Un des dernier articles de Jamal Khashoggi…
Source : The Washington Post, Jamal Khashoggi, 11-09- 2018
Par Jamal Khashoggi
11 septembre 2018
L’Arabie saoudite doit faire face aux dégâts causés par plus de trois ans de guerre au Yémen. Le conflit a détérioré les relations du royaume avec la communauté internationale, affecté la dynamique de la sécurité régionale et entamé sa réputation dans le monde islamique. L’Arabie saoudite se trouve dans une position unique pour simultanément empêcher l’Iran d’entrer au Yémen et mettre fin à la guerre dans des conditions satisfaisantes si elle échange son rôle de belligérant pour celui de pacificateur. L’Arabie saoudite pourrait user de son poids et de son influence au sein des cercles occidentaux et faire appel aux institutions et mécanismes internationaux pour résoudre ce conflit. Cependant, la fenêtre pour parvenir à une résolution du conflit se referme rapidement.
Les discussions de paix de Genève soutenues par l’ONU qui devaient s’ouvrir jeudi dernier ont pratiquement échoué, en partie parce que les rebelles Houthis qui contrôlent la capitale (et la majeure partie du Yémen occidental) craignaient que leur retour soit empêché par le contrôle de l’espace aérien du Yémen par l’Arabie saoudite. Les Saoudiens pourraient fournir à leur ennemi et aux responsables de l’ONU un soutien en matière de transport – voire même leur offrir un avion saoudien. Mieux encore, l’Arabie saoudite pourrait annoncer un cessez-le-feu et proposer des pourparlers de paix dans la ville saoudienne de Taïf, où des pourparlers de paix ont déjà eu lieu avec des Yéménites.
Les actions de l’Arabie saoudite au Yémen ont été motivées par des préoccupations de sécurité nationale en raison de l’implication iranienne dans le pays. Cependant, les efforts de guerre de l’Arabie saoudite n’ont pas fourni une couverture supplémentaire de sécurité, mais ont plutôt augmenté la probabilité de pertes et de dommages intérieurs. Les systèmes de défense saoudiens reposent sur le système de missiles américain Patriot. L’Arabie saoudite a réussi à éviter que les missiles Houthis ne causent des dégâts importants. Pourtant, l’incapacité des autorités saoudiennes à empêcher les missiles Houthis d’être tirés en premier nous rappelle de manière embarrassante que les dirigeants du royaume sont incapables de faire taire leur ennemi soutenu par l’Iran.
Chaque missile tiré par les forces Houthi représente une charge à la fois politique et financière pour le royaume. Le coût d’un missile iranien fourni aux Houthis est incertain, mais on peut spéculer que chaque missile ne se compare pas au coût d’un missile Patriot de 3 millions de dollars.
Les coûts inattendus associés au conflit au Yémen signifient que l’Arabie saoudite emprunte de plus en plus de fonds sur les marchés internationaux sans dire clairement à quoi servent ces fonds. Le royaume aurait levé 11 milliards de dollars en prêts auprès de banques internationales.
En outre, les coûts politiques associés à la perte de vies innocentes ne peuvent être comptabilisés. Des lacunes dans les renseignements saoudiens ont conduit à l’utilisation d’une bombe pour cibler un bus soupçonné de transporter des forces Houthi. Au lieu de cela, le missile a heurté un autobus scolaire transportant des enfants. Le royaume ne peut pas se permettre d’avoir une zone de guerre ouverte à sa frontière sud, la confiance sur les marchés internationaux et sa respectabilité en dépendent grandement.
Les erreurs et les risques associés aux conflits à long terme affaiblissent la position de l’Arabie saoudite sur la scène internationale et augmentent les chances d’une confrontation avec des alliés traditionnels. Le ministre de la Défense Jim Mattis a récemment déclaré : « Nous soutenons le droit à la légitime défense de notre partenaire, l’Arabie saoudite ». Les médias saoudiens ont repris la déclaration de Mattis et l’ont citée avec beaucoup d’enthousiasme, mais ont sélectivement omis la partie qui affirmait que le soutien américain n’était « pas inconditionnel » et qu’il exhortait les autorités saoudiennes à « faire tout leur possible pour éviter toute perte humaine innocente ».
Les remarques de Mattis devraient servir de rappel à la réalité pour le prince héritier Mohammed ben Salmane. L’Arabie saoudite est définie et représentée par sa place dans l’Islam. Nous ne devrions pas avoir besoin qu’on nous rappelle la valeur de la vie humaine. Les musulmans du monde entier méritent de voir le lieu de naissance de l’Islam représenter l’éthique de l’Islam.
L’Arabie saoudite ne mérite pas d’être comparée à la Syrie, dont le dirigeant n’a apparemment pas hésité à utiliser des armes chimiques contre son peuple. Mais la poursuite de la guerre au Yémen validera les voix qui affirment que l’Arabie saoudite fait au Yémen ce que le président syrien Bachar el-Assad, les russes et les Iraniens font en Syrie. Même dans le sud du Yémen « libéré », les manifestants mènent actuellement une campagne de désobéissance civile en scandant des slogans contre la coalition dirigée par les Saoudiens, qui est considérée comme le véritable pouvoir sur le terrain, plutôt que contre le gouvernement en exil du Yémen.
