Source : Lawrence Davidson, Consortium News, 17-10-2017
Il y a presque un siècle, les puissances européennes promettaient aux Kurdes un état, mais sont vite revenues sur leur promesse, laissant les nationalistes Kurdes enrager pour des générations, et conduisant l’Irak à la capture militaire récente de Kirkuk, comme le rapporte Lawrence Davidson.
C’était en 1916, au milieu de la Première Guerre mondiale que l’Angleterre et la France ( opposés à l’Allemagne, à l’Autriche et aux Turcs Ottomans) ont signé leur infâme accord Sykes-Picot. Dans le grand style impérial, ils ont utilisé cet accord pour se partager le Moyen-Orient.
C’était une décision osée, considérant que la guerre se trouvait dans une impasse et que les deux alliés ne savaient pas s’ils gagneraient le combat. Néanmoins, ils s’engagèrent dans cet accord et ce faisant, ils ont pris un nombre de décisions qui continuent encore à configurer la région aujourd’hui.
En plus d’apporter l’impérialisme traditionnel européen plus tard dans le vingtième siècle, ce qui rend tristement célèbre les accords Sykes-Picot est le fait qu’il brise une promesse faite précédemment aux Arabes. En 1916, les Arabes ont gagné des batailles contre les Turcs. En reconnaissance, les Anglais leur ont promis de soutenir la création d’un grand état arabe.
Mais cette promesse s’est toujours heurtée aux ambitions impérialistes de l’Angleterre et de la France, et donc, pour finir, ils ont conspiré secrètement pour trahir leurs alliés non-occidentaux. Parmi les conséquences finales de cette trahison, l’État Arabe s’est limité à ce qu’il est aujourd’hui, l’Arabie saoudite. La Palestine, (qui était originellement une partie de l’état arabe) deviendra « la patrie des Juifs » ; la Syrie revint aux Français, et la plus grande partie de la région a été donnée aux Britanniques.
Les accords Sykes-Picot ont permis un changement ultérieur. Ils ont rendu possible un Etat pour les Kurdes — un peuple constitué des quatre plus grandes ethnies du Moyen-Orient. Cet état connu sous le nom de Kurdistan, aurait du être taillé dans les territoires de l’Empire Ottoman finalement vaincu. Cette intention fut confirmée publiquement dans le Traité de Sèvres en 1920.
Les leaders Kurdes, qui entre temps ont réalisé que les puissances occidentales trahissaient les Arabes, n’auraient donc pas dû être surpris quand, malgré le traité, les Britanniques et les Français les ont aussi trahis. Le traité de Lucerne en 1923 a amendé le traité de Sèvres et, bien sûr, l’état du Kurdistan a été oublié. Les terres qui auraient dû composer la nation kurde, sont, au lieu de cela, devenues parties de la Turquie, de la Syrie et de l’Irak. Par conséquent, les Kurdes restèrent sans État. Cependant, ils n’ont jamais abandonné l’idée d’avoir une nation, comme but.
Maintenant, nous pouvons avancer jusqu’au 19 mars 2003, date à laquelle le Président George W. Bush a décidé d’envahir l’Irak. Bush avait un étalage de pauvres excuses pour le faire : les armes nucléaires de Saddam Hussein inexistantes, et autres armes de destruction massive, le soit-disant complot de Saddam visant à assassiner le père de Bush, le rêve (en fait le cauchemar) de « changement de régime » nécessaire comme moyen de rendre le Moyen-Orient plus sûr pour les États-Unis et Israël, ou peut-être juste l’offensive belliciste des néoconservateurs. Quelque soit la profondeur de l’ignorance du Président et où cela l’a amené, l’invasion a libéré des forces que Bush et ses successeurs à la Maison-Blanche ont été incapables de contrôler. Parmi lesquelles sont les conséquences qui ont suivi l’écroulement de l’Irak.
Le problème Kurde refait surface
Comme la destruction de l’Empire ottoman à la fin de la Première Guerre mondiale, la destruction de l’Irak qui a résulté de l’invasion américaine de 2003 a ouvert une boîte de Pandore de changements territoriaux potentiels. La création possible de l’Etat du Kurdistan n’était pas la moindre de ces choses.
