Source : Truthdig – Chris Hedges – 19-09-2016
Traduit les lecteurs Les-Crises
Passionnante archive de Chris Hedges qui explique assez clairement comment les libéraux ont adopté les principes du néolibéralisme tout en continuant à se réclamer du mouvement démocrate progressiste. A lire ou relire sans modération !
La stratégie de la terre brûlée qu’utilise Thomas Frank dans son incroyable attaque contre le Parti Démocrate et les élites dans son livre “Écoute, Liberal ou, Qu’est il Arrivé au Parti du Peuple [c’est le nom donné aux USA au Parti Démocrate, l’autre étant appelé “le Bon Vieux Parti”, Good Old Party, ou GOP, c’est à dire le Parti Républicain, NdT] présente un défaut majeur : Frank accuse la classe libérale, plutôt que les multinationales qui ont pris possession des centres de pouvoir et nous ont fait descendre dans l’enfer du dysfonctionnement politique et du néo- féodalisme.
Oui, car ceux qui se réclament du libéralisme comme Clinton et Obama, parlent le langage du libéralisme alors qu’ils vendent les pauvres, la classe ouvrière et la classe moyenne aux intérêts des grandes sociétés mondiales. Ils ne sont pas, en tout cas par rapport à la définition classique, des libéraux. Ils sont des néolibéraux. Ils appliquent les dictats du néolibéralisme — austérité, désindustrialisation, anti-syndicalisme, guerres sans fin et mondialisation — pour augmenter leur puissance et s’enrichir eux- mêmes ainsi que le parti.
La vrai classe libérale — le segment du Parti Démocrate qui autrefois faisait fonction de rempart contre les manquements et les injustices de notre démocratie capitaliste et qui comptait parmi ses rangs des politiciens tels que George McGovern, Gaylord Nelson, Warren Magnuson et Frank Church et des démocrates du New Deal tels que Franklin D. Roosevelt — n’existe plus. Dans les 248 pages de mon livre “La Mort de la Classe libérale” j’explique comment une campagne orchestrée par les grandes sociétés a effacé la classe libérale du paysage politique et, de manière plus inquiétante encore, a détruit les mouvements sociaux et ouvriers qui étaient les vrais moteurs des réformes politiques et sociales des 19ème et 20ème siècles.
Les élites Démocrates et professionnelles que Frank condamne sont, comme il le souligne, moralement ruinées, mais elles ne représentent qu’une partie de la fausse démocratie de notre système de “totalitarisme inversé”. Le problème n’est pas seulement que les libéraux ne sont pas libéraux; c’est aussi que les conservateurs, jusque là associés aux principes de gouvernance, de respect des lois et de responsabilité fiscale, ne sont plus conservateurs non plus.
C’est un système de cour qui ne respecte plus la justice et qui, plutôt que de défendre nos droits constitutionnels, s’évertue à les supprimer les uns après les autres à travers des décrets judiciaires. C’est un Congrès qui ne légifère pas mais qui permet aux lobbyistes et aux grandes sociétés d’écrire les lois. C’est une presse, en demande constante d’argent de publicité et souvent appartenant a des grands groupes, qui ne pratique pas le journalisme. Ce-sont des universitaires, des commentateurs, souvent payés par des think-tanks financés par ces grandes sociétés qui agissent sans vergogne comme les champions de la classe impérialiste néolibérale au mépris total de la pensée indépendante et critique.
Les Démocrates et les élites professionnelles sont une cible facile et souvent amusante. On pouvait les voir, en d’autres temps, caracoler dans un bal masqué à Versailles, à la veille de la révolution. Ils ne sont pas conscients de la haine qui a été accumulée à leur égard. Ils ne comprennent pas que lorsqu’ils étrillent Donald Trump en le qualifiant de disgrâce et de bigot, ils ne font qu’augmenter son support parce que ce sont eux, et non pas Trump, qui sont considérés par beaucoup d’américains comme l’ennemi. Mais ces courtisans ne sont pas à l’origine de la création de ce système. Ils n’ont fait que se vendre à lui. Et si les américains ne comprennent pas par quel chemin ils en sont arrivés là, ils ne trouveront jamais le moyen d’en sortir.
