Source : The Guardian, Shaun Walker, 30-08-2019
Alors que les dirigeants se réunissent pour l’anniversaire de dimanche en Pologne, les nationalistes exploitent les événements de 1939
par Shaun Walker à Westerplatte
vendredi 30 août 2019
Le 1er septembre 1939, peu avant 5 heures du matin, le navire de guerre allemand Shleswig-Holstein fit feu sur une garnison de soldat polonais stationnée sur la péninsule de Westerplatte, qui faisait partie de la ville internationale de Dantzig devenue aujourd’hui la ville polonaise de Gdansk. L’attaque marqua le début d’une guerre qui tuera par millions et s’avérera le conflit le plus effroyable de l’histoire de l’humanité.
A l’approche dimanche du 80ème anniversaire du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale et alors que les dirigeants européens se dirigent vers la Pologne pour les commémorations, les événements sanglants d’il y a 80 ans sont aujourd’hui plus que jamais politisés et exploités sur tout le continent.
Loi et Justice, le parti nationaliste au pouvoir en Pologne, a invité Donald Trump à Varsovie pour prononcer le discours d’ouverture des commémoration de dimanche, un geste qui, de l’avis de beaucoup, ne contribuerait guère à donner un ton solennel à la commémoration. Lors de sa dernière visite à Varsovie, Trump a évoqué la guerre pour parler de la nécessité pour l’Occident de tenir tête à ses ennemis, en utilisant une rhétorique sombre et de conflit de civilisation.
La décision de dernière minute de Trump d’annuler son voyage et d’envoyer son vice-président, Mike Pence, à sa place, ainsi que la décision tout aussi tardive de la chancelière allemande Angela Merkel d’assister aux commémorations, signifie qu’il y a moins de chances que l’on ait des discours démagogiques dimanche. Mais en Pologne et dans toute l’Europe, un âpre débat continue de faire rage à propos des leçons à tirer de la Seconde Guerre Mondiale.
Il y a dix ans, lors du 70ème anniversaire, le Président Russe Vladimir Poutine, et Angela Merkel s’était rencontrés à Westerplatte, et il y avait des signes que les nations européennes pourraient se rapprocher d’une réconciliation après les terribles événements de la guerre. Alors que la date du nouvel anniversaire approche, l’atmosphère est cette fois très différente.
Dans de nombreux pays d’Europe centrale, les gouvernements se concentrent sur les atrocités commises par les nazis pendant la guerre et minimisent les histoires de collaboration locale à l’Holocauste, tandis que les figures politiques nativistes de la région se complaisent à brosser des tableaux d’histoires de guerre héroïques et retouchés. En Grande-Bretagne, l’effort de guerre et les pertes sont régulièrement évoqués dans les discussions sur le Brexit, laissant l’ambassadeur allemand sortant suggérer que l’obsession de la Grande-Bretagne à lutter contre les nazis ne contribue guère à résoudre les problèmes actuels. [Le nativisme est le nom d’un courant politique de pays peuplés d’immigrants (États-Unis d’Amérique, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande) qui s’oppose à toute nouvelle immigration. NdT]
En Russie, Poutine a progressivement transformé la victoire et l’énorme sacrifice soviétique durant la guerre en une célébration grandiose et une opportunité pour une prise de posture militariste. Dans l’est de l’Ukraine, des forces soutenues par la Russie sont parties au combat avec des drapeaux inspirés par la victoire de la Seconde Guerre mondiale.
Dans la perspective de cet anniversaire, le gouvernement russe a lancé une campagne de réhabilitation du pacte Molotov-Ribbentrop, signé entre l’Allemagne nazie et l’Union soviétique une semaine avant l’attaque de Westerplatte, qui comprenait des protocoles secrets selon lesquels les deux puissances se partageraient l’Europe orientale. En quelques semaines, la Pologne a été divisée et démembrée par les deux puissances.
Il y a dix ans, Poutine a utilisé son discours à Westerplatte pour affirmer que le pacte était « d’un point de vue moral inacceptable et d’un point de vue pratique, inutile, nuisible et dangereux ». Il n’a pas présenté d’excuses mais a qualifié l’entente d’« erreur ».
