Index de la série « Pollution de l’air »
- La pollution de l’air cause 48 000 morts par an en France (+ présentation des polluants)
- La pollution aux particules fines
- Les graves effets des particules sur la santé
- La pollution de l’air dans le monde
- La pollution de l’air en Europe I (+ les morts du charbon)
- La pollution de l’air en Europe II
- Arrêtons avec les “centrales à charbon allemandes »
- La pollution de l’air en France
- Le très polluant chauffage au bois
- Le choix erroné de la France pour le diesel
- La pollution de l’air en Île-de-France (hors particules)
- La pollution aux particules en Île-de-France
- L’origine des particules en Île-de-France
- La circulation des particules en Europe
- Les épisodes de pollution aux particules en Île-de-France
- Qualité de l’air en Île-de-France et épisodes de pollution récents
- La pollution dans le métro
- La pollution de l’air à la maison
- Synthèse de la série Pollution de l’air
- Suivi en direct de la pollution
Le très polluant chauffage au bois
À ce stade de notre étude, il est temps de développer un peu le sujet du chauffage au bois, gros émetteur de particules dans le pays – on parle d’environ 100 000 tonnes de particules émises tous les ans, plus de 96 % venant d’appareils à bois bûche. (Source)
Les chaudières, inserts, poêles, foyers fermés ou ouverts, cuisinières sont d’autant plus polluants qu’ils sont anciens. Un poêle à bois non certifié fonctionnant pendant 9 heures émet dans l’atmosphère un taux de particules fines aussi important qu’un poêle à bois performant brûlant pendant 60 heures.
Une demi-journée de chauffage au bois pollue ainsi autant que 3 500 km parcourus par une voiture diesel ou autant que 10 500 km effectués avec une voiture essence. Ce taux important montre la pollution élevée des appareils à bois qui manquent cruellement de filtres à particules pourtant obligatoires dans d’autres pays comme l’Allemagne.
Quand un poêle ancien contamine 5 hectares…
Le schéma ci-dessous compare les énormes différences de performances en matière d’émissions de particules fines selon le type d’installation de chauffage au bois. Une cheminée classique émet jusqu’à 440 fois plus de particules qu’un appareil performant fonctionnant aux granulés de bois.
En 2012, 7,4 millions de ménages français utilisaient un appareil à bois. Les foyers fermés/inserts constituaient 47,2 % du parc, les poêles à bûches 23,6 %, les foyers ouverts 17 %, les chaudières à bûches 5,7 %, les cuisinières 2,8 %, les poêles à granulés 2,8 % et les chaudières à granulés 0,9 %.
La comparaison avec les autres moyens de chauffage est éloquente :
Ceci explique que des petits villages ou petites villes puissent connaitre en hiver des niveaux de pollution supérieurs à ceux de Paris…
En Île-de-France, le bois représente plus de 90% des émissions de particules fines du secteur résidentiel alors qu’il ne représente que 4% des besoins de chauffage. Le chauffage au bois contribue ainsi à hauteur de 23% aux émissions totales de PM10 en Île-de-France, soit autant que l’échappement des véhicules routiers (Source).
Les foyers ouverts constituent plus de la moitié de ces émissions dues au chauffage au bois, car ils émettent 8 fois plus de particules qu’un foyer fermé avec un insert performant, pour une même quantité d’énergie consommée.
Analyse d’un naufrage politique
En 2014, on a failli connaître un vrai progrès : il a été décidé d’interdire tous les feux de cheminée à Paris :
Mais devant les réactions outragées, Ségolène Royal, la ministre de l’écologie, s’en est mêlée…
Vu le temps proprement inhumain que j’ai passé sur cette série, sur mon temps libre, vous me pardonnerez ce petit moment de polémique politique (quoiqu’elle n’est pas partisane, vu qu’il y avait les 2 tendances dans le même camp) – mais il est aussi important de comprendre comment un problème ne se résout pas.
Donc, quand on est ministre de l’environnement, et qu’on intervient sur un gros problème de santé publique (50 000 morts, 3e cause de mortalité, conséquences potentiellement importantes chez les nourrissons, ravages de l’asthme…), on fait évidemment très attention à ses mots et à leur impact :
Excessif, absurde, et ridicule – du grand art… On apprend dans la presse à ce moment :
que ce sont des élus franciliens qui ont demandé à la préfecture – donc à l’État – d’agir pour améliorer la qualité de l’air et diminuer un nombre impressionnant de morts (bref, des « bons sentiments » quoi…).