Comme les Arabes durant la Première Guerre mondiale, les Kurdes devinrent un allié combatif de l’Occident à la suite de l’invasion de l’Irak et de la guerre civile syrienne qui s’ensuivit. Le chaos de la région a permis l’émergence de « l’État islamique d’Irak et du Levant » (alias EI, ISIL et Daesh). L’EI s’est avéré être une manifestation sinistre et brutale du fanatisme religieux devenu incontrôlable. Sa montée menaçait à peu près tous les États de la région, ainsi que les citoyens de l’Union européenne et des États-Unis.
Si la stabilité devait finalement prévaloir, l’EI devait être vaincu avec les Kurdes jouant et continuant de jouer un rôle notable dans ce combat. Il y a peu de doute que l’un de leurs objectifs soit de créer des conditions favorables pour un État kurde.
Pour toutes ces puissances régionales (Turquie, Iran, Syrie, Irak) qui cherchent à rétablir le statu quo précédent, la perspective d’un état Kurde indépendant est un anathème. Chaque État a des minorités kurdes et craint qu’un Kurdistan indépendant, même si celui-ci est découpé dans le territoire d’un autre État, conduise à exacerber les insurrections kurdes dans leur propre pays. La possibilité qu’un tel État puisse à la place provoquer une diminution de l’animosité des Kurdes par l’immigration volontaire ne semble pas être évidente aux dirigeants de l’Iran, de la Turquie et de la Syrie.
Comme Jonathan Cook l’a récemment clarifié, la question de l’indépendance kurde a été compliquée par l’influence d’Israël sur le sujet. Les Israéliens sont depuis longtemps attachés à un Kurdistan indépendant, non pas parce que, comme certains de leurs politiciens le prétendent hypocritement, les Kurdes ont un « droit moral » à un État (les Palestiniens aussi). Au contraire, les Israéliens ont une politique non déclarée mais officielle visant à « balkaniser » les États arabes. Ils ont encouragé « la discorde sectaire et ethnique » afin de déstabiliser leurs voisins. En d’autres termes, le soutien israélien aux Kurdes est un effort pour affaiblir principalement l’Irak, et accessoirement, la Syrie et l’Iran (la Turquie n’étant qu’un « dommage collatéral » dans ce processus).
La meilleure option
On peut difficilement reprocher aux Kurdes d’accepter de l’aide là où ils peuvent en obtenir – en l’occurrence d’Israël – dans une lutte pour l’indépendance qui dure depuis des siècles. Néanmoins, on peut également comprendre que l’ingérence israélienne effraie sérieusement les autres États touchés.
Laissant de côté la question israélienne pour un moment, la question qui devrait guider la politique est la suivante : l’Irak peut-il être rétabli en tant qu’État viable? Posant la question de manière plus informelle, en 2003, un président américain plutôt stupide – travaillant sous l’influence de sionistes, de néo-conservateurs idiots et des nationalistes irakiens apportant de faux témoignages – a fait tomber le crâne d’œuf irakien de son mur précaire. Est-ce que l’Irak peut être restauré à nouveau ? La réponse est, eh bien, peut-être – mais il semble y avoir seulement deux façons de le faire. L’une est une guerre quasi-génocidaire menée par les puissances régionales contre les Kurdes. Alternativement, l’Irak pourrait être ressuscité si les Kurdes sont disposés à se contenter d’une demi-mesure sous la forme d’une partie autonome d’un état confédéré.
En ce moment, le futur est incertain. On a l’impression que les Turcs et les Irakiens (dont les forces ont attaqué la ville kurde de Kirkouk le 16 octobre) sont tout disposés à tenter de résoudre le problème par une guerre prolongée. Ce serait une grosse erreur. Cela conduirait à un Irak qui pourrait être techniquement réuni mais en vérité serait encore plus faible qu’il ne l’est actuellement, et pas vraiment indépendant du tout.
Sa région nord serait probablement sous le contrôle de facto de la Turquie et de l’Iran, et le reste du pays continuerait d’être dans un gâchis décentralisé expérimentant une guerre civile sectaire sans fin. D’un autre côté, un règlement pacifique de la question kurde pourrait conduire à la stabilisation du reste de l’Irak en tant qu’État confédéré. En outre, dans le cadre d’un Irak confédéré, l’autonomie du Kurdistan peut empêcher une politique étrangère indépendante, minimisant ainsi l’influence israélienne.