Pendant l’administration Obama on a pu observer une continuité quasi totale avec l’administration de G. W. Bush, particulièrement en ce qui concerne la surveillance de masse, la guerre et l’échec dans la régulation de Wall Street. Ceci parce que le mécanisme de la puissance des grandes sociétés, partie intrinsèque du corps du gouvernement, n’est pas affecté par les cycles électoraux. L’élection de Donald Trump, aussi désagréable serait-elle, ne changerait pas grand chose au contrôle des grandes sociétés sur notre vie. L’état corporatiste est totalement imperméable aux personnalités politiques. Si Trump continue à monter dans les sondages, les grandes sociétés qui soutiennent Hillary Clinton se mettront à le financer lui plutôt. Ils savent que Trump n’aura aucun problème à se prostituer, et qu’il le fera avec tout autant d’assiduité qu’Hillary.
Nos élites politiques, Républicains et Démocrates, ont été façonnées, financées et pour la plupart sélectionnées par le pouvoir corporatiste à travers de ce que John Ralston Saul nomme avec exactitude “un coup d’état au ralenti”. Rien ne changera donc plus, tant que le pouvoir corporatiste ne sera pas démantelé.
Les élites corporatistes n’ont pas compris qu’une classe libérale fonctionnelle est le mécanisme qui permet à une démocratie capitaliste de s’ajuster elle-même afin d’éviter les problèmes d’agitation et de révoltes. Ils ont décidé, de manière semblable aux autres élites de l’histoire, qui ont échoué, d’éradiquer la classe libérale après avoir éradiqué les mouvements radicaux qui exerçaient la pression politique à l’origine des avancées sociales telles que la journée de 8h, la retraite, la santé etc…
Lewis Powell, alors conseiller général à la U.S. Chamber of Commerce, en Août 1971 écrivit un papier intitulé “Attack on American Free Enterprise System” (“Attaque sur le système américain de la libre entreprise”). Ce mémorandum Powell est devenu le plan directeur du coup d’état des grandes sociétés. Powell a plus tard été nommé à la Cour Suprême. Les grandes sociétés, à la demande expresse de Powell, ont alors versé des millions de dollars pour soutenir les candidats, créer la Business Roundtable, financer la Heritage Foundation, le Manhattan Institute, le Cato Institute, Citizens for a Sound Economy [Citoyens pour une Économie Saine], et Accuracy in Academia [Exactitude Académique].
Le papier soutenait que les grandes sociétés se devaient de marginaliser ou réduire au silence ceux qui “dans les campus universitaires, les chaires, les médias, les intellectuels et les journaux littéraires” étaient hostiles aux intérêts des grandes sociétés. Powell attaqua Ralph Nader et lança une campagne concertée pour le discréditer. Des lobbyistes impatients d’allouer des fonds versèrent des sommes énormes à Washington et aux principales villes de l’état. Il devint vite difficile et souvent impossible, que ce soit dans les médias, les milieux politiques ou universitaires, de contrer cette poussée du dogme néolibéral.
« [Ce dogme] établit une stratégie pour attaquer la démocratie en Amérique » disait Ralph Nader. « Il intimait les communautés d’affaires à engager encore plus de lobbyistes afin qu’ils assaillent le Congrès, d’investir encore plus d’argent dans leurs campagnes électorales Républicaines et Démocrates, d’aller sur les campus et d’opposer des orateurs de droite aux orateurs libéraux ».
Ce mémorandum de 8 pages, continuait Nader, disait : « Allez, galvanisez, envahissez Washington comme un essaim, mettez vos cadres supérieurs dans les bureaux du gouvernement, dans toutes les branches… » etc. Mais ce n’était pas celle-là la stratégie la plus efficace, bien qu’elle ait donné d’excellents résultats. La stratégie la plus efficace a été que le Mémorandum Powell a provoqué une corruption massive du Parti Démocrate. Et ceci s’est produit en parallèle avec la prise de position de Tony Coelho, un membre du Congrès représentant la Californie, en tant que leveur de fonds pour the House of Representatives Democrats.
L’injection de l’argent des grande sociétés dans le Parti Démocrate mit les libéraux dans une position difficile : Se mettre au service du pouvoir corporatiste ou se faire éjecter. Ceux, comme les Clinton, qui étaient disposés à abandonner leurs valeurs libérales profitèrent de l’occasion et continuèrent à se dire libéraux. On leur assigna leur rôle dans un exercice politique qui n’avait plus de libéral que le nom, un exercice “plein de bruit et de fureur et qui ne signifiait rien”. Nader appelle ces faux libéraux des “charmeurs de serpents rhétoriques.”
