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12.mai.202312.5.2023 // Les Crises

Noam Chomsky : « Les fous sont devenus les maîtres de l’asile »

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Le 20 mars, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies a publié son dernier rapport. Le nouveau rapport du GIEC, rédigé par des scientifiques de haut niveau, indique que nous n’avons plus du tout de temps à perdre pour lutter contre la crise climatique. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a déclaré : « Le niveau d’augmentation des températures au cours du dernier demi-siècle est le plus rapide depuis 2 000 ans. Les concentrations de dioxyde de carbone n’ont jamais été aussi élevées depuis au moins 2 millions d’années. La bombe à retardement qu’est le changement climatique est déclenchée. » Lors de la COP 27, il a déclaré : « Nous sommes sur l’autoroute qui mène à l’enfer climatique, et nous avons le pied sur l’accélérateur. C’est la question cruciale de notre époque. C’est le défi central de notre siècle. » Ma question est la suivante : on pourrait penser que la survie est un enjeu galvanisant, mais pourquoi n’y a-t-il pas un plus grand sentiment d’urgence à s’y attaquer de manière substantielle ?

Source : Tom Dispatch, David Barsamian, Noam Chomsky
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

[Ce qui suit est extrait de la récente interview de Noam Chomsky par David Barsamian sur AlternativeRadio.org].

Noam Chomsky : Cette déclaration de Gutteres était extrêmement importante. Je pense qu’elle pourrait être encore plus énergique. Il ne s’agit pas seulement de la problématique cruciale de ce siècle, mais bien de celle de l’histoire de l’humanité. Nous sommes maintenant, comme il le dit, à un point où nous devons décider si l’expérience humaine sur Terre se poursuivra sous une forme que l’on connaît. Le rapport est clair et précis. Nous arrivons à un point où des processus irréversibles vont se déclencher. Cela ne veut pas dire que tout le monde va mourir demain, mais nous allons franchir des points de basculement où il n’y aura plus rien à faire, et à partir desquels nous entrerons dans un déclin vers la catastrophe.

Alors oui, il en va réellement de la survie de toute forme de société humaine organisée. Il y a déjà de nombreux signes d’un danger et d’une menace extrêmes ; jusqu’à présent ils apparaissent presque exclusivement dans les pays qui ont eu le rôle le plus modeste dans la genèse du désastre. On dit souvent, et à juste titre, que les pays riches ont engendré le désastre et que les pays pauvres en sont les victimes, mais c’est en fait un peu plus nuancé que cela. Ce sont les riches des pays riches qui ont créé le désastre, et ce sont tous les autres, y compris les individus pauvres des pays riches, qui sont aux prises avec les conséquences.

Mais alors, que se passe-t-il ? Prenons l’exemple des États-Unis et de leurs deux partis politiques. L’un d’entre eux est 100 % climato-sceptique. Le changement climatique n’existe pas ou, s’il existe, ce n’est pas notre affaire. La loi sur la réduction de l’inflation était principalement une loi sur le climat et Biden a réussi à la faire adopter, même si le Congrès l’a fortement édulcorée. Pas un seul Républicain n’a voté en sa faveur. Pas un seul. Aucun Républicain ne votera pour quoi que ce soit qui puisse porter atteinte aux profits des riches et des entreprises, dont de façon abjecte, ils sont les serviteurs invétérés.

Nous devons nous souvenir que cela ne va pas de soi. Revenons à 2008, lorsque le sénateur John McCain était candidat à la présidence. Il avait, dans son programme, un modeste volet sur le climat. Pas grand-chose, mais quelque chose quand même. Le Congrès, dont les Républicains, étaient d’accord pour faire quelque chose à propos de cette crise que tout le monde savait imminente. Le gigantesque conglomérat énergétique des frères Koch en a eu vent. Voilà des années qu’ils oeuvraient afin de s’assurer que les Républicains soutiendraient loyalement leur campagne de destruction de la civilisation humaine. Or là, on était confronté à une déviance. Ils ont lancé une immense campagne de corruption, d’intimidation, de désinformation, de lobbying pour ramener les Républicains un déni total, et ils ont réussi.

Depuis lors, c’est le principal parti négationniste concernant le climat. Lors de la dernière primaire républicaine avant l’arrivée de Trump au pouvoir en 2016, tous les ténors républicains en lice pour l’investiture présidentielle ont dit que soit il n’y avait pas de réchauffement climatique, soit il y en avait peut-être un, mais que ce n’était pas notre affaire. La seule petite exception, largement plebiscitée par les milieux libéraux, a été John Kasich, le gouverneur de l’Ohio. Mais en fait, il s’est révélé être le pire de tous. Ce qu’il a dit, c’est : bien sûr, le réchauffement climatique est en train de se produire. Bien sûr, les humains y contribuent. Mais nous, dans l’Ohio, nous allons exploiter notre charbon en toute liberté et sans nous en excuser. Ses propos ont été tellement bien accueillis qu’il a été invité à prendre la parole lors de la convention démocrate qui a suivi. Voilà, c’est là l’un des deux partis politiques. Pas le moindre signe d’inflexion parmi eux : courons à la destruction afin de nous assurer que notre principal électorat soit aussi riche et puissant que possible.

Qu’en est-il de l’autre parti ? Il y a eu l’initiative de Bernie Sanders, l’activisme du Sunrise Movement, et même Joe Biden a d’abord eu un programme climatique modérément décent – pas assez, mais c’était un grand pas en avant par rapport à tout ce qui s’est fait dans le passé. Cependant, son projet allait être réduit, étape par étape, par une opposition 100% républicaine et quelques Démocrates de droite, Joe Manchin et Kyrsten Sinema. Le résultat final en a été la loi sur la réduction de l’inflation, qui n’a pu être adoptée qu’en offrant des cadeaux aux entreprises du secteur de l’énergie.

Cela met en évidence la folie ultime de notre structure institutionnelle. Si vous voulez arrêter de détruire la planète et la vie humaine sur Terre, vous devez soudoyer les riches et les puissants, afin qu’éventuellement ils acceptent de vous suivre. Si nous leur offrons suffisamment de bonbons, ils arrêteront peut-être de tuer des gens. C’est ça le capitalisme sauvage. Si vous voulez obtenir quelque chose, il vous faut d’abord soudoyer ceux qui ont le pouvoir.