Il s’est donc trouvé des élus courageux pour décider d’ennuyer leur électeurs dans un but de santé publique (sans grand espoir qu’il les remercient), et un préfet pour les suivre. (un grand merci à toutes les personnes qui ont bossé sur ce sujet…)
Et puis, il y a eu Ségolène Royal, donc… Qui est, par chance, super bien renseignée :
Passons sur le journaliste et sa connaissance impressionnante du sujet, et voyons que Mme Royal indique que la décision viendrait d’AirParif, qu’elle qualifie donc de « sectaire »…
Dommage qu’elle semble ignorer qu’AirParif est une simple association loi 1901, sans le moindre pouvoir, qui s’occupe de mesurer la pollution à Paris (en étant agréée pour cela par… le ministère de l’Environnement) et rédige des rapports vraiment remarquables (j’en ai lu beaucoup), qui serviront d’ailleurs de base à la suite de cette série.
Donc primo, AirParif ne décide de rien (c’est le préfet qui a décidé au nom de Mme Royal…), et secundo, je n’ai rien vu de sectaire chez eux dans tout ce que j’ai lu, j’ai juste vu des professionnels qualifiés se démenant pour le bien public – sympa le soutien de la ministre, donc.
Comme si AirParif, les élus, le préfet étaient tous des clowns… Allez passer des messages de prévention et de sensibilisation au problème, après ça.
Comme s’il ne venait à l’idée qu’à ces « cerveaux malades » de prendre une telle mesure, comme si elle n’existait pas déjà à Londres ou en Californie :
contribuant à l’écart avec Paris – lanterne rouge européenne :
Bientôt 10 ans au passage… :
Mais c’est sûr que eux, ils sont pris une norme de microparticules de 12 µg, proche des 10 µg recommandés par l’OMS, quand nous sommes nous encore à 25 µg…
Mais Mme Royal ne s’arrête pas là (ALERTE « On nous ment » ):
Et quand la réalité vous surprend, il est important de la nier…
Un simple abonnement à Science et Vie suffit, pourtant :
Alors petit rappel pour les personnes mal informées :
Le diesel, c’est une bonne moitié des 17 % (9 %), et le chauffage au bois une bonne partie des 47 % (disons 35 %).
Et normalement, 35 est nettement plus grand que 9…
Un feu de bois produit en effet un certain nombre de polluants atmosphériques tels que des particules, du monoxyde de carbone (CO), des oxydes d’azotes (NOx), des composés organiques volatils (COV) ou des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Ainsi, selon les données du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), la combustion de bois en foyers domestiques est responsable en France de :
- 76 % des émissions de HAP ;
- 60 % des émissions de benzène ;
- 39 % des émissions de particules fines ;
- 30 % des émissions de monoxyde de carbone ;
- 21 % des émissions de COV (Source).
Mais Mme Royal ne s’arrête pas là :
Eh oui, la forêt est grande – c’est bien pour cela qu’on est le pays européen développé qui pollue le plus par habitant, au niveau des particules (et à cause du chauffage en bonne partie):
Mme Royal a donc pris un arrêté interpréfectoral le 28 octobre 2015 pour supprimer l’interdiction. Il permet à nouveau aux Franciliens de faire du feu dans leur cheminée, à condition, toutefois, que cela reste des feux d’agrément. Il est donc normalement interdit donc d’allumer un feu de cheminée pour se chauffer en continu.
Mme Royal assène alors l’argument préféré des libéraux :
maxime bien connue, et tellement illustratrice de notre époque :
Bref, un peu le même discours que lors de l’abandon de l’écotaxe poids lourds qui a privé l’État de moyens d’agir sur la réduction des émissions du transport routier, ainsi que de ressources financières pour le fret ferroviaire…
Mais ce n’est pas pas encore fini… Elle conclut alors par cette fulgurance :
Eh oui… Bon, c’est vrai que c’est sympa un bon feu de cheminée, c’est ancestral.
Une « bonne vieille » façon de s’intoxiquer surtout…
Mais le souci est que, si ça pollue sérieusement l’air extérieur, ça pollue surtout très gravement l’air intérieur, en intoxiquant les personnes proches…
Car la fumée qui s’échappe d’un poêle à bois, d’un foyer de cheminée ou d’un feu nu n’est pas aussi « inoffensive » que l’imagerie populaire donne à la combustion du bois. Le chauffage au bois, parce qu’il constitue une pratique « naturelle et ancienne », porte une image de pratique « propre », ce qui se justifie par le bilan des émissions de CO2, mais pas pour les particules, ni les composés organiques volatils (COV), dont les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP).
