Source : The New York Times, Nabil Mouline, 03-07-2018
M. Mouline est un historien du clergé et de la monarchie saoudienne.
La vitesse et l’ampleur des changements en Arabie saoudite se sont considérablement accélérées après la consécration du prince héritier Mohammed ben Salmane. Pour légitimer son ascension, réaliser ses ambitions absolutistes et faire face à divers défis internes et externes, le Prince Mohammed s’est présenté et positionné comme le champion de la « modernisation ».
Plusieurs déclarations et initiatives du prince héritier – appelant à un islam modéré, autorisant les femmes à conduire, rouvrant les salles de cinéma – ont été interprétées comme son désir de rompre le pacte historique entre la Maison des Saoud et l’institution religieuse wahhabite.
Au milieu du XVIIIe siècle, le Saoud adopta Muhammad ibn Abd al-Wahhab, un prédicateur revivaliste qui prônait une lecture étroite du Coran et du Hadith et attaquait toute déviation ou rajouts par rapport à la pratique originale. Les personnes qui s’écartaient de la doctrine wahhabite étaient exclues de l’islam, et le djihad était considéré comme le seul moyen de les ramener sur la bonne voie.
Le pacte avec Wahhab et ses disciples a aidé les Saoudiens à légitimer une politique expansionniste et à créer un État durable au début du XXe siècle. La monarchie saoudienne monopolise l’action politique et militaire ; les clercs wahhabites prennent en charge les sphères religieuse, juridique et sociale.
Il est peu probable que le prince Mohammed parvienne à rompre avec le pouvoir religieux wahhabite car les religieux se sont montrés tenaces et ont montré une grande capacité d’adaptation aux transitions et aux aléas du pouvoir. Les tentatives de marginalisation du clergé remontent au début du XXe siècle.
Lorsque le roi Abd al-Aziz, fondateur du royaume moderne d’Arabie saoudite, qui a régné de 1902 à 1953, a entrepris de monopoliser le pouvoir, de travailler avec des partenaires occidentaux et d’être reconnu par le monde musulman en général, il a senti le besoin d’utiliser le réformisme islamique pour affaiblir et modérer le wahhabisme.
Les religieux wahhabites ont préservé leur autorité et se sont même renforcés en faisant des concessions idéologiques, par exemple en faisant preuve de plus de tolérance envers les non-Wahhabites, en permettant la présence de non-musulmans en territoire saoudien et en acceptant une éducation et une administration modernes.
Dans la période de l’après-pétrole, entre les années 1950 et le milieu des années 1970, sous le règne de Saoud ben Abd al-Aziz puis du roi Fayçal ben Abd al-Aziz, l’Arabie saoudite a dû se moderniser très rapidement. Les anciennes structures du royaume étaient trop archaïques et trop personnelles pour contrôler efficacement le territoire, pour répondre aux attentes d’une population croissante et hétérogène, pour créer de nouvelles sources de légitimité et pour contenir les revendications hégémoniques des régimes pan-arabes.
L’institution religieuse considérait l’édification de l’État et les changements concomitants comme une menace, mais ne s’opposait pas à ce que le royaume admette les filles à l’école ou introduise la télévision et le cinéma. Au lieu de cela, les ecclésiastiques ont profité du conflit saoudien avec le panarabisme dans les années 1950 et 1960 et des prodigieux revenus pétroliers pour moderniser les institutions religieuses en créant de nouvelles institutions telles que le bureau du Grand Mufti, un bureau des fatwas, des écoles et universités religieuses comme l’Université islamique de Medina et l’Imam Muhammad ibn Saud Islamic University à Riyad.
Les religieux ont également créé des tribunaux islamiques, des organes de presse et des organismes panislamiques telles que la Muslim World League. La pétro-modernité a aidé le pouvoir religieux à maintenir son influence dans le royaume et à exporter sa vision du monde.
La révolution islamique en Iran, l’attaque de la Grande Mosquée de La Mecque et l’invasion de l’Afghanistan par l’armée soviétique en 1979 ont fait pencher la balance en faveur du pouvoir wahhabite.