Et regardez où on en est. Le pétrole est devenu hors de prix et les entreprises du secteur de l’énergie disent : « Désolé les mecs, plus d’énergie durable. Vous détruire nous fait gagner bien plus d’argent, alors c’est ce que nous allons faire. Même BP, la seule entreprise qui semblait faire quelque chose, a dit en substance : « On fait plus de profit en détruisant tout, alors c’est ce qu’on va faire. »

Ce constat est devenu très clair lors de la conférence COP de Glasgow. John Kerry, le représentant américain pour le climat, était euphorique. Il a déclaré en substance que nous avions gagné. Les entreprises sont désormais dans notre camp. Comment pourrions-nous perdre ? Une petite note de bas de page a été relevée par l’économiste politique Adam Tooze. Il a reconnu que, oui, ils avaient dit cela, mais à deux conditions. Premièrement, oui, tant que c’est rentable, nous allons nous rallier à vous. Deuxièmement, il doit y avoir une garantie internationale que, si nous subissons des pertes, c’est le contribuable qui les couvre. C’est ce qu’on appelle la libre entreprise. Avec une pareille structure en place, on ne peut que difficilement s’en sortir.

Alors, que fait l’administration Biden ? Prenons le projet Willow. Pour l’instant, il autorise ConocoPhillips à lancer un projet majeur en Alaska, un projet qui permettra d’exploiter davantage de combustibles fossiles pendant des décennies. L’entreprise utilise des méthodes connues pour durcir le pergélisol de l’Alaska. L’un des grands dangers est que le pergélisol, qui recouvre d’énormes quantités de combustibles fossiles cachés, est en train de fondre, envoyant des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ce qui aura des effets dévastateurs. On durcit donc le pergélisol [ConocoPhillips envisage de refroidir artificiellement la zone de forage afin d’éviter que le dégel du pergélisol, causé par le changement climatique, ne déstabilise ses infrastructures pétrolières, NdT]. Un grand pas en avant ! Pourquoi faire ça ? Pour mieux exploiter le pétrole. Voilà le capitalisme sauvage qui est là, devant nos yeux, dans toute sa splendeur. Ne pas le voir demande du génie, mais c’est pourtant ce qui se passe.

Penchons-nous sur la façon dont réagit la population, Pew réalise régulièrement des sondages. Il a récemment demandé aux gens de classer par ordre de priorité une vingtaine de questions urgentes, et pourtant, la guerre nucléaire, qui est une menace aussi importante que le changement climatique, ne figurait même pas sur la liste. Le changement climatique est arrivé tout en bas de l’échelle. Le déficit budgétaire, qui n’est pas du tout un problème, a été classé comme plus important. Treize pour cent des Républicains – c’est presque du niveau d’une erreur statistique – pensent que le changement climatique est un problème urgent. Les Démocrates sont plus nombreux à le penser, mais c’est loin d’être suffisant.

La question est la suivante : des personnes qui se soucient de respecter des valeurs humaines essentielles, comme la survie, peuvent-elles s’organiser et agir de manière suffisamment efficace pour vaincre non seulement les gouvernements, mais aussi des institutions capitalistes destinées et conçues pour amener un suicide de la planète ?

Barsamian : C’est une question qui revient à chaque fois et on l’a entendue un million de fois : Les propriétaires de l’économie, les capitaines d’industrie, les PDG, ces gens là ont des enfants, des petits-enfants, comment peuvent-ils ne pas penser à leur avenir et les protéger plutôt que de les mettre en danger ?

Chomsky : Supposons que vous soyez le PDG de JPMorgan. Vous avez remplacé Jamie Dimon. Vous savez parfaitement qu’en finançant les combustibles fossiles, vous détruisez la vie de vos petits-enfants. Je ne peux pas lire dans ses pensées, mais je suppose que voilà ce qu’il pense : « Si je ne fais pas ça, quelqu’un d’autre sera nommé qui – et c’est la nature de ces institutions – cherchera à faire des profits et à obtenir des parts de marché. Si je suis mis à la porte, quelqu’un d’autre, qui n’est pas aussi sympathique et gentil que moi, prendra ma place. Moi, au moins, je sais que nous sommes en train de tout détruire et j’essaie quelque peu de limiter les dégâts. Cet autre n’en aura rien à faire. C’est la raison pour laquelle, en tant que bienfaiteur de la race humaine, je continuerai à financer le secteur des combustibles fossiles.

Il s’agit là d’une vision convaincante pour presque toutes les personnes concernées. Pendant 40 ans, les scientifiques d’ExxonMobil ont été largement à l’avant-garde dans la découverte des menaces et des dangers extrêmes liés au réchauffement de la planète. Pendant des décennies, ils ont informé leur direction que nous étions en train de détruire le monde et cette information est restée au fond d’un tiroir quelque part.

En 1988, James Hansen, le célèbre géophysicien, a témoigné devant le Sénat et a déclaré en substance que nous courions à la catastrophe. Il a bien fallu que la direction d’ExxonMobil et celles des autres entreprises en tiennent compte. On ne pouvait plus se contenter de garder le problème au fond d’un tiroir. Ils ont donc fait appel à leurs experts en relations publiques et leur ont demandé : « Comment devons-nous gérer cela ? » Et ceux-ci ont répondu : « Si vous démentez, vous serez immédiatement démasqués. Alors ne démentez pas. Laissez planer le doute. Dites que c’est peut-être vrai, ou peut-être pas. Que nous n’avons pas encore examiné toutes les possibilités. Que nous ne savons pas ce que sont les taches solaires, ni comment fonctionne la couverture nuageuse, alors contentons-nous de devenir une société plus riche et plus industrialisée. Petite note de bas de page, nous ferons beaucoup plus de profits et plus tard, si tout cela devait s’avérer exact, alors nous serons en meilleure position pour y faire face. »

Telle était la stratégie de communication. Des relations publiques très efficaces. Ensuite, les frères Koch et leurs semblables sont parvenus à acheter le parti républicain, ou ce qui était alors un parti politique, et en ont fait de purs climato-sceptiques, affirmant que tout cela était peut-être un canular des libéraux, et plus encore.

Les Démocrates y ont contribué par d’autres moyens. Les récentes élections dans les régions situées le long de la frontière du Texas ont été intéressantes : les Mexico-Américains, qui avaient toujours voté démocrate, ont voté pour Trump. Pourquoi ? Eh bien, c’est facile à imaginer : j’ai un emploi dans l’industrie pétrolière. Les Démocrates veulent m’enlever mon travail, détruire ma famille, tout cela parce que ces élites libérales prétendent qu’il y a un réchauffement climatique. Pourquoi devrais-je les croire ? Votons pour Trump. Au moins, j’aurai un travail et je pourrai nourrir ma famille.

