Le président mexicain de gauche Andrés Manuel López Obrador (AMLO) a profité du « Sommet pour la démocratie » organisé par le gouvernement américain pour dénoncer indirectement l’hypocrisie de Washington : « L’oligarchie règne avec la façade de la démocratie », a-t-il déclaré, appelant à une « plus grande égalité » et à la « séparation du pouvoir économique et politique. »
Source : ScheerPost, Ben Norton / Geopolitical Economy Report
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Le président Joe Biden débarque d’Air Force One à l’aéroport international Felipe Angeles de Mexico, le dimanche 8 janvier 2023, et est accueilli par le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador. (Photo officielle de la Maison Blanche par Adam Schultz)
Le président mexicain de gauche Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO) a profité du « Sommet pour la démocratie » organisé par le gouvernement américain pour dénoncer indirectement l’hypocrisie de Washington. (La transcription complète de son discours figure ci-dessous.)
AMLO a fortement laissé entendre que les États-Unis étaient une oligarchie et non une véritable démocratie. Il a affirmé que le gouvernement devait remettre en question le pouvoir des élites économiques s’il voulait vraiment être démocratique.
López Obrador a commencé son discours en lançant un avertissement : « Beaucoup de grands crimes contre l’humanité ont été commis au nom de Dieu ou au nom de la démocratie. »
« Dans certains pays, l’oligarchie règne avec la façade de la démocratie », a-t-il déclaré, faisant référence de manière peu discrète à son voisin du nord.
« Comment peut-on parler de démocratie s’il n’y a pas de séparation entre le pouvoir économique et le pouvoir politique ? » a demandé AMLO.
Il a ajouté que le système qui existe aujourd’hui dans de nombreux pays est « un mélange d’oligarchie et de démocratie, ou une démocratie simulée et médiatisée. »
« Nous devons rechercher une plus grande égalité pour avoir plus de démocratie », a insisté le président mexicain.
Le discours d’AMLO du 29 mars contrastait fortement avec les remarques flagorneuses formulées par de nombreux alliés des États-Unis lors du prétendu « Sommet pour la démocratie » de Washington.
L’administration de Joe Biden a organisé ce sommet pour la première fois en 2021 afin de rassembler les alliés des États-Unis dans le but de créer un bloc uni pour mener une nouvelle Guerre froide contre la Chine et la Russie, qui n’ont été invitées à aucun des deux sommets.
Malgré son nom, le « Sommet pour la démocratie » de 2023 a réuni de nombreux régimes autoritaires de droite, d’Israël, de Pologne, d’Inde et d’ailleurs. (Le régime putschiste non élu du Pakistan a été invité, mais a décidé de ne pas participer, car il est confronté à des manifestations de masse et à l’instabilité dans son pays.)
Les commentaires critiques de López Obrador interviennent également à un moment où les tensions entre les États-Unis et le Mexique ne cessent de croître.
De nombreux membres républicains du Congrès ont appelé l’armée américaine à envahir le Mexique, proposant une législation pour justifier une intervention, au nom d’une prétendue lutte contre les cartels de la drogue.
AMLO a dénoncé ces menaces lors d’un grand rassemblement au cœur de la ville de Mexico le 18 mars.
« Nous rappelons à ces politiciens hypocrites et irresponsables que le Mexique est un pays indépendant et libre, et non une colonie ou un protectorat des États-Unis », a-t-il déclaré.
« Ils peuvent nous accuser de commettre certains abus, mais nous ne leur permettrons jamais, au grand jamais, de violer notre souveraineté et de piétiner la dignité de notre patrie », a ajouté le président mexicain.
Auparavant, lors d’une conférence de presse tenue le 28 février, AMLO avait fustigé la « mauvaise habitude » du département d’État américain de « s’immiscer » dans les « affaires intérieures » d’autres pays.
« Il y a plus de démocratie aujourd’hui au Mexique qu’aux États-Unis », a-t-il déclaré, « parce qu’ici, c’est le peuple qui gouverne, alors que là-bas, c’est l’oligarchie qui gouverne. »
Transcription
Voici le texte du discours prononcé par López Obrador le 29 mars lors du « Sommet pour la démocratie » organisé par les États-Unis :
Beaucoup de grands crimes contre l’humanité ont été commis au nom de Dieu ou au nom de la démocratie.
C’est pourquoi il est important de revenir au sens originel et véritable du concept de démocratie.
Aristote disait qu’il y avait trois bonnes et trois mauvaises formes de gouvernement. Il est arrivé à la conclusion que la démocratie était la meilleure, ou la moins mauvaise, et il a soutenu que la démocratie, comme l’origine grecque du mot le confirme, consistait dans le pouvoir du peuple.
À notre époque, il existe encore un mélange d’oligarchie et de démocratie, ou une démocratie simulée et médiatisée.
C’est-à-dire que dans certains pays, l’oligarchie règne avec une façade de démocratie.
Par exemple, comment parler de démocratie si ce sont les élites qui dominent et non les majorités ?
Comment parler de démocratie s’il n’y a pas de séparation entre le pouvoir économique et le pouvoir politique ?
Comment parler de démocratie si actuellement, l’on assiste à la plus grande concentration de richesses dans quelques mains de l’histoire du monde ?
La fortune d’une minorité s’est accrue sans limites, sans aucune préoccupation morale, alors qu’un milliard d’êtres humains vivent avec moins d’un dollar par jour.