Cette année, la rhétorique de Moscou a été très différente, puisque le ministère des Affaires étrangères a lancé une campagne en ligne avec des animations et un hashtag Twitter #TruthaboutWWII. Le ministre de la Culture, Vladimir Medinsky, a écrit une chronique qualifiant le pacte de « triomphe de la diplomatie soviétique ». Alors que Mme Merkel et le président allemand Frank-Walter Steinmeier assisteront à l’anniversaire de dimanche, M. Poutine n’a pas été invité.
En Pologne aussi, les batailles à propos de la mémoire de la guerre sont devenues plus féroces. Jusqu’à récemment, le site de Westerplatte, dominé par un monument de granit de l’ère communiste, était contrôlé par l’administration municipale de Gdańsk, dirigée par l’opposition libérale au PiS. Récemment, toutefois, le gouvernement central a pris le contrôle du site par le biais d’une décision de justice et veut construire un nouveau musée pour commémorer l’héroïsme des défenseurs, qui doit être bâti d’ici 2023.
« Je crains que cela ne devienne une sorte de Disneyland historique », a déclaré Paweł Machcewicz, un historien qui était directeur du musée de la Seconde Guerre mondiale de Gdańsk jusqu’à son licenciement en 2017, peu après son ouverture et après une campagne médiatique décrivant le musée comme insuffisamment patriotique et même « anti-polonais ».
Son successeur au poste, Karol Nawrocki, responsable de la planification du nouveau site de Westerplatte, a apporté plusieurs modifications aux expositions des pièces du musée principal de Gdańsk. A l’entrée d’une salle contenant des centaines de photographies de Juifs assassinés pendant l’Holocauste, les nouveaux conservateurs ont affiché sur tout un mur la photographie d’une famille polonaise exécutée pour avoir caché des Juifs, un ajout que Machcewicz a qualifié de « totalement inapproprié » dans une salle consacrée au cœur de l’Holocauste.
Une affiche indiquant le nombre de morts dans chaque pays a également été modifié pour indiquer le nombre de morts en pourcentage de la population, afin de montrer que la Pologne avait souffert proportionnellement plus que les autres pays. Environ un citoyen polonais sur cinq a été tué pendant la guerre.
Nawrocki, le directeur nommé par le gouvernement en remplacement de Machcewicz, a déclaré que le musée original avait laissé de côté de nombreux « héros polonais incontestables » et que l’accent mis sur l’héroïsme polonais n’avait rien de surprenant. « Ce n’est que depuis les années 1990 que nous avons la possibilité de parler exactement et objectivement de l’histoire polonaise. Après 50 ans de deux totalitarismes, nous devrions être autorisés à parler de notre propre histoire », a-t-il dit. Un procès a été intenté par Machcewicz contre Nawrocki et le musée.
Le plus grand changement au musée consiste peut-être dans le message donné aux visiteurs à la fin de leur visite. Auparavant, une vidéo de quatre minutes retraçait l’histoire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et se terminait par des images des guerres en Ukraine et en Syrie et des réfugiés qu’elles avaient créés. Cette vidéo a été remplacée par une vidéo en images de synthèse de soldats polonais stylisés et héroïques au combat, transformant le message d’une réflexion sur les horreurs de la guerre à un élan de gloire patriotique.
Le maire libéral de Gdańsk, Aleksandra Dulkiewicz, qui a pris ses fonctions après que l’ancien maire Paweł Adamowicz a été mortellement poignardé en début d’année, a déclaré que les messages du gouvernement sur la guerre étaient malavisés et provocateurs. Les autorités municipales organisent de manière séparée leur propre cérémonie commémorative dimanche, avec en particulier comme invité, le maire de Londres, Sadiq Khan
« Bien sûr, les soldats polonais ont été des héros, mais à l’occasion du 80e anniversaire, cela ne devrait pas être le message le plus important. L’autre façon de montrer cette histoire est de faire comprendre à quel point elle a été tragique et de l’utiliser pour créer une nouvelle manière pacifique de réussir pour la Pologne », a déclaré Dulkiewicz.