Ce que les Démocrates n’ont pas fait, c’est aller sur place, organiser les gens, faire de la pédagogie et dire : « La crise environnementale va vous détruire, vous et vos familles. Vous pouvez trouver de meilleurs emplois dans les énergies durables et vos enfants ne s’en porteront que mieux. » En fait, là où ils l’ont fait, ils ont gagné. L’un des cas les plus frappants a été celui de la Virginie-Occidentale, un État producteur de charbon, cet état où Joe Manchin, le sénateur de l’industrie du charbon, a mis tant de bâtons dans les roues. Mon ami et collègue Bob Pollin et son groupe à l’université du Massachusetts, PERI, l’Institut de recherche en économie politique, se sont rendus sur le terrain et actuellement les travailleurs des mines réclament désormais une transition vers les énergies renouvelables. L’United Mine Workers a même adopté des résolutions appelant à celle-ci.

Barsamian : Qu’en est-il de ce qui se passe dans le secteur bancaire, compte tenu de l’effondrement de la Silicon Valley Bank, puis de la Signature Bank et des problèmes de la First Republic Bank ?

Chomsky : Tout d’abord, je ne prétends pas avoir d’expertise particulière en la matière, mais ceux qui en ont, des économistes sérieux et honnêtes, comme Paul Krugman, disent très simplement : nous ne savons pas. Cela remonte à près de 45 ans, quand il y avait une réelle vogue de la déréglementation. En déréglementant la finance, on passe à une économie basée sur la finance, tout en désindustrialisant le pays. C’est grâce à la finance qu’on gagne de l’argent, ce n’est pas en construisant des choses – il s’agit d’entreprises risquées qui sont très rentables mais qui conduiront à un krach, et l’on demande alors au gouvernement, c’est-à-dire au contribuable, de renflouer les caisses.

Il n’y a pas eu de crise bancaire majeure dans les années 1950 et 1960, période de forte croissance, parce que le département du Trésor a gardé le contrôle du secteur bancaire. À l’époque, une banque n’était qu’une banque. Vous aviez un peu d’argent en trop, vous le mettiez là. Quelqu’un venait et empruntait cet argent pour acheter une voiture ou envoyer son enfant à l’université. C’était ça la banque. Les choses ont commencé à changer un peu avec Jimmy Carter, mais c’est Ronald Reagan qui a déclenché l’avalanche. Des gens comme Larry Summers ont dit qu’il fallait déréglementer les produits dérivés et tout ouvrir. Les crises se sont succédé. L’administration Reagan s’est terminée par l’énorme crise de l’épargne et du crédit. Une fois de plus, on fait appel au gentil contribuable. Les riches gagnent beaucoup d’argent et les autres paient les frais.

C’est ce que Bob Pollin et Gerry Epstein ont appelé « l’économie de renflouement ». La libre entreprise, cela veut dire que vous gagnez de l’argent aussi longtemps que vous le pourrez, jusqu’à ce qu’une crise survienne et que le public vous renfloue. La plus importante de celles-ci a eu lieu en 2008. Que s’est-il passé ? Grâce à la déréglementation de produits financiers complexes, tels que les produits dérivés, et à d’autres initiatives de Bill Clinton, le secteur de l’immobilier s’est effondré, puis celui de la finance. Le Congrès a certes adopté une loi, le plan Paulson ou TARP, qui comportait deux volets. Premièrement, il s’agissait de renflouer les escrocs qui avaient provoqué la crise en accordant des prêts hypothécaires à risque, des prêts dont ils savaient qu’ils ne seraient jamais remboursés. Le deuxième volet consistait à faire quelque chose pour les gens qui avaient perdu leur maison, qui avaient été jetés à la rue à cause des saisies immobilières. Selon vous, quel est le volet que l’administration Obama s’est empressée de mettre en œuvre ? Cela a été un tel scandale que l’inspecteur général du département du Trésor, Neil Barofsky, a écrit un livre pour dénoncer ce qui s’était passé. Cela n’a pas eu d’effet. En réponse, de nombreux travailleurs qui avaient voté pour Obama en croyant à son discours d’espoir et de changement sont devenus des électeurs de Trump, se sentant trahis par le parti qui prétendait les défendre.

Barsamian : La guerre en Ukraine est entrée dans sa deuxième année et on n’en voit pas la fin. La Chine a proposé un plan de paix pour y mettre fin. Selon vous, et en restant réaliste, quelles sont les chances de succès d’un tel projet dans un avenir proche ?

Chomsky : Le Sud global appelle à un règlement négocié pour mettre fin aux horreurs avant qu’elles ne s’aggravent. Bien sûr, l’invasion russe était un acte d’agression criminel. Cela ne fait aucun doute. Les Ukrainiens ont le droit de se défendre. Je pense qu’il ne devrait y avoir aucun doute à ce sujet non plus.

La question est la suivante : les États-Unis accepteront-ils qu’il y ait des négociations ? La position officielle des États-Unis est que la guerre doit se poursuivre afin d’affaiblir sérieusement la Russie. En fait, les États-Unis tirent profit de cette situation. En n’utilisant qu’une toute petite fraction de leur colossal budget militaire, ils réduisent considérablement les capacités de leur principal adversaire militaire, la Russie, laquelle a une économie peu développée mais une très puissante armée. La question de savoir si c’est pour cela qu’ils agissent ainsi peut se poser, mais c’est la réalité.

De plus, le prétexte est tout trouvé : si nous continuons de soutenir la guerre, nous placerons l’Ukraine dans une meilleure position de négociation. Or en fait, elle sera probablement dans une situation bien pire, puisque ce pays est détruit par la guerre, économiquement. La quasi-totalité de son armée a disparu, remplacée par de nouvelles recrues à peine formées. La Russie souffre également beaucoup, mais si l’on considère leur puissance relative, qui sortira vainqueur de cette impasse ? Cela ne fait pas grand mystère. L’Ukraine va probablement être détruite et pourtant la position des États-Unis est la suivante : nous devons continuer, nous devons affaiblir sévèrement la Russie et, comme par miracle, l’Ukraine en sortira plus forte.

