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Liban : la nouvelle guerre d’Israël

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La pression croissante pour combattre le Hezbollah au Liban et pourquoi c’est si dangereux.

Source : Archive Today, Amos Harel
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Plus de neuf mois après le début de sa guerre contre le Hamas dans la bande de Gaza, Israël semble plus proche que jamais d’une deuxième guerre, encore plus importante, contre le Hezbollah à sa frontière nord. En juin, les Forces de défense israéliennes (FDI) ont annoncé que les plans d’une attaque de grande envergure dans le sud du Liban avaient été approuvés. À la mi-juillet, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré que le groupe chiite soutenu par l’Iran était prêt à étendre ses attaques à la roquette à un plus grand nombre de villes israéliennes.

Bien que cette éventualité ait été relativement peu évoquée dans les médias internationaux, une guerre à grande échelle entre Israël et le Hezbollah aurait des conséquences qui éclipseraient l’actuel conflit de Gaza. Un assaut aérien et terrestre israélien majeur contre le Hezbollah, le groupe le plus lourdement armé du Moyen-Orient, provoquerait probablement des troubles dans toute la région et pourrait s’avérer particulièrement déstabilisant au moment où les États-Unis entrent dans une phase cruciale de la saison des élections présidentielles. Il est également loin d’être évident qu’une telle guerre puisse se terminer rapidement, ou qu’il y ait un chemin clair vers une victoire décisive.

Les conséquences pour Israël lui-même pourraient être lourdes. Bien que les systèmes de défense aérienne israéliens aient été extrêmement efficaces jusqu’à présent contre les attaques de missiles en provenance de Gaza, du Liban, de l’Iran et du Yémen, une guerre totale avec le Hezbollah serait une tout autre paire de manches. Selon les estimations des services de renseignement israéliens, le stock d’armes du Hezbollah est plus de sept fois supérieur à celui du Hamas et comprend des armes bien plus meurtrières. Outre des centaines de drones d’attaque, il comprend quelque 130 000 à 150 000 roquettes et missiles, dont des centaines de missiles balistiques qui pourraient atteindre des cibles à Tel-Aviv et même plus au sud – en fait, en tout point du pays.

En outre, comme l’attestent les guerres précédentes, le Liban est un champ de bataille dangereux. La dernière guerre d’Israël contre le Hezbollah, à l’été 2006, n’a pas été concluante et, bien qu’elle ait tué plusieurs centaines de combattants du groupe, elle a laissé la puissance militaire du groupe largement intacte. Le Hezbollah est également bien mieux armé qu’il ne l’était à l’époque. Le commandement du front intérieur israélien estime que si un conflit de grande ampleur éclatait aujourd’hui, le Hezbollah lancerait quelque 3 000 roquettes et missiles chaque jour de la guerre, menaçant de submerger les défenses antimissiles d’Israël. Ce dernier devrait se concentrer sur la défense des infrastructures cruciales et des bases militaires, dire à la population civile de rester dans les abris anti-bombes et espérer que tout ira pour le mieux. Ce défi dépasserait de loin tout ce que les dirigeants israéliens ont eu à affronter jusqu’à présent.

Pour l’instant, les deux parties ont encore des raisons de faire preuve de retenue. En fait, il semble que tous les acteurs impliqués dans le conflit actuel – Israël, le Hezbollah, l’Iran, le gouvernement libanais et les États-Unis – aient de bonnes raisons d’essayer d’éviter une guerre régionale. Mais même si l’administration Biden parvient à conclure un accord entre Israël et le Hezbollah prévoyant le retrait des forces du Hezbollah de la zone frontalière, les dirigeants israéliens pourraient avoir du mal à ne pas répondre à une opinion nationale favorable à l’élimination du Hezbollah une fois pour toutes. Si Israël succombe à cette tentation sans avoir défini clairement une fin du jeu ou une stratégie pour limiter la guerre, les résultats pourraient être dévastateurs.