En dépit du vote récent des Kurdes pour l’indépendance, leurs chefs doivent savoir que cela ne peut être réalisé que s’ils peuvent gagner une guerre prolongée contre la Turquie, l’Iran et l’Irak. Israël n’est pas en position géographique pour les aider efficacement. Donc les Kurdes ne peuvent probablement pas supporter un tel combat. Cela les laisse avec seulement un choix rationnel.
Les Kurdes sont maintenant plus proches d’un statut d’indépendance qu’ils ne l’ont jamais été depuis les jours ratés de la Première Guerre mondiale. Leur meilleure stratégie est de tirer le meilleur parti (sinon le plus grand) de ce statut au sein d’un Irak confédéré et de mettre fin à leur interaction avec Israël. Cela doit être mieux qu’une guerre quasi-génocidaire dont ils seraient les victimes. Cependant – et c’est la question habituelle dans de telles situations – les émotions de tous les côtés vont-elles permettre à la raison de s’imposer ?
Lawrence Davidson est professeur d’histoire à l’Université West Chester en Pennsylvanie.
Source : Lawrence Davidson, Consortium News, 17-10-2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
Commentaire recommandé
Les Kurdes sont divisés en plusieurs communautés linguistiques qui ne se comprennent pas entre elles. L’ethnie n’est pas le fondement obligatoire de la nation.
En outre, le rêve de nation kurde a conduit ceux-ci
– à participer très activement au génocide des chrétiens de Turquie (dit génocide Arménien car les chrétiens étaient surtout arméniens)
– à commanditer ces 10 dernières années les attentats contre les chrétiens du nord de l’Irak (à Mossoul en particulier) afin de les contraindre à s’installer à Erbil et à contribuer au développement économique impressionnant de cette ville.
Enfin, les Kurdes sont partout mélangés à d’autres ethnies (principalement arabes) et leur indépendance conduirait probablement à une nouvelle épuration ethnique.
Le statut d’autonomie du kurdistan irakien pourrait suffire à satisfaire une partie des revendications kurdes, mais l’expérience a prouvé que la propension à en abuser et à vouloir prendre le contrôle de régions historiquement arabes était très forte.
Le maintien d’un statut d’autonomie du Kurdistan irakien avec contrôle de la frontière avec la Turquie par le gouvernement central et rétrocession réelle d’une partie des dividendes du pétrole est certainement une condition de la paix. Chaque partie doit faire un gros effort pour raison garder. Ce n’est pas gagné !
34 réactions et commentaires
Sur quelle base peut-on légitimer au XXIème siècle la création d’un nouvel Etat ? Historique ? Religieux ? « Ethnique » ? Je n’y croit pas, et ce serait ouvrir une boîte de pandore ailleurs, en fait insoluble, lesdits critères étant plus que flous et très douteux. Seul des principes encadrés par le droit international pourrait prévaloir, et dans ce cadre, les Nations Unis devraient jouer un rôle primordial. Ou alors ce sera la « loi » des plus forts qui prévaudra, avec la catastrophe des guerres qui s’en suivra.
+6
AlerterA quel moment parle t’on d’Histoire?
A savoir que les Kurdes n’ont jamais constitué une Nation et n’ont jamais eu d’État constitué.
A quel moment parle t’on d’intérêt « occidental »?
A savoir que pour leur malheur, les ressources pétrolifères du coin sont plutôt concentrées dans les territoires qu’ils occupent depuis… plus ou moins, toujours… Et que les États constitués du coin ne peuvent pas accepter de se voir amputés de ressources vitales.*
M’est avis que les Kurdes sont mal. Vu que toute la mansuétude occidentale à leur égard pue les hydrocarbures…
*Vous savez, tous ces morcellements territoriaux et humains justifient les Empires qui se sont succédés dans le coin.
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Alerter« A partir de quand parle-t-on d’histoire? » votre formulation est un peu étrange. C’est un peu comme si en parlant d’un fœtus, je disais « à partir de quand parle-t-on d’etre humain? »
Tout est bien sûr affaire de convention et ce sont les adultes / les États constitués qui décident. L’Histoire en soi n’existe pas. J’ai une histoire, vous avez une histoire… l’Histoire d’un peuple n’existe que si les hommes s’ accordent ou non sur l’existance de ce peuple
+4
Alerter« »C’est un peu comme si en parlant d’un fœtus, je disais « à partir de quand parle-t-on d’etre humain? » » »
*******
Vraiment..?