La Grande-Bretagne est sur la même ligne que les États-Unis. Mais qu’en est-il de l’Europe ? Jusqu’à présent, ses élites ont suivi les États-Unis. Ce n’est pas aussi évident pour les citoyens. À en juger par les sondages, l’opinion publique réclame des négociations. Le monde des affaires est très inquiet. De son point de vue, l’agression criminelle de Poutine était aussi un acte de stupidité criminelle. La Russie et l’Europe sont des partenaires commerciaux naturels. La Russie possède des ressources et des minerais, l’Europe quant à elle a de la technologie et de l’industrie. Et voilà que Poutine offre sur un plateau d’argent à Washington ce que les américains désiraient le plus. Il a dit : « Allez, d’accord Europe, devenez un satellite des États-Unis, cela veut dire que vous allez tout droit vers une désindustrialisation. »

Le magazine The Economist, entre autres, a averti que l’Europe allait vers une désindustrialisation si elle continuait à soutenir la guerre menée par les États-Unis et dirigée par l’OTAN, une guerre qu’une grande partie du monde considère désormais comme une guerre par procuration entre la Russie et les États-Unis se livrant aux dépens des cadavres ukrainiens. En fait, cela va bien au-delà. En réponse aux exigences des États-Unis, l’OTAN s’est étendue à l’Indo-Pacifique, ce qui signifie que les États-Unis ont l’Europe dans leur poche pour une confrontation avec la Chine, permettant de l’encercler grâce à un cercle d’États lourdement équipés d’armes de précision américaines.

Pendant ce temps, l’administration Biden a lancé une guerre commerciale pour freiner le développement de la Chine pendant une génération. Nous ne pouvons pas rivaliser avec eux, alors empêchons-les d’obtenir des technologies de pointe. Les chaînes d’approvisionnement dans le monde sont si complexes que presque tout – brevets, technologies, etc. – suppose une certaine implication des États-Unis. L’administration Biden estime que personne ne peut utiliser ces éléments dans ses relations commerciales avec la Chine. Imaginez ce que cela représente pour les Pays-Bas, qui ont l’industrie lithographique la plus avancée au monde, produisant des pièces essentielles pour les semi-conducteurs, les puces. Washington leur impose de ne plus traiter avec leur principal marché, la Chine, ce qui porte un coup très dur à leur industrie. Accepteront-ils ? Nous n’en savons rien. Il en va de même pour la Corée du Sud. Les États-Unis disent à Samsung, la grande entreprise sud-coréenne, qu’elle doit se couper de son principal marché parce que certains des brevets dont elle se sert sont américains. Il en va de même pour l’industrie japonaise.

Personne ne sait comment ils vont réagir. Vont-ils volontairement se désindustrialiser pour s’adapter à la politique américaine de domination mondiale ? Les pays du Sud – l’Inde, l’Indonésie, les pays d’Amérique latine – disent déjà qu’ils n’acceptent pas de telles sanctions. Cela pourrait déboucher sur une confrontation majeure sur la scène mondiale.

Barsamian : Rafael Grossi, directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique, a mis en garde contre les dangers posés par les réacteurs nucléaires en Ukraine. Les bombardements et les combats à proximité de ces réacteurs pourraient, selon lui, déclencher « une catastrophe nucléaire ». Pendant ce temps, l’administration Biden poursuit la « modernisation » des armes nucléaires américaines. S’agit-il encore une fois d’une de ces situations où ce sont les fous qui dirigent l’asile ?

Chomsky : Malheureusement, l’un des problèmes majeurs que Dan Ellsberg et quelques autres essaient de nous faire comprendre depuis des années est la menace croissante d’une guerre nucléaire. À Washington, les gens en parlent comme s’il s’agissait d’une plaisanterie : faisons une petite guerre nucléaire avec la Chine ! Le général de l’armée de l’air Mike Minihan a récemment pronostiqué une guerre avec la Chine dans deux ans. Cela dépasse l’entendement. Il ne peut y avoir de guerre entre puissances nucléaires.

En attendant, la planification stratégique des États-Unis selon Trump, renforcée par Biden, a consisté à préparer deux guerres nucléaires, l’une avec la Russie, l’autre avec la Chine. Oui, ces réacteurs nucléaires ukrainiens sont un problème majeur, mais cela va plus loin. Les États-Unis envoient actuellement des chars et d’autres armes à l’Ukraine. La Pologne envoie des avions à réaction. Tôt ou tard, la Russie va vraisemblablement s’attaquer aux voies d’approvisionnement (les analystes militaires américains sont un peu surpris qu’elle se soit retenue aussi longtemps). Des personnalités de haut rang de Washington se sont rendues à Kiev. Avez-vous souvenir de quelqu’un se rendant dans la capitale irakienne, Bagdad, lorsque les États-Unis la réduisaient en poussière ? Pas à ma connaissance. En fait, quelques volontaires de la paix avaient alors reçu l’ordre de quitter le pays, tant il était complètement réduit en ruines. L’Ukraine est durement touchée, mais si la Russie va plus loin et attaque l’Ukraine occidentale, y compris les voies d’approvisionnement, et peut-être même au-delà, alors des confrontations directes avec l’OTAN seront de l’ordre du possible.

En fait, l’escalade a déjà commencé. Jusqu’où ira-t-elle ? Certains, parmi les faucons, suggèrent que nous pourrions peut-être couler la flotte russe de la mer Noire. Et si cela devait se produire, les russes diront, merci, c’était bien joué, mais en fait on s’en fichait un peu de ces bateaux, non ?

En fait, pour en revenir au sondage Pew, parmi les menaces que les gens devaient classer ne figurait même pas la guerre nucléaire. Le seul mot qu’on puisse utiliser pour décrire cette situation est le mot folie.

Barsamian : En ce qui concerne les dangers planétaires, le traité START entre les États-Unis et la Russie a fixé des limites quant au déploiement des ogives nucléaires stratégiques. Récemment, la Russie a suspendu sa participation à ce traité. Quel en est le danger ?

Chomsky : La Russie a été vivement condamnée pour cela. À juste titre. Les actes de nature négative doivent être critiqués. Mais il y a un contexte dont nous ne sommes pas censés parler. L’accord de contrôle des armements a laborieusement mis 60 ans pour être élaboré. Beaucoup de travail et de négociations. D’immenses manifestations publiques aux États-Unis et en Europe ont conduit Ronald Reagan à accepter les propositions du dirigeant russe Mikhaïl Gorbatchev concernant le traité sur les missiles à courte portée intermédiaire en Europe, une étape très importante en 1987. Dwight D. Eisenhower avait commencé à réfléchir à un traité « ciel ouvert ». John F. Kennedy a pris quelques mesures. Au fil du temps, le projet s’est développé, jusqu’à ce que George W. Bush devienne président.