Pour rétablir sa crédibilité après l’attaque de La Mecque, contenir le défi révolutionnaire chiite et combattre le communisme, la monarchie saoudienne a proclamé son attachement à l’islam en appliquant sévèrement la charia – infligeant des châtiments corporels, imposant la ségrégation des sexes dans les espaces publics, fermant les cinémas, renforçant le pouvoir de la police religieuse et apportant son soutien financier et idéologique aux groupes djihadistes en Afghanistan et aux mouvements sunnites dans le monde.
En retour, les religieux ont soutenu la Maison Saoud contre ses ennemis internes et externes tels que l’Ayatollah Ruhollah Khomeini, Saddam Hussein et les Frères musulmans. On se souvient que les religieux ont émis une fatwa très impopulaire en 1990 légitimant la présence des troupes américaines dans le royaume.
Les attentats du 11 septembre ont placé l’Arabie saoudite dans une position difficile car Oussama ben Laden et la majorité des pirates de l’air étaient des ressortissants saoudiens. Le royaume a été contraint de se distinguer des mouvements djihadistes, de permettre la critique du wahhabisme, d’entamer un dialogue intra et interreligieux et de réduire les pouvoirs de la police religieuse, entre autres mesures.
Les religieux sont venus en aide à la monarchie – et ont également préservé leurs propres intérêts – en condamnant sévèrement le djihadisme et les Frères musulmans par des fatwas, en publiant des articles à cet effet dans les journaux et en intervenant sur les chaînes de télévision. Même à l’époque, certains observateurs parlaient d’une Arabie saoudite post-wahhabite. Dès que la pression s’est relâchée, le clergé et la monarchie ont remis en question le processus d’ouverture.
Après les soulèvements arabes de 2011, le roi Abdallah ben Abd al-Aziz a demandé l’appui de l’establishment religieux pour contrecarrer les défis que les soulèvements ont posés à l’Arabie saoudite. Les religieux l’ont aidé mais lui ont fait augmenter les budgets des institutions religieuses, ce qui a permis une plus grande répression de toute violation de la charia dans l’espace public, la promotion d’un discours anti-chiite et le musellement des idées sécularistes.
L’accession au trône du roi Salmane ben Abd al-Aziz en 2015 a conduit à la montée du prince Mohammed. Les dénonciations publiques du prince héritier des idées extrémistes et ses promesses de promouvoir un islam modéré ont été interprétées comme un désir renouvelé de rompre avec le wahhabisme. Une lecture plus attentive montre que le Prince Mohammed condamne principalement les Frères musulmans et les djihadistes et exonère le wahhabisme.
Le pouvoir religieux a apporté un soutien indéfectible au prince Mohammed et a ratifié ses décisions en promulguant des fatwas telles que celle qui autorise les femmes à conduire.
Les religieux cèdent sur des sujets qu’ils jugent secondaires lorsque l’équilibre du pouvoir leur laisse peu de choix et parviennent à préserver leur autorité.
Le wahhabisme devrait rester un pilier du royaume à moyen terme. Le pouvoir religieux contrôle des moyens matériels et symboliques colossaux – écoles, universités, mosquées, ministères, organisations internationales et groupes de médias – pour défendre sa position. Toute confrontation entre les enfants de Saoud et les héritiers d’Ibn Abd al-Wahhab sera destructrice pour les deux.
Le pacte historique entre la monarchie et le pouvoir religieux n’a jamais été sérieusement remis en cause. Il a été réinterprété et remanié en période de transition ou de crise pour mieux refléter l’évolution des relations de pouvoir et permettre aux partenaires de relever efficacement les défis.
Pour véritablement rompre le pacte entre la monarchie saoudienne et les institutions religieuses wahhabites, il faut un projet social alternatif, le soutien sans faille des élites et de la population, une base économique solide et un contexte très favorable. À l’heure actuelle, le prince Mohammed ne possède pas ces atouts malgré son inclination personnelle.
Nabil Mouline, un chercheur principal au Centre national de la recherche scientifique à Paris, est l’auteur de The Clerics of Islam : Religious Authority and Political Power in Saudi Arabia. [parue en français sous le titre Les clercs de l’Islam :Autorité religieuse et pouvoir politique en Arabie Saoudite (PUF Proche Orient), NdT]
Source : The New York Times, Nabil Mouline, 03-07-2018
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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Commentaire recommandé
Je vais faire dans le poncif mais on peut toujours rompre avec un doctrine, une religion, une politique après le veut on et avec quel prix à payer ?