Ça vaut il la peine que j’explique..?
Je ne suis ni Sarkozy, ni Macron.
L’Histoire* de ce peuple montre qu’ils n’ont jamais constitué une Nation et n’ont jamais eu d’État constitué.
On parle de créer de toute pièce une ENTITÉ POLITIQUE qui n’a jamais existé, au détriment d’entités politiques existantes ET historiques.
Et on devrait parier dessus…?
*Pour rappel, des unités « kurdes » se battaient déjà dans l’armée Perse à Gaugamèles
+4
AlerterL’Irak, la Syrie, la Turquie sont des entités politique RECENTES aussi (un peu moins d’un siècle)… L’Allemagne et l’Italie (et d’autres, on pourrait citer l’Ukraine par exemple) n’avaient jamais existé en tant qu’état avant d’être créées il y a un peu plus de 150 ans et il a fallu détruire des entités politiques existant depuis plusieurs siècles pour les faire exister…
Le critère des langues différentes ne tient pas non plus : les Allemands du nord parlaient le platt deutsch (une langue germanique issue du moyen-allemand) et il ont du apprendre le hochdeutsch (autre nom de l’allemand actuel parlé en Allemagne) comme une langue étrangère au 19e siècle… Le hochdeutsch ayant été (arbitrairement) défini comme langue commune des Allemands en référence à la langue utilisée par Luther pour sa traduction de la bible.
+1
AlerterVous voulez rire?
Les régimes politiques changent, les NOMS des États peuvent changer, mais les États, les territoires et les populations restent. A moins de tuer tout le monde.
Damas, Bagdad, 150 ans …?
La Turquie, c’est plus récent, les Turcs étant des envahisseurs; mais ça fait tout de même quelques siècles que l’Asie mineure est Turque…
Pour la petite (ou la Grande ) Histoire, Selahedînê Eyûbî plus connu sous le nom de Saladin qui était Kurde a dirigé la Syrie. Comme quoi rien n’empêche un Kurde de devenir Chef d’État. Il se trouve que c’était un État déjà constitué. 🙂
M’enfin, notez que je ne fais que signaler que la volonté « occidentale » de créer de toute pièce un État « Kurde » pour pouvoir continuer à contrôler l’approvisionnement en hydrocarbure n’a aucune base réaliste et est donc vouée à l’échec. Les « Droits de l’homme » Copyright morale occidentale à géométrie variable n’arrivera pas convaincre 4 États de s’amputer d’un morceau de territoire. Quand à l’usage de la force, yenna qui ont essayé, ils n’y sont pas arrivés…
+0
Alerter» un peuple constitué des quatre plus grandes ethnies du Moyen-Orient. »
gros souci de traduction. L’original dit « un peuple qui constituait le quatrième groupe ethnique du M-O »
(après les arabes, turcs et perses)
+9
AlerterUn bon article qui aborde la complexité du problème. Un point qui n’est pas abordé est la carte du Kurdistan proposée par les défenseurs de leur cause comme notre Béchamelle nationale : selon eux le Kurdistan doit aller jusqu’à la mer (sans quoi il n’est pas viable car entouré de 4 pays hostiles et sans accès à la Mer). C’est à dire que BHL propose le nettoyage ethnique des Turcs d’une grande région de la Turquie, et de séparer Hatay (Alexandrette,illégalement détachée de la Syrie par la France au temps du Mandat) du reste de la Turquie. Ces vampires veulent encore une guerre avec des centaines de milliers de morts, leur soif de sang est inextinguible.
+18
AlerterDans les développements tout récent: le référendum d’indépendance kurde a fait pchit, comme le catalan. du coup, le contrat négocié encore le mois dernier par Rosneft avec le gouvernement autonome du Kurdistan irakien est nul et non avenu, Rosneft est prié de passer par le ministère irakien du pétrole.
Bref, le rêve du Kurdistan indépendant, faisable en 1920 comme l’explique l’article, est passé, ou ne peut plus se réaliser que par un immense bain de sang. A la question de savoir si le blocus contre l’Irak qui a tué un demi million d’enfants, valait la peine, Madeleine Albright répondait oui. Je ne crois pas en Dieu mais je constate l’existence du Diable. Forcera-t-il la création du Kurdistan?