Depuis lors, le parti républicain démantèle systématiquement 60 ans de contrôle des armements. Bush a démantelé le traité sur les missiles antibalistiques. C’était un point crucial. Il est très dangereux pour la Russie d’avoir des installations ABM à proximité de sa frontière, dans la mesure où il s’agit d’armes de première frappe. Trump est arrivé avec sa boule de démolition et s’est débarrassé du traité FNI Reagan-Gorbatchev et, plus tard, du traité « ciel ouvert ». Il en avait également après le nouveau traité START, mais Biden est arrivé juste à temps pour accepter les propositions russes visant à le proroger. Aujourd’hui, c’est celui-là que les Russes ont suspendu. Tout ceci est une course au désastre et il se trouve que les principaux criminels sont le parti républicain des États-Unis. Ce qu’a fait Poutine doit être condamné, mais il n’est pas le seul à devoir l’être.

Barsamian : Les services de renseignement américains ont récemment publié leur évaluation annuelle des menaces. On y lit que « dans tous les domaines et dans de nombreuses régions, en tant que concurrent proche de ses homologues, la Chine est en capacité de tenter directement d’altérer l’ordre mondial fondé sur des règles, en faisant de plus en plus pression pour changer les normes mondiales ». L’expression « ordre mondial fondé sur des règles » appartient au registre du grand Orwell.

Chomsky : L’expression est intéressante. Aux États-Unis, si vous êtes un commentateur intellectuel et un érudit docile, vous tenez pour acquis que nous devons avoir un ordre fondé sur des règles. Mais qui fixe les règles ? Cette question là n’est pas posée parce que la réponse en est évidente : les règles sont édictées par le Parrain qui siège à Washington. La Chine les conteste désormais ouvertement et réclame depuis des années un ordre international régi par les Nations unies, soutenu par une grande partie du monde, en particulier par les pays du Sud. Il est cependant hors de questions que les États-Unis acceptent de ne pas fixer les règles, cela voudrait dire ne plus recourir à la menace, ou à l’utilisation de la force dans les affaires internationales, cela voudrait dire faire barrage à la politique étrangère des États-Unis. Pouvez-vous citer un seul président qui n’ait pas eu recours à la menace ou à l’usage de la force ? Et pas seulement dans le cadre d’actions criminelles massives comme l’invasion de l’Irak. Quand Obama dit à l’Iran que toutes les options sont envisageables si vous ne faites pas ce qu’on vous dit, il s’agit bien là d’une menace de recours à la force. Tous les présidents américains ont violé l’ordre international établi par les Nations unies.

Et voici une petite note de bas de page que vous n’êtes pas censé citer. Ils ont également violé la Constitution des États-Unis. Lisez l’article six, qui stipule que les traités conclus par les États-Unis sont la loi suprême du pays que tout représentant élu est tenu d’observer. Le principal traité conclu après la Seconde Guerre mondiale est la Charte des Nations unies, qui interdit la menace ou l’utilisation de la force. En d’autres termes, tous les présidents américains ont violé la Constitution, que nous sommes censés vénérer comme nous ayant été confiée par Dieu.

Dans ces conditions, la Chine est-elle en train de devenir un « concurrent crédible » ? Elle le devient dans les régions qui l’entourent. Les simulations de guerre organisés par le Pentagone semblent bien indiquer qu’en cas de guerre régionale concernant Taïwan, la Chine l’emporterait fort probablement. Bien sûr, cette seule idée est ridicule dans la mesure où toute guerre dégénèrerait rapidement en une guerre terminale. Mais voilà les jeux auxquels ils jouent. La Chine est donc un concurrent de taille. Agit-elle correctement et légalement ? Bien sûr que non. Elle a fortifié des rochers en mer de Chine méridionale. Elle viole le droit international, elle viole un jugement spécifique de l’ONU, mais elle s’étend.

Toutefois, la principale menace chinoise réside dans des initiatives telles que le rapprochement de l’Arabie saoudite et de l’Iran, qui mettent sérieusement à mal les politiques américaines visant à contrôler le Moyen-Orient depuis 80 ans. D’un point de vue stratégique, il s’agit de la « région la plus importante du monde », comme l’a déclaré le gouvernement, et la Chine est en train de s’en mêler, en élaborant un règlement politique qui pourrait réduire les tensions, voire faire cesser la terrifiante guerre au Yémen, tout en réconciliant le principal allié de Washington dans cette région, l’Arabie saoudite, et l’Iran, son principal ennemi. C’est intolérable ! Pour les États-Unis et Israël, c’est un sacré coup dur.

Barsamian : Votre livre de référence avec Ed Herman s’intitule La Fabrication du consentement. Si vous deviez aujourd’hui l’actualiser, vous remplaceriez certainement l’Union soviétique par la Chine et/ou la Russie et vous ajouteriez sans aucun doute le développement des réseaux sociaux. Que modifieriez-vous en plus ?

Chomsky : Ce serait là les points principaux. Les médias sociaux ne sont pas quelque chose de mineur. Ils ont un effet très complexe sur la société américaine. Revenons à l’invasion de l’Irak par les États-Unis. La majorité de la population pensait que Saddam Hussein était responsable du 11 septembre. C’était absurde, mais la propagande était telle qu’ils y croyaient. Les médias sociaux ne font qu’aggraver la situation. Une étude récente au sujet des jeunes gens, cette génération qu’on appelle Z, et sur leurs sources d’information, a révélé que presque plus personne ne lit les journaux. Presque plus personne ne regarde la télévision. Très peu de gens utilisent même Facebook. Ils s’informent via TikTok et Instagram. De quel genre de communauté parle-t-on quand les gens qui la composent s’amusent sur TikTok pour essayer de comprendre le monde ?

L’autre effet des médias sociaux est de pousser les gens dans des bulles qui s’auto-renforcent. Nous y sommes tous sujets. Les gens comme moi écoutent votre programme ou Democracy Now. Nous n’écoutons pas Breitbart. Et réciproquement c’est la même chose. De plus, un autre monstre est en train de naître, le chatbot avec intelligence artificielle, un merveilleux outil pour qui veut créer de la désinformation, générer de la diabolisation, se livrer à la diffamation. Il n’existe probablement aucun moyen de le contrôler. Et tout cela fait partie de la fabrication du consentement. Nous sommes les meilleurs et les plus brillants. Que tous ces gens là nous foutent la paix et nous dirigerons le monde dans l’intérêt de tous. Nous savons très bien comment cela marche.