A partir du moment où l’argent des grandes sociétés se mit à être déversé dans le Parti Démocrate au début des années 70, l’utilisation de la législation aux fins de contrôler ou de réguler le pouvoir corporatiste — les lois sur la sécurité des automobiles et des autoroutes, sur la sécurité des pipe-lines, des produits de consommation, le décret révisé sur la “Propreté de l’Air”, le décret sur “la Sécurité des Activités et la Santé” et les dispositions concernant l’Agence de la Protection de l’Environnement — devint impossible. Les Démocrates entrèrent en compétition avec les Républicains pour proposer des législations qui allègeraient les impôts des grandes sociétés. Ce-sont ces mêmes lois qui permettent aujourd’hui à des oligarques tels que D. Trump de pratiquer le boycott des taxes. Le système, désormais dédié au service du pouvoir des grandes sociétés devint complètement paralysé en tant que système politique. Le consentement ou la supervision du gouvernement devint insignifiant.
« Il n’y a pas eu un seule loi majeure votée pouvant être considérée comme une avancée dans les domaines de la sécurité, de la santé, des droits économiques en faveur du peuple américain depuis 1974, peut-être depuis 1976. » m’a dit Nader. « C’est le résultat de l’argent dans la politique. C’est le résultat d’une stratégie d’accaparation totale des leviers de pouvoir par les néolibéraux. »
Le Department of Labor qui autrefois versait un dollar sur quatre au Parti Démocrate a été mis sur la touche en tant que force politique. La campagne corporatiste, pour faire dégager les syndicats, déréguler, automatiser, délocaliser, s’accéléra. Et la classe des faux libéraux, comme les Clinton, joua son rôle, parlant avec l’ancien langage des valeurs libérales tout en trahissant les classes travailleuses.
« Bill Clinton était un ennemi des questions d’environnement, des consommateurs, des ouvriers. » Dit Nader. « Il supprima l’aide d’état modeste aux mères célibataires. Il se vendit au grandes sociétés de l’agriculture industrielle. Il autorisa une énorme consolidation des géants de la communication et des média en 1996 et ceci sans compter le bombardement illégal de l’Irak qui fit de nombreuses victimes civiles. Il ne s’opposa jamais à un budget militaire gonflé impossible à auditer.
Avec un sourire et une rhétorique bien ajustée — Reagan avait fait ça aussi — “Vous vous en sortez toujours. Tout ce que vous devez faire en politique est de dire la chose correcte, bien que tous vos actes prouvent exactement le contraire, et ça roule.”
Les agences dont la tache était de protéger les citoyens des abus des grandes sociétés furent consciencieusement sous-fondées ou bien remises dans les mains de personnels approuvés par les grandes sociétés. La politique, tout comme n’importe quel autre aspect de la vie des américains devint un objet de commerce. Tout, des terrains de construction à la politique, était maintenant à vendre.
« Il faut tout de même qu’il y ait des sanctuaires dans une société démocratique au sein desquels tout n’est pas à vendre. » dit Nader. « Le Gouvernement ne devrait pas être à vendre. L’enfance ne devrait pas être à vendre, l’environnement, notre patrimoine génétique, les élections. Ils sont tous à vendre maintenant. »
De cette décomposition et de cette corruption, comme c’est toujours le cas, a surgi une classe d’élites privilégiées qui se vautre dans l’adulation d’elle-même et qui est prête à tout pour se promouvoir encore plus. Thomas Frank qui est un écrivain et un reporter de talent, se penche sur le monde hermétique et exclusif de l’élite professionnelle Démocrate [la gauche caviar chez nous] — les vacances à Martha’s Vineyard, les évènements dans les résidences d’innovateurs dans le vent pour faire ami-ami avec les “tech entrepreneurs” dans des villes comme Boston, les Ivy League pedigrees, le dédain affiché des classes travailleuses et une foi aveugle dans le principe de la méritocratie. Ces élites pensent qu’elles sont privilégiées, comme le dit correctement Frank, car elles sont convaincues qu’elles sont les plus intelligentes, les plus créatives, les plus talentueuses et celles qui travaillent le plus dur. Elles chapeautent ce narcissisme grotesque, fait-il remarquer, avec une façade de bonté et de vertu. Leur élitisme devient un simulacre de moralité.
