Le groupe rebelle yéménite continue d’attaquer des cibles malgré la coalition considérable et coûteuse dirigée par les États-Unis pour le combattre.
Source: Responsible Statecraft, Giorgio Cafiero
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Peu après le début de la guerre d’Israël contre Gaza l’année dernière, Ansarallah au Yémen, communément appelé les Houthis, a commencé à lancer des missiles et des drones sur des navires marchands et commerciaux liés à Israël dans le golfe d’Aden et le sud de la mer Rouge.
C’était la façon pour Ansarallah de soutenir les Palestiniens de Gaza en « contre-bloquant le bloqueur ». Cette action est conforme à la pratique d’Ansarallah qui consiste à rendre « œil pour œil » lorsqu’il s’agit de traiter les ennemis nationaux et étrangers du mouvement rebelle.
Les États-Unis et le Royaume-Uni, avec le soutien non opérationnel de l’Australie, de Bahreïn, du Canada et des Pays-Bas, ont commencé des opérations militaires contre Ansarallah le 12 janvier, estimant que les agissements des Houthis près du détroit de Bab al-Mandab constituaient une menace majeure pour l’économie mondiale. L’objectif est de dissuader les Houthis de mener de telles attaques maritimes.
Au cours des cinq derniers mois, la coalition a mené des frappes quasi quotidiennes contre les Houthis. Récemment, le 7 juin, les États-Unis et le Royaume-Uni ont mené six frappes aériennes, dont quatre visaient l’aéroport de Hodeidah et le port maritime de Salif, et deux la région d’al-Thawra, selon la chaîne de télévision Al Masirah TV, basée à Beyrouth et qui appartient aux Houthis.
Ces frappes ont eu lieu huit jours après que les deux armées occidentales ont attaqué des cibles houthies à Hodeida et dans le sud du Yémen, faisant au moins 16 morts et 35 blessés dans ce qui semble être l’une des plus importantes attaques de Washington et de Londres contre Ansarallah depuis le début de la campagne conjointe américano-britannique à la mi-janvier.
Il est difficile de déterminer dans quelle mesure les frappes ont endommagé la machine de guerre des Houthis et sa capacité à poursuivre ses attaques contre des cibles maritimes. Néanmoins, ces opérations, qui ont coûté aux États-Unis quelque 1 milliard de dollars selon un nouveau rapport des services de renseignement, n’ont finalement pas réussi à dissuader Ansarallah, qui continue de tirer des missiles et des drones sur des navires au large des côtes du Yémen.
« Les Houthis ont subi quelques pertes, mais pas suffisament. Ils conservent la capacité de bloquer la navigation maritime dans la mer Rouge », a déclaré Thomas Juneau, professeur agrégé spécialisé dans le Moyen-Orient à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa, dans une interview accordée à Responsible Statecraft (RS).
« Et peut-être plus important encore, au-delà des dommages matériels qu’ils ont subis, leur intention de continuer à entraver la navigation en mer Rouge n’a pas faibli. »
Neil Quilliam, membre associé du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord du groupe de réflexion Chatham House, basé à Londres, a une vision similaire de la situation générale. « Les Houthis n’ont pas été découragés et les frappes américaines et britanniques ont eu un impact limité, comme le montre la poursuite des attaques malgré les tentatives répétées des Etats-Unis et du Royaume-Uni de perturber la campagne du groupe », a-t-il déclaré à RS. « Il est peu probable que la poursuite de la campagne militaire dissuade les Houthis. »
Depuis le début de la campagne militaire contre le gouvernement yéménite de facto à Sanaa en janvier, les États-Unis ont mené 450 frappes contre Ansarallah. Il y a de bonnes raisons de s’interroger sur la durabilité de ces opérations américano-britanniques contre les Houthis. « Leur approvisionnement en armes en provenance de l’Iran est bon marché et très durable, alors que le nôtre est coûteux et que nos délais logistiques sont longs. Nous courons un sprint, et eux une course de fond », a récemment déclaré Emily Harding, du Center for Strategic and International Studies, au Wall Street Journal.