La grande guerre

Contrairement à la guerre inattendue qu’il a menée à Gaza, Israël se prépare depuis longtemps à une guerre contre le Hezbollah. Bien que les dirigeants militaires israéliens aient été totalement pris par surprise par l’attaque du Hamas du 7 octobre, ils prévoyaient depuis plusieurs années que le Hamas pourrait tenter de s’unir au Hezbollah et aux autres mandataires régionaux de l’Iran dans le cadre d’une attaque coordonnée sur plusieurs fronts contre Israël. Dans les années qui ont précédé son assassinat en 2020 par les forces américaines, Qasem Soleimani, qui dirigeait la Force Quds du Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran et supervisait les forces mandataires iraniennes au Moyen-Orient, a activement promu une nouvelle stratégie appelée « cercle de feu » : en soutenant et en armant une série de milices essentiellement chiites, la République islamique gagnerait en influence dans des pays tels que l’Irak, le Liban, la Syrie et le Yémen. Dans le même temps, il a resserré les liens avec la bande de Gaza contrôlée par le Hamas.

Ces milices, dont plusieurs se trouvaient aux frontières d’Israël, ont permis à l’Iran de dissuader l’armée israélienne, plus puissante, et à Téhéran de disposer d’une rampe de lancement prête à lancer des attaques. Au début de l’année 2023, Salah al-Arouri, un haut dirigeant du Hamas qui était alors basé au Liban et qui a contribué à renforcer les liens entre le Hamas et le Hezbollah, parlait publiquement de la nécessité « d’unir tous les fronts » contre Israël. Pour de nombreux responsables israéliens, le Hezbollah, le plus lourdement armé et le mieux entraîné de ces mandataires iraniens, représentait la plus grande menace. Le 7 octobre, alors que l’assaut brutal du Hamas se déroulait le long du périmètre de Gaza, les dirigeants israéliens se sont empressés de se préparer à une attaque encore plus importante du Hezbollah dans le nord.

Ainsi, dans la matinée et l’après-midi du 7 octobre, alors même que les dirigeants des FDI tentaient frénétiquement de sauver les communautés du sud d’Israël et les bases militaires autour de Gaza, ils positionnaient également des troupes massives à la frontière libanaise au cas où le Hezbollah déciderait de participer à l’opération. Bien que cette seconde tâche n’ait guère été mentionnée à l’époque, elle s’est avérée beaucoup plus fructueuse que la première. Dans le sud, où près de 1 200 Israéliens ont été tués et 255 enlevés par le Hamas, les FDI ont mis des heures, voire des jours, à reprendre le contrôle. En revanche, dans le nord, trois divisions israéliennes, comprenant des dizaines de milliers de soldats, ont été rapidement déployées et le Hezbollah a hésité, laissant passer l’occasion de frapper un Israël non préparé. « S’ils avaient été assez rapides », m’a dit un commandant de division des FDI, « nous n’aurions pu les arrêter qu’à Haïfa », la troisième ville d’Israël, située à environ 40 km au sud de la frontière libanaise.

En fait, le commandement nord de l’armée se préparait depuis des années à ce défi. Pourtant, le 7 octobre, les forces israéliennes à la frontière savaient que tout dépendait de Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah. Si le Hezbollah avait agi de manière plus décisive, la situation n’aurait probablement pas été très différente de ce qu’elle était autour de Gaza. Mais Nasrallah a choisi d’attendre. Le Hezbollah n’a réagi que le lendemain, et encore, en lançant un nombre limité de roquettes, de drones et de missiles antichars en direction des avant-postes des FDI et des communautés frontalières israéliennes. À ce moment-là, les FDI ont procédé à un déploiement massif à la frontière et ont commencé à riposter, bien qu’aucune des deux parties n’ait tenté de franchir la frontière.

En fait, le Hezbollah et son protecteur, l’Iran, ont été pris par surprise le 7 octobre, tout comme Israël. Comme l’ont confirmé plus tard les services de renseignement israéliens et des sources du Hamas, Yahya Sinwar, le chef du Hamas dans la bande de Gaza, n’a pas informé à l’avance ses partenaires de Téhéran et de Beyrouth de ses intentions. Rétrospectivement, les Israéliens estiment que s’il s’était confié à l’Iran et au Hezbollah, ils auraient réussi à intercepter certains de ces messages et à se préparer à stopper l’attaque. À l’époque, cependant, on n’en savait rien et les responsables israéliens ont craint le pire.