Des pourparlers de paix offriront à l’Arabie saoudite une occasion en or. Riyad trouvera presque certainement un soutien international s’il conclut un cessez-le-feu au moment des négociations. Elle doit user de son influence mondiale et intégrer les institutions internationales et ses alliés pour faire pression financièrement sur Téhéran pour qu’il se retire du Yémen. Le prince héritier d’Arabie saoudite doit également accepter que les Houthis, les Islah (islamistes sunnites) et les séparatistes du Sud jouent un rôle futur dans la gouvernance du Yémen. Évidemment, Riyad n’obtiendra pas tout ce qu’elle veut et laissera les Yéménites régler leurs différends avec leurs compatriotes Houthis au sein d’un Congrès national – plutôt que sur des champs de bataille sanglants.
Plus cette guerre cruelle dure longtemps au Yémen, plus les dégâts seront permanents. Le peuple yéménite s’emploiera à lutter contre la pauvreté, le choléra et la pénurie d’eau et à reconstruire son pays. Le prince héritier doit mettre fin à la violence et restaurer la dignité du lieu de naissance de l’Islam.
Jamal Khashoggi est un journaliste et auteur saoudien.
Source : The Washington Post, Jamal Khashoggi, 11-09- 2018
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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Commentaire recommandé
« Le conflit a détérioré les relations du royaume avec la communauté internationale, affecté la dynamique de la sécurité régionale et entamé sa réputation dans le monde islamique »
ah bon et depuis quand ?
Quelle communauté internationale ? parce que à ce que je sache, nos chers gouvernements ont tous été en visite en Arabie Saoudite et tenu le sabre !!! hollande, macron…la guerre du Yémen n’a pas commencé en 2018 mais en 2014, bizare que la « communauté internationnale » l’ai fermé jusque là !
Bref, sans compter que ce « journaliste » fait copain,copain avec les frères musulmans, bref…..
a quand une ode à nos journalistes du monde, de libé quand ils seront morts ? ben oui quoi, il suffit d’être « journaliste » pour être respecté et…regretté…
Je ne m’attendais pas à ce que ce site se fasse le transmetteur pour des gens comme ce « journaliste ».
Si l’Arabie Saoudite est dans le colimateur des « journalistes » qui d’u seul coup découvrent le Yémen ( sans compter que les mêmes aident l’Arabie Saoudite à ataquer le Yémen), c’est uniquement parce qu’elle va commercer en autre chose que le dollar, je dis ça, je dis rien.
Au moins, un modérateur lira ce que j’ai écrit avant de modérer….
12 réactions et commentaires
Vos déclarations contre l’ingérence iranienne au Yémen n’auront servi à rien, M. Khashoggi. Vous avez déplu au prince héritier. Allez, c’est par ici le hachoir…
« Nous ne devrions pas avoir besoin qu’on nous rappelle la valeur de la vie humaine » : si, malheureusement. Vous l’avez peut-être rappelée vous-même à vos bourreaux, mais c’était trop tard.
« L’Arabie saoudite ne mérite pas d’être comparée à la Syrie » : certes, mais pas comme vous l’imaginiez.
+10
Alerter« Le conflit a détérioré les relations du royaume avec la communauté internationale, affecté la dynamique de la sécurité régionale et entamé sa réputation dans le monde islamique »
ah bon et depuis quand ?
Quelle communauté internationale ? parce que à ce que je sache, nos chers gouvernements ont tous été en visite en Arabie Saoudite et tenu le sabre !!! hollande, macron…la guerre du Yémen n’a pas commencé en 2018 mais en 2014, bizare que la « communauté internationnale » l’ai fermé jusque là !
Bref, sans compter que ce « journaliste » fait copain,copain avec les frères musulmans, bref…..
a quand une ode à nos journalistes du monde, de libé quand ils seront morts ? ben oui quoi, il suffit d’être « journaliste » pour être respecté et…regretté…
Je ne m’attendais pas à ce que ce site se fasse le transmetteur pour des gens comme ce « journaliste ».
Si l’Arabie Saoudite est dans le colimateur des « journalistes » qui d’u seul coup découvrent le Yémen ( sans compter que les mêmes aident l’Arabie Saoudite à ataquer le Yémen), c’est uniquement parce qu’elle va commercer en autre chose que le dollar, je dis ça, je dis rien.
Au moins, un modérateur lira ce que j’ai écrit avant de modérer….
+21
Alerter« L’Arabie saoudite ne mérite pas d’être comparée à la Syrie, dont le dirigeant n’a apparemment pas hésité à utiliser des armes chimiques contre son peuple. »
L’Arabie Saoudite n’aurait-elle pas utilisé d’armes chimiques au Yémen ?
Le journaliste saoudien Jamal Khashoggi a-t-il été assassiné parce qu’il en savait trop sur la guerre sans pitié menée par MBS au Yémen ? Analyse du chercheur Sébastien Boussois.