Il y a dans le livre de Frank une merveilleuse description d’un évènement appelé “Sans limite” [“No Ceilings”]) qui s’est tenu en Mars 2015 le jour après “la Journée Internationale de la Femme” sponsorisé par la fondation Clinton au New York City’s Best Buy Theater. Les participants passèrent la plupart de leur temps à se répandre mutuellement en effusions tout en proférant de vagues et informes appels à innover et à élever les êtres, lesquels appels sont aux avancées économiques ce que la phrénologie a été autrefois à la science. Ils sont incapables, pas plus que les autres courtisans, de faire la différence entre la réalité et cette mascarade.
“Ce n’est pas de la politique,” écrit Frank, “c’est une imitation de la politique. Ca semble politique, oui : c’est hautement moral, cela met en scène le mélodrame simple du bien contre le mal, cela vous permet de faire toutes sortes de jugements sur les personnes avec lesquelles vous n’êtes pas d’accord, mais au bout du compte c’est une diversion, une manière de mettre en avant un programme tout en évitant toute discussion sincère sur la politique en question. La quête vertueuse est une croisade morale passionnante qui semble extrêmement importante mais dont vous découvrez qu’elle aboutit à pas grand chose en dehors de NAFTA, de la dérégulation des banques ou de la multiplication des prisons.”
Mais Frank ne comprend pas que, contrairement à C. Wright Mills, les élites Démocrates et Républicaines, ainsi que nos élites financières et corporatistes ne sont qu’une seule et même entité. Elles sont formées dans les mêmes institutions, fréquentent les mêmes cercles sociaux et pollinisent dans toutes les directions, comme des abeilles. Cela est vrai depuis la naissance de ce pays. Harvard et Yale ont été conçus, comme Oxford et Cambridge en Grande Bretagne, de manière à perpétuer la ploutocratie. Ils font en cela un travail remarquable.
Hillary Clinton était assise au premier rang lors de la cérémonie du troisième mariage de Donald Trump. Et Chelsea Clinton, qui vit dans un penthouse de plusieurs millions de dollars à New York, était, jusqu’à cette campagne présidentielle, une amie proche d’Ivanka Trump. George W. Bush, quoique une vraie gourde et un homme inepte, est diplômé d’Andover, Yale et Harvard Business School. De même que Bill Clinton et Barack Obama, il a recruté pour son entourage rien de moins que des membres de la Ivy League. Paul Wolfowitz était à Cornell et à l’Université de Chicago. Donald Rumsfeld est allé à Princeton. Henry “Hank” Paulson est diplômé de Dartmouth et de la Harvard Business School avant de travailler pour Goldman Sachs. Lewis “Scooter” Libby est allé à Yale et Columbia Law School. Joshua Bolten, Chef de Cabinet du Président George W. Bush, est allé à Princeton et à la Stanford Law School.
Le problème ce n’est pas les élites libérales. Le problème c’est les élites. Ils sont au service de la même idéologie. Ils travaillent dans les mêmes institutions financières, les fonds spéculatifs et les fondations, incluant le Conseil des Relations Internationales (“Council on Foreign Relations”), là où se retrouvent souvent les officiels du gouvernement quand ils ont perdu leur pouvoir. Ils appartiennent aux mêmes clubs. Ce sont des technocrates rabougris, utilisés comme administrateurs système pour les grandes sociétés capitalistes. Et aucune classe de courtisans, depuis ceux qui peuplaient les palaces Ottomans, Versailles ou la Cité Interdite, ne s’est jamais transformée en une élite responsable. Les courtisans ne sont, comme l’écrit John Ralston Saul, que des “hédonistes de pouvoir.”
Je n’ai, comme Frank, aucune affection pour les libéraux. Ils sont et ont toujours été des infatués, des égocentriques, qui parlent avec éloquence, passion même, de la justice, de l’égalité des droits tant que leurs propres privilèges et l’idée supérieure qu’ils ont d’eux-mêmes n’est pas menacée ou remise en question. Ils ont offert leur support à Martin Luther King Jr., par exemple, tant que sa lutte était limitée à l’intégration. A partir du moment ou il a commencé à parler de justice économique, ils l’ont abandonné. Mais blâmer les libéraux pour notre système de “totalitarisme inversé” est ridicule. Ils ont vu ce qu’il fallait faire pour servir les centres de pouvoir et ils l’ont fait. Les libéraux intègres, ceux qui croyaient vraiment — comme Mc Govern — aux réformes et à une démocratie libérale ont été poussés en dehors du système politique.