Ce jour-là, l’armée a pris une autre décision fatidique, approuvée par le gouvernement israélien : tous les résidents israéliens vivant à moins de 5 km de la frontière nord ont reçu l’ordre d’évacuer. En conséquence, quelque 60 000 Israéliens sont devenus des réfugiés à l’intérieur de leur propre pays, logeant pour la plupart dans des hôtels du pays, y compris à Tel-Aviv, aux frais de l’État. Au moment où l’ordre a été donné, on pensait qu’il serait temporaire. Personne n’imaginait que ces personnes seraient encore déplacées plus de neuf mois plus tard. Mais à peine ces villages et villes du nord d’Israël avaient-ils été vidés que le Hezbollah les a transformés en champ de tir, rendant nombre d’entre eux pratiquement inhabitables.

Les Israéliens se plaignent souvent que l’évacuation du nord a donné au Hezbollah une zone de sécurité de 5 km à l’intérieur d’Israël, bouleversant ainsi un statu quo à la frontière qui tenait plus ou moins depuis la guerre de 2006. Le fait que deux fois plus de citoyens libanais aient également été forcés de quitter leurs maisons, et ce dans une zone encore plus éloignée de la frontière, n’est pas d’un grand réconfort pour les Israéliens déplacés. Mais l’issue d’un débat intense au sein du gouvernement israélien sur l’opportunité de lancer une attaque massive contre le Hezbollah lui-même a sans doute été encore plus importante au lendemain du 7 octobre.

Ne faites pas cela

Si certains chefs militaires israéliens n’en faisaient qu’à leur tête, Israël aurait pu lancer une guerre contre le Hezbollah avant même le début de l’invasion de Gaza par les Forces de défense israéliennes. Le 10 octobre, le président américain Joe Biden a prononcé un discours important dans lequel il a promis l’aide des États-Unis à Israël contre le Hezbollah et l’Iran, y compris l’envoi de deux porte-avions dans la région. Il a également mis en garde les dirigeants iraniens d’un seul terme : « Ne faites pas cela. » Téhéran en a pris note.

À la Kirya, le quartier général de Tsahal à Tel-Aviv, certains officiers pleuraient en écoutant le discours du président. C’était la première bonne nouvelle depuis le début de l’horreur du 7 octobre. Néanmoins, le lendemain, le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant et certains généraux ont tenté de pousser le Premier ministre Benjamin Netanyahu à approuver une opération majeure contre le Hezbollah qui inclurait apparemment l’assassinat de hauts dirigeants du Hezbollah.

Mais Netanyahou savait que le « Ne fais pas cela » de Biden lui était également destiné. Il a compris également qu’une attaque majeure contre le Hezbollah aboutirait très probablement à une invasion terrestre du Sud-Liban, et il a douté que l’armée soit en mesure de mener des guerres féroces sur plusieurs fronts, quelques jours seulement après le massacre d’Israéliens par le Hamas, le 7 octobre. Netanyahou a donc fait quelque chose d’assez étrange, selon des fonctionnaires présents cet après-midi-là : il a demandé à son service de sécurité d’empêcher Gallant d’entrer dans le bureau du Premier ministre à Tel-Aviv. Lorsque Gallant a pu passer, plusieurs heures plus tard, la fenêtre d’opportunité pour une attaque aérienne avait été perdue.

Ce soir-là, Netanyahou a également décidé d’inviter Benny Gantz et Gadi Eisenkot, deux anciens chefs d’état-major de Tsahal et dirigeants du parti centriste de l’Unité nationale, au sein du cabinet de guerre nouvellement créé, ce qui permettrait au gouvernement de freiner certaines des idées les plus belliqueuses suggérées par Gallant ou par les dirigeants de ses autres partenaires de la coalition de droite. (Avec leur expérience militaire, Gantz et Eisenkot craignaient qu’une guerre immédiate au Liban ne soit trop lourde pour l’armée israélienne après le fiasco de Gaza).