+10
AlerterLes Kurdes sont divisés en plusieurs communautés linguistiques qui ne se comprennent pas entre elles. L’ethnie n’est pas le fondement obligatoire de la nation.
En outre, le rêve de nation kurde a conduit ceux-ci
– à participer très activement au génocide des chrétiens de Turquie (dit génocide Arménien car les chrétiens étaient surtout arméniens)
– à commanditer ces 10 dernières années les attentats contre les chrétiens du nord de l’Irak (à Mossoul en particulier) afin de les contraindre à s’installer à Erbil et à contribuer au développement économique impressionnant de cette ville.
Enfin, les Kurdes sont partout mélangés à d’autres ethnies (principalement arabes) et leur indépendance conduirait probablement à une nouvelle épuration ethnique.
Le statut d’autonomie du kurdistan irakien pourrait suffire à satisfaire une partie des revendications kurdes, mais l’expérience a prouvé que la propension à en abuser et à vouloir prendre le contrôle de régions historiquement arabes était très forte.
Le maintien d’un statut d’autonomie du Kurdistan irakien avec contrôle de la frontière avec la Turquie par le gouvernement central et rétrocession réelle d’une partie des dividendes du pétrole est certainement une condition de la paix. Chaque partie doit faire un gros effort pour raison garder. Ce n’est pas gagné !
+21
AlerterA y regarder de plus près, le concept d’ethnie est très flou et dangereux : mélange de critères culturels (langues, mode de vie, mémoire historique commune…), d’origine géographique, de filiations tribales et familiales (d’ailleurs souvent mythiques), de croyances religieuses, ou même d’apparence physique. C’est un leurre et un critère voué aux pires catastrophes au regard de l’histoire passée ou contemporaine…Mais c’est un levier très sensible et manipulable politiquement, susceptible de provoquer les pires exactions.
+3
AlerterD’un point de vue objectif vous avez raison. Et pourtant la conscience et le désir d’identité existe. Les hommes ne sont pas des monades hors sol, dénuées de toute conscience de filiation ou de sentiment d’appartenance à un groupe (type homo économicus).
Si vous regroupez les hommes en vous fondant sur des critères uniquement rationnels et utilitaristes vous obtiendrez tout autant des situations explosives (type attentats suicide motivés par l’idéalisme religieux, par exemple)
+4
AlerterD’accord avec vous sur l’existence de la conscience et du désir d’identité (voire d’identités et qui ne sont pas figées). Mais c’est distinct du concept d’ethnie qui (si vous me passez le jeu de mot) est un concept « batard » – et qui tend vers une forme d’essentialisation, pouvant facilement dériver vers une forme de racisme. Notez par ailleurs, que les peuples nomades portent en eux une identité, parfois même très forte (par exemple les Peulhs, les Touaregs, les Mongols, etc….). Aussi ce sont des choses de natures distinctes. Loin de moi une conception qui serait de fonder le regroupement des hommes sur des critères utilitaristes ou uniquement rationnels, mais dans le cas d’Etats ou de communautés, je pense que l’homme est avant tout un « animal politique » (ce qui est à l’opposé de l’homo-économicus que vous évoquez, fruit toxique de la doctrine néolibérale….)…
+3
AlerterEthnie est un concept américain (ethnicy) qui a été inventé à la première moitié du XX siècle pour légitimer les blancs d’origine non anglo-saxonne face à ceux-ci.
Décidément, rien de bon ne vient de chez eux (boutade).
Je pense que Sandrine (avec qui je suis, pour une fois, d’accord) parle du concept de Monade inventé par Leibnitz et qui « colle » bien à son propos. Il ne s’agit pas d’une erreur de frappe.
Si c’est ce que vous aviez compris, veuillez m’excuser. L’échange monade/nomade est d’ailleurs amusant.
+0
Alerter« – à commanditer ces 10 dernières années les attentats contre les chrétiens du nord de l’Irak (à Mossoul en particulier) afin de les contraindre à s’installer à Erbil et à contribuer au développement économique impressionnant de cette ville. »
Doit être faux:
1) Erbil est une ville du Kurdistan ( KRG) , c’est même la capitale régionale kurde.