Contrairement à l’assertion de Frank, le Parti Démocrate n’a jamais [plus, depuis 1970] été le parti du peuple. Il a fonctionné, au mieux, comme une soupape de sécurité pendant les périodes de mécontentement. Il a rendu possibles des réformes modestes. Il a été toléré par les élites pour son rôle d’indicateur des limites de la contestation. Il permettait une critique des excès du système mais jamais du capitalisme lui-même, des structures du pouvoir ou des vertus supposées de ceux qui exerçaient le pouvoir. Noam Chomsky a grandement éclairé le rôle des libéraux dans une démocratie capitaliste. La classe libérale est utilisée pour discréditer les radicaux, comme Chomsky, et les mouvements radicaux. Elle fait des réformes, souvent révoquées ensuite, quand le capitaliste prélève trop de sang ou lorsqu’il s’écroule, comme ce fut le cas dans les années 30.
Roosevelt n’a pas institué la Social Security et les travaux d’utilité publique, créé 12 millions d’emplois ou conféré un statut l’égal aux syndicaux parce que lui ou les oligarques étaient soucieux du bien-être de la classe populaire. Ils ont initié des réformes socialistes parce que — et nous le savons par la correspondance privée de Roosevelt — ils avaient peur de la révolte ou dans les mots mêmes de Roosevelt, de la “révolution”.
Ils établirent les programmes du New Deal dans le but de sauver le capitalisme, dont Roosevelt devait dire plus tard que c’était ce qu’il avait accompli de plus grand. Ils réalisèrent qu’ils devaient faire une croix sur une partie de leur argent, c’était ça ou bien le risque de perdre tout leur argent. Ainsi ils permirent au New Deal de voir le jour, sentant la pression monter à travers des mouvements radicaux tels que les socialistes ou les communistes. La politique est un jeu de la peur. Si vous perdez la capacité de faire peur aux élites du pouvoir vous devenez un jouet entre leurs mains. C’est, en termes on ne peut plus simples, ce qui nous est arrivé.
L’une des tentatives de Frank les plus erronées pour désigner les libéraux comme responsables de notre débâcle est sa critique de la campagne présidentielle de McGovern en 1972. Il explique que ce moment marque le tournant décisif de l’abandon de la classe populaire et des organisations syndicales par le Parti Démocrate et sa réorientation vers la classe professionnelle des cols-blancs. La campagne de McGovern, toute truffée d’erreurs qu’elle ait pu être, présentait un programme admirable prônant le plein emploi, un revenu minimum — bien au dessus du seuil de pauvreté — et une redistribution des richesses à travers un nouveau système d’imposition. McGovern avait déjà longtemps défendu le principe d’un système de santé universel. Il parlait de créer une organisation sur le principe des syndicats défendant les intérêts de ceux qui pouvaient bénéficier des aides de l’état. Ceci ne présentait aucun intérêt pour les classes professionnelles. McGovern se dressa également contre les industriels de la guerre. Et comme cela se produit également aujourd’hui avec le Républicain Trump, les élites de son propre parti se joignirent aux élites de l’autre parti pour attaquer la campagne de leur propre candidat.
Le gros problème pour McGovern n’est pas que lui ou les Démocrates avaient abandonné les syndicats mais que les syndicats, après les nombreuses purges anti-communistes des décennies précédentes, avaient été domestiqués et mis dans les mains de troglodytes de la Guerre Froide tels que Lane Kirkland, Walter Reuther et George Meany qui travaillaient en dehors du pays avec la CIA afin de briser les syndicats de travailleurs. Les syndicats, particulièrement le AFL-CIO, étaient en faveur de la guerre de Nixon en Indochine. Ils dénonçaient les hippies dans la rue. Ils devinrent un petit partenaire du capitalisme. Un partenaire coupé de ses racines, dont l’idéologie avait capitulé devant celle du capitalisme. La désindustrialisation, ajoutée à ça, acheva sa chute dans l’oubli.
Le dernier acte de courage de McGovern fut, en tant que président du Select Committee on Nutrition and Human Needs, de faire en 1977 un rapport intitulé “Dietary Goals for the United States.” Il avertissait des risques d’une alimentation riche en viande, sucre, graisse saturée et cholestérol. McGovern espérait que ce rapport aurait un effet similaire à celui du Surgeon General sur le tabac. La publication de ce rapport fit sauter au plafond les responsables de l’industrie de l’agriculture animale.