Alors que la guerre à Gaza se poursuit, la situation le long de la frontière nord reste instable. Bien que les deux parties aient fait preuve d’une certaine retenue, Israël a décidé de recourir à l’escalade à plusieurs reprises. Début janvier, les forces israéliennes ont assassiné Arouri, le chef du Hamas, alors qu’il se trouvait dans la Dahiya, le quartier chiite du sud de Beyrouth, franchissant ainsi un seuil important, puisque les attaques israéliennes jusqu’au nord de Beyrouth ont été rares ces dernières années. Plus récemment, Israël a également assassiné trois des principaux commandants du Hezbollah. Tout au long de la guerre, l’armée de l’Air israélienne a fréquemment frappé des convois d’armes et parfois tué des agents du Hezbollah dans la vallée de la Bekaa, près de la frontière du Liban avec la Syrie. À la mi-juillet, le Hezbollah avait confirmé la mort de plus de 370 de ses combattants dans les frappes israéliennes depuis le début de la guerre à Gaza. Des dizaines d’hommes armés palestiniens et de civils libanais ont également été tués.

Le Hezbollah, quant à lui, a progressivement augmenté la portée et la quantité de ses propres tirs de roquettes. Du côté israélien, une trentaine de soldats et de civils ont trouvé la mort. Des villes et des villages ont été rasés de part et d’autre de la frontière. Les autorités israéliennes affirment que plus de 1 000 maisons et bâtiments ont été gravement endommagés par les attaques du Hezbollah. Des évaluations similaires ont été faites du côté libanais. Mais l’effet le plus important pour Israël jusqu’à présent pourrait être le déplacement à long terme de dizaines de milliers d’Israéliens.

Lorsque le gouvernement israélien a demandé aux habitants des villes situées près de la frontière nord d’évacuer, il répondait principalement aux craintes initiales de ces communautés de subir le même sort que leurs homologues près de Gaza : une invasion surprise des villes et des villages par le Hezbollah qui entraînerait d’horribles violences. Au cours des derniers mois, cependant, l’utilisation croissante par le Hezbollah de roquettes antichars, dont la portée peut atteindre 10 km et qui sont extrêmement précises et difficiles à intercepter, a suscité beaucoup d’inquiétude. Ces roquettes sont à l’origine de la plupart des dégâts et des victimes dans le nord du pays depuis le début des violences.

Le Radwan et la rivière

Au centre de l’impasse entre Israël et le Hezbollah se trouve l’occupation et l’armement par le groupe chiite des zones situées au sud du fleuve Litani, qui traverse le Sud-Liban non loin de la frontière israélienne. Selon l’accord de cessez-le-feu de 2006, le Hezbollah était censé rester au nord du Litani, sur les terres situées entre le fleuve et la frontière israélienne – la distance varie d’environ 12 km à l’est à 32 km à l’ouest – étant placées sous le contrôle de l’ONU. Seule l’armée libanaise aurait été autorisée à y avoir une présence militaire. Mais ces mesures n’ont jamais été appliquées et, dès le début, les forces du Hezbollah ont pris le contrôle de facto de la frontière avec Israël.

Ainsi, la principale exigence d’Israël est que les unités du Hezbollah, et en particulier les forces d’élite Radwan du groupe – des forces d’opérations spéciales conçues pour mener des raids et des attaques transfrontalières en Israël – doivent rester au nord du fleuve Litani. Au contraire, le Hezbollah a déclaré qu’il n’accepterait un futur cessez-le-feu que s’il prévoyait un retour au statu quo d’avant le 7 octobre, c’est-à-dire s’il permettait aux combattants du Hezbollah de retourner au sud du Litani. Dans un tel scénario, le groupe chercherait probablement à reconstituer les 20 avant-postes militaires qu’il a construits le long de la frontière il y a deux ans et que les Israéliens ont bombardés et détruits peu après le début de la guerre à Gaza.

Depuis la fin de l’année 2023, Amos Hochstein, l’envoyé spécial du président Biden dans la région, tente de négocier un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah. Mais le Hezbollah a clairement fait savoir qu’il continuerait à se battre tant que la guerre d’Israël à Gaza se poursuivrait. Début juillet, Washington a lancé une nouvelle tentative en faveur d’un accord sur les otages entre Israël et le Hamas, qui inclurait un cessez-le-feu à Gaza pendant que la première partie d’un échange de prisonniers serait mise en œuvre. Si ce plan aboutit – les chances semblent minces à l’heure actuelle – la Maison Blanche s’efforcera immédiatement de faire avancer les négociations israélo-libanaises. En ce qui concerne le front nord, les dirigeants de Tsahal considèrent un cessez-le-feu à Gaza comme un « moment décisif » qui permettrait de mettre fin aux hostilités dans le nord.