L’administration Biden refuse de considérer que le comportement des Houthis dans le golfe d’Aden et le sud de la mer Rouge est lié à la guerre israélienne contre Gaza, soutenue par les États-Unis. Bien qu’Ansarallah se soit engagé sans détour à mettre fin à son comportement perturbateur au large des côtes yéménites une fois qu’un cessez-le-feu aurait été instauré à Gaza, la Maison Blanche affirme qu’il n’y a aucun lien entre les deux et que la meilleure solution consiste à poursuivre les opérations militaires contre les Houthis, plutôt que de s’attaquer à la cause profonde de ce comportement.
Il est indéniable que les frappes de la coalition ont, dans une large mesure, renforcé le pouvoir des Houthis au Yémen et dans le monde arabe. Sachant que les sentiments anti-israéliens sont partagés par les Yéménites dans l’ensemble du pays et de son spectre politique, il n’est pas surprenant de voir Ansarallah augmenter son recrutement à la suite de ses attaques maritimes menées sous la bannière de la défense des Palestiniens.
Ce faisant, les forces anti-Houthies au Yémen sont soumises à une pression accrue. Il s’agit notamment du Conseil de transition du Sud (CTS), qui dépend du soutien des Émirats arabes unis (EAU), l’État arabe à l’origine des accords d’Abraham – une série d’accords de normalisation entre les États arabes et Israël. Les Houthis ont saisi l’occasion de cette crise pour « renforcer leur position de champions de la cause palestinienne, ce qui leur permet d’accroître leur prestige et leur influence dans la région », explique Juneau.
En fin de compte, on ne sait pas très bien ce que les acteurs occidentaux et régionaux peuvent faire pour influencer les Houthis, qui ont prouvé leur capacité à vivre sous une pression intense de la part de l’Occident et de certains États arabes.
« La réalité sur le terrain au Yémen est que les Houthis ont gagné la guerre civile et que le gouvernement internationalement reconnu n’est pas en mesure de les défier ; il est faible, fragmenté et corrompu », a déclaré Juneau à RS. De plus, les Houthis ont bien l’intention de projeter leur pouvoir au-delà des frontières du Yémen maintenant qu’ils ont gagné la guerre. Face à cette réalité, les États-Unis n’ont que de mauvaises options à leur disposition.
*
Giorgio Cafiero est le PDG et fondateur de Gulf State Analytics, une société de conseil en risques géopolitiques basée à Washington. Il est également professeur adjoint à l’université de Georgetown et membre adjoint de l’American Security Project.
Source: Responsible Statecraft, Giorgio Cafiero, 17-06-2024
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
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Commentaire recommandé
Ça commence à sérieusement sentir le roussi pour l’occident conquérant…
Que la plus puissante armée du monde (qui a un budget supérieur à l’ensemble de toutes les autres armées de la planète, Chine et Russie compris, ne l’oublions pas) soit mise en échec par quelques clodos vêtus de guenilles et équipés de lance-pierres bricolés malgré ses équipements d’un coût démesuré (coût qui serait bien mieux utilisé à soigner sa propre population par exemple) démontre bien que face à quelques gueux bien motivés la puissance impériale est en chute libre.
Le gros problème des occidentaux impérialistes provient du fait que leur stratégie visant à annihiler une armée « traditionnelle » basée sur les mêmes principes que celles de « pays développés » part directement dans le mur.
Et ça ne date pas d’hier… Souvenez-vous de la branlée qu’ils ont pris au Vietnam et désormais dans tous les pays (« faibles ») qu’ils tentent de « pacifier » – Irak (chaos généralisé), Afghanistan (départ précipité la queue entre les jambes), etc…
Désormais le roi est nu et comme l’ensemble des victimes commencent à s’organiser et s’entraident pour se défendre contre le colosse aux pieds d’argile au final l’ensemble de « leurs » vassaux sont en train de se libérer de leurs chaînes (si seulement leurs vassaux occidentaux pouvaient faire de même ce serait un bienfait).