C’est pourquoi nous devons nous éloigner de plus en plus du kratos [« pouvoir » en grec] sans demos [« peuple » en grec], du pouvoir sans le peuple, et faire en sorte que l’objectif central du gouvernement soit toujours la recherche du bonheur du peuple, d’un gouvernement du peuple et pour le peuple.
Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire de revenir à nos principes fondateurs.
En 1776, la Déclaration d’indépendance des États-Unis énonçait la recherche du bonheur comme l’un des droits fondamentaux du peuple et indiquait que sa garantie était l’une des missions du gouvernement.
Le premier article de la Constitution française de 1793 établit que le but de la société est le bonheur commun.
L’article 24 de notre Constitution d’Apatzingán [Ville du Mexique, NdT] de 1814 stipule que le bonheur du peuple et de chaque citoyen consiste à jouir de l’égalité, de la sécurité, de la propriété et de la liberté.
La pleine préservation de ces droits est l’objet de l’institution des gouvernements et le seul but des associations politiques.
C’est pourquoi nous continuons de dire que nous devons lutter pour plus d’égalité pour avoir plus de démocratie.
Que la démocratie soit authentique, vraie, et que la justice triomphe toujours du pouvoir ! Je vous remercie de votre attention.
Ben Norton
Ben Norton est journaliste, écrivain et cinéaste. Fondateur et rédacteur en chef de Multipolarista, il est basé en Amérique latine.
Source : ScheerPost, Ben Norton / Geopolitical Economy Report , 03-04-2023
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
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Commentaire recommandé
Après les discours de Vladimir Poutine, puis de Xi Jinping, celui de AMLO continue de dire « ses quatre vérités » aux USA et de fait à « l’Occident collectif »…
Mais imperturbablement, et sans rire, on persiste à discourir sur « nos » grandes démocraties et les « Droits de l’Homme », notre belle « Civilisation » et le « doux commerce »!
Le ridicule fini par être mortel.
6 réactions et commentaires
Après les discours de Vladimir Poutine, puis de Xi Jinping, celui de AMLO continue de dire « ses quatre vérités » aux USA et de fait à « l’Occident collectif »…
Mais imperturbablement, et sans rire, on persiste à discourir sur « nos » grandes démocraties et les « Droits de l’Homme », notre belle « Civilisation » et le « doux commerce »!
Le ridicule fini par être mortel.
+48
AlerterCertains aux USA voudraient donc se lancer dans une « Operation Militaire Spéciale » au Mexique pour démilitariser les cartels et réduire leur influence néfaste… si ça se fait, j’attends de voir not’bon gars Bruno « mettre à genoux l’économie » Americaine et « aider à défendre la souveraineté » Mexicaine :).
+35
AlerterQuand il dit « une démocratie simulée et médiatisée », on se demande bien de laquelle il veut parler. Y a-t-il une Démocratie d’une autre sorte, à l’heure actuelle ?
+10
AlerterAssez extraordinaire de lire un discours présidentiel qui parle du « bonheur » des peuples…!
Néanmoins, si les droits à l’égalité et à la liberté (non définies, donc possiblement diversement interprétées)font partie de la Constitution mexicaine, ceux qui concernent la sécurité et la propriété, encore plus faciles à détourner/contourner, me semblent aller à l’encontre de ceux-ci, et ne sont guère de nature à changer le cours délétère des choses(la sempiternelle compétition/concurrence entre les pays/les entreprises/les individus, qui conduit à la guerre).
Voir le problème des paysans « sans-terre » et des populations indigènes au Mexique.
Le premier devoir démocratique des citoyen-ne-s des pays(tels qu’ils sont actuellement géo-politiquement circonscrits) devrait être de re-préciser leurs « principes fondateurs » et de ré-écrire(ou du moins d’approuver), tou-te-s ensemble, leur Constitution.
Pareil pour les « conglomérats » tels que l’UE, entre autres…
+4
AlerterÉtrange, ce discours d’AMLO ne semble pas avoir été mentionné dans AUCUN « média objectif et indépendant » français… Comme je ne les consulte plus depuis bien longtemps je ne peux pas me montrer affirmatif (d’où le conditionnel) mais si ça avait été le cas j’en aurai entendu parler.
Sans doute parce que le fait d’évoquer ce dernier qui dénonce l’oligarchie aux commandes pourrait rappeler à la population française des faits récents (« réforme » des retraites, avant les « gilets jaune ») et la violence de l’état contre la population pour que la caste des oligarques puisse continuer à prospérer…
N’oubliez JAMAIS que si BFM TV, C(hier) NEWS, l’Immonde ou Laberration semblent des « opposants farouches » à Micron 1er c’est uniquement pour faire pression sur le monarque afin qu’il se montre plus généreux à l’égard des propriétaires de ces organes de propagande.
La structure, les lois et les constitutions des modèles basés sur les « démocrassies occidentales » ne sont en fait que du vent uniquement destiné à anesthésier les consciences de la populace dressée dès sa naissance à une obéissance totale et une admiration aveugle pour les « élites » (autoproclamées) qui imposent par le biais de la loi « républicaine » les désirs des « meilleurs » (aristos en grec antique) pour accroître sans limites leurs intérêts de caste sur le dos de ceux qu’ils considèrent comme du simple bétail.
Ne vous en faites pas (oligarques), les lois et les règles que vous avez imposé ne permettent pas à un véritable représentant de l’immense majorité de la population de mettre en danger votre dictature impitoyable.
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AlerterComme disent les Mexicains : « Pauvre Mexique, si loin de Dieu et si proche des États-Unis ».
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