Mais les hypothèses américaines et israéliennes concernant une détente avec le Hezbollah sont peut-être trop optimistes. « Il est difficile d’envisager un accord durable à long terme », m’a dit Assaf Orion, ancien chef de la stratégie de Tsahal et chercheur à l’Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient. Compte tenu de ce qu’il appelle « l’excès de confiance du Hezbollah », il voit mal comment un accord négocié pourrait « répondre aux préoccupations d’Israël concernant la proximité du Hezbollah par rapport à la frontière et la menace des roquettes. »

Même si le Hezbollah acceptait la principale demande d’Israël et se retirait de la frontière, l’histoire montre qu’il est très peu probable que les combattants du Hezbollah restent à l’écart de façon permanente – ou qu’un acteur extérieur puisse imposer un tel retrait. Après le fiasco des services de renseignement israéliens le long du périmètre de Gaza, comment les communautés du nord d’Israël pourraient-elles être rassurées sur le fait que les FDI ne manqueront pas des signaux similaires à la frontière libanaise ? Il est d’ores et déjà évident que les FDI devront déployer en permanence des forces importantes dans le nord et autour de Gaza. Toutefois, même dans ce cas, il appartiendra aux habitants de ces régions de décider si la situation est sûre. S’ils ne sont pas convaincus, nombre d’entre eux ne reviendront pas.

Shimon Shapira, un analyste israélien du Hezbollah, pense que Nasrallah espère éviter une guerre totale avec Israël. Il considère cependant qu’une nouvelle escalade, même involontaire, est tout à fait possible. L’une des parties pourrait décider de porter un coup préventif à l’autre, craignant que son adversaire ne prépare une attaque surprise similaire. Par exemple, si le Hezbollah maintient ses forces en état d’alerte dans le sud, les services de renseignements militaires israéliens pourraient supposer à tort que le groupe se prépare à une opération immédiate et répondre par une force massive.

Le calendrier pourrait également contribuer à renforcer le soutien d’Israël à la lutte contre le Hezbollah. Alors que l’année scolaire commence le 1er septembre, de nombreuses familles du nord perdent patience. Les responsables des municipalités locales du nord craignent que, sans action gouvernementale, de nombreuses familles choisissent de quitter définitivement la région. Il est notoire que le gouvernement Netanyahou a négligé les communautés situées en première ligne de la guerre – et bien qu’un bureau spécial ait été créé pour répondre aux besoins des habitants du sud, aucune mesure en ce sens n’a été prise dans le nord. Ces dernières semaines, les dirigeants de l’opposition se sont emparés de l’incapacité du gouvernement à assurer la sécurité autour de la frontière nord, et Netanyahou pourrait en conclure que le temps presse.

Damné si vous le faites

La situation insoutenable à la frontière nord a placé le gouvernement israélien devant un dilemme. Bien que Netanyahou et Gallant aient menacé le Hezbollah et l’État libanais de destruction absolue si le Hezbollah lançait une guerre totale, aucun des deux ne semble vouloir d’un tel scénario aujourd’hui.

Il convient de rappeler que le Hezbollah a été créé à la suite de la première invasion israélienne du Liban en 1982, lors de ce que l’on appelle aujourd’hui la Première guerre du Liban. En 2000, le Hezbollah avait réussi à chasser les Israéliens de leur zone de sécurité autoproclamée dans le sud du Liban, obligeant les FDI à se retirer complètement face à l’inquiétude croissante de l’opinion publique israélienne concernant les pertes militaires. Ensuite, la guerre qui a éclaté en juillet 2006 s’est terminée après 34 jours par un triste match nul qui a laissé les deux parties mécontentes, mais aussi méfiantes à l’égard d’une nouvelle confrontation directe de grande ampleur. De nombreux analystes israéliens soupçonnent le Hezbollah de s’être bien préparé pour le prochain round.

Si Israël est entraîné dans une guerre à grande échelle, on peut raisonnablement supposer que les forces de défense israéliennes préfèreront un conflit à distance, dans lequel elles s’appuieront principalement sur leur supériorité aérienne et leurs capacités de frappes précises. Les généraux israéliens organiseraient probablement aussi une incursion terrestre, mais il est peu probable qu’ils fassent poursuivre les forces israéliennes au nord du Litani. Une telle initiative risquerait de disperser leurs forces, surtout si la guerre à Gaza se poursuit pendant ce temps. En juillet, la Knesset a approuvé un projet de loi visant à étendre le service militaire obligatoire à trois années complètes afin de compenser le manque de troupes.

