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Les Émirats arabes unis ont profité de la COP28 pour conclure des accords pétroliers d’une valeur de $100 milliards

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Les critiques mettent en garde contre la possibilité que les COP consécutives soient détournées au profit des intérêts des grands pollueurs et de leurs bénéfices.

Source : Truthout, Julia Conley
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Le président de la COP28, Sultan Ahmed Al Jaber, lors d’une session plénière du sommet des Nations unies sur le climat à Dubaï, aux Émirats arabes unis, le 13 décembre 2023.
GIUSEPPE CACACE / AFP VIA GETTY IMAGES

Une nouvelle enquête publiée mercredi par Global Witness, un groupe de défense des droits de l’homme et de lutte contre la corruption, ne laisse planer aucun doute sur le fait que les Émirats arabes unis, pays hôte du sommet des Nations unies sur le climat de l’année dernière, ont privilégié les intérêts des combustibles fossiles au détriment de la planète, a déclaré l’un des militants. « Il ne faut pas se leurrer, la COP28 a été détournée par les intérêts de l’industrie des combustibles fossiles », a déclaré Patrick Galey, enquêteur principal pour Global Witness, en référence à la 28e conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

L’enquête a montré que l’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC) des Émirats arabes unis a profité de la présidence de son PDG, Sultan Ahmed Al Jaber, pour conclure des accords d’une valeur de près de 100 milliards de dollars avec des sociétés pétrolières, gazières et pétrochimiques dans au moins 12 pays. Selon Galey, les entreprises du secteur des combustibles fossiles « ne se sont pas contentées de bloquer ou de retarder une véritable politique climatique, mais ont profité de l’occasion pour conclure des accords pétroliers et gaziers encore plus néfastes pour le climat ».

Al Jaber a précédemment nié que l’ADNOC ait utilisé la COP28 pour promouvoir ses intérêts commerciaux après la fuite de documents d’information indiquant que l’entreprise avait discuté d’accords sur les combustibles fossiles avec au moins 16 États présents lors des négociations.

Selon Global Witness, l’entreprise a cherché à conclure des accords avec au moins 11 de ces pays et au moins un autre qui ne figurait pas dans les documents ayant fait l’objet d’une fuite. L’enquête concernant le groupe a révélé que les Émirats arabes unis ont redoublé leurs investissements dans le pétrole et le gaz en Égypte en 2023, l’année où Al Jaber a présidé la COP28. L’ADNOC a conclu un accord avec TotalEnergies Marketing Egypt, en achetant une participation de 50 % dans la société pour un montant de 200 millions de dollars, ce qui a permis aux EAU d’exploiter conjointement 240 stations-service dans le pays et de contribuer aux bénéfices records enregistrés en 2023.

Parmi les autres accords recherchés par l’ADNOC avec les participants à la COP28 figurent une coentreprise avec BP pour acheter une participation de 50 % dans NewMed Energy en Israël et de multiples offres pour une participation dans Braskem, le plus grand producteur pétrochimique d’Amérique latine. L’entreprise est détenue en partie par le producteur public brésilien de pétrole et de gaz Petrobas.

L’ADNOC a également conclu des accords d’une valeur estimée à 17 milliards de dollars avec Lukoil en Russie et Wintershall en Allemagne pour développer les champs gaziers de Hail et Ghasha aux Émirats arabes unis. Les conclusions de Global Witness viennent étayer un rapport publié en novembre par le Center for Climate Reporting et la BBC, qui montrait qu’Al Jaber avait utilisé sa position à la COP28 pour favoriser la conclusion d’accords sur les combustibles fossiles avec des gouvernements étrangers. Le rapport confirme les pires craintes des défenseurs du climat, qui se sont émus au début de l’année 2023 de la nomination d’Al Jaber à la présidence de la plus grande conférence annuelle des Nations unies sur le climat et ont mis en garde contre les conflits d’intérêts liés à sa position à la tête d’ADNOC.

Selon Galey : « Les Émirats arabes unis savaient exactement ce qu’ils faisaient et n’ont pas été déçus : la COP28 semble avoir été façonnée au profit de leur compagnie pétrolière nationale. » « Aussi déprimant que dystopique, les négociations sur le climat ne doivent jamais être autorisées à créer davantage de chaos climatique », a-t-il ajouté.

L’enquête a été publiée quelques semaines après que le sénateur Jeff Merkley (Démocrate-Oregon) et la députée Jan Schakowsky (Démocrate-Illinois.) ont pris la tête de 24 législateurs démocrates pour écrire au secrétaire d’État Antony Blinken et au conseiller principal de la Maison Blanche John Podesta, les exhortant à soutenir les lignes directrices sur les conflits d’intérêts avant la COP29, qui doit avoir lieu en novembre à Bakou, en Azerbaïdjan.