De toute manière si une politique ou une religion vient à nuir à une région du monde elle finit par s’effondrer de l’intérieur ou par l’extérieur. Le Wahabisme ne fera pas exception après combien de temps cela prendra et à quel prix pour cette région ou le monde c’est une autre histoire.
21 réactions et commentaires
« M. Mouline est un historien du clergé et de la monarchie saoudienne. »
Il n’y aura pas de « clergé » musulman tant qu’il n’y aura pas de monastères, ou de couvents musulmans (sunnites)
L’influence des oulémas sur le pouvoir temporel est certainement inspiré des monarchies absolues chrétiennes et cette « occidentalisation » du pouvoir a pu à l’époque paraître « moderne ». Mais ce titre de « clercs de l’islam » (The Clerics of Islam) reste paradoxal et provocateur et dénonce une forme de mécréance chrétienne (présente dans le chiisme).
«Pour cela, il n’est pas d’autre moyen qu’un dialogue en vérité.
Ce dialogue est indispensable, et si je devais résumer mon point de vue, je dirais qu’une Eglise prétendant se désintéresser des questions temporelles n’irait pas au bout de sa vocation ; et qu’un président de la République prétendant se désintéresser de l’Eglise et des catholiques manquerait à son devoir.» – Emmanuel Macron Président de la République Française et Chanoine de Latran aux évêques de France (fille aînée de l’église) le 9 avril 2018.
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AlerterBonjour,
C’est une erreur fréquemment commise, par l’influence de l’orientalisme, de croire qu’il n’y a pas de clergé en Islam sunnite. De plus, une autre erreur fréquemment commise, elle aussi par influence de l’orientalisme, mais aussi savamment entretenue pour des raisons géopolitiques, est de faire un amalgame entre sunnisme et wahhabisme (ou salafisme).
En islam sunnite il y a clairement un clergé régulier, que l’on retrouve sous une forme non monastique (cf par exemple « un saint soufi du 20ième sicèle » de Martin Lings pour plus de détails). On retrouve également un clergé séculier, mais dont l’autorité repose sur la transmission de l’institution méthodologique elle même, pas sur ordination d’individuelle (cf le système de ijaza et de silsila).
Concernant le wahhabisme, il est une réforme de l’islam sunnite, qui s’en écarte sur des points fondamentaux, doctrinaux, idéologiques, et jurisprudentiels, tout en conservant certains corpus communs avec le sunnisme. Ne pas comprendre cela c’est passer à côté d’une partie du problème, car les services occidentaux ont massivement misé sur cet amalgame dans les années 70, 80, et 90.
Le clergé séculier s’appuie sur des règles similaires à ce qui existe dans l’Islam sunnite, avec un système de filiation différent et qui peine à constituer une légitimité du fait des conditions dans lesquelles la réforme wahhabite à été menée. Néanmoins, on peut effectivement noter une absence du clergé régulier dans la religion wahhabite, cette branche de la religion n’existant pas dans le wahhabisme, contrairement à une autre réforme de l’Islam sunnite, le ikhwanisme (frères musulmans) qui en a plus ou moins conservé certains principes (plutôt moins que plus).
A noter un rapprochement idéologique, ces dernières années, entre ikhwanisme et wahhabisme, grâce aux pétrodollars, en vue de faire du réformisme l’Islam majoritaire, et d’amoindrir l’influence du sunnisme (islam traditionnel majoritaire) et du chiisme, dans une logique non pas religieuse mais géostratégique, ce qui prouve, contrairement à ce qui est sous-entendu un peu partout, que le rapport de force entre la monarchie saoudienne et le clergé wahhabite est en réalité beaucoup plus complexe qu’on ne l’imagine.
La réalité c’est que l’orientalisme occidental et l’islamologie occidentale ont contribuer à flouter la compréhension de l’Islam et à propager, dans les milieux savants et populaires, des contre-vérités manifestes que les véritables chercheurs, qui ne sont pas affiliés (ou soumis…) aux compromis qu’imposent la science occidentale, énoncent et dénoncent depuis des lustres.
Ne pas tenir compte de tout cela revient à se voiler la face.
Ayant moi-même étudié l’Islam de très près dans différents pays musulmans je puis en témoigner.
Bien cordialement.