Des responsables israéliens ont également laissé entendre que l’armée était confrontée à une grave pénurie de bombes et d’obus de précision à Gaza, ce qui pourrait entraver considérablement une offensive simultanée au Liban. En ce qui concerne les forces terrestres, malgré le succès militaire relatif obtenu à Gaza, le défi au Liban serait différent. Bien que le Sud-Liban soit vraisemblablement presque vide de civils, le Hezbollah est beaucoup plus sophistiqué que le Hamas. Les FDI seraient probablement capables de remporter la bataille du Sud-Liban, mais au prix d’un lourd tribut pour leurs forces. Israël devrait également prendre en compte les risques pour l’ensemble de son front intérieur, y compris des villes comme Tel-Aviv et Haïfa, qui seraient probablement exposées à des tirs de roquettes continus, y compris des missiles guidés plus sophistiqués que le Hezbollah a reçus de l’Iran au cours des dernières années.

Israël s’est retrouvé à la place de l’Ukraine, mais a rapidement été traité comme une autre Russie.

Certains politiciens et généraux israéliens soutiennent qu’il existe une solution intermédiaire : en augmentant la pression militaire sur le Hezbollah pendant quelques jours, le Hezbollah, craignant une guerre totale et la destruction qu’elle entraînerait au Liban, hésiterait et se retirerait de la frontière. Il s’agit là d’un dangereux vœu pieux. En réalité, une fois que ce type d’escalade serait en cours, il serait très difficile pour Israël de dicter au Hezbollah le moment où la guerre devrait s’arrêter. Si, par exemple, Netanyahou décide de frapper des cibles à Beyrouth, Nasrallah pourrait décider de riposter en frappant Tel-Aviv. Et si une partie de cette attaque passait à travers les défenses antimissiles d’Israël, la pression serait énorme pour une guerre plus importante qui menacerait inévitablement les populations civiles des deux parties.

Pour l’instant, les deux parties continuent de chercher à rétablir la dissuasion, malgré l’escalade des attaques. Nasrallah a parlé publiquement d’une équation stratégique, dans laquelle son groupe choisit des cibles en réponse aux actions israéliennes. Les deux parties sont pleinement conscientes de la dévastation qui résulterait d’une guerre à grande échelle. Les frappes aériennes israéliennes pourraient entraîner en quelques jours la destruction massive de toutes les infrastructures civiles appartenant à l’État libanais. Il est peu probable que les États du Golfe se portent volontaires pour payer la facture après une telle dévastation – et jusqu’à présent, l’Iran n’était disposé qu’à aider directement le Hezbollah et la communauté chiite au Liban. Le Hezbollah, quant à lui, avec son énorme arsenal, pourrait envoyer les Israéliens dans des abris antibombes pendant des semaines.

Si un conflit armé complet se produit, il pourrait ne pas être bref. Il est possible que le Hezbollah, encouragé par l’Iran, tente une guerre d’usure, espérant qu’elle conduise progressivement à l’effondrement d’Israël, comme l’ont imaginé les dirigeants de la ligne dure de Téhéran. En suivant de loin la guerre en Ukraine, de nombreux Israéliens ont craint d’être confrontés à un scénario similaire : une guerre sans fin, destinée à épuiser la volonté et les capacités du pays, jusqu’à ce qu’il succombe à la pression extérieure. Ce qu’ils n’avaient pas prévu, compte tenu de l’invasion brutale et de l’attaque des communautés israéliennes par le Hamas le 7 octobre, c’est qu’Israël se retrouverait effectivement à la place de l’Ukraine, mais qu’en cherchant à se défendre, il serait traité, par de nombreux pays occidentaux et dans les médias internationaux, comme une autre Russie, presque un État paria. (Le gouvernement russe, bien sûr, se réjouit de la prolongation de la guerre à Gaza, car elle détourne l’attention de l’Occident et les ressources des États-Unis de sa propre campagne sanglante en Ukraine).