Ainsi , les Kurdes auraient commandité ailleurs des attentats anti-chrétiens pour contraindre ces mêmes chrétiens à collaborer au développement d’Erbil, capitale de leurs bourreaux supposés ? Vraiment ? Tout le monde sait que les politiques Kurdes d’Irak ne sont pas « nets », inutile d’en rajouter.
2) Les Kurdes d’Irak s’y entendent en matière de développement et gestion urbaines. L’argent du pétrole suffisait à pourvoir aux indispensables capitaux. Et ils bénéficiaient de tous les conseils d’agences et sociétés privées, intéressées à manier cet argent…
3) Loin de moi l’idée de minimiser le drame des Chrétiens de la région. Ils ont beaucoup souffert et depuis longtemps.
+2
AlerterKurdes : les idiots utiles des empires occidentaux !
Le remaniement de la Constitution irakienne sous pression américaine en 2005, donnant une autonomie au Kurdistan irakien, a conduit les autorités kurdes ainsi reconnues à procéder à un nettoyage ethnique ciblant les Chrétiens, les Shabaks, les Kaka’e et les Sabéens :
http://www.france-irak-actualite.com/2016/01/nettoyage-ethnique-en-irak-les-peshmergas-rasent-les-villages-arabes-repris-a-l-ei.html
L’auteur parle de zones reprises à l’EI (janv. 2016), mais en réalité, l’éviction de ces populations a débuté peu après la création US du Kurdistan « Barsani ».
+5
AlerterVous oubliez les Yézidis à Sinjar et environ.
3 Aout 2014, la région est occupée par environ 8000 peshmergas, alors qu’elle n’est pas dans le territoire kurde d’Irak. Environ 300 Daesh se présentent aux barrages routiers en avant de Sinjar. Immédiatement mais calmement, les Peshmergas fuient en rassurant la population. (la chose a été filmée) :Daesh a la voie libre pour ses crimes.
Barzani est sous le coup d’une demande d’inculpation pour complicité de crime contre l’humanité auprès de la justice irakienne.
Et ce ne sont pas les Peshmergas qui ont libéré la ville mais un alliance HPG- YPG/YPJ avec des Yézidis armés par eux. Ils ont d’ailleurs fait beaucoup pour aider les populations en fuite. Il faudrait aussi mentionner des combattants de la tribu des Shammar qui semblent être intervenus les premiers, car assez proches et solidaires des Yézidis. Ces combattants sont incorporés aux YPG.
Depuis, il y a eu d’autres tentatives d’exactions contre les Yézidis.
+6
AlerterC’est surprenant mais les Kurdes du Kurdistan irakien, donc la « famille » Barzani, ont à la fois commandité les attentats contre les chrétiens (de Mossoul tout spécialement) et leur ont ouvert les bras afin qu’ils s’installent à Erbil (au nord de la ville, qui est en gros circulaire avec une ville chrétienne rectangulaire construite au nord ). Les attentats étaient revendiqués par les différentes factions islamistes qui ont précédé EI, jamais par les services du Kurdistan irakien évidemment. J’ai vu sur place cette ville champignon qui au bout de seulement quatre ans (2007) comptait déjà plusieurs cathédrales des différentes confession chrétiennes. En ce qui concerne l’origine des attentats, cela m’a été confirmé par des irakiens impliqués dans le rachat par Petraeus des milices du triangle sunnite et qui avaient trouvé un terrain d’entente avec les Kurdes.
+7
AlerterToute l’histoire n’est que changements de frontière et d’états et cela donnait de la souplesse pour résoudre les problèmes politiques. La stupide doctrine actuelle de l’intangibilité des frontières ne fait que geler des situations qui ont été imposées par un petit nombre de puissances en fonction de leurs intérêts et sans aucune considération pour les volontés des populations. Cela ne fait qu’exacerber les tensions.
Je ne comprends d’ailleurs pas tous ces états qui veulent à tout prix conserver des populations qui ne veulent pas d’eux alors que le seul résultat est de les déstabiliser et d’entraîner des dépenses de « sécurité » qui seraient bien mieux utilisée pour le développement économique et social.