Ce commentaire est une OPINION PERSONNELLE basée sur le constat (personnel lui aussi) que si les dirigeants occidentaux se contentaient simplement de foutre la paix aux autres peuples cette planète serait bien plus pacifique (mais les oligarques bien plus « pauvres » et moins puissants et les richesses un peu mieux réparties, sans les problèmes de déplacement de populations causés par la misère et la violence des guerres prédatrices).
9 réactions et commentaires
Ça commence à sérieusement sentir le roussi pour l’occident conquérant…
Que la plus puissante armée du monde (qui a un budget supérieur à l’ensemble de toutes les autres armées de la planète, Chine et Russie compris, ne l’oublions pas) soit mise en échec par quelques clodos vêtus de guenilles et équipés de lance-pierres bricolés malgré ses équipements d’un coût démesuré (coût qui serait bien mieux utilisé à soigner sa propre population par exemple) démontre bien que face à quelques gueux bien motivés la puissance impériale est en chute libre.
Le gros problème des occidentaux impérialistes provient du fait que leur stratégie visant à annihiler une armée « traditionnelle » basée sur les mêmes principes que celles de « pays développés » part directement dans le mur.
Et ça ne date pas d’hier… Souvenez-vous de la branlée qu’ils ont pris au Vietnam et désormais dans tous les pays (« faibles ») qu’ils tentent de « pacifier » – Irak (chaos généralisé), Afghanistan (départ précipité la queue entre les jambes), etc…
Désormais le roi est nu et comme l’ensemble des victimes commencent à s’organiser et s’entraident pour se défendre contre le colosse aux pieds d’argile au final l’ensemble de « leurs » vassaux sont en train de se libérer de leurs chaînes (si seulement leurs vassaux occidentaux pouvaient faire de même ce serait un bienfait).
Ce commentaire est une OPINION PERSONNELLE basée sur le constat (personnel lui aussi) que si les dirigeants occidentaux se contentaient simplement de foutre la paix aux autres peuples cette planète serait bien plus pacifique (mais les oligarques bien plus « pauvres » et moins puissants et les richesses un peu mieux réparties, sans les problèmes de déplacement de populations causés par la misère et la violence des guerres prédatrices).
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Alerter« L’administration Biden refuse de considérer que le comportement des Houthis dans le golfe d’Aden et le sud de la mer Rouge est lié à la guerre israélienne contre Gaza »
J’en ai lu des absurdités venant du gouvernement étasunien, mais d’un tel niveau, jamais. Cherchent-ils à se discréditer totalement auprès de tous ceux qui leur font encore quelque peu confiance ?
P.S. Si quelqu’un a une source prouvant cette assertion (je veux dire que gouvernement américain prétend bien cela), merci de la poster.
+16
Alerterhttps://www.defense.gov/News/Releases/Release/Article/3621110/statement-from-secretary-of-defense-lloyd-j-austin-iii-on-ensuring-freedom-of-n/
La dénomination de la coalition navale (Operation Prosperity Guardian) est parlante: en aucun cas il n’est fait allusion à la guerre israélienne contre Gaza, sa seule justification est le principe de liberté de navigation.
+12
AlerterÀ questionner, justement, le « principe de liberté de navigation »…
Car il sous-entend, bien évidemment, la liberté de transporter les produits de l’HYPER-PRODUCTION monstrueuse, inutile et insensée, qui exploite abusivement les « ressources naturelles »(dont la force humaine de travail physique et intellectuel) et détruit les conditions de vie sur terre, tout comme sont transportées les « énergies » qui lui sont nécessaires et les armes qui la protègent(qui protègent les bénéfices financiers qu’elle génère).
Le commerce international, avec sa « mondialisation », est un des pires fléaux à la source de tous nos malheurs, qui instrumentalise les vieilles inimitiés anachroniques entre les peuples avec la complicité des forces politiques corrompues.
