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11.mars.202411.3.2024 // Les Crises

Le terrorisme en Afrique a augmenté de 100 000 % pendant la « guerre contre le terrorisme »

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Un nouveau rapport du ministère de la défense indique que la violence sur le continent est aujourd’hui bien pire qu’à l’époque où l’armée américaine est intervenue pour « aider ».

Source : Responsible Statecraft, Nick Turse
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Des soldats des Forces armées nigériennes s’entraînent au combat rapproché avec des conseillers des forces spéciales américaines lors de Flintlock 2018, le 13 avril 2018 à Agadez, au Niger. Flintlock est un exercice militaire et d’application de la loi intégré, annuel et dirigé par l’Afrique, qui a renforcé les forces clés des pays partenaires dans toute l’Afrique du Nord et de l’Ouest, ainsi que les forces d’opérations spéciales occidentales depuis 2005. Photo par le sergent-chef Daniel Love

Selon une nouvelle étude de l’Africa Center for Strategic Studies, une institution de recherche du Pentagone, les décès dus au terrorisme en Afrique ont augmenté de plus de 100 000 % [100 000 % équivaut à 1000 fois plus, NdT] au cours de la guerre contre le terrorisme menée par les États-Unis. Ces résultats contredisent les affirmations du Commandement américain pour l’Afrique (AFRICOM) selon lesquelles il fait échec aux menaces terroristes sur le continent et promeut la sécurité et la stabilité.

Pour l’ensemble de l’Afrique, le département d’État a recensé neuf attaques terroristes en 2002 et 2003, qui ont fait 23 victimes au total. À l’époque, les États-Unis commençaient tout juste à déployer un effort de plusieurs décennies pour fournir des milliards de dollars d’aide à la sécurité, former des milliers de militaires africains, établir des dizaines d’avant-postes, envoyer leurs propres commandos dans un large éventail de missions, créer des forces supplétives, lancer des frappes de drones et même s’engager dans des combats au sol avec des militants en Afrique.

La plupart des Américains, y compris les membres du Congrès, ne sont pas conscients de l’ampleur de ces opérations, ni du peu d’effet qu’elles ont eu sur la protection des vies africaines.

L’année dernière, les décès dus à la violence islamiste militante en Afrique ont augmenté de 20 %, passant de 19 412 en 2022 à 23 322, atteignant « un niveau record de violence meurtrière », selon l’Africa Center. Cela représente presque un doublement des décès depuis 2021 et un bond de 101 300 % depuis 2002-2003.

Depuis des décennies, les efforts des États-Unis en matière de lutte contre le terrorisme en Afrique se concentrent sur deux fronts principaux : La Somalie et le Sahel ouest-africain. L’année dernière, chacun de ces pays a connu une flambée du terrorisme.

Les forces d’opérations spéciales américaines ont été envoyées pour la première fois en Somalie en 2002, suivies d’une aide militaire, de conseillers et d’entrepreneurs privés. Plus de 20 ans plus tard, les troupes américaines y mènent toujours des opérations antiterroristes, principalement contre le groupe militant islamiste al-Shabaab. À cette fin, Washington a fourni des milliards de dollars d’aide à la lutte contre le terrorisme, selon un rapport publié en 2023 par le projet Costs of War de l’université Brown. Les Américains ont également mené plus de 280 frappes aériennes et raids commando et créé de nombreuses forces supplétives pour mener des opérations militaires peu visibles.

Selon l’Africa Center, la Somalie a connu « une augmentation de 22 % du nombre de décès en 2023, atteignant le chiffre record de 7 643 décès ». Cela représente un triplement des décès depuis 2020.