Une pression énorme fut appliquée afin que ce rapport soit réécrit et que tous les avertissements concernant la santé soit supprimés. Le Select Committee on Nutrition and Human Needs fut restructuré, ses fonctions désormais confiées au Comité pour l’Agriculture dirigé par des officiels ayant des liens et intérêts directs avec l’industrie de l’agriculture animale. McGovern, de même que la plupart des politiciens libéraux qui refusèrent de collaborer, perdit son siège, éjecté du Sénat en 1980 par un Républicain, marchand de bétail.
La destruction des mouvements radicaux, initiée par Woodrow Wilson, supprima la pression exercée sur la classe libérale. Une fois les mouvements radicaux détruits, les grandes sociétés purent détruire la classe libérale elle-même, devenue insipide. Il n’y a plus aux États Unis une seule institution qui puisse encore être considérée comme vraiment démocratique. Et les libéraux qui se déclarent comme tels, de même que n’importe quel autre des participants de cette mascarade politique, ne peuvent que jouer le rôle qui leur a été assigné afin de maintenir la fiction d’une politique de représentants élus par le peuple au sein d’une démocratie libérale. C’est un simulacre. Nous ne devons pas, cependant, confondre les Courtisans et les Tyrans.
Source : Truthdig – Chris Hedges – 19-09-2016
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Commentaire recommandé
Texte remarquable ! Cette « gauche caviar » Démocrate est la même qui dirige maintenant le PS, la CFDT & C° en parfaite collusion avec le monde des affaires et des affairistes. Ceux que l’on désigne aujourd’hui comme « extrême-gauche » sont ceux qui voudraient appliquer réellement les réformes portées par le discours qu’ils entendent répétés par ces clercs qui nous nous trahis.
Et on se demande pourquoi l’extrême-droite revient malgré ses dizaines de millions de victimes au tournant du XXe siècle et sa collusion avérée avec ce même capitalisme ? Une réforme ou une révolution : voila pourquoi Bismarck avait instauré un début de sécurité sociale en Allemagne à la fin du XIX ». Voilà pourquoi nous devons leur faire peur. Tous ensemble !
15 réactions et commentaires
Étonnant, pas un mot sur les néoconservateurs et leur prise de pouvoir depuis 2001. Quel que soit le président élu. Et donc rien non plus sur le PNAC.
Étonnant!
+7
AlerterPNAC = Project for a New American Century. Plan pour assurer la domination étasunienne du monde. Article écrit en Septembre 2016.
« Pendant l’administration Obama on a pu observer une continuité quasi totale avec l’administration de G. W. Bush, particulièrement en ce qui concerne la surveillance de masse, la guerre et l’échec dans la régulation de Wall Street. Ceci parce que le mécanisme de la puissance des grandes sociétés, partie intrinsèque du corps du gouvernement, n’est pas affecté par les cycles électoraux. »
Pareil en France. L’administration jupiterienne assure la continuation de œuvres de la classe dominante depuis au moins 1983.
+17
AlerterLe PNAC a été mis sur la table en 1997 par Kristol et Kagan et c’est un projet essentiellement d’israélo-américains pour la domination du monde. Le père Kristol était trotskiste avant de devenir le parrain des néocons.
Le PNAC ou quand un faux devient un vrai (PDSDS).
+6
AlerterKagan, pour rappel, qui est M. Victoria « fuck the EU » Nuland, revenue aux affaires sous Biden :
« On January 5, 2021, it was reported that President-elect Joe Biden would nominate Nuland to serve as Under Secretary of State for Political Affairs under Secretary-designate Antony Blinken. On February 13, 2021, her nomination was formally submitted to the Senate for confirmation, and on April 29, 2021, her nomination was confirmed by unanimous consent, and she started her work as Under Secretary of State on May 3, 2021 »
+0
Alerter» L’élection de Donald Trump, aussi désagréable serait-elle, ne changerait pas grand chose au contrôle des grande sociétés sur notre vie. L’état corporatiste est totalement imperméable aux personnalités politiques. Si Trump continue à monter dans les sondages, les grande sociétés qui soutiennent Hillary Clinton se mettront à le financer lui plutôt. Ils savent que Trump n’aura aucun problème à se prostituer, et qu’il le fera avec tout autant d’assiduité qu’Hillary. »
Si c’etait vrai, pourquoi trump s’est il pris un deluge de fer et de feu contre lui pendant ses 4 annees de mandat?
croyez vous vraiment que si melanchon ou marine le pen etait elu.e 😉 , iel ne se mangerait pas le meme deluge dans la figure?
