La « Coalition Vandenberg » veut que Trump donne la priorité à Israël et maintienne l’Iran comme ennemi numéro un.
Source : Responsible Statecraft, Jim Lobe
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Un néoconservateur de premier plan pendant la majeure partie du dernier demi-siècle a publié une série exhaustive de recommandations sur la politique au Moyen-Orient pour la nouvelle administration Trump, qui sont presque toutes des idées que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son parti Likoud seraient heureux d’adopter.
Le rapport de 16 pages, intitulé « Deals of the Century : Solving the Middle East » [Transactions du siècle : résoudre le dossier du Moyen Orient, NdT], est publié par la Coalition Vandenberg, fondée et présidée par Elliott Abrams, qui a occupé des postes de haut niveau en politique étrangère dans toutes les administrations républicaines depuis Ronald Reagan (à l’exception de celle de George H. W. Bush), notamment en tant qu’envoyé spécial pour le Venezuela, puis pour l’Iran pendant le premier mandat de Trump.
Créée peu après l’entrée en fonction de l’ancien président Biden, la Coalition s’est comportée comme le Projet pour le nouveau siècle américain (PNAC), une organisation dont l’acronyme a servi de plaque tournante et de plate-forme aux néoconservateurs pro-Likoud, aux nationalistes agressifs et à la droite chrétienne pour mobiliser le soutien du public en faveur de la « guerre mondiale contre la terreur » ; de l’invasion de l’Irak en 2003 et de l’abandon d’une solution à deux États pour le conflit israélo-palestinien ; en particulier sous l’administration de George W. Bush, au sein de laquelle Abrams a été assistant spécial du président et directeur principal pour les affaires du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord. Il a survécu à un certain nombre de purges de néoconservateurs de premier plan dans cette administration après que l’occupation de l’Irak ait dégénéré.
Le nouveau rapport appelle sans surprise la nouvelle administration à « utiliser tous les éléments de la puissance nationale [américaine] » pour empêcher l’Iran, « la plus grande menace pour les intérêts américains au Moyen-Orient et la cause de la plupart des problèmes de sécurité de la région », de se doter d’une bombe nucléaire. Il décrit Israël comme « notre allié fondamental dans la région », auquel Washington devrait fournir toutes « les armes dont il a besoin [pour] l’aider à gagner la guerre et empêcher une escalade plus importante. »
Les recommandations demandent également à Washington de maintenir sa présence militaire en Irak et en Syrie, de suspendre toute aide aux Forces armées libanaises (LAF) « jusqu’à ce qu’elles démontrent leur volonté de s’opposer au Hezbollah, d’accélérer les ventes d’armes américaines et d’élargir la coopération en matière de renseignement avec les Émirats arabes unis », et de renforcer la coopération militaire et sécuritaire avec l’Arabie saoudite à condition qu’elle « s’éloigne de la Chine et de la Russie. »
Il demande également aux Saoudiens « d’accroître leurs engagements en matière d’investissements directs étrangers dans les industries américaines » et de « cesser leurs déclarations publiques » critiques à l’égard d’Israël et favorables à l’Iran. Le rapport insiste sur le fait qu’une coopération accrue avec l’Arabie saoudite doit être subordonnée à l’obligation pour les Saoudiens de dire clairement de quel côté ils se situent.
Washington devrait également désigner les Forces de mobilisation populaire (PMF) irakiennes, soutenues par l’Iran et les milices apparentées, comme des organisations terroristes étrangères (FTO) et cesser de s’engager avec elles sur le plan politique, et travailler avec le Conseil présidentiel de direction du Yémen soutenu par l’Arabie saoudite contre les Houthis, dont la désignation comme FTO par l’administration Trump la semaine dernière a été applaudie dans le rapport. En ce qui concerne le nouveau gouvernement syrien, le rapport indique que les sanctions en vigueur, qui ont contribué à paralyser l’économie du pays, ne devraient pas être levées « à moins que le nouveau gouvernement ne prouve qu’il est un acteur responsable », bien qu’il ne décrive pas en détail ce que cela signifie.