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AlerterBen çà alors,c’est encore la faute de l’occident dis donc! Et non,il n’y apas de clergé sunnite au sens occidental et même chiite du terme. Aucune structure verticale et n’importe quel gugusse opeut se proclamer imam ou mahdi. Al Azhar a une (toute relative )autorité doctrinale. Décid’emment,un jour peut-être comprendrez vous que l’Islam,sutout sunnitre, est une orthopraxie et pas une orthodoxie…je ne veux pas vous taquiner,mais vous en êtes très loin.
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AlerterBonjour,
Je ne dis pas que c’est de la faute de l’Occident, je dis que l’orientalisme, pour des raisons qui relèvent de l’ethnocentrisme, ne rapporte pas la situation dans son exactitude. Contrairement à ce que vous dites, en islam sunnite n’importe quel gugusse ne peut pas se proclamer imam, et n’importe quel gugusse ne peut pas émettre la fatwa. C’est effectivement le cas en Occident, particulièrement en France et en Belgique, de part la forte poussée de l’islam réformé, et dans le cas de la France par le vide laissé à cause des conditions de la présence de l’Islam en France et du laïcisme d’état (d’où une différence avec la Grande Bretagne par exemple).
En revanche, ce que je dis, c’est que l’Occident a effectivement profité des troubles issus du réformisme, dans certains cas les a même provoqué, pour des raisons géostratégiques.
Al-Azhar a une autorité doctrinale et jurisprudentielle, la fatwa autorisé par le grand moufti d’Al-Azhar fait effectivement autorité, comme c’est le cas par exemple pour Deoband dans le monde indien. Le clergé régulier de l’Islam sunnite répond lui aussi à des critères méthodologiques et de transmission. Par exemple, le Shaykh Rajab Dib, en plus d’être une autorité local en matière de Foi et de Loi, était une autorité spirituelle pour ceux qui ont fait veut d’engagement spirituel auprès de lui. Pour précision, Al-Azhar n’est pas le Vatican du sunnisme, mais un pole d’autorité parmi de nombreux autres.
L’islam réformé est effectivement une orthopraxie, je vous rejoins sur ce point. Mais l’Islam sunnite traditionnel est clairement une orthodoxie (cf par exemple les manuel pour débutants et leurs commentaires, comme le célèbre ibn Ashir), ni le chiisme, en ce sens qu’il ne distingue pas affiliation spirituelle et « orthodoxie pratique ».
Il est absolument nécessaire de bien comprendre tout cela pour analyser avec justesse et exactitude le cas saoudien et le poids réel du clergé wahhabite.
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AlerterJe vais faire dans le poncif mais on peut toujours rompre avec un doctrine, une religion, une politique après le veut on et avec quel prix à payer ?
De toute manière si une politique ou une religion vient à nuir à une région du monde elle finit par s’effondrer de l’intérieur ou par l’extérieur. Le Wahabisme ne fera pas exception après combien de temps cela prendra et à quel prix pour cette région ou le monde c’est une autre histoire.
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AlerterL’Eglise Catholique n’a pas renoncé d’elle-même à faire bruler ses opposants. Il a fallu la secouer et ça a pris du temps.
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AlerterVous commentez à travers notre lorgnette républicaine où théoriquement le législatif et l’exécutif sont séparés et l’influence de l’Eglise mise à la porte depuis plus d’un siècle laquelle durant des siècles fonctionna comme mairies, “Sécu” et Education nationale. L’ainé de la noblesse s’adonnait à la guerre, les puinés aux goupillons…
Or, l’auteur pose bien les rapports de force en présence :
« La monarchie saoudienne monopolise l’action politique et militaire ; les clercs wahhabites prennent en charge les sphères religieuse, juridique et sociale »
Le pouvoir religieux islamique quasi dans tous les pays musulmans, à des degrés divers, occupe et règle les domaines juridiques et sociaux… outre la religion.
Khomeni, interviewé à Neauphle le Château peu avant son départ, soulignait que la religion ne représentait que 10% des fonctions du Clergé; le reste du temps est dédié aux affaires juridiques et sociales (tribunaux, action sociale, banques-assurances, etc…)
Un système intégré que l’Occident voudrait détruire à son profit non seulement géostratégique mais aussi et surtout économique, car l’éclatement des rôles sociaux conduit à un individualisme producteur de PIB et consumériste : la fameuse croasssssance maintenant en panne dans nos sociétés dites développées et qu’on dope à coup de sur-crédits et taux zéro.