Ils sont tous pourris,abstenez vous…
Non allez voter pour l’un ou pour l’autre qu’on les essaye pour voir, pour arreter de voter toujours les memes en esperant un changement de comportement des elites. Il faut sanctionner les mauvais comportements et renforcer les bons…
ps: il faut sortir du bipartisanisme en installant un troisieme parti capable de gouverner pour installler une alternance ente A,B et C.
+4
AlerterLa solution ne se situe pas au niveau d’un n-ième parti qui de toutes façons se fera corrompre par les plus nantis car un parti est FAIT POUR ÇA.
La seule solution envisageable, si l’on souhaite continuer dans le système des élections (piège à cons) consiste simplement à imposer le mandat IMPÉRATIF qui obligerait les « divins élus » à respecter leurs « promesses électorales » et à suivre STRICTEMENT les instructions de la base sous peine de répudiation (et de tous les avantages associés) assorti bien sûr de l’annulation de leurs décisions » contestées.
D’un coup, le code pénal se trouverait grandement allégé de toutes les lois de connivence qui permettent aux « généreux mécènes » de continuer leur business prédateur sur le dos de 99,9% de la population.
Sans surveillance stricte des « représentants » et surtout sans sanctions réellement dissuasives la fête du slip continuera quelque soit le parti au pouvoir.
Et un parti créé par des personnes sincères et honnêtes, s’il commence à obtenir une adhésion de la population malgré les attaques ignobles et incessantes des « médias indépendants et objectifs » se verra rapidement infiltré et noyauté par des vautours qui sans complexes viendront assassiner tous les « purs » afin de suivre leur propre agenda et bien sûr celui de leurs maîtres.
Pourquoi tant de haine contre la Commune de Paris ?
Simplement parce que ce soulèvement souhaitait simplement rogner les ailes des « élites » et leur IMPOSER de suivre STRICTEMENT les volontés de l’ensemble de la population au travers du MANDAT IMPÉRATIF associé à des SANCTIONS TRÈS DURES.
Et il en va de même pour tous les « gueux mal sapés » qui occupaient les ronds points avec des revendications inacceptables pour les « divines élites ».
Le problème n’est pas les partis, le problème est dans la totale impunité des « élites » qui peuvent faire ce qu’elles veulent et qui IMPOSENT à 99,9% de la population leur « bon vouloir » et celui de leurs maîtres.
Quelque soient les « valeurs » défendues par leurs « idéaux ».
Comme d’habitude, cette OPINION n’engage que moi et j’invite les lecteurs à apporter des arguments solides au débat pour me prouver que j’ai tort.
+2
AlerterDémocrates US, travaillistes britanniques, socialistes français, sociaux démocrates allemands, mais aussi les partis soit disant écologistes n’auront été et ne sont encore là que pour servir les intérêts des classes dominantes. Par contre les grenouilleurs professionnels actuels ne sauvent même plus les apparences tant leur inculture, leur médiocrité et leur veulerie sont patentes. Je me demande chaque jour qui passe comment des gens peuvent encore croire en leur discours puis se déplacer pour aller voter pour de tels paltoquets dont Macron est le plus bel exemplaire… avant le prochain.
« Sic transit gloria mundi »
+28
AlerterAdvienne que pourra ! Les Etats-Unis n’ont jamais été une réelle démocratie quant à chez-nous, la marmite est en train de bouillir tellement fort que je redoute une explosion prochaine tant elle sera violente à la mesure de celle utilisée pour nous mettre dans l’état où nous sommes actuellement.
Bonne journée à toutes et tous.
+7
AlerterTexte remarquable ! Cette « gauche caviar » Démocrate est la même qui dirige maintenant le PS, la CFDT & C° en parfaite collusion avec le monde des affaires et des affairistes. Ceux que l’on désigne aujourd’hui comme « extrême-gauche » sont ceux qui voudraient appliquer réellement les réformes portées par le discours qu’ils entendent répétés par ces clercs qui nous nous trahis.
Et on se demande pourquoi l’extrême-droite revient malgré ses dizaines de millions de victimes au tournant du XXe siècle et sa collusion avérée avec ce même capitalisme ? Une réforme ou une révolution : voila pourquoi Bismarck avait instauré un début de sécurité sociale en Allemagne à la fin du XIX ». Voilà pourquoi nous devons leur faire peur. Tous ensemble !