Outre le statut de l’Iran en tant qu’ennemi numéro un dans le rapport, un mépris particulier a été réservé au Qatar, qui a joué un rôle central dans la médiation entre Israël et le Hamas concernant le sort des Israéliens détenus à Gaza et des Palestiniens détenus en Israël. Un mépris similaire est réservé à l’Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas, à diverses agences des Nations unies, notamment « l’infâme [sic] UNRWA », qui travaille avec les réfugiés palestiniens et leurs familles dans tout le Moyen-Orient depuis plus de 70 ans, et aux hauts fonctionnaires des Nations unies chargés des droits humains qui s’occupent du conflit israélo-palestinien en particulier. Washington « devrait cesser immédiatement tout financement à l’UNRWA » ainsi qu’à la FINUL, la force de maintien de la paix des Nations unies déployée le long de la frontière israélo-libanaise, à moins que ses troupes ne soient autorisées à affronter les forces du Hezbollah dans la région et ne fassent preuve de la volonté nécessaire pour le faire.
Quant au Qatar, il « s’est employé à saper les intérêts américains en coopérant avec l’Iran et en abritant des groupes terroristes comme le Hamas », selon le rapport. « Avec de bien meilleurs amis comme les Saoudiens, Washington n’a plus besoin de tolérer le comportement déstabilisant du Qatar, et devrait donc délocaliser le quartier général avancé du Commandement central des États-Unis hors de la base aérienne Al Udeid au Qatar et révoquer le statut d’allié majeur non membre de l’OTAN de Doha, à moins que son comportement ne change. Ce statut devrait être conféré aux Émirats arabes unis, selon le rapport, à condition qu’ils « réduisent leur dépendance à l’égard des fournisseurs russes et chinois » d’équipements militaires.
Le rapport, qui décrit à plusieurs reprises la politique de l’administration Biden au Moyen-Orient comme un « apaisement », principalement à l’égard de l’Iran, rappelle au lecteur que Trump a déclaré le mois dernier que « le Moyen-Orient va être résolu », une phrase qui a sans aucun doute inspiré le titre du rapport : « Transactions du siècle : résoudre le Moyen-Orient. » Alors que le rapport indique qu’il est le fruit d’un « groupe de travail d’experts du Moyen-Orient », aucun nom autre que ceux d’Abrams, Gabriel Scheinemann et Daniel Samet, ces deux derniers néoconservateurs de l’Alexander Hamilton Society, n’apparaît dans le rapport. Normalement, les rapports des organisations à en-tête mentionnent leurs contributeurs.
En présentant ce qu’il appelle les « principaux intérêts américains au Moyen-Orient », le rapport place « l’empêchement de l’Iran de développer une arme nucléaire en tête de liste », mais exprime également son inquiétude face aux percées du Parti communiste chinois dans la région, notant que le PCC est le « principal adversaire mondial » de Washington. En écho à la guerre mondiale contre le terrorisme, Washington devrait également « refuser aux terroristes djihadistes un refuge sûr », une référence en partie due à la nécessité ressentie par les auteurs de maintenir les forces américaines en Syrie et en Irak.
Mais « l’alliance de l’Amérique avec Israël est au cœur des intérêts américains dans la région, étant donné qu’elle promeut les valeurs américaines au Moyen-Orient et fournit la première ligne de défense contre l’agression iranienne. » En outre, Washington devrait essayer d’étendre les accords d’Abraham, et « la question palestinienne ne doit pas entraver la normalisation d’Israël avec les pays arabes et musulmans ou compromettre sa sécurité ». Washington doit « veiller à ce qu’Israël dispose des outils nécessaires pour se défendre. »
Un autre intérêt est d’élargir l’accès de nos alliés et partenaires en Europe et ailleurs aux approvisionnements énergétiques de la région, selon le rapport.
Pour accroître la pression sur l’Iran, Washington devrait non seulement rétablir la campagne de « pression maximale » de Trump, mais aussi convaincre la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne de « rétablir les sanctions » contre Téhéran à l’ONU. Fait remarquable peut-être, il offre la possibilité d’un nouvel accord nucléaire qui « interdirait l’enrichissement de l’uranium iranien au-delà des petites quantités nécessaires à un programme nucléaire civil », une close que le JCPOA de 2015 appliquait déjà en fait, avant que Trump, sous l’influence de néoconservateurs comme Abrams, ne s’en retire en 2018. Si un accord peut être conclu, selon le rapport, il devrait être traité comme un traité, c’est-à-dire soumis à un vote à la majorité des 2/3 au Sénat.