Source : The Guardian, Shaun Walker, 30-08-2019
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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Commentaire recommandé
. Comment ce type ose t il évoquer les « forces ukrainiennes soutenues par les Russes » arborant des drapeaux de la victoire sans parler des forces ukrainiennes soutenues par les USA et le RU qui elles arborent des signes et drapeaux nazis et pire SS. Le scélérat anglais dans toute sa splendeur. Les Crises ne se grandit pas en publiant une telle pignouferie sans la petite phrase mettant de la distance entre cette daube et la ligne éditoriale.
11 réactions et commentaires
. Comment ce type ose t il évoquer les « forces ukrainiennes soutenues par les Russes » arborant des drapeaux de la victoire sans parler des forces ukrainiennes soutenues par les USA et le RU qui elles arborent des signes et drapeaux nazis et pire SS. Le scélérat anglais dans toute sa splendeur. Les Crises ne se grandit pas en publiant une telle pignouferie sans la petite phrase mettant de la distance entre cette daube et la ligne éditoriale.
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AlerterSurtout que tout ce que dit The Guardian, torchon s’il en est, est suspect, et qu’il n’y a aucune source citée ; en fait, un journaliste c’est comme un chercheur, mais sans la recherche et l’impératif de rigueur. J’aimerais ainsi pouvoir lire les propos récents russes sur le pacte, apparemment si scandaleux.
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AlerterEn fait « d’exploiter » la mémoire de la seconde guerre mondiale que voudrait dénoncer ce plumitif de service ! Ce monsieur démontre par son propre exemple ce qu’il prétend dénoncer. En effet en restant vague et évasif sur le protocole secret du « Pacte de non agression » Molotov-Ribbentrop (les mots veulent bien dire ce qu’il disent et non le contraire : « non agression » n’est pas une « alliance » mais au contraire une certitude de ne pas être « agressé » par l’autre partie ! n’est ce pas ? ce qui sous entend que cette autre partie n’est potentiellement pas un allié) et donc en parlant de partage de la Pologne entre russes et allemands, ce monsieur préfère oublier le « détail » qui inverse la compréhension historique de cette question concernant les soviétiques, car les soviétiques en attaquant la Pologne en 1939 n’ont fait que reprendre au mètre carré près, les territoires que les polonais avaient pris aux russes en les attaquant en 1920. Un mensonge par omission rabâché et rabâché – que certains voudraient transformer en vérité officielle – n’est qu’une instrumentalisation politique de l’histoire. N’est ce pas ? monsieur !
+19
Alerter« Shleswig-Holstein » s’écrit en réalité avec « Sch » au début. On apprend de moins en moins la langue allemande dans les écoles. Et on fait de plus en plus de commémorations humiliantes pour l’Allemagne, au moins une dizaine dans ma campagne l’été dernier. Ce n’est pas très sain.
+3
AlerterL’Occident se désole tout simplement de ce qu’il a lui-même créé à partir de sa volonté de refaire l’ordre européen à son avantage, après 1989. Cette erreur majeure a commencé par la dislocation de la Yougoslavie, qui était ni désirable ni nécessaire. Cette erreur sabotait déjà les frontières issues de 1945. L’Occident et l’UE le payent même avec les vagues migratoires qui ont commencé à cette date de 1990-1991.
C’est donc bien l’Occident qui est responsable des diverses ré-écritures de l’Histoire de la IIe GM. C’est d’ailleurs parce qu’il a « trop chargé la barque » en faisant du communisme le seul responsable de tous les malheurs de l’Europe, que l’Occident se désole de cette situation aujourd’hui.. Vainqueur de la « Guerre froide », il a omis de sa mémoire l’existence de nombre de régimes autoritaires avant 1945 en Europe et pas seulement en Allemagne ou en URSS.
Quant au pacte Molotov-Ribbentrop, il n’est pas vu avec honnêteté par l’Occident mais utilisé comme une litanie pour accuser la Russie d’aujourd’hui. Aussi ce pays ne fait que tenter de ré équilibrer un discours manichéen.