« Si l’on en croit les révélations d’un proche ami de Jamal Khashoggi parues dans la presse britannique il y a 24 heures, la mort du journaliste d’opposition pourrait bien être liée à la guerre sauvage menée par Ryad contre le Yémen. En effet, il semblerait que Khashoggi était sur le point de révéler la pire chose que peut encore entendre la communauté internationale qui n’hésite pas à réagir dès que de telles pratiques sont avérées : MBS aurait utilisé des armes chimiques au Yémen pour tenter de venir à bout de la rébellion houthi, soutenue par l’Iran, qui le nargue depuis bientôt quatre ans. »
https://www.nouvelobs.com/monde/20181030.OBS4715/des-armes-chimiques-ont-elles-ete-employees-par-l-arabie-saoudite-au-yemen.html
+12
AlerterBref, si j’ai bien tout compris, il serait temps que l’Iran arrête de bombarder le Yémen en mettant en danger l’Arabie Saoudite et lève son blocus du Yémen… voilà qui est limpide.
+14
AlerterEXCLUSIF : Un prince dissident saoudien rentre au pays pour s’attaquer à la succession de MBS
Le prince Ahmed ben Abdelaziz rentre à Riyad avec des garanties de sécurité britanniques et américaines et une mission : remettre le prince héritier à sa place
https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/exclusif-un-prince-dissident-saoudien-rentre-au-pays-pour-s-attaquer-la-succession-de-mbs
Je n’ai trouvé aucun article de nos chers médias MSM sur ce sujet, qui est un événement puisque ce prince, opposant déclaré à MBS, vit en exil à Londres.
+9
AlerterLa signature d’un accord de paix entre l’Arabie Saoudite et les Houtis serait un véritable désastre !!!
Comment les entreprises qui fabriquent le matériel militaire feront-elles pour écouler leur précieuse marchandise ?
Face à ce désastre économique, la vie de quelques « sous-humains » qui habitent ce territoire ne vaut rien et il faut continuer les hostilités, quel qu’en soit le prix (surtout pour l’armement fourni à l’Arabie Saoudite).
Finalement l’Iran est le meilleur allié des fabricants de canons occidentaux : Ce pays, en fournissant quelques armements rustiques et peu coûteux offre l’excuse totalement irréfutable de faire tourner l’économie occidentale (surtout US).
Si d’aventure l’Arabie Saoudite décidait de signer un accord de paix elle se retrouverait immédiatement devant un « tribunal d’arbitrage » et serait condamnée à verser des indemnités aux exportateurs d’armes pour compenser le manque à gagner.
C’est aussi ça la « libre circulation des biens et des services » dans une économie « libre et non faussée ».
+11
AlerterEn même temps, les ventes d’armes françaises à l’AS ne rapporteraient que quelques milliards d’euros soit 0,x% du PIB national.
L’Etat français se prostituerait donc pour moins de 1% de PIB ?…et/ou l’AS serait-elle un généreux et obscur donateur auprès de nos « zélites » ?
+4
AlerterProstitution de l’Etat français ou de ses « serviteurs »?
Pour ces derniers, la prostitution est un métier.
+10
Alerter« Les rebelles Houthis soutenus par l’Iran »®
Chaque fois que le sujet est abordé le journaliste (pour ma part c’est France Chose) me ressort cette antienne, sans jamais préciser la nature et encore moins les moyens de ce soutien. Quid du blocus maritime ? Des aéroports sous le feu de la chasse saoudienne ? Il passe par où ce soutien ? Et il consiste en quoi ? Et finalement s’il existe ce soutien, pourquoi ne pas mettre en parallèle celui dont bénéficie l’autre belligérant ? Qui soutient le Séoud ?
+7
AlerterComme pour l’Ukraine, on a « les rebelles pro-russes », mais jamais le « régime pro-otan » ou « les milices nazis pro USA ».
+16
Alerter« Les Saoudiens pourraient fournir à leur ennemi et aux responsables de l’ONU un soutien en matière de transport – voire même leur offrir un avion saoudien. »
Etre combattant Houthi et monter dans un avion saoudien parait encore plus dangereux que pour un journaliste d’opposition d’aller chercher des papiers au consulat saoudien de Turquie!
+7
AlerterIl serait adéquat d’aborder le probléme autrement. Les interventions du Royaume Wahabite ne pouvaient avoir lieu sans le feu vert des USA ou sur leur recommandation.
Le but c’est d’isoler Riyad des autres pays de la région pour en faire un partenaire contre tout celui qui n’est pas d’accord avec Israel et d’offrir à ce dernier des alliés qui légitimeront son existence expansionniste.
Les dirigeants saoudiens doivent savoir que l’Oncle Sam n’a jamais été diligent envers aucune doctrine ou idéologie sauf la sienne. Par conséquent le chiisme ou le wahabisme ne reçoivent son aval momentané que pour la réalisation de ses propres desseins. Une fois la mission terminée, il les combattra comme il s’est retourné contre plusieurs régimes qui ont out misé sur lui.
Dans notre cas, les bombardements ne seront aucunement décisifs sur l’issue du combat tant qu’une troupe au sol destinée à l’exploitation des résultats n’y soit pas déployée.
Les saoudiens y seront-ils préts à le faire?
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