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AlerterStop ! On peut rompre avec tout ce qu’on veut, sauf avec le capitalisme, je n’ai jamais lu autre chose sur ce blog ou alors certains l’envisageaient en s’empressant de préciser que les moyens n’existaient pas ou que ce serait impossible, ouf !
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AlerterFabrice,
Malheureusement, ce wahhabisme n’est pas concentré au MO, ils ont réussit à gangréner beaucoup de pays, avec leurs pétro-dollars !
https://www.youtube.com/watch?v=APhJF5dNZ8U
Conférence « Dr. Saoud et Mr. Jihad, la diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite » par M.Conesa
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AlerterPourquoi il n’y a pas de monastère et de couvent dans l’Islam ? Lā rahbāniyya fī l-islām, « pas de monachisme en islam » : ce hadīth est-il reconnu comme authentique ? Cela a conduit les musulmans à affirmer l’absence de toute vie « monastique » dans le monde musulman.
Est-ce que cette impossibilité n’entraine pas fatalement la naissance d’idéologies comme le wahhabisme ?
Je veux dire qu’un musulman peut très bien vivre comme un moine et avoir des lectures rigoristes radicales, c’est son choix, mais pourquoi souhaite-t-il convertir les autres musulmans au monachisme ouvert, monachisme ouvert qui ressemble vraiment aux ordres prêcheurs chrétiens, ordres qui ont donné l’inquisition (dominicains) ?
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AlerterCe n’est pas un hadith… le non monachisme est cité dans le Coran. Il est dit que le monachisme n’a pas été demandé des disciples de Jesus (sourate Al Hadid, verset 27)
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AlerterMerci d’avoir pointé le verset exact :
« Puis, sur leurs traces, Nous avons envoyé nos messagers les uns après les autres. Et Nous avons envoyé Jésus fils de Marie et Nous lui avons donné l’Evangile. Et Nous avons mis douceur et mansuétude dans le cœur des gens qui le suivaient. Et ceux-là, lui ont inventé le monachisme. Nous leur avons rien prescrit d’autre que de recevoir l’agrément d’Allah. Alors qu’ils ne l’ont pas observé à bon droit. Ainsi, Nous avons donné leur récompense à ceux qui sont « âmenû » (qui souhaitent faire parvenir à Allah spirituellement avant la mort) mais beaucoup d’entre eux étaient des pervers. »
Je ne comprends pas ce passage car le monachisme n’existait pas encore, de quel mouvance chrétienne parle le Coran ? Il n’y a que les pharisiens alors qui avaient un habit qui les distinguaient des autres juifs, comme MOINE.
Mais théologiquement, selon Averroes, ce qui n’est pas prescrit n’est pas interdit. Comment est-on passé d’un non-prescrit a un interdit ?
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AlerterJuste en complément : les fatwas du Comité permanent d’Arabie Saoudite :
http://alifta.net/Fatawa/fatawaDetails.aspx?languagename=fr&BookID=9&View=Page&PageNo=1&PageID=1225
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AlerterBonjour,
En premier lieu, il faut préciser que la fatwa que vous rapportez est une fatwa réformiste, d’obédience wahhabite. Il est important de bien distinguer sunnisme et wahhabisme, qui sont deux choses différentes.
Pour ce qui est de l’Islam sunnite, la raison est que le monachisme vient imposer des restrictions qui empêchent l’individu d’accomplir sa mission adamite sur terre, à savoir bâtir la civilisation de la doi et en assurer la transmission de génération en génération, ce qui implique la centralité du mariage, de la famille, et de l’activité professionnelle, dans l’expression de la religiosité musulmane. En ce sens, imposer des restrictions qui empêche à l’individu d’accomplir le dessein de se création ne rentre pas dans la permissivité originelle.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, le monachisme existait depuis 300 ans lorsque le Coran fut révélé.
En revanche, l’Islam sunnite traditionnel dispose de branche de la foi qui se traduit par l’engagement de vœux spirituels, et d’un clergé régulier, mais qui ne se pratique pas dans le cadre d’un monachisme. Cette branche de la foi est complètement absente de l’Islam réformé (et non sunnite) wahhabite, et est également absent d’un autre islam réformé, lui aussi éloigné du sunnisme traditionnel, le ikhwanisme (les frères musulman).