Mais évidemment cela permet au complexe militaro-industriel parasitaire de multiplier ses bénéfices
+3
AlerterUn discours qui s’applique parfaitement aux populations européennes engluées dans l’Union Européenne, fer de lance des intérêts des oligarchies mondialisantes…
+1
AlerterCertes, mais qui en l’occurrence néglige de tenir compte de qui soutient et contrôle en prétendant libérer les séparatistes en question (uniquement lorsqu’ils sont assis sur des ressources naturelles intéressantes) . Difficile de reprocher aux Etats concernés de ne pas vouloir offrir leurs ressources à l’empire.
+1
Alerterje réponds à la dernière phrase…la raison s’est déjà en quelque sorte imposée..Barzani est out,les kurdes syriens sont déjà en négociation avec Assad depuis le début de la guerre et les kurdes turcs font l’objet d’une répression féroce,dont on ne parle pratiquement pas,parce qu’il ne faut pas.Il n’y aura donc pas de Kurdistan,mais selon les pays des solutions différentes…autonomie et meilleure représentation en Irak et en Syrie,et malheureusement pour les kurdes turcs,un cote très mal taillée à l’aune de la répression.quant à « l’infâme accord Sykes Picot « ,il n’est en rien responsable de la situation actuelle,c’est du baratin,et une « explication » tellement facile,et anticolonialiste(sic!).En oubliant que les peuples concernés avaient été colonisés,soumis,massacrés et exploités par l’empire ottoman pendant des siècles.En oubliant aussi que ces pays n’ont jamais été « colonie « mais simplement sous mandat de la SDN pendant moins de 25 ans…les faits sont les faits,les dogmatismes anticolinialistes,même là où il n’y pas eu de colonies empêchent toute réflexion sérieuse.
+5
AlerterQuand vous évoquez la répression des « kurdes turcs », on a l’impression que celle-ci est généralisée. Ce n’est pas du tout le cas: il ne faut pas confondre les militants du PKK, qui eux font effectivement l’objet d’une répression car mouvement séparatiste, avec les Kurdes de Turquie. Vous n’avez pas de problème en Turquie du simple fait que vous êtes Kurde. Il y a bon nombre de députés ou de ministres d’origine kurde. Le président du principal parti d’opposition (CHP) est kurde. Özal,président dans les années 80, était kurde. L’écrasante majorité des Kurdes de Turquie vit en paix.
+3
AlerterCela était relativement vrai mais cela est devenu relativement faux. Avez vous mis à jour votre avis sur le sujet depuis les trois dernières années? Etes vous certain que tous les habitants de Nusaybin (à la limite proche de la frontiere) ou Sirnak (loin de la syrie) étaient des combattants du PKK? Qu’est il arrivé de leurs maisons? Il me semble que la répression s’est sauvagement abattue récemment sur les personalités politiques kurdes pacifiques.
(je ne suis pas par ailleurs un défenseur de la « cause » kurde pour plusieurs raisons).
+3
Alerter« Cela était relativement vrai » => ça dépend de quelle époque on parle: les années 80 (coup d’Etat) et 90 (époque Çiler) ont été terribles de par l’état d’urgence continue suite aux opérations du PKK. Après l’arrestation d’Ocalan, accalmie qui a permis un développement éco de la région, droits accordés aux Kurdes (langue et enseignement légalisée, chaine TV d’Etat en kurde…). Puis reprise des hostilités du PKK, instrumentalisé d’ailleurs par l’étranger.
Personne ne conteste les opérations criminelles dont vous faites état, et qui ne sont que la csq désastreuse de la stratégie elle-même criminelle du PKK, qui s’est servi des populations locales comme boucliers humains. Cette stratégie a même été reconnue comme une erreur par son leader à Kandil. De là à évoquer une répression généralisée contre les Kurdes de Turquie, non. Je plussoie donc à votre relativité.
+4
AlerterVous avez en partie raison et ma généralisation était une erreur…dont acte.Merci pour la remarque. Quoiqu’avec Erdogan,ça dérape sérieusement…
+1
AlerterCela a dérapé quand le PKK a de lui-même mis un terme aux négociations, pourtant déjà très avancées, avec le MIT, lorsqu’il a vu qu’il avait une nouvelle carte à jouer en Syrie.
