Le Pentagone ordonne le réexamen des opérations secrètes visant à influencer les populations à l’étranger

Cette décision intervient après que Twitter et Facebook ont fermé des comptes trompeurs qui, selon eux, envoyaient des messages visant à promouvoir la politique étrangère des États-Unis.

Le Pentagone a ordonné un réexamen des opérations secrètes visant à influencer les populations à l’étranger après que des responsables de la Maison Blanche ont exprimé leurs inquiétudes.

Source : The New York Times, Julian E. Barnes, Sheera Frenkel
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Par Julian E. Barnes et Sheera Frenkel

WASHINGTON – Des officiels de la Maison Blanche ont fait savoir à l’armée qu’ils étaient préoccupés par ses efforts pour diffuser des messages pro-américains sur les médias sociaux, ce qui a incité le Pentagone à ordonner un examen des opérations secrètes visant à influencer les populations à l’étranger, ont indiqué des responsables américains.

Cet examen fait suite à la décision prise par Twitter et Facebook au cours de l’été de fermer des comptes trompeurs dont ils ont déterminé qu’ils envoyaient des messages sur les intérêts de la politique étrangère des États-Unis à l’étranger.

L’audit du Pentagone et les préoccupations de la Maison Blanche ont d’abord été rapportés par le Washington Post.

Selon les chercheurs en désinformation, les campagnes se répartissent en deux camps. La plupart des campagnes diffusaient des messages pro-américains, notamment des mèmes et des slogans faisant l’éloge des États-Unis. Ces programmes étaient similaires à la manière dont Pékin diffuse souvent la désinformation en semant des messages positifs sur la vie en Chine.

Une campagne ciblant l’Iran a, toutefois, diffusé des messages de discorde sur la vie dans ce pays. Les comptes concernés ont mis en avant des points de vue qui à la fois soutenaient et s’opposaient au gouvernement iranien. Cet effort de désinformation ressemblait aux méthodes utilisées par la Russie pour influencer l’élection présidentielle américaine de 2016.

Pendant des années, les commandements militaires américains ont promu des nouvelles et des messages pro-américains pour les publics à l’étranger, s’attirant parfois l’attention du Congrès. Mais la décision des entreprises de médias sociaux de fermer certains comptes associés à l’armée a suggéré que l’activité était allée plus loin.

Twitter et Meta, la société mère de Facebook, ont supprimé des comptes qui, selon eux, violaient leurs conditions de service en prenant part à un « comportement non authentique coordonné. »

Selon un rapport publié en août par l’Internet Observatory de l’université de Stanford et la société d’analyse des médias sociaux Graphika, ces comptes diffusaient des messages pro-américains au Moyen-Orient et en Asie centrale. Les deux groupes ont attribué certains des comptes supprimés par Facebook et Twitter à la Trans-Regional Web Initiative, un programme du Pentagone vieux de plus de dix ans qui diffuse des informations en faveur des États-Unis dans les zones où l’armée américaine opère.

Le degré de sophistication des messages varie considérablement. Certains des travaux les plus élaborés étaient destinés aux utilisateurs de Twitter et de Telegram en Iran et présentaient une grande variété de points de vue. Si la plupart des messages étaient critiques à l’égard du gouvernement iranien, les chercheurs ont indiqué que d’autres lui étaient favorables, le genre d’activité qui pourrait potentiellement être conçue pour enflammer le débat et semer des divisions dans le pays.

Meta, la société mère de Facebook, a supprimé les comptes pro-américains qui avaient pris part à un « comportement inauthentique coordonné ». Crédit… Jim Wilson/The New York Times

Plusieurs responsables américains ont déclaré que les comptes suspendus étaient affiliés à l’armée américaine, mais ils n’ont pas précisé si ces efforts étaient destinés à diffuser des informations en Iran.

Le programme évoquait les campagnes de propagande que les gouvernements autoritaires ont utilisées pour faire passer des messages dans leur pays et à l’étranger. Mais les experts en désinformation affirment qu’elles n’ont pas eu beaucoup de succès. La plupart des messages n’ont reçu qu’une « poignée » de likes ou de retweets, ont noté les chercheurs, et seuls 19 % des comptes identifiés comptaient plus de 1 000 abonnés.

Les précédentes opérations d’influence soutenues par des États-nations sur les réseaux sociaux ont été attribuées principalement à la Russie, à la Chine, à l’Iran et à d’autres adversaires des États-Unis.

La Russie a été à l’origine de bon nombre de ces tactiques de désinformation en ligne, utilisant Facebook, Twitter et d’autres réseaux sociaux pour diffuser des messages de division. Certains des plus anciens efforts du pays visaient à diffuser de la propagande pro-Kremlin en Europe de l’Est. Des pays du monde entier ont imité les techniques de la Russie.

Au cours des huit dernières années, Facebook a cité plus d’une douzaine de pays à l’origine d’activités de désinformation de type russe, dont l’Iran, le Soudan et le Nicaragua. L’entreprise publie désormais des rapports mensuels dans lesquels elle décrit les nouvelles campagnes de désinformation qu’elle a éradiquées.

La Chine s’est également servie de Facebook et de Twitter pour redorer son image et réfuter les accusations de violation des droits humains.

L’initiative Web transrégionale a été lancée par le Special Operations Command en 2008. Au fil du temps, l’US Central Command et d’autres quartiers généraux militaires ont également commencé à diffuser des messages honnêtes mais pro-américains. Les efforts du Commandement central ont commencé par des sites Web qui publiaient des articles d’actualité destinés au public d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

Après un rapport critique du Bureau de la responsabilité du gouvernement, le Congrès a adopté une loi d’autorisation de la défense en 2013 appelant à ne pas financer l’initiative l’année suivante. Lundi, les responsables du Pentagone ont refusé de répondre aux questions sur l’initiative.

Pourtant, d’autres opérations d’information se sont poursuivies sur les plateformes de médias sociaux.

Dans le sillage du rapport de Stanford, certains responsables américains informés du programme ont contesté le fait que les comptes étaient non authentiques, affirmant que certaines des pages de profil des comptes indiquaient qu’ils étaient affiliés au Central Command.

Mais le nombre de comptes qui avaient cette mention n’est pas très clair, et il n’est pas impossible qu’il y ait eu un effort plus large pour cacher leur connexion militaire.

Les responsables de la Maison Blanche craignaient que la politique du Pentagone en matière d’opérations d’information ne soit trop étendue et que les programmes clandestins ne sapent la crédibilité américaine, même si les informations diffusées étaient exactes, a déclaré le responsable de l’administration.

Dans une déclaration, le général de brigade Patrick Ryder, principal porte-parole du Pentagone, a déclaré que la politique du ministère de la Défense consistait à mener des opérations d’information à l’appui des « priorités de sécurité nationale. »

« Ces activités doivent être entreprises en conformité avec la loi américaine et la politique du DoD [Departement of Defense, NdT] », a déclaré le général Ryder. « Nous nous engageons à faire respecter ces garanties. »

Julian E. Barnes a fait un reportage à Washington, et Sheera Frenkel à San Francisco. Eric Schmitt et Helene Cooper ont contribué aux reportages depuis Washington.

Source : The New York Times, Julian E. Barnes, Sheera Frenkel, 19-09-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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