Une étude de la Direction de santé publique de Montréal-Centre a montré que les personnes qui utilisent un poêle à bois présentent dans leur urine des concentrations plus élevées de contaminants que celles qui n’ont pas de poêle à bois. Le chauffage au bois constitue donc une source d’exposition supplémentaire à des substances toxiques à l’intérieur des maisons. (Lire également ici) :
L’air intérieur : « En plus d’émettre des contaminants dans l’air extérieur, les appareils de combustion du bois peuvent modifier la qualité de l’air des habitations lorsqu’une partie des gaz de combustion et des particules fines revient à l’intérieur. Ces fuites à l’intérieur de la maison seront plus ou moins importantes selon le type d’appareil utilisé, la qualité de son installation et les façons de le faire fonctionner. Une étude de la Direction de santé publique de Montréal-Centre a montré que les personnes qui utilisent un poêle à bois présentent dans leur urine des concentrations plus élevées de contaminants que celles qui n’ont pas de poêle à bois. Le chauffage au bois constitue donc une source d’exposition supplémentaire à des substances toxiques à l’intérieur des maisons. »
L’OMS a aussi pointé les dangers du chauffage au bois – lire cette étude en anglais par exemple.
En France, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) conclut de même :
« S’agissant de l’air intérieur, une influence du chauffage au bois a été observée pour le dioxyde d’azote, le monoxyde de carbone, les particules PM10 et PM2,5, le benzène et les HAP. A priori mineur pour le NO2 et le CO, cet impact peut être qualifié de notable pour les PM10 et PM2,5, et de majeure pour le benzène et les Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). »
Alors, c’est sûr que c’était sympa pour nos ancêtres, mais bon, ce n’est pas pour rien que l’espérance de vie n’était pas géniale, beaucoup d’enfants mourant aussi en bas âge… 🙂
Bref, c’est un peu comme la Ministre de la Santé avait dit « Je trouve que fumer plein de paquets de clopes à Noël, c’est une bonne chose ! »
D’ailleurs, on peut se demander, au vu des impacts sanitaires, si ce sujet ne devrait pas relever du Ministère de la Santé plutôt que de l’Environnement.
Après, tout n’est pas à jeter dans le chauffage au bois (Mme Royal à raison avec son « il y a des poêles de chauffage au bois qui sont très performants »), mais il faut alors vraiment se concentrer sur les chaudières à bois de dernière génération, qui filtrent bien les particules et autres polluants. Les plus problématiques sont les appareils à foyers ouverts, heureusement en baisse :
Lire ici la plaquette Se chauffer au bois de l’Ademe :
Il n’empêche qu’une interdiction dans une zone aussi polluée que Paris semble plus que nécessaire, sur le fond (rejet) comme sur la forme (sensibilisation de la population)…
« Il n’existe pas de problème en politique qu’une absence de décision ne puisse résoudre. » [
Ségolène RoyalHenri Queuille (1884-1970)]
Commentaire recommandé
Sans vouloir nier la pollution générée par ce type de chauffage (surtout pour les foyers ouverts), cet haro sur le chauffage au bois interroge. Est-ce vraiment une priorité? Surtout lorsque qu’on voit ce genre d’étude:
http://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-1229857/How-16-ships-create-pollution-cars-world.html
Car le poêle représente un avantage énorme dont vous n’avez pas parlé, Oliver: l’AUTONOMIE énergétique. Plus besoin d’EDF, de GDF ou des escrocs propaniers.
A part dans les milieux fortement urbanisés, un poêle, c’est l’assurance, dans les temps difficiles à venir (crise économique, black out, guerre,..) de pouvoir continuer de chauffer sa famille, et sa nourriture (il suffit au pire de sortir avec sa hache).
Une question de priorité donc. A 43 balais, je suis à peu près certain que , de mon vivant, va se passer quelque chose de grave sur le plan mondial. Quelque chose qui pourrait nous ramener rapidement à l’age de pierre, au moins pour un temps.Je me trompe donc peut être mais il me parait plus urgent de préparer l’autonomie de ma famille face à ce cataclysme que de « soigner » la qualité de l’air (et dans quelle mesure? lorsqu’on sait qu’à coté les 16 plus gros bateaux polluent plus que toutes les voitures du monde).
Le haro sur le chauffage au bois ne serait-il pas au domaine énergétique ce que la guerre contre le cash serait au domaine financier. Une manière supplémentaire de nous priver de cette capacité à l’autonomie?
177 réactions et commentaires - Page 2
j’habite en région parisienne dans une banlieue pavillonnaire ou les cheminées se succèdent tous les 15 mètres. En hiver, c’est insoutenable, entre les yeux qui piquent et l’odeur acre de la fumée.
j’ai acheté un détecteur de particule et c’est sans appel. Toute la journée, mon capteur indique:
PM10 = 80 microgramme
PM2.5 = 50 microgramme
la pollution aux particules est une pollution locale, pas globale, donc difficile a quantifier par des cartes nationales. Les premières victimes sont les voisins et les enfants scolarisé dans les écoles du coin !
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