IL faut être objectif et juste vis-à-vis d’Erdogan: avant lui, pas de tentatives de négociations directes et sérieuses (même si cela a mal fini), langue, musique, enseignement en kurde interdits, désolation sociale et économique comme conséquence de la guerre permanente depuis 1980. Personne ne l’évoque ici, mais l’Etat turc, lorsqu’il était totalement entre les mains de l’armée entre 80-90 et notamment à l’époque de Mme Tansu CILER (PM), a fait subir une répression féroce dans le sud-est. Croyez bien qu’Erdogan est un petit joueur comparativement aux dirigeants des ces années noires.
Enfin, cela me désole quand, dans l’esprit des gens, on confond les Kurdes (près de 25M en Turquie) avec les militants du PKK (qui se drape derrière de prétendus principes, qu’il n’a au demeurant jamais appliqués lui-même, et qui s’est transformé en organisation totalement mafieuse et criminelle).
+2
AlerterBonsoir. J’avais lu que c’était erdogan qui avait mis fin aux négociations. Mais votre discours sur le fait que que le pkk ait vu de nouveaux horizons en Syrie et rompu lui même les négociations de tient. Du coup je ne sais que penser. Si vous avez raison (et votre hypothèse à l’avantage d’être cohérente) j’ai été rudement bien désinformé.
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AlerterBonjour. Le désarmement du PKK et l’insertion des combattants étaient en jeu. Comment le PKK allait-il acceptait un tel désarmement alors qu’il était clairement engagé en Syrie à la frontière turque aux côtés de sa filiale le YPD? Il a profité des attentats meurtriers de 2015 dans le Kurdistan turc pour justifier son retrait des négociations en disant que ces attentants avaient été commis par l’EI avec la complicité de l’état turc. Telle a été, en tout cas, la position affichée par le PKK. I
+0
Alerter@ christian gedeon: je suis de votre avis, au moins pour les 8 premières lignes. A votre « féroce », j’ajoute « et d’une violence inconnue ici ».
@ Alfred: vos infos me semblent exacts, sauf que vous êtes trop timide: ce sont au moins 4 villes à majorité Kurdes qui ont été partiellement rasées et 300 000 kurdes expulsés. On peut chicaner sur le chiffre. Il y a manifestement une guerre de l’information et les chiffres varient. Mais les photos ne mentent pas. Elles ont été montré à l’ONU ( Genève): le avant/après est spectaculaire pour chaque ville.
On va dire que la très gentille armée turque, dans sa très grande sollicitude, modernise à haute vitesse les conditions de logement des populations urbaines et agricoles, là où les Kurdes sont majoritaires…
+3
AlerterLa première carte n’est pas celle des accords Sykes-Picot qui comprenait l’actuel nord irakien et une grande partie du sud, sud/est de l’actuelle Turquie sous administration française.
Le pétrole de Mossoul fut cédé par Clémenceau en échange de 20% des profits.
Le général Gouraud ne put conquérir à l’armée turque le sud, sud-est de la Turquie.
Par ailleurs, la Palestine qui devait être sous administration internationale, c’est à dire à l’époque la France et l’Angleterre, fut mise sous administration exclusive des anglais.
+2
AlerterClémenceau à Lloyd George : » Moi, quand je veux du pétrole, je vais chez mon droguiste. Vous voulez Mossoul ? Vous aurez Mossoul. »
Inoubliablement stupide. Milieu 1917, il avait lancé une campagne : » Une goutte de pétrole, c’est un goutte de sang », tant le manque de carburant était dramatique pour les opérations. Ce sont des pétroliers US qui ont sauvé la mise.
Y’a pas fallut attendre l’ENA pour ne pas savoir négocier…
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AlerterCe vaste territoire des Kurdes ne correspond à rien, sauf aux ressources pétrolières que tout le monde a envie d’avoir. Mais ce sont des ambitions logiquement démesurées. Je me rappelle les années 90 ou certains nationalistes kazakhs disaient qu’on devrait leur rendre la moitié de l’Oural, une partie de la Sibérie, etc…. C’est vrai que les peuples nomades pouvaient se targuer d’être partout chez eux…..
Ah ! au fond de la salle je vois les mongols qui demandent la parole !!!! ça va être chaud !!!!
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AlerterBonjour.
Au huitième paragraphe il faudrait corriger le texte en remplaçant « soit-disant » par « soi-disant » et « quelque soit » par « quelle que soit », puisqu’il s’agit de profondeur, mot féminin.
…Puis supprimer ce commentaire.
Bien à vous.
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AlerterLes commentaires sont fermés.