Nul doute, selon moi, que la guerre en Ukraine procède des mêmes intérêts contrariés concernant la « liberté de navigation » en Mer Noire…
+7
AlerterLa continuation de la politique par d’autres moyens implique aussi d’en avoir des moyens et de préférence des qui marchent pour ce qu’on veut en faire.
Manifestement l’administration Biden n’a pas les moyens d’arrêter Ansar Allah.
Par contre Ansar Allah n’a pas encore atteint non plus l’objectif d’arrêter la politique de l’administration Netanyahou vis à vis de ce qui reste de Palestine…
Le seul moyen pour que tout ça cesse serait d’arrêter le massacre , mais ça Joe veut pas que le reste du monde s’en donne les moyens. Je sais même pas si il a encore les moyens d’avoir conscience que sa tombe sentira souvent autant la pisse que sa carrière.
+12
AlerterDe touts façons, ça fait bien longtemps que Joe Biden et totalement « à l’ouest ».
Et je suis certain qu’il ne sait même pas qu’il a annoncé sa candidature à la prochaine élection, ni même quelle est la nature de cette élection.
Ceux (et celles) qui le manipulent doivent être considérés comme des criminels non seulement pour abus de faiblesse, mais pour tous les crimes qu’ils commettent en se cachant devant ce cas typique d’Alzheimer (je sais de quoi je parle, un proche de ma famille est mort de cette maladie à l’issue d’une descente aux enfers pour son entourage.
George Clooney et bien d’autres se battent actuellement pour qu’il ne se représente PAS aux élections.
Sans vouloir offenser quiconque, le maintien de sa candidature serait ouvrir un véritable boulevard à Trump et serait très rapidement suivie de son remplacement par un vice-président non élu et qui serait du même acabit que Lyndon Johnson suite au décès de Kennedy.
+1
Alerter« les rebelles Houtis » : rebelles par rapport à quoi ?
Continuer à se voiler la face, face à la réalité du monde, diverse à tous les plans, indique bien le maintien du ressort principal faisant mouvoir stratégiquement les puissances néocolonialistes. A leur tête, les USA, et autres (G7 et suiveurs).
Il faudra penser, pour leurs stratèges, d’en sortir un jour et voir le monde tel qu’il est, non pas tel qu’ils s’imaginent depuis 1945. Les valeurs de justice et d’indépendance politique et économique, même frugale, existent. Elle se renforcent dans tous les pays ayant goûté à la domination néocoloniale. Il faudra à leurs « stratèges » en tenir compte.
Sinon les désillusions n’iront qu’en s’accumulant au Yemen comme ailleurs dans les pays ex dominés et ex colonisés du monde.
N. Khaoua, pr
Economic Philosophy, Prospectiviste.
pr.nadjikh@gmail.com
+9
AlerterL’Histoire humaine n’est qu’une longue suite de relations colonisateur/colonisé finalement. Un monde sans rapports de forces, sans guerre, sans jeux de pouvoir, c’est une utopie. Les USA et le G7 peuvent être les méchants du moment, ne vous inquiétez pas, ils seront remplacés par d’autres. Toute la question est de savoir comment sera le joug des autres….
+2
AlerterL’Histoire humaine, écrite(selon sa définition), n’est que la relation(partiale car généralement subventionnée par les « dominant-e-s ») d’une partie(récente) de l’aventure des êtres humains sur terre…
C’est sans doute cette erreur crédule qui vous inspire votre fatalisme, votre pessimisme…
Car, selon vos propres écrits ici livrés, votre « bon coeur » et votre intelligence attentive devraient logiquement vous aider à faire fonctionner votre imagination dans un sens plus encourageant… qui contribuerait à constituer un avenir plus solidaire, plus serein, plus paisible, plus souriant.
BON WE! ON LÂCHE RIEN, ON LÂCHE RIEN, ON LÂCHE RIEN!
+1
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