusion de « choix » mais restent dans « l’opposition » car la soupe est bonne et bien nourrissante).

      Tant que les « représentants du peuple » et les « serviteurs de l’État » pourront allègrement imposer à l’ensemble gueux les lois qui ne favorisent que leur propre intérêt de caste au détriment des « gueux » sans avoir à rendre de comptes rien ne changera.

      Votez chers moutons, votez pour l’équarrisseur qui démembrera votre carcasse.

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    • Danton // 20.04.2023 à 13h04

      Ce qui nous attend?
      Mais, cher ami, privatisation ou pas, notre système hospitalier est en train de mourir lentement. Suppression de lit, de personnel, gestion comptable.
      Notre hôpital se tiers mondise.
      La semaine dernière, un vieil homme de 91 ans y est mort après être resté 3 jours sans soins aux urgences. Et dans cet hôpital c’est déjà le 4e cas depuis le début de l’année. Et c’est un cas qui arrive quasiment dans toutes les structures hospitalières. Vous remarquerez que malgré la levée de toutes les mesures COVID , l’hôpital, lui, interdit toujours qu’on accompagne un proche, même s’il est dépendant ou inconscient. Vachement pratique en fait pour les soignants. Ils peuvent laisser mourir les gens sans casse bonbons de la famille qui viennent râler.
      J’ai amené mon beau-père de 92 ans aux urgences un soir vers 18h, je connaissais pourtant un interne qui m’a promis qu’on s’occuperai de lui. Dieu merci, l’ancien sait se servir d’un mobile. 16 heures plus tard, il était toujours sur un brancard, sans avoir reçu ni aucun soin, ni aucune visite de soignants, ni alimentation, ni eau.
      Il y a un mois, c’est une dame de 78 ans qu’on a laissé sans mangé ni boire pendant plus de quatre jours: décés.
      Pas la peine d’aller ailleurs ou de parler au futur.

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  • Le Belge // 20.04.2023 à 08h52

    Non, ça n’est pas vingt ans de sous-investissements, c’est quarante-cinq années de destruction systématique du NHS par les conservateurs. Souvenez-vous que les premières attaques venaient de la sinistre Margaret Roberts, épouse Thatcher !
    Le NHS est un avertissement on ne peut plus clair des ploutocrates qui sont parvenus à nous diriger : la seule loi que nous connaissons c’est celle du plus fort.

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  • Thierry Balet // 20.04.2023 à 09h03

    Il fallait « privatiser » qu’ils disaient car le « management » est/serait plus competent que la « bureaucratie » d’un service publique étatique…….et on a ainsi créé le « Marché ».
    Marché de l’emploi, Marché du travail, Marché de la santé, Marché financier et j’en passe. Et tout devient de pire en pire.
    Tant que le politique sera soumis à la financiarisation du monde il n’y aura rien à espérer.

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    • Morne Butor // 20.04.2023 à 11h27

      Oui et non. C’est plus complexe que cela. Le monde n’est pas tout blanc ou tout noir. Sur le long terme, le libéralisme est bénéfique si on entend ce qu’en disent les historiens. Cependant le libéralisme sans contrôle, la financiarisation à l’excès mène clairement à des catastrophes, même si les endoctrinés continuent à le contester. La réalité me semble être que certaines choses sont mieux gérées par le public, et d’autres par le privé. La santé, ainsi que les grosses infrastructures de production de l’énergie, ne devraient pas être laissées aux mains crochues du privé, car ce sont des domaines où la notion de compétition n’a pas de sens. Les mines ne devraient pas non plus être laissées au privé car la réglementation actuelle est totalement laxiste. Juste mon point de vue.