Bien cordialement.
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AlerterParagaghe 1 : dans cette fatwa on peut lire : » Ceux qui ont inventé le monachisme ne l’ont pas observé comme il se doit, c’est-à-dire qu’ils ont manqué, au fil du temps, aux obligations qu’ils se sont prescrits de faire, pour se rapprocher d’Allah, comme ils le prétendent. Alors, Allah désapprouva leur innovation ». Comment peut-on écrire « comme il se doit ». Cet impératif catégorique sonne faux. Comment un musulman pourrait-il connaître l’impératif catégorique qui régule cette position religieuse alors qu’il ne la reconnait pas ?
On lit aussi « au fil du temps », comme si le temps était facteur de corruption et de mal.
Paragraphe 2 : vous dites que le monachisme » impose des restrictions qui empêchent l’individu d’accomplir sa mission adamite sur terre ». Est-ce à dire que tout musulman porte en lui cette mission indépendamment de son inscription au sein d’un clergé qui en contrôle la voie ? Un musulman naitrait donc musulman ? Il le serait génétiquement et culturellement par son père et par sa mère et par sa famille plus étendue ?
Paragraphe 3: Le monachisme existait oui. Mais c’était plutôt un cénobitisme et non un monachisme dont les règles sont rattachées à un clergé. Il faut quand même constater que ces réformes sunnites sont toutes nées en prison et cela ne doit pas être un hasard…
Paragraphe 4: Vous dites que ces deux réformes (wahhabisme et ikhwanisme) ne comportent plus d’instances accueillant des vœux spirituels, contrairement au sunnisme. Est-ce une prise de pouvoir temporelle sur le pouvoir spirituelle, selon vous ?
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AlerterBonjour.
Paragraphe 1 : Cette fatwa représente un point de vue wahhabite, donc je m’abstiendrai de commenter en profondeur, au regard de votre question, son contenu, étant de formation sunnite. En revanche, de ce que je sais du sunnisme (et je l ai étudié auprès de maîtres reconnus), la Foi, la Loi, et la Voie (les 3 premiers piliers de la religion), servent de perspective à l’accomplissement du dessein de la présence de l’Homme sur Terre, et de ce fait, une pratique qui aurait pour conséquence de couper l’individu de ce que l’on appelle aujourd’hui la vie quotidienne normale est perçu, d’un point de vue islamique, comme étant contre-initiatique.
Effectivement, le serviteur (synonyme d’être humain en général dans la littérature spirituelle musulmane) doit tout mettre en oeuvre pour bâtir la civilisation de la Foi et faire reculer la fin des temps, menace qui plane sur la tête de l’humanité comme une épée de Damoclès depuis la fin de la Révélation coranique. Par rapport à cela, notons également justement que la Révélation de l’Evangile constitue une réforme et un universalisme, et que l’Islam est la continuité de ce même universalisme destiné à préserver la dignité de l’être humain dans un contexte risque permanent d’effondrement. D’où le fait que dans un premier temps l’islam, en tant que nouvelle religion, était perçu par ses contemporains comme une nouvelle secte chrétienne.
Paragraphe 2 : Pas exactement. D’après la religion musulmane, effectivement, chaque individu est appelé à la foi, est potentiellement éligible à la sainteté, et est en charge d’établir le royaume de Dieu sur Terre. L’Islam est en effet un universalisme (qui ne renie pas cependant les différences culturelles, etc). Cependant, pour polir son miroir intérieur, il est demandé à l’être humain de se rapprocher d’un maître réalisé (et autorisé) qui saura le guider jusqu’à la réalisation intérieure et spirituelle. Ceci n’est pas une question de génétique ou de famille, mais il est vrai qu’un enfant de parents musulmans est considéré comme étant musulman.
Paragraphe 3 : les principes essentiels du monachismes étaient cependant déjà bien présent est la philosophie qui en découlait alimentait les débats théologiques de l’époque, rien d’étonnant donc à ce que cela soit cité dans la Révélation. Mais ce n’était pas un phénomène majoritaire, d’où le fait aussi que la Révélation s’y attarde finalement très peu.