Pas de porte de sortie

Pendant la guerre entre Israël et le Hamas, j’ai tenu à me rendre à la frontière nord d’Israël toutes les deux ou trois semaines, afin de suivre les événements sur ce deuxième front de la guerre, qui pourrait bien devenir le principal. C’est une expérience frustrante. Autrefois la plus belle région d’Israël, elle est aujourd’hui marquée par un conflit militaire de moyenne intensité. Dans les villages situés le long de la frontière, de nombreuses maisons sont totalement détruites, principalement par des roquettes antichars Kornet de fabrication russe – fournies au Hezbollah via l’Iran – qui causent plus de dégâts que les roquettes Katioucha sur lesquelles le Hezbollah s’appuyait dans le passé.

Lors d’une de mes récentes visites, je me suis rendu dans les fermes de Shebaa, la zone contestée située à l’est de la frontière nord, que les Israéliens appellent le mont Dov. Un commandant de brigade des FDI m’a expliqué que lorsque les soldats de certains avant-postes partent en permission, ils doivent le faire à pied, car il est trop dangereux de laisser de gros véhicules pénétrer dans une zone qui est continuellement exposée aux roquettes antichars du Hezbollah. Le long de la route menant à un avant-poste, j’ai pu voir les restes d’un camion civil touché par une roquette en avril. Son conducteur, un citoyen arabe israélien, a été tué.

À la mi-juillet, je suis allé voir un ami, officier de réserve de l’armée qui est en service actif depuis octobre. Il vit dans un kibboutz de Galilée occidentale, à environ un kilomètre de la frontière, et sert à proximité. Sa famille envisage maintenant de retourner dans leur maison après neuf mois d’exil forcé. La maison manque aux enfants. (Bien qu’il appartienne aux familles elles-mêmes de décider de leur retour, peu d’entre elles l’ont fait). Pourtant, il n’entrevoit toujours pas de sortie prochaine. « Nous nous sommes plutôt bien défendus, mais ces succès tactiques ne se traduisent pas par une victoire stratégique », m’a-t-il dit. « La plupart de nos actions ne sont qu’une réaction aux évènements qui se produisent le long de la frontière. »

Toutefois, si la situation explose, la région frontalière – et les deux pays – connaîtront une situation inédite : une véritable guerre qui entraînera des dommages sans précédent pour les populations civiles et les infrastructures nationales. La guerre actuelle à Gaza a déjà montré à quel point ce type de conflit peut facilement se prolonger. Et à en juger par les guerres passées entre Israël et le Liban, il est peu probable qu’elles se terminent de manière satisfaisante.

Amos Harel est analyste en matière de défense pour le journal israélien Haaretz et co-auteur de 34 jours : Israël, le Hezbollah et la guerre du Liban.

Source : Archive Today, Amos Harel, 23-07-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Lt Briggs // 02.09.2024 à 20h24

« Compte tenu de ce qu’il appelle « l’excès de confiance du Hezbollah » (…) »

J’ai plutôt l’impression que c’est Israël qui pêche par excès de confiance. Ses victoires militaires au cours des décennies passées se sont traduites par l’absence de réel effort de paix de sa part. Même des alliés arabes sont traités sans le moindre égard. L’armée israélienne a ainsi repris le contrôle du corridor de Philadelphie au sud de Gaza en mai dernier, humiliant par là même l’Égypte. Les frappes tous azimuts menées régulièrement par l’aviation israélienne (Au Liban, en Irak, en Syrie…) et faites en violation totale des espaces aériens représentent des victoires tactiques et flattent sans doute l’orgueil de son armée, mais ne règlent rien sur la durée.

« Ce qu’ils n’avaient pas prévu, compte tenu de l’invasion brutale et de l’attaque des communautés israéliennes par le Hamas le 7 octobre, c’est qu’Israël se retrouverait effectivement à la place de l’Ukraine »

Comparaison plus que douteuse. Israël a bien été attaqué le 7 octobre, mais n’a jamais été dans la position de l’Ukraine. Cette dernière fait face à un pays presque 4 fois plus peuplé et doté de l’arme nucléaire. Israël est la 17e armée du monde selon le classement de Globalfirepower. Quant au Hamas, il ne figure bien évidemment pas dans le classement… D’autre part, dire qu’en « cherchant à se défendre, Israël serait traité, par de nombreux pays occidentaux et dans les médias internationaux, comme une autre Russie, presque un État paria » est tout simplement mensonger.