Mukhtar Babayev, ministre de l’écologie et des ressources naturelles du pays, qui a travaillé pendant plus de 20 ans pour une compagnie pétrolière et gazière d’État, devant présider la conférence, Galey a déclaré : « La COP28 semble avoir fourni à d’autres États pétroliers un sinistre manuel de jeu à copier et à coller. » « Alors que les Émirats arabes unis passent le relais à l’Azerbaïdjan, nous envisageons désormais la possibilité que plusieurs COP consécutives soient détournées dans l’intérêt des grands pollueurs et de leurs profits », a déclaré Galey, notant que les scientifiques ont prévenu que la planète était « dangereusement proche » d’un réchauffement supérieur à 1,5°C. Global Witness a souligné les projets récemment annoncés de privatisation partielle de la State Oil Company of Azerbaijan (SOCAR) avant la COP29, « avec ses filiales en aval et pétrochimiques mises à disposition pour aider à attirer les investissements étrangers ».

La députée Rashida Tlaib (Démocrate-Michigan), qui a signé la lettre lancée par Merkley et Schakowsky, a déclaré : Le rapport de Global Witness est un avertissement inquiétant sur le risque d’une nouvelle corruption des combustibles fossiles lors de la COP29, qui, incroyablement, sera également organisée par un autre dirigeant de l’industrie des combustibles fossiles. » « Je continuerai à exhorter les États-Unis et la CCNUCC à adopter de nouvelles politiques pour empêcher ces conflits d’intérêts absurdes qui entravent le travail de la communauté internationale pour faire face aux menaces urgentes du changement climatique », a-t-elle déclaré.

Global Witness a contacté l’ADNOC, la SOCAR et la COP29 pour obtenir des commentaires sur son enquête. Il lui a été répondu que l’ADNOC travaille à « un approvisionnement en énergie sûr, fiable et responsable afin de soutenir une transition énergétique mondiale juste, ordonnée et équitable » et que les allégations concernant les tractations d’Al Jaber lors de la COP28 sont « fausses, pas vraies, incorrectes et inexactes ». Un porte-parole de la COP29 a déclaré : « L’Azerbaïdjan est « engagé à 100 % pour rassembler les pays avec l’ambition de maintenir l’objectif de 1,5° à portée de main. » La députée Barbara Lee (Démocrate-Californie) a déclaré dans un communiqué mercredi que Babayev devrait être écarté « de tout rôle de direction à la COP29 ».

« Il est absolument scandaleux que la CCNUCC ait placé, deux années de suite, un dirigeant du secteur pétrolier et gazier à la tête de cet événement, a-t-elle déclaré, plaçant ainsi les renards à la tête du poulailler. »

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Julia Conley est rédactrice pour Common Dreams.

Source : Truthout, Julia Conley, 05-06-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Bouddha Vert // 09.07.2024 à 00h22

Faut-il rappeler que l’article 3 alinéa 5 de la COP 1992 rappelait:
« Il appartient aux Parties de travailler de concert à un système économique international qui soit porteur et ouvert et qui mène à une croissance économique et à un développement durables… »
Mais encore, l’article 10, alinéa 5 de l’accord de Paris rappelle: « Il est essentiel d’accélérer, d’encourager et de permettre l’innovation pour une riposte mondiale efficace à long terme face aux changements climatiques et au service de la croissance économique et du développement durable. »
La messe est dite!
Cet article au lieu d’éveiller les consciences citoyennes sur les problèmes à résoudre, ne fait qu’incriminer les méchants producteurs de pétrole, mais il faut également s’occuper de l’électricité au charbon: 60% de l’électricité du monde!!
Et puis de l’autre des égyptiens, des brésiliens qui se sont fait avoir en achetant ou exploitant des champs pétrolifères: eux ce sont les gentils, mais un peu bébête, ils ne savent pas que le pétrole c’est sale.
Bref, l’autrice n’a pas compris que les acteurs du pétrole extraient du pétrole parce qu’il est consommé et tant que les consommateurs ne seront pas prêts ou préparés à vouloir/pouvoir s’en passer, rien ne changera.
Pas compliqué, il suffit de tout changer.

6 réactions et commentaires

  • Bouddha Vert // 09.07.2024 à 00h22

    Faut-il rappeler que l’article 3 alinéa 5 de la COP 1992 rappelait:
    « Il appartient aux Parties de travailler de concert à un système économique international qui soit porteur et ouvert et qui mène à une croissance économique et à un développement durables… »
    Mais encore, l’article 10, alinéa 5 de l’accord de Paris rappelle: « Il est essentiel d’accélérer, d’encourager et de permettre l’innovation pour une riposte mondiale efficace à long terme face aux changements climatiques et au service de la croissance économique et du développement durable. »
    La messe est dite!
    Cet article au lieu d’éveiller les consciences citoyennes sur les problèmes à résoudre, ne fait qu’incriminer les méchants producteurs de pétrole, mais il faut également s’occuper de l’électricité au charbon: 60% de l’électricité du monde!!
    Et puis de l’autre des égyptiens, des brésiliens qui se sont fait avoir en achetant ou exploitant des champs pétrolifères: eux ce sont les gentils, mais un peu bébête, ils ne savent pas que le pétrole c’est sale.
    Bref, l’autrice n’a pas compris que les acteurs du pétrole extraient du pétrole parce qu’il est consommé et tant que les consommateurs ne seront pas prêts ou préparés à vouloir/pouvoir s’en passer, rien ne changera.
    Pas compliqué, il suffit de tout changer.