+18
AlerterNon, nous ne devons pas leur faire peur. Nous devons faire la révolution. Sinon, dès que la pression se relâchera, nous nous ferons de nouveau posséder.
+5
AlerterTout d’accord SAUF que comme aux États-Unis c’est non pas la gauche caviar seule (et ses bras) mais toute la classe des ultra-riches et leurs servants directs (les cadres d’État ou non) qui ont été achetés pour établir ce régime de dictature du capital (Les élections de 2017 et précédentes le prouvent : entre les programmes de Fillon et de Macron les différences sont quasi nulles). Le capitalisme économique se muant, par envahissement législatif, en régime politique coercitif (via UE notamment). C’est bien résumé par l’expression : la trahison des clercs ou trahison des élites par établissement de la dictature de la classe bourgeoise.
Laquelle trahison n’a été possible que grâce à la propagande massive des médias (TV et films) étayée par les faux événements fabriqués par les services.
Le phénomène Trump révèle le problème que les méthodes usuelles pour tromper (et donc asservir) les citoyens ne fonctionnent plus suffisamment.
D’où recrudescence inexorable de la surveillance totalitaire et ses répressions plus agitations factices pour drainer les ressentiments hors du pouvoir.
La peur panique des gueux reste présente chez les dominants. Tant que le vote existe, le risque demeure : les gueux pourraient faire valoir leurs droits et renverser cette racaille. C’est l’explication du lâchage obscène des forces furieuses contre les GJ, forces aidées très opportunément par des agents activistes (mais ça c’est connu de tous les temps).
On notera que suivant le rôle ou la position sociale, la peur des gueux se fait haine ou mépris …
+5
AlerterJe ne connaissais pas l’épisode de la lutte de Mac Govern contre l’alimentation sucrée et riche en graisses saturées avec du cholestérol. La description que fait Chris Hedges de la classe dominante me semble très juste. Leur réflexion est très limitée car elle est toute en posture et pas du tout basée sur les principes moraux auxquels elle se réfère. Les principes ne sont utilisés que comme justification des actes et le principe opposé peut être invoqué dans une même phrase sans que la contradiction ne saute aux yeux des grands esprits. Ainsi en est il du principe du droit des peuples a l’autodétermination qui est par exemple, valable pour le Tibet mais pas pour le Donbass.
+12
AlerterEt Biden est en train de faire la meme chose que Roosevelt , et ce grâce a l’attaque du capitole , comme quoi ils ne comprennent que la violence ! C’est quand meme malheureux , le pouvoir d’aveuglement de l’argent, faudrait tous les mettre en desintox
+7
AlerterJ’ai pris un grand plaisir à relire ce texte après avoir pris la peine de remplacer/coller « démocrates » par « socialistes » à l’occasion du défilé de pleureuses qui ont envahi nos lucarnes à l’occasion du 10 mai ( 81 ).
Castor, je suis prêt pour ta révolution, si ce n’est pas une marche blanche, ou « je suis X ou Y » ou tout autre forme de pleurnicherie !
Ahh j’oubliais, vous avez tous en tête votre prochain saut en avion à Pataya ou aux Baléares… Et puis, il y a les soldes !
Tans pis, on fera ça à la prochaine génération, râlons toujours, ça n’engage à rien….
+1
AlerterIl parait les « soldes d’été » de l’an dernier en Belgique (pendant la provisoire levée de confinement) ont été particulièrement décevantes, selon des commerçant-e-s.
L’obligation de « paraître » (beau/belle, riche et « à la mode ») ayant plus ou moins disparu dans l’isolement du confinement, chacun-e s’est sans doute rendu compte qu’il/elle n’avait besoin de rien(de superflu)…
Aussi, alors que les « voyages non-essentiels » sont désormais permis (bien que déconseillés) partout en UE(avec, il est vrai, des obligations variables de tests et de quarantaines), le nombre de réservations est très restreint(selon des représentants d’agences de voyages- entendu hier au JT)
Il semblerait que le choc de la pandémie en ait fait réfléchir plus d’un-e sur ses habitudes de consommation… ce qui serait, tout compte fait, un aspect bénéfique de celle-ci…
Le spectre de la mort comme réalité immédiate possible a peut-être occasionné une remise en question du « sens de la vie » de Monsieur et Madame Toutlemonde?
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