5 réactions et commentaires

  • landstrykere // 02.09.2024 à 12h51

    il n’y a plus le contexte des années 80 au Liban avec des phalangistes maronites collaborant avec Israel (le clan Gémayel et Ariel Sharon). Israel voulait utiliser le Liban comme dépotoir à Palestiniens.. Les Gémayel furent considérés comme des traîtres par les autres clans chrétiens et par les laïcards socialistes et le Bachir en paya le prix. L’entêtement d’Israel et des Etats-Unis à vouloir forcer la chose n’a fait qu’endommager de plus en plus le Liban. La gabegie de l’administration centrale et son inutilité dans le sud où c’est le Hezbollah qui a construit des services sociaux ont même amené un niveau de sympathie envers les Chiites de la part de bon nombre de chrétiens. Les Chiites ne font pas de prosélytisme et cohabitent sans problèmes à côtés des autres.
    40% du Liban est chiite.
    En cas de guerre d’envergure le Hezbollah va bénéficier d’un certain niveau de mécanisme d’union sacrée.
    Jamais le Liban n’a connu autant de problèmes que depuis qu’Israel est là, et l’attitude agressive anti-chrétienne d’une nouvelle génération de juifs fondamentalistes n’arrange pas les choses.
    Le clan Frangié, chrétiens du nord et pro-syrien est ouvertement allié militaire déclaré du Hezbollah.

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  • Savonarole // 02.09.2024 à 16h37

    Et pendant qu’on récite le crédo de « la défense de la terre sacrée données par Dieu contre les terroristes barbares » , les M16A4 distribués sans réstrictions aux colons de Cisjordanie font ce pour quoi ils ont été fabriqués.
    Plus on a d’image et plus on est en droit de se dire que c’est pas un conflit (du kaki qui tappe sur du kaki) , c’est un gerbotron ! /bleuargh

      +5

    Alerter
  • Lt Briggs // 02.09.2024 à 20h24

    « Compte tenu de ce qu’il appelle « l’excès de confiance du Hezbollah » (…) »

    J’ai plutôt l’impression que c’est Israël qui pêche par excès de confiance. Ses victoires militaires au cours des décennies passées se sont traduites par l’absence de réel effort de paix de sa part. Même des alliés arabes sont traités sans le moindre égard. L’armée israélienne a ainsi repris le contrôle du corridor de Philadelphie au sud de Gaza en mai dernier, humiliant par là même l’Égypte. Les frappes tous azimuts menées régulièrement par l’aviation israélienne (Au Liban, en Irak, en Syrie…) et faites en violation totale des espaces aériens représentent des victoires tactiques et flattent sans doute l’orgueil de son armée, mais ne règlent rien sur la durée.

    « Ce qu’ils n’avaient pas prévu, compte tenu de l’invasion brutale et de l’attaque des communautés israéliennes par le Hamas le 7 octobre, c’est qu’Israël se retrouverait effectivement à la place de l’Ukraine »

    Comparaison plus que douteuse. Israël a bien été attaqué le 7 octobre, mais n’a jamais été dans la position de l’Ukraine. Cette dernière fait face à un pays presque 4 fois plus peuplé et doté de l’arme nucléaire. Israël est la 17e armée du monde selon le classement de Globalfirepower. Quant au Hamas, il ne figure bien évidemment pas dans le classement… D’autre part, dire qu’en « cherchant à se défendre, Israël serait traité, par de nombreux pays occidentaux et dans les médias internationaux, comme une autre Russie, presque un État paria » est tout simplement mensonger.

      +7

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  • Bouddha Vert // 03.09.2024 à 21h14

    Il y a comme un vent de lassitude, une pause, qui permet d’entendre que sur le territoire d’Israël, Tsahal n’a plus le charisme d’un goldorak, la population civile s’inquiète et Netanyaou joue dans un conflit où seul contre tous, le sort en est jeté!
    La CPI vient de rendre jugement
    Le monde change.

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  • Myrkur34 // 04.09.2024 à 07h11

    La guerre et les massacres/pertes civiles/crimes de guerre du tout venant, vont pouvoir continuer au minimum jusqu’à fin octobre 2026.

    https://fr.timesofisrael.com/les-prochaines-elections-israeliennes-fixees-au-27-octobre-2026/

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