Les conclusions sont encore plus accablantes pour le Sahel. En 2002 et 2003, le département d’État n’a recensé que neuf attaques terroristes en Afrique. Aujourd’hui, les nations du Sahel ouest-africain sont en proie à des groupes terroristes qui ont grandi, évolué, se sont scindés et reconstitués. Sous les bannières noires du militantisme djihadiste, des hommes à moto – portant des lunettes de soleil et des turbans et armés d’AK-47 – déboulent dans les villages pour imposer leur conception rigoureuse de la charia et terroriser, agresser et tuer les civils. Les attaques incessantes de ces djihadistes ont déstabilisé le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

« Le nombre de morts au Sahel a presque triplé par rapport aux niveaux observés en 2020 », selon le rapport du Centre pour l’Afrique. « Les décès au Sahel représentaient 50 % de tous les décès liés à l’islamisme militant signalés sur le continent en 2023. »

Au moins 15 officiers ayant bénéficié de l’assistance sécuritaire des États-Unis ont été impliqués dans 12 coups d’État en Afrique de l’Ouest et dans le grand Sahel pendant la guerre contre le terrorisme. La liste comprend des officiers du Burkina Faso (2014, 2015 et deux fois en 2022), du Tchad (2021), de la Gambie (2014), de la Guinée (2021), du Mali (2012, 2020 et 2021), de la Mauritanie (2008) et du Niger (2023). Au moins cinq dirigeants de la junte nigérienne, par exemple, ont reçu une aide américaine, selon un fonctionnaire américain. Ils ont à leur tour nommé cinq membres des forces de sécurité nigériennes formés aux États-Unis pour occuper les fonctions de gouverneurs de ce pays.

Ces coups d’État militaires ont compromis les objectifs américains visant à assurer la stabilité et la sécurité des Africains, mais les États-Unis ont hésité à rompre leurs liens avec ces régimes voyous. Malgré le coup d’État nigérien, par exemple, les États-Unis continuent de maintenir des troupes en garnison et de mener des missions à partir de leur importante base de drones dans ce pays.

Les juntes ont également multiplié les atrocités. Prenons l’exemple du colonel Assimi Goïta, qui a travaillé avec les forces d’opérations spéciales américaines, a participé à des exercices d’entraînement américains et a fréquenté l’Université des opérations spéciales conjointes en Floride avant de renverser le gouvernement malien en 2020. Goïta a ensuite pris le poste de vice-président dans un gouvernement de transition officiellement chargé de ramener le pays à un régime civil, avant de s’emparer à nouveau du pouvoir en 2021.

La même année, la junte de Goïta aurait autorisé le déploiement des forces mercenaires Wagner, liées à la Russie, pour combattre les militants islamistes après près de vingt ans d’échec des efforts de lutte contre le terrorisme soutenus par l’Occident. Wagner – un groupe paramilitaire fondé par feu Yevgeny Prigozhin, un ancien vendeur de hot-dogs devenu chef de guerre – a été impliqué dans des centaines de violations des droits de l’homme aux côtés de l’armée malienne soutenue de longue date par les États-Unis, y compris un massacre en 2022 qui a tué 500 civils.

La loi américaine interdit généralement aux pays de recevoir une aide militaire à la suite d’un coup d’État, mais les États-Unis ont continué à fournir une assistance aux juntes sahéliennes. Bien que les coups d’État de Goïta en 2020 et 2021 aient déclenché l’interdiction de certaines formes d’aide à la sécurité de la part des États-Unis, l’argent des contribuables américains a continué à financer ses forces. Selon le Département d’État, les États-Unis ont fourni plus de 16 millions de dollars d’aide à la sécurité au Mali en 2020 et près de 5 millions de dollars en 2021. En juillet 2023, le Bureau de lutte contre le terrorisme du département attendait l’approbation du Congrès pour transférer 2 millions de dollars supplémentaires au Mali. (Le département d’État n’a pas répondu à la demande de mise à jour du magazine en ligne Responsible Statecraft sur l’état de ce financement).