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    • RGT // 09.07.2024 à 10h26

      « Al Jaber a précédemment nié que l’ADNOC ait utilisé la COP28 pour promouvoir ses intérêts commerciaux … »

      Selon vous, il aurait reconnu qu’il s’est fait prendre les doigts dans le pot de confiture et qu’il n’a pas profité de l’aubaine pour se faire un max de thunes en continuant le « business as usual » ?

      Comme toutes les « grandes réunion internationales destinées à sauver la planète », les différentes COP ne sont qu’un vieux croûton moisi qu’on jette en pâture à la populace afin que les dirigeants des états « bienveillants » puissent con-vaincre la populace qu’ils font tout ce qui est possible pour résoudre les problèmes qui affectent les « gueux ».

      Dans la réalité, comme toutes ces « grandes réunions » ce n’est qu’un coup de pub des dirigeants pour se faire reluire et se goinfrer de petits fours lors des buffets largement plus attractifs pour eux que les réunions auxquelles ils ne participent que pour se faire photographier afin de figurer sur les brochettes de propagande ensuite diffusées au niveau planétaire.

      Si ces réunions étaient réellement efficaces ça se saurait et les résultats seraient visibles depuis bien longtemps. Par contre, il est certain que l’économie serait en PLS car les secteurs les plus profitables seraient tous en faillite depuis bien longtemps, comme l’Allemagne actuellement avec son problème existentiel d’une industrie qui fuit le pays suite au problèmes d’approvisionnement en énergie peu coûteuse et illimitée.

        +1

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      • Bouddha Vert // 09.07.2024 à 12h19

        Les COPs sont ce qu’elles sont, il faut quand même reconnaître qu’elles ont familiarisé la population mondiale à des concepts comme les grands cycles bio-géo-chimiques qui autorisent le renouveau de la vie sur terre etc.
        Certes, le discours scientifique produit par les membres du groupe 1 du GIEC est abscons, mais les résumés permettent d’appréhender de manière plus globale, systémique, les réactions attendues du système terre avec de nombreuses surprises à l’avenant…
        Ce travail pédagogique est bien évidemment commenté par la communauté scientifique, mais il est également jeté en pâture par les médias aux grands acteurs économiques et financiers qui ne se gênent pas de tout relativiser et de promettre Mars…
        Il y a encore du chemin pour que le grand public admette que le consensus scientifique ne souffre aucun commentaire d’opinion.
        Votre opinions sur la rotondité de la terre? Plausible/A vérifier/Improbable/Sacrilège…
        Ne pas lâcher son exigence face à l’obscurantisme, bien ou mal intentionné.

        Comprendre qu’en parlant de volumes, masses, flux, populations, dynamique… on parle de données objectives et fatales.
        La science ne dit pas tout mais elle pause des socles qui balisent les possibles, nous ne disposons pas de meilleur outil pour prendre des décisions systémiques.

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        • Grd-mère Michelle // 11.07.2024 à 13h42

          Euh… c’est quoi, « l’obscurantisme bien-intentionné »?

          Oui, la science est un très bon outil pour prendre des décisions systémiques, mais il faut aussi être exigeant/vigilant quant à son usage possiblement détourné en armes contre la volonté des peuples opprimés et au service des « dirigeants » de toute sorte…

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  • La Mola // 09.07.2024 à 21h04

    croissance ET développement « durable » ?
    c’est pas une quadrature du cercle ? (j’dis ça mais je ne suis pas scientifique – je n’sais pas ce que c’est ;))
    j’ai lu quelque part que ce qu’on ne peut savoir « scientifiquement », c’est l’étendue de ce qu’on ignore – ça me va bien…
    peut être que si on se donnait la peine d’évaluer sérieusement – même empiriquement – les conséquences concrètes de telle ou telle (in)action, on progresserait aussi ?

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    • Bouddha Vert // 10.07.2024 à 13h24

      Les Rapports du GIEC ont cette mission dans leur besace, elle consiste à compiler les scénarios établis par les différents « modèles climatiques » mondiaux ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Modèle_climatique ).
      L’évaluation ne peut être malheureusement empirique, car il faudrait pour cela disposer de plusieurs Terres que nous soumettrions à différents stress pour comprendre l’ensemble des mécanismes, de leurs interactions.

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