On assiste effectivement à une régression de l’écriture historique en 2 camps, et c’est l’Occident qui a initié celle-ci.
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Alerteret le pacte de non-agression entre la Pologne et l’Allemagne ? personne n’en parle ?
;o)
Ensuite, les Polonais faiisaient vivre l’enfer aux Allemands qui vivaient en Pologne et Hitler a fait des pieds et des mains pour ne pas entrer en guerre contre la Pologne sauf que c’était le désir britannique que ces deux pays entrent en guerre.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_de_non-agression_germano-polonais
« … une provocation britannique pour détruire le Troisième Reich dans une guerre mondiale ou le chèque en blanc de la Grande-Bretagne à la Pologne »
http://www.unz.com/article/why-germany-invaded-poland/
Traduit en français sur un site mis sur liste noire par les crises.fr
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AlerterTout à fait, les Croates ont été encouragés par les Allemands et soutenus dés 1995 par l’aviation US en Krajina. Mitterand lui même, lors d’une allocution télévisée où, visiblement furieux, il acceptait de se faire forcer la main par les Allemands sur le dossier Yougoslave, a dit très explicitement, dés 1992, que tout ceci allait finir en bain de sang, surtout en Bosnie, et que le le chancellier Kohl porterait la responsabilité de ce bain de sang devant l’histoire.
Et « ces gens » n’ont pas été maintenus dans un carcan 45 ans, mais « ces gens » ont créé, eux mêmes, en 1918, conformément à LEUR volonté et avec l’aide des alliés, un état totalement slave.
Un peu trop facile de tripatouiller l’histoire monsieur.
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AlerterLa russophobie guerroyante se porte bien… mieux encore depuis le dévoiement du Maïdan à la faveur de ce coup d’état par nazis interposés, préparé, financé, organisé, appuyé, mené, puis approuvé et aujourd’hui soutenu par l’Empire, désormais menaçant jusqu’aux frontières mêmes de la Russie (et de la Chine…), en vue de l’héroïque Léningrad (et notamment à Hong Kong).
Le reste a suivi. Le reste suit…
Désormais, il faut voir grand. Vision globale: la « guerre, hors limites » sévit, qui ardemment se poursuit.
https://archive.org/stream/Unrestricted_Warfare_Qiao_Liang_and_Wang_Xiangsui/Unrestricted_Warfare_Qiao_Liang_and_Wang_Xiangsui_djvu.txt
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AlerterEst-ce en raison de la campagne TruthaboutWWII, de la déclaration du ministre de la culture russe ou du climat diplomatique actuel que M. Poutine n’a pas été invité ? On ne sait pas trop, c’est un peu vague.
—
« Il y a dix ans, lors du 70ème anniversaire, le Président Russe Vladimir Poutine, et Angela Merkel s’était rencontrés à Westerplatte, »
Il ne me semble pas que le discours ai beaucoup varié, voir les déclarations de Poutine à l’époque : http://www.leparisien.fr/politique/seconde-guerre-mondiale-le-vibrant-hommage-de-merkel-aux-victimes-01-09-2009-624191.php
Bref, on a l’impression dans cet article que le refroidissement des relations est le seul fait de la Russie et causé par leur réécriture récente de l’histoire des évènements.
—
A l’époque, notre premier ministre était présent. Etait-ce le cas cette fois-ci ? Je n’ai pas l’impression que Philippe ait été de la partie …
https://www.france24.com/fr/20190830-gdansk-pologne-westerplatte-dantzig-seconde-guerre-mondiale-duda-trump-polemique
+1
AlerterObservateur, mais rien ne vous empêche de créer votre propre site.
CDLT
PS- deux de mes oncles ont été internés, trop intellectuels pur les nazis, l’un est décédé au camp, l’autre n’a jamais réussit à peser plus de 52 kilos pour 1M80….et dans ses yeux, et pour toujours, le noir de l’enfer.
+1
AlerterIl ne faudrait pas oublier non plus le récent texte du parlement européen, réécrivant l’histoire, oubliant de honteux traité de Munich pour ne reporter toute la responsabilité de la 2e guerre mondiale au pacte germano-soviétique.
+8
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