De même, l’armée du Burkina Faso a tué de nombreux civils lors de frappes de drones l’année dernière, selon un récent rapport publié par Human Rights Watch. Ces attaques, qui visaient des militants islamistes sur des marchés bondés et lors de funérailles, ont fait au moins 60 morts et des dizaines de blessés parmi les civils.

Pendant plus d’une décennie, les États-Unis ont consacré des dizaines de millions de dollars à l’aide à la sécurité du Burkina Faso. Selon la porte-parole Kelly Cahalan, le Commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM) « ne fournit pas actuellement d’assistance au Burkina Faso ». Mais elle n’a pas répondu aux questions visant à clarifier ce que cela signifie exactement.

L’année dernière, le commandant de l’AFRICOM, le général Michael Langley, a admis que les États-Unis avaient continué à fournir une formation militaire aux forces burkinabè. Ces troupes, par exemple, ont participé à Flintlock 2023, un exercice d’entraînement annuel parrainé par le Commandement des opérations spéciales des États-Unis en Afrique. Néanmoins, le Burkina Faso a subi 67 % des décès liés à l’islamisme militant au Sahel (7 762) en 2023, selon l’Africa Center.

Le commandement américain pour l’Afrique se targue de « contrer les menaces transnationales et les acteurs malveillants et de promouvoir la sécurité, la stabilité et la prospérité régionales » en aidant ses partenaires africains à assurer « la sécurité et la sûreté » de leurs populations. Le fait que les décès de civils dus à la violence des militants islamistes aient atteint des niveaux record, selon l’Africa Center, et qu’ils aient augmenté de 101 300 % pendant la guerre contre le terrorisme, prouve le contraire.

L’AFRICOM a adressé ses questions sur les conclusions du nouveau rapport de l’Africa Center au bureau du secrétaire à la défense. Le Pentagone n’a pas répondu aux questions avant la publication.

Nick Turse

Nick Turse est rédacteur en chef de TomDispatch et membre du Type Media Center.

Source : Responsible Statecraft, Nick Turse, 12-02-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Moussars // 11.03.2024 à 09h05

Exactement. Et, comme d’habitude, nos lâches politiciens du gouvernement, inféodés, ne pouvant dénoncer les principaux responsables, américains, ne dénoncent que la Russie…

4 réactions et commentaires

  • Auguste Vannier // 11.03.2024 à 08h35

    Il manque ici une observation, sans qu’un lien de cause à effet soit objectivement établit: la France a été éjectée du Sahel pendant la même période. Coïncidence?

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    • Moussars // 11.03.2024 à 09h05

      Exactement. Et, comme d’habitude, nos lâches politiciens du gouvernement, inféodés, ne pouvant dénoncer les principaux responsables, américains, ne dénoncent que la Russie…

        +9

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    • Fabrice // 12.03.2024 à 06h53

      Il ne faut pas oublier notre responsabilité quand nous avons détruit la Lybie, nous avons provoqué une dissémination des armes, de populations hostiles dans le reste de l’Afrique, certes l’attitude des USA est multiplicateur de terrorisme mais notre attitude n’est pas à ignorer.

      comme dit l’expression « voir la paille dans l’œil du voisin et ne pas voir la poutre dans le sien » pour se dédouaner à bon compte.

        +9

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      • azuki // 12.03.2024 à 15h55

        C’est vrai qu’en France on n’a pas eu une motion «cessons d »armer et financer Al Qaida» comme au congrès US, ce qui d’ailleurs n’a pas ému la presse qui a glissé cette information négligeable sous le tapis puisque nous sommes l’axe du bien qui lutte contre l’axe du mal.

        Je me dois de signaler que si le terrorisme qui se développe partout ou l’OTAN passe, on peut faire la même réflexion avec la production de drogues qui sert a financer les opérations spéciales de la CIA hors contrôle démocratique et sans trace dans la comptabilité.

        Nous sommes le camp du bien qui luttons contre l’axe du mal, vous me le réciterez 100 fois chaque matin pour vous mettre en bonne disposition.

          +3

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