En ce qui concerne les Palestiniens, à la suite des 15 derniers mois de guerre à Gaza, « la politique américaine à l’égard des Palestiniens doit donner la priorité à la sécurité d’Israël et de nos partenaires arabes. » Washington « doit imposer des normes de bonne gouvernance. » Les États-Unis devraient « permettre à un organe de tutelle arabe de contrôler la bande de Gaza après la guerre. » Dans des termes qui doivent réchauffer le cœur de Netanyahou, le rapport note que « la faiblesse et l’incompétence de l’Autorité palestinienne signifient qu’elle ne peut pas gouverner Gaza » et qu’« Israël devra maintenir le contrôle de la sécurité pour empêcher le Hamas de se reconstruire, mais ne doit pas et ne souhaite pas gouverner Gaza lui-même. »
Abrams a une longue histoire avec la Palestine et la bande de Gaza, notamment sous l’administration Bush. Après la victoire inattendue du Hamas sur son rival, le Fatah, lors des élections de 2006, saluées comme les plus libres et les plus justes du monde arabe à l’époque, Abrams et d’autres hauts fonctionnaires ont encouragé l’organisation d’un coup d’État armé contre le Hamas, mené par le chef local du Fatah et favori d’Abrams, Muhammad Dahlan, qui a déclenché une brève guerre civile dans l’enclave, dont le Hamas est sorti victorieux et plus fort que jamais. Après ce fiasco, Dahlan s’est installé aux Émirats arabes unis, et l’on a beaucoup spéculé sur le fait qu’il pourrait jouer un rôle clé au nom des Émirats si le type de « tutelle arabe » aux côtés des forces de sécurité israéliennes était mis en place, comme le recommande le rapport.
La recommandation la plus originale est peut-être celle qui affirme que les alliés non étatiques de l’Iran dans la région utilisent généralement des non-combattants comme boucliers humains – une approbation apparente de la défense par Israël de ses bombardements d’immeubles, d’écoles et d’autres bâtiments à Gaza et au Liban au cours des 15 derniers mois, qui ont tué plus de 46 000 personnes, dont la plupart sont des femmes et des enfants. « Les États-Unis devraient proposer une résolution du Conseil de sécurité qui stipule que l’utilisation de boucliers humains est un crime en vertu du droit international et que ceux qui utilisent des boucliers humains sont responsables des morts civiles qui en résultent », conseille le rapport.
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Jim Lobe est rédacteur collaborateur de Responsible Statecraft. Il a été chef du bureau de Washington d’Inter Press Service de 1980 à 1985, puis de 1989 à 2015.
Les opinions exprimées par les auteurs sur Responsible Statecraft ne reflètent pas nécessairement celles du Quincy Institute ou de ses associés.
Source : Responsible Statecraft, Jim Lobe, 28-01-2025
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Commentaire recommandé
Dommage pour le Monde que de telles personnes occupent des fonctions élevées dans leurs pays.
Dommage pour les populations du Monde que ces types font, écrives et annoncent que pour eux il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et de la Femme.
Dommage pour l’humanité d’être diriger par de telles personnes.
Dommage pour le Droit, l’égalité et la paix !
Nadji Khaoua, pr.
Economic Philosophy, Prospective.
Independant researcher.
pr.nadjikh@gmail.com
3 réactions et commentaires
Dommage pour le Monde que de telles personnes occupent des fonctions élevées dans leurs pays.
Dommage pour les populations du Monde que ces types font, écrives et annoncent que pour eux il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et de la Femme.
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Nadji Khaoua, pr.
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Independant researcher.
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AlerterEt qu’en est-t-il du Gaz naturel au large de Gaza :
https://www.energymagazinedz.com
https://www.middleeasteye.net/fr/opinion-fr/guerre-israel-palestine-gisement-gazier-gaza-milliards-dollars
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AlerterA mon avis c’est le nerf de la guerre d’où la volonté de « dégager » les Palestiniens de Gaza.
Quant aux projets immobiliers de résidences de luxe sur la bande Gaza (y a une belle plage), ça fait plus d’un an que j’ai vu des maquettes sur le futur de cet endroit, sur internet.
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