Paragraphe 4 : C’est une réalité factuelle, car le wahhabisme rejette la voie spirituelle et ses principes, et Hassan al Banna (fondadeur du réformisme dit des Frères Musulmans) a coupé avec son maître avant même qu’il développe son projet de réforme. Il a tenté cependant de conservé quelques aspects de la voie spirituelle (comme par exemple le ma’thurat) mais une partie simplement de l’externe, dénué de toute profondeur, là aussi il ne reste plus rien de la Voie. Oui je suis complètement d’accord avec vous, c’est une prise du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel, et c’est un marqueur de la Fin des Temps (pour rebondir avec plus haut), rien d’étonnant à ce qu’elle soit, à peu de chose près, concomitante avec le ralliement de l’Eglise (cf Vatican 2).
Il y aurait encore beaucoup à dire, ce sujet est passionnant.
Bien cordialement.
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AlerterMerci Rémy pour la connaissance offerte par vos commentaires.
Maintenant, prenons un exemple historique pour éclairer le débat. Lors de la découverte de l’Amérique, Cortez n’a pas combattu les aztèques pour une raison essentielle. Lorsque les conquistadores sont arrivés, il n’y avait que des hommes, c’est pourquoi les aztèques ont cru que c’était des Dieux. Ensuite, les prêtres ont recherché dans les écritures la trace de ce possible et ils en conclu que les conquistadores étaient des blancs attendus pour les sauver. Les prêtres aztèques ont commis une faute irréparable qui a entrainé la destruction quasi-totale de ce peuple.
– Sur le nouveau et la tradition :
On peut interpréter cela de plusieurs manières. Si les conquistadors sont le « nouveau » alors on comprendra que la tradition sacerdotale n’a pas pu comprendre cet événement et que plus généralement toute introduction du nouveau rend impossible la garantie des écritures. C’est pourquoi le nouveau doit être condamné, car il pourrait introduire une lecture fausse des écritures.
– Sur la ruse historique au sens hégélien : C’est la plus belle ruse de l’histoire. Car en fait si les Chrétiens avaient compris dès le départ que s’ils se déguisaient en Dieux, ils gagneraient immédiatement et sans combattre, ils se seraient déguisés en dieux. Le djihad ne sert donc à rien, il suffit simplement d’avoir une connaissance approfondie des textes des autres cultures.
– Monachisme :
Pourquoi une communauté d’hommes sans femmes a été prise par les aztèques pour des représentants de Dieu alors que les aztèques ne connaissaient rien du christianisme ou de l’Islam ? Le Coran peut-il répondre à cela ? Pourquoi une communauté d’hommes serait plus proche de Dieu qu’une communauté mixte ?
Qu’est-ce que cela veut-dire pour notre monothéisme ?
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AlerterBonjour.
L’engagement spirituel existe pourtant bel et bien en Islam, avec l’existence très claire d’un clergé régulier, mais qui ne se traduit pas par la voie monastique, effectivement « rejetée » en Islam.
Bien cordialement.
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AlerterAbsence remarquée des termes « dictature », « terrorisme », « régime », « torture », « décapitations », « corruption », etc…
Sinon merci pour l’analyse des progrès infimes laborieux de la société saoudienne, la volonté du « prince » (donc légitime dans un royaume, et donc pas du tout du tout un dictateur-fasciste-fondamentaliste-expansionniste, un « prince », comme dans Disney…) autorisant les femmes à conduire les Bentleys… Genre la saoudienne elle va garer sa voiture, poster ses selfies sans voile et bloguer critique…
On imagine les mêmes essayant de discerner une évolution vaguement positive dans l’entourage du président de La République Arabe Syrienne, aka le « boucher de Damas » (qui n’a pas envoyé ses sbires à New-York et au Bataclan), et on encouragera les mêmes promesses d’évolution encourageante des responsables locaux foireux vers une meilleure évaluation selon les critères yelp de l’occident otanisé.
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AlerterAbsence aussi du terme USA, et une timide référence bien insuffisante à « la période de l’après pétrole », probablement une coquetterie pour parler de l’ère du pétro-dollar.
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AlerterArticle nul qui pose une question pour répondre négativement ce qu’il pouvait faire en 2 lignes des le départ : le reste c’est du rappel historique et des considérations oiseuses.
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