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    • Patrick // 20.04.2023 à 11h59

      La financiarisation du monde , aidée et voulue par les politiques parce qu’ils en avaient besoin.
      La financiarisation du monde ça veut dire du pognon à gogo et du crédit à n’en plus finir .
      Et ça , les politiques et les états ils aiment bien parce que ça signifie qu’ils peuvent financer leurs promesses et leurs âneries pour flatter leurs électeurs alors forcément , imprimer du pognon et faire des dettes ils aiment ça, ils en ont besoin.
      Bon , ensuite , ils s’aperçoivent plus ou moins du piège mais c’est un peu tard , il ne reste plus qu’à imprimer encore plus et faire encore plus de dettes pour tenir jusqu’aux prochaines élections.

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      • Micmac // 20.04.2023 à 19h31

        Les politiques auraient du pognon pour les entreprises publiques si les riches feignasses payaient de vrais impôts, au même titre que les gueux qui travaillent pour les enrichirent.

        Les dirigeants des États sont ensuite contrains d’emprunter parce s’ils mettaient fin brutalement aux services indispensables à toute nation civilisée, ils finiraient sous la guillotine. D’où endettement.

        Mais c’est pratique, parce qu’on peut ensuite prétexter de la dette pour serrer le kiki des services publics et de la population, afin de les détruire et les appauvrir à petit feu, ce qui est le but final de toute l’opération : avoir des riches très riches au milieu de pauvres qui se débrouillent comme ils peuvent pour payer les services indispensables désormais aux mains des riches feignasses susnommées.

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  • La Mola // 20.04.2023 à 15h07

    J’ai passé un an à Londres en 1966/67 et le NHS fonctionnait encore…

    Il n’empêche que certaines « interventions » m’avaient interloquée : une piqûre d’anesthésique dans le bras pour un soin dentaire… on se retrouve tout bizarre en sortant, je vous assure !

    Mais enfin ça fonctionnait encore. Et il n’y avait pas si longtemps que les tickets de rationnement avaient disparu de la circulation.

    Ont jamais été tendres avec leurs gueux, hein !

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  • azuki // 20.04.2023 à 19h45

    La santé dirigée par la «vitrine légale» de la Mafia ça marche comme ça. Pourquoi -etre surpris ? Il n’y a pas qu’à Palermes que les poubelles puent !

    En fait la seule chose étonnante dans tout ça c’est que les gens ne comprennent pas par qui ils sont dirigés et rêvent encore qu’ils sont gouvernés, quand bien même ils ont toutes les évidences et les preuves sous les yeux pour prouver le contraire. Une sorte de syndrome de Stockholm ?

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  • Garibaldi2 // 21.04.2023 à 01h40

    Effet inattendu du brexit, cet accord pourra-t-il perdurer (?):
    Publié le 06/06/2018
     »Pour se faire opérer, certains Britanniques se tournent vers l’hôpital de Calais où le délai d’attente ne dépasse pas un mois contre parfois un an dans leur propre pays.

    Des patients britanniques peuvent désormais bénéficier de soins dans les hôpitaux français grâce à un partenariat avec le système de santé du Royaume-Uni, le NHS (National Health Service). A l’hôpital de Calais, ils viennent pour des prothèses de genoux, de hanche ou encore pour des opérations de la vésicule biliaire. Mais avant de réaliser ce voyage médical, ils doivent prendre rendez-vous avec leur généraliste car c’est lui qui est habilité à lancer la procédure. C’est le cas de Carole King, patiente anglaise, qui est là pour se faire poser une prothèse de hanche. « J’ai choisi de venir à Calais parce que j’ai attendu trop longtemps en Angleterre, ça fait un an maintenant que j’attends cette opération. J’ai été voir mon médecin, il m’a orienté à l’hôpital de Calais. Donc en Angleterre c’était un an d’attente, alors qu’en France c’est un mois ! », explique-t-elle. »
    https://www.francetvinfo.fr/sante/hopital/les-anglais-debarquent-a-calais_2788783.html
    Lire aussi : https://www.la-croix.com/Monde/Europe/Brexit-patients-anglais-viendront-ils-encore-faire-soigner-Calais-2020-01-29-1201074983
    Pourquoi devrions-nous être une roue de secours du NHS ?

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