Barsamian : Comment pouvons-nous lutter contre la propagande et quelles pratiques pouvons-nous adopter si nous voulons contrer le capitalisme sauvage ?

Chomsky : La façon de mettre en échec la propagande est de faire exactement ce que vous faites, en le faisant seulement de façon plus dynamique, plus engagée. En ce qui concerne le capitalisme sauvage, il existe deux étapes. La première marche, qui est aussi la moins haute consiste à éliminer la partie sauvage. Dire : revenons à ce que nous avions avant Reagan ne relève pas vraiment d’une utopie. Instaurons un capitalisme modéré dans lequel il y a encore des salaires décents, des droits pour les gens, etc. C’est loin d’être idéal, mais c’est beaucoup mieux que ce que nous connaissons depuis.

La deuxième étape consiste à se débarrasser du noeud du problème. Revenons aux premiers temps de la révolution industrielle aux États-Unis. Pour les travailleurs, il allait de soi que le contrat salarial était une atteinte totalement illégitime à leurs droits fondamentaux, faisant des ouvriers ce que l’on appelait ouvertement des « esclaves salariés ». Pourquoi devrions-nous suivre les ordres d’un maître pendant toute notre vie active ? On considérait cela comme une abomination. Du temps de LIncoln, dire que c’était intolérable était même devenu un des slogans du parti républicain. Ce mouvement a perduré jusqu’au début du XXe siècle avant d’être finalement écrasé par la « Peur rouge » de Woodrow Wilson, qui a pratiquement anéanti le parti socialiste et le mouvement ouvrier. On a assisté à un certain réveil dans les années 30, quoique dans une moindre mesure.

Et aujourd’hui, même cela a disparu. Les gens considèrent que leur but ultime dans la vie est d’être soumis aux ordres d’un maître pendant la majeure partie de leur vie active. Et cette propagande est très efficace, mais elle peut aussi changer. Il existe déjà des propositions de participation des travailleurs à la gestion qui sont tout sauf utopiques. Elles existent en Allemagne et dans d’autres pays et pourraient devenir réalité : Pourquoi ne pas reprendre l’entreprise à notre compte ? Pourquoi devrions-nous suivre les ordres d’un quelconque banquier de New York alors que nous pouvons gérer cette entreprise bien mieux ? Je ne pense pas qu’on en soit si éloignés que ça.

Barsamian : Les fous semblent diriger l’asile. Quels sont les signes de santé mentale qui permettent de contrer les fous ?

Chomsky : Il y en a beaucoup. Il y a beaucoup de militantisme populaire. Dans les rues. Les jeunes réclament que tous soient traités décemment. Une grande partie de ce mouvement est très efficace et très sérieuse. Extinction Rebellion, le Sunrise Movement. Sauvons la planète de la destruction. Beaucoup de voix s’élèvent. La vôtre, Democracy Now, Chris Hedges, de nombreux sites, Alternet, Common Dreams, Truthout, The Intercept, TomDispatch, bien d’autres encore. Toutes ces initiatives visent à créer un monde alternatif dans lequel les êtres humains peuvent survivre. Et ce sont là des signes d’espoir pour le monde.

Copyright 2023 David Barsamian et Noam Chomsky

Image principale : Noam Chomsky Mural par Tom Ipri est sous licence CC BY-NC 2.0 / Flickr

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David Barsamian, un contributeur habituel de TomDispatch, est le fondateur et l’animateur de l’émission de radio Alternative Radio et a publié des livres avec Noam Chomsky, Arundhati Roy, Edward Said et Howard Zinn, entre autres. Son dernier livre avec Noam Chomsky est Notes on Resistance (Haymarket Books, 2022). Alternative Radio, créée en 1986, est une émission hebdomadaire d’une heure concernant les affaires publiques, elle est proposée gratuitement à toutes les stations de radio publiques des États-Unis, du Canada, d’Europe et d’ailleurs.

Noam Chomsky est un contributeur régulier de TomDispatch, il est professeur émérite au département de linguistique et de philosophie du Massachusetts Institute of Technology et professeur lauréat de linguistique et titulaire de la chaire Agnese Nelms Haury dans le cadre du programme sur l’environnement et la justice sociale à l’université de l’Arizona. Il est l’auteur de nombreux ouvrages politiques à succès, traduits dans de nombreuses langues, dont les plus récents sont Optimism Over Despair, The Precipice et, avec Marv Waterstone, Consequences of Capitalism. Son dernier ouvrage s’intitule Notes on Resistance.

Source : Tom Dispatch, David Barsamian, Noam Chomsky, 06-04-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

patoche // 12.05.2023 à 08h38

La « psychiatrisation de l’autre » n’a pas été utilisée par Staline. Mais plutôt par Brejnev et de manière anecdotique: des dizaines de cas? Une centaine?
Rappelons que Soljénitsyne publia en Russie en 1962 « Une journée d’Ivan Denissovitch » qui établit l’existence de camps en Russie, avec le soutien de Khrouchtchev qui n’a pas fait que des conneries, la pire étant évidemment d’avoir offert La Crimée à l’Ukraine…
Méfions-nous de la diabolisation de la Russie orchestrée par l’occident et de l’hystérie russophobe qui l’accompagne. En France notamment.

24 réactions et commentaires

  • Patrique // 12.05.2023 à 07h10

    La psychiatrisation de l’autre, vieille technique totalitaire utilisée massivement par Staline notamment. L’obscurantisme est facilité par l’effondrement du système éducatif.

      +8

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    • patoche // 12.05.2023 à 08h38

      La « psychiatrisation de l’autre » n’a pas été utilisée par Staline. Mais plutôt par Brejnev et de manière anecdotique: des dizaines de cas? Une centaine?
      Rappelons que Soljénitsyne publia en Russie en 1962 « Une journée d’Ivan Denissovitch » qui établit l’existence de camps en Russie, avec le soutien de Khrouchtchev qui n’a pas fait que des conneries, la pire étant évidemment d’avoir offert La Crimée à l’Ukraine…
      Méfions-nous de la diabolisation de la Russie orchestrée par l’occident et de l’hystérie russophobe qui l’accompagne. En France notamment.

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      • Olivier // 12.05.2023 à 13h24

        vous racontez proprement n’importe quoi

        https://fr.wikipedia.org/wiki/Psychiatrie_punitive_en_URSS

        Psychatrie punitive en URSS.
        « Cette utilisation abusive acquiert un caractère plus fréquent en URSS entre les années 1930 et 1950 » et n’oublions pas Khrouchtchev.

        « Un des premiers hôpitaux psychiatriques dans lequel sont enfermées des personnes pour des raisons politiques semble être celui de Kazan (hôpital psychiatrique pénitentiaire de Kazan)7. De 1940 à 1970, 1 802 patients y décèdent, parmi lesquels 470 condamnés en vertu de l’article 58 du code pénal de la République socialiste fédérative soviétique de Russie et de l’article 54 du code pénal de la République socialiste soviétique d’Ukraine, c’est-à-dire pour des motifs politiques. Dans la colonie de travail pénitentiaire no 5, qui se trouvait dans l’île de Sviajsk, il existe, depuis 1956, une section de l’hôpital psychiatrique de Kazan où meurent 3 087 prisonniers, entre la fin des années 1930 jusqu’aux années 197013. « 

        Bref, mefions nous des sympathisants stalinien et autre glorification de l’idéologie mortifere que fut le communisme, ce totalitarisme aux mains pleine de sang.

          +4

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        • patoche // 12.05.2023 à 20h11

          Méfions-nous des assertions de wiki.
          Pourquoi le communisme, « ce totalitarisme aux mains pleines de sang » (tout en nuances) se serait casser le Q à aménager des pseudo hôpitaux psychiatriques destinés à éliminer des opposants alors qu’il était plus simple et plus économique de les cueillir à l’heure du laitier et de les faire disparaître…

          Les dissidents soviétiques psychiatrisés furent fortement soutenus par les médias occidentaux certains admirés comme des rock stars. J’avais lu le livre de l’un d’eux Boukovski, plutôt sympathique d’ailleurs.
          Assange quant à lui reste controversé et torturé depuis 10 ans…

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          • lenineforever // 12.05.2023 à 23h45

            Les 2 étaient pratiqués camarade et l’ancêtre du KGB étaient connu pour ses fourgons noirs cadenassés qui vous conduisait vers l’oubli définitif au moment du laitier…

            Kazan et son système concentrationnaire avait un rôle spécifique dans le système soviétique, celui de la terreur dirigée vers les opposants politiques qui n’ont plus été mélangé avec les droits-communs.

            Les persécutions sont largement documentées en-dehors de wikipedia et les livres abondent dont un grand nombre publiés en Russie sans oublier les archives du système concentrationnaire. N’est aveugle que celui qui ne veut pas voir.

              +4

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    • Grd-mère Michelle // 13.05.2023 à 13h06

      Constatation inquiétante, pour tout qui est attaché à la « correction » de l’information:
      alors que le titre de l’article (« Les fous sont devenus les maîtres de l’asile »)est attribué à N.Chomsky, on constate en le lisant que c’est D.Barsamian qui le prononce dans sa dernière question…
      Heu… peut-être est-ce bien N.Chomsky qui l’a prononcé, dans un autre texte?
      En tout cas, ici, il répond en évoquant le « militantisme populaire (que, personnellement, et le pratiquant, je préfère qualifier « d’activisme citoyen »)…en grande partie..efficace et sérieux ».

      Le « sérieux » peut-il être considéré comme un antidote à « la folie », comme un élément essentiel de « santé mentale »?
      Et qu’est-ce que la santé mentale? Les dernières avancées dans le domaine des sciences de la psychologie semblent s’entendre pour la définir comme un équilibre certain entre le réel, l’imaginaire et le symbolique, les trois composantes du « logos » (tout ce qui a trait au « discours ») qui nous permet d’appréhender et d’exprimer notre monde personnel et de comprendre celui des autres.
      Or, le principal objectif, la principale « raison », d’une « société » c’est de vivre ensemble,  » en étant tou-te-s traité-e-s décemment »(comme le réclament « les jeunes » que cite N.Chomsky).
      D’autres parlent plutôt de « dignité » que de « décence »…
      Il est certain que les propagandes tendancieuses, mensongeres, martelées de toutes les manières et par tous les « canaux », « réseaux », n’aident pas à l’entente cordiale entre les peuples.
      À remplacer par de l’information correcte et complète (désolée de « radoter »).

        +4

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  • Myrkur34 // 12.05.2023 à 08h33

    En fait le Pdg de JPMORGAN, qui s’il a des petits enfants, sait très bien qu’ils seront largement à l’abri du besoin et des prochains soubresauts mondiaux. Alors pourquoi se casser la tête ? (pour les 0.1% mondiaux)
    Donc que la piétaille meure ou souffre, que voulez-vous, c’est dans l’ordre des choses ou de la singularité de l’espèce humaine.
    Pensez vous réellement que les deux zouaves du Soudan (au pedigree déjà bien chargé) ont en quelque chose à faire des civils soudanais (leurs compatriotes) ?
    Encore plus cynique, l’on apprend aujourd’hui que les 2 parties ont signé un accord pour je cite » respecter les règles humanitaires » Si c’est pas du foutage de gueule intégral, qu’es ce d’autre ?

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/05/12/au-soudan-un-accord-entre-belligerants-pour-respecter-les-regles-humanitaires_6173040_3212.html

      +5

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  • Auguste Vannier // 12.05.2023 à 09h17

    « Bien sûr, l’invasion russe était un acte d’agression criminel. Cela ne fait aucun doute. Les Ukrainiens ont le droit de se défendre. Je pense qu’il ne devrait y avoir aucun doute à ce sujet non plus. »,
    Est-ce que c’est bien Chomsky qui dit cela, dans le fil d’une analyse critique solide mais qui laisse habituellement la place à des nuances?
    Cette concession « mécanique » à la doxa « occidentale » a quelque chose d’effrayant, comme si elle était la condition sine qua non de pouvoir parler de l’Ukraine sans risque de censure.

      +18

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    • Lt Briggs // 12.05.2023 à 13h47

      « Est-ce que c’est bien Chomsky qui dit cela, dans le fil d’une analyse critique solide mais qui laisse habituellement la place à des nuances? »

      Le fait de condamner un acte d’agression qui viole de façon ouverte la charte de l’ONU ne signifie pas qu’il n’a rien d’autre à dire à ce sujet. Je n’y vois pour ma part aucune concession à la doxa occidentale. La guerre ne devrait pas être un état normal des choses et toute agression doit être condamnée, sinon cela revient à toutes les justifier. Que les médias tiennent un discours lénifiant quand c’est l’occident qui agresse n’est pas de la responsabilité de Chomsky. Il est cohérent en condamnant toutes les agressions.

        +11

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      • Savonarole // 12.05.2023 à 14h50

        C’est pas facile de vivre 24/7/365 avec un pistolet chargé sur la tempe , ce que fait Chomsky c’est de nier que cela puisse constituer une agression caractérisée et nier la légitimité de la réponse ; ca parrait surprennant venant de lui mais c’est malheureusement devenu un prérequis pour pas se faire effacer, Carson ne l’avais pas compris et maintenant il ne peut plus en parler : Tucker Cancel.
        « Dans la vie, il y a ceux qui ont pistolet chargé et ceux qui creusent… »

          +13

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        • Lt Briggs // 12.05.2023 à 17h44

          Chomsky dans cet entretien n’accorde à aucun moment un blanc-sein à la politique étrangère américaine. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est blacklisté par les grands médias de son pays depuis des décennies. Il ne risque donc pas de se faire éjecter du grand cirque médiatique contrairement à Tucker Carlson, qui lui est parti en croisade télévisuelle contre les progressistes. Ses outrances ont fini par fâcher jusqu’à l’ultraconservateur Rupert Murdoch, son employeur. Rassurez-vous, Carlson saura rebondir. Il s’inscrit totalement dans le jeu de bascule qui structure la vie politique des Etats-Unis. Quand un républicain reviendra à la Maison blanche, il retrouvera toute sa superbe.

            +3

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    • lenineforever // 12.05.2023 à 15h06

      La doxa occidentale..lors du dernier vote en Assemblée Générale des Nations Unies l’invasion de l’Ukraine a été condamné par plus de 126 pays dont l’Inde ET la Chine. 40 pays se sont abstenus et seulement 5 ont voté contre.

      La doxa occidentale vraiment ? Chomsky n’est censuré par personne et ne risque pas lui 25 années de prison comme en Russie maintenant pour avoir oser critiquer l’invasion de l’Ukraine.

        +4

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  • RV // 12.05.2023 à 09h20

    « Oui, ces réacteurs nucléaires ukrainiens sont un problème majeur, mais cela va plus loin »

    http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=4887
    L’Ukraine crée un deuxième Fukushima au milieu du Dniepr
    …/… Une forte inondation et les bombardements de l’armée ukrainienne menacent de transformer la centrale nucléaire de Zaporijia en un « deuxième Fukushima ». Le niveau de l’eau dans le réservoir dépasse actuellement la marque critique de 2,5 mètres. Jusqu’en 2014, les autorités ukrainiennes essayaient d’éviter un « deuxième Tchernobyl », mais les bombardements de l’armée ukrainienne empêchent maintenant le personnel de la centrale de prendre des mesures préventives pour éviter un désastre. Dans quelle mesure la centrale nucléaire est-elle protégée contre les inondations et comment éviter le pire scénario possible? …/…

      +12

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    • Grd-mère Michelle // 12.05.2023 à 14h18

      @RV Ce que vous rapportez ci-dessus explique sans doute la brève info que j’ai entendue avant-hier au Journal Parlé de la Première, chaine de la Radio publique belge: l’armée russe quitte précipitamment (« en désordre ») la centrale atomique de Zaporijia, et le directeur de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique a communiqué son inquiétude à ce sujet, précisant que le « personnel » capable de la gérer y est désormais absent(en gros…).
      Depuis, plus aucun écho de cette situation alarmante…

        +2

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      • un citoyen // 12.05.2023 à 18h55

        Ce conflit n’a décidément pas fini de donner des infos contradictoires.
        R.Grossi, le directeur de l’AIEA, a dit sur lci avant-hier (10/05 16h22 – https://www.tf1info.fr/international/en-direct-guerre-ukraine-russie-mort-journaliste-francais-wagner-organisation-terroriste-poutine-zelensky-les-dernieres-nouvelles-du-conflit-mercredi-10-mai-2023-2256631.html) qu’il y aurait une évacuation partielle des civils du village Energhodar proche (5km) de la centrale, là où résident la plupart des proches du personnel, mais ne confirme pas (sa réponse est non sur ce point) une évacuation du personnel de la centrale.

          +0

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        • RV // 13.05.2023 à 09h24

          https://www.iaea.org/newscenter/pressreleases/update-157-iaea-director-general-statement-on-situation-in-ukraine
          12 mai 2023
          …/… La centrale nucléaire ukrainienne de Zaporizhzhya (ZNPP) dispose encore de suffisamment de personnel essentiel pour assurer son niveau d’exploitation réduit actuel, mais le manque persistant de personnel de maintenance sur le site pourrait avoir un impact négatif sur la sûreté et la sécurité nucléaires et n’est pas durable, a déclaré aujourd’hui le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), M. Rafael Mariano Grossi. …/…
          …/… Les experts de l’AIEA surveillent également la hauteur du réservoir de Kakhovka. La hauteur du réservoir a augmenté de manière significative au cours du mois dernier et, le 6 mai, elle a atteint des niveaux historiquement élevés de 17,12 mètres, ce qui a suscité des inquiétudes quant à la possibilité que ces niveaux élevés puissent avoir un effet négatif sur les activités de la centrale de Kakhovka. … / …

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  • GimmeShelter // 12.05.2023 à 09h51

    « La guerre froide » par Georges-Henri Soutou 600 pages relatant 40 années de communication quasi permanente entre les blocs. Kissinger constate que cette conversation vitale a cessé, il s’étonne d’entendre aujourd’hui des « responsables » américains plus haineux et plus bellicistes mais bien moins cultivés, obsédés de comm’ et prêts à toutes les plus dangereuses démagogies. Le Journalisme français est tombé amoureux de la guerre depuis son canapé, encourageant les « écolos » allemandes (et ministres ! ) qui déclarent «  nous sommes en guerre contre la Russie ». Macron en Chine lui commet une déclaration censée , un espoir vite oublié et tous le condamnent (« un faux pas » accuse le Figaro !) La guerre contre la réalité a gagné et les Oppenhheimer de l’ IA sont décorés à Bruxelles … Pour une vitrification éco responsable, pensons aux cafards